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EAN : 9782070322398
256 pages
Gallimard (03/06/1983)
3.25/5   4 notes
Résumé :


"La Vie unanime se présente comme un poème unique, et non comme un recueil. A l'image de la cellule dans l'organisme, de l'individu dans l'unanime auquel il est incorporé, chaque poème est indépendant et partie d'un tout. Tantôt un titre marque son autonomie ; tantôt quelques mots d'un poème précédent sont mis en exergue, établissant comme un lien organique de l'un à l'autre ; tantôt aussi titre et exergue coexistent.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En fait ! J'ai rencontré ce texte alors que j'écrivais un des miens, "Magma Mater" et… immédiatement... j'ai failli cesser d'écrire. Et… jeter purement et simplement aux oubliettes ce que je faisais. Si ça avait été sur papier, j'aurais roulé en boule et envoyé au panier.

Ce texte… il est... tout simplement prodigieux ! du grand art ! Magnifique ! Impressionnant !
Une ‘Oeuvre' au sens premier du terme. Rien à enlever, rien à ajouter.
J'ai été ébranlé dans mes fondements, et ce n'est pas rien !
J'ai tout de suite été subjuguée par la puissance universelle de cette construction.
Je me suis dit à quoi bon, à quoi bon ma pitoyable écriture, mes mots insignifiants, face à ce monument intégral, qui se tenait là, en face de moi. Et quand je dis monument, c'est au sens architectural du terme, robuste, vigoureux, prodigieux, harmonieux, le Graal de l'eurythmie me semble atteinte dans cette oeuvre.
Sur le thème de la ville, il a tout dit. Il a fait le tour de la question, 360 degrés un tour complet et mieux que je ne pourrai jamais le faire.
C'est une cathédrale !
Et à l'intérieur d'un tel édifice, la seule chose qu'on puisse faire, c'est se taire et… admirer.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je suis la pointe aiguë.

La rue monte. Puis c'est un escalier. Enfin
Le trottoir s'aplanit, s'incline et redescend.

Or, sur l'étroit sommet où se joignent les pentes,
Des deux côtés, dans l'intervalle des maisons,
On aperçoit la ville jusqu'à l'horizon.
Et je viens m'y tenir ardemment immobile
Pour bien sentir que je la crains et que je l'aime.

Au sud je vois le boursouflement violet
Du centre, comme un poing trop serré qui bleuit.
Je vois les pierres qui appuient trop sur les hommes,
Et la chair qui résiste à l'étreinte des murs.

Là, tous les mouvements aux courbes divergentes,
L'itinéraire des passants et des voitures,
Les trains, les courants électriques, les idées
Se joignent en fagot par un bout de leur tige ;
Et, reliant dans une glu toutes les vies,
Un brouillard noir se lève au confluent des forces.

La masse, vers le sud est trop lourde ;
Elle expire un brouillard trop stagnant ;
J'y perçois tant de choses nouées,
Qu'un des prolongements de moi-même
A sans doute été pris et meurtri
Dans cette ligature étouffante.

Ce doit être un de ces filaments
Qui me continuent et qui m'attachent.
Qui sont mes branches et mes racines,
Par qui, depuis les maisons là-bas
Jusqu'aux cellules de mon cerveau,
Quelque chose d'ininterrompu
Où ce qui est la ville devient
De nuance en nuance mon corps,
Ondule, tremble, brûle, jouit.

C'est un mince filament qui saigne,
Qui se recroqueville, broyé
Sous le poids d'une église ancienne
Ou l'encombrement d'un atelier.
En une douleur, il me résume
Les tourments compliqués que recouvre
La brume,
Et c'est toute ma chair qui comprend d'un seul coup.

*
La ville, vers le nord, je l'aime. Le brouillard
Est du soleil nouveau qui fermente et qui mousse ;
Il en est tant tombé, de soleil, à la fois
Qu'il n'a pas eu le temps de se clarifier ;
Et l'ébullition blanche monte à mes pieds.
Elle est légère, elle est gazeuse de rayons ;
Elle est pleine d'aurore en mousse. Je ne puis
Empêcher qu'elle m'enlève. Je suis du liège.
Je ne pèse pas même autant que la clarté.

La ville vers le nord est bossue de faubourgs ;
Elle s'épanouit, elle gonfle, elle pousse ;
Elle s'exalte en excroissances palpitantes
Qui sont des embryons et des printemps de villes,
Où pullulent des hommes pauvres et musclés.
Hâtivement, ils se reproduisent et meurent.
Il y a plus d'enfants que de vieillards, au nord,
Il y a plus d'usines que d'églises.

