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EAN : 9782738131058
432 pages
Odile Jacob (08/10/2014)
4.13/5   30 notes
Résumé :
D’où viennent nos perceptions, nos sentiments, nos illusions et nos rêves ? Où s’arrête le traitement mécanique de l’information et où commence la prise de conscience ? L’esprit