La lecture est décidément une passion bien surprenante...
Il suffit de peu de choses pour se laisser embarquer, captiver, interpeller et ce, parfois, à contre-pied de l'avis des autres lecteurs.
Les opinions sont partagées concernant
Goat Mountain et je le comprends aisément.
On est plongé d'entrée de jeu dans une atmosphère oppressante, rude, implacable.
Comment admettre en effet qu'un gosse de 11 ans puisse être à ce point fasciné par les armes qu'il parvient à donner la mort sans rien ressentir ?
Homme ou gibier, aucune différence...
On lui a appris à chasser, à viser, à tirer, il s'exécute et ne comprend pas pourquoi son père et son grand-père, initiateurs de ce rituel, se braquent, s'offusquent.
Devenu adulte et narrateur, il relate et analyse.
Peut-il se trouver des excuses ?
Peut-on lui en vouloir d'avoir agi par instinct, d'avoir obéi à une pulsion ancestrale trouvant ses racines dans la Bible ?
Face à lui, deux hommes.
Son père, effrayé, tiraillé entre la peur, le dégoût et le lien paternel, et son grand-père, le patriarche admiré, craint, faisant figure de démiurge et donc détenteur du jugement suprême.
Quelle place est laissée à Tom, l'ami de toujours, impliqué malgré lui dans quelque chose qui le dépasse, dans un huis-clos familial qui l'effraie et le scandalise ?
David Vann signe ici un roman terrible dans tous les sens du terme.
Un parcours initiatique d'une brutalité suffocante.
D'autant plus violent qu'il s'en prend à la nature elle-même, profannant ce décor grandiose en répendant le sang.
L'importance de l'arme pour le gamin qui, même dans les moments calmes ne s'en sépare jamais, est effrayante.
Sa carabine, toujours dans ses mains, comme son alter-ego.
Et pourtant, on sent comme une dramatique innocence chez lui, une terrible erreur d'interprétation.
Dans un style particulier fait de phrases nominales, sans verbes, qui ajoute à l'ambiance oppressante, cassante,
David Vann nous propose une réelle réflexion sur la vraie nature humaine et son côté obscur.
Il établit un parrallèle avec l'histoire sainte que seuls quelques initiés, sans doute, pourront apprécier mais qui n'est pas tout à fait dénué de sens.
En cette période pascale plus précisément, le lien entre morts et vivants interpelle indiscutablement.
Roman totalement immersif,
Goat Mountain met mal à l'aise tant le récit est criant de réalisme.
Impossible de s'attacher à de tels personnages et des scènes parfois écoeurantes.
C'est pourtant cette capacité à absorber le lecteur, à le sidérer, qui fait de ce livre un bon livre.
N'en déduisez pas pour autant que je suis fascinée par la cruauté, mais j'avoue avoir été totalement immergée dans l'ambiance oppressante dont la montagne grandiose se fait le sombre écrin.
Avec moi,
David Vann a atteint son but, je ne peux donc que m'incliner et lui décerner 4 étoiles.
Le style seul me fait émettre quelques réserves.