Mues par les forces comprimées
Qui font ressort et se détendent,
Les maisons des faubourgs, au nord,
Ont l'air de ramper en avant.
Il semble qu'elles partent pour
Trouver plus loin du sol désert,
Pour s'y planter, pour assouvir
La faim de croître qu'ont les germes,
Et s'y multiplier chacune
Jusqu'à la taille d'une ville.

Au nord les usines arborent
Leur souffle en guise de drapeau,
Et se servent des cheminées.
Pour brandir parallèlement
Les héroïques fumées noires.
Mon sang le plus jeune réclame
Que je les suive, que je marche
Avec la masse des maisons.
Mon âme en haut de moi s'allonge
Et flotte comme les fumées.

Ville tu peux grandir et rouler vers le nord,
Je t'accompagnerai toujours sans m'essouffler.
Démolis ton enceinte, et saute l'horizon,
J'étirerai mes bras pour t'embrasser encore ;
Mon cœur s'élargira pour bien te sentir toute,
Et je te percevrai d'un bout à l'autre bout.

Existe, agis indéfiniment, ville aimée,
Ma conscience ira jusqu'où vont tes fumées.

p.156-157-158-159-160
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Unanime, je t’aime.

C’est le dimanche au soir ; je m’assieds sur le mail
Où sont des bancs de fer et des arbres taillés ;
Quelques gens devant moi se promènent et causent ;
Leur démarche est paisible et leur voix reposée.

Je ne la connais pas, cette petite ville ;
C’est la première fois que je touche sa vie ;
Elle porte un clocher pointu ; son nom me plaît ;
Moi je suis triste un peu de ne rien savoir d’elle.

Elle émeut délicatement, comme une femme
Qu’on vient d’apercevoir, qu’on se sent près d’aimer,
Et qui vous donne dans un seul de ses regards
La soif d’approfondir son âme et son passé.

Cette ville sous le crépuscule, il faudrait
Qu’elle ait un corps pareil au mien, et que je puisse
L’interroger tout bas en lui prenant les mains.

Je lui demanderais les secrets de son cœur.
Si ses hommes croient au bonheur, s’ils croient en Dieu,
S’ils lisent des romans, et si les jeunes filles
S’en vont, quand il fait chaud et que la clarté tombe,
Dans une église afin que l’ombre les caresse ;
Je lui demanderais pourquoi ses toits sont bleus.

Les rues ont une expression qui me pénètre
Mais qui me semble du mystère. Je devine
Que certaines maisons frémissent d’adultères.
Que, dans l’au-delà des croisées,
Entre les rideaux lourds, dans le règne des lampes,
Il y a de la chair qui ne veut pas dormir.

Est-ce que les enfants d’ici jouent aux soldats ?
Pour quelle mort, depuis tantôt, sonnent les cloches ?

Mon esprit solitaire est une goutte d’huile
Sur la pensée et sur le songe de la ville,
Qui me laissent flotter et ne m’absorbent pas.

Je voudrais m’infuser en elle, me glisser
Dans les joints de ses murs, à travers ses familles.
Être une omniprésence éparse sous les toits.

Nulle vibration ne passe d’elle à moi.
Et malgré mon désir, malgré ma jalousie,
Je l’ignore, et je suis pour elle, simplement,
Un corps qui s’est posé par hasard sur un banc.

p.211-212-213
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Unanime, je t'aime.

Une grande ferveur m'imprègne et me consacre ;
L'air nerveux de la rue aide mes mouvements ;
Je vais sur le trottoir, tandis que, longuement,
La ville me caresse avec un bruit de fiacre.

Le ruisseau qui s'appuie au bord de la chaussée
Renferme plus de ciel et d'astres que nos yeux.
Quels que soient les sursauts d'une chair, j'aime mieux
Un seul tressaillement de foule condensée.

N'importe quoi me charme ici. Rien ne m'indigne.
Le souffle d'un cheval m'arrive sur le cou.
J'évite, haletant, les omnibus. Le bout
D'un fouet glisse devant mes paupières qui clignent.

Je frôle la lueur îles globes électriques
Plus douce que les joues où poussent des poils blonds.
Ma volupté se calme et s'exalte, selon
Qu'il fait nuit ou qu'il fait soleil dans les boutiques.

Le trottoir, altéré d'action, me soutire,
Quand j'y pose le pied, de la force et du sang ;
C'est un bonheur d'aller sur l'asphalte épuisant.
Abandonnée au goût sensuel du martyre,

Ma personne veut qu'on la froisse et la bouscule.
Les grincements d'essieu sont de l'amour aigu.
Je ne me souviens pas d'avoir jamais vécu,
Ht d'être plus ancien que ce chaud crépuscule

Où les yeux ne voient pas de formes séparées,
Où Ton ne pense à rien qui ne semble total.
Chaque chose en prolonge une autre. Le métal
Des rails, et les carreaux éblouis ; les entrées

De maisons ; les passants, les chevaux, les voitures
Se rejoignent entre eux et rejoignent mon corps;
Nous sommes indistincts : chacun de nous est mort;
Et la vie unanime est notre sépulture.

Tassés les uns contre les autres, pêle-mêle,
Cadavres amoureux qu'une douceur emplit.
Voilà que nous tombons de sommeil et d'oubli
Dans les bras de la ville uniquement réelle.

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Un de ceux...

On ne m’a pas donné de lettres, ces jours-ci ;
Personne n’a songé, dans la ville, à m’écrire.
Oh ! je n’espérais rien ; je sais vivre et penser
Tout seul, et mon esprit, pour faire une flambée,
N’attend pas qu’on lui jette une feuille noircie.

Mais je sens qu’il me manque un plaisir familier ;
J’ai du bonheur aux mains quand j’ouvre une enveloppe,
Ma peau se réjouit en touchant le papier
Où persiste, au milieu des pages repliées,
La présence immatérielle d’un autre homme.

Et depuis ces trois jours que je n’ai rien reçu
Je glisse lentement dans un trouble malaise ;
Je suis presque gêné d’être ; j’ai comme honte
De moi-même ; un remords insaisissable pèse
Sur mon cœur qui avait failli se croire bon.
Mes bras ont des lourdeurs ; je n’ose pas sourire ;
Il me semble que l’air m’en veut quand je l’aspire.
L’amour autour de moi, la force au fond de moi
Se dispersent. La ville, en m’oubliant, me blâme.
Nulle part on ne songe à moi, je le vois bien,
Et je n’existe plus que dans mon corps mesquin.
J’ai des fourmillements mauvais par toute l’âme,
Une inquiétude à la cervelle, au bout des doigts,
Comme si... — qu’ai-je fait, hélas ! est-ce ma faute ? —
Le sang de la cité se retirait de moi.

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Le présent vibre.

En haut du boulevard le crépuscule humain
Se cristallise en arc électrique. Un bruit mince
Frétille. Le courant, qui s’acharne à passer
Et s’accroche aux buissons des molécules, saigne.
Les frissons de l’éther partent en trépignant.
La foule du trottoir a repris confiance.
L’ombre appelait les cœurs et les menait danser
Sur des airs de chansons alanguis ou obscènes,
Loin, dans la solitude et dans le souvenir.
Or, la lumière trace une piste de cirque ;
Les rythmes un instant y tournent, subjugués ;
Les âmes qu’on cachait tantôt, on les dégaîne
Pour tremper leurs tranchants parallèles et nus
Dans la clarté.
Mais, au fond des corps, les cellules
Sentent de merveilleux effluves onduler
Vers elles. L’arc, crépitant de fougue solaire,
Darde en chacune le désir d’être un héros.
Des rayons qu’on ne voit pas vibrent, clairons rauques.
L’unité de la chair commence de craquer ;
Les globules captifs ragent comme des guêpes
Dans une toile d’araignée, et l’air est plein
De libertés que nouent de nouvelles étreintes.
La lueur aide un arbre à vouloir le printemps.
Dans les chairs, les cerveaux pensent moins ; et les branches
Souhaitent moins une âme et tâchent de grandir.
L’esprit cède sa force à l’influx électrique.
La rue est résolue à jouir, tout à coup ;
Au coin des carrefours il se caille des couples ;
Les germes bougent. Des hommes vont s’attabler
Aux tavernes en petits groupes circulaires.
La foule rêve d’être un village au soleil.

p.79-80
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Vidéo de Jules Romains
Dans l'Allemagne exsangue et tumultueuse des années 1920, le Bauhaus est plus qu'une école d'art. C'est une promesse. Une communauté dont le but est de mettre en forme l'idée de l'Homme nouveau. En 1926, l'école s'installe à Dessau. Dans le grand bâtiment de verre et d'acier, Clara, Holger et Théo se rencontrent, créant une sorte de Jules et Jim. À Berlin, toute proche, le temps s'assombrit. Les convictions artistiques ou politiques ne sont pas les seuls facteurs qui décident du cours d'une vie. Ce sont aussi, entre rêves d'Amérique et désirs de Russie, d'autres raisons et déraisons. Lorsque l'école sera prise dans les vents contraires de l'Histoire, les étudiants feront leurs propres choix. À qui, à quoi rester fidèle, lorsqu'il faut continuer ?
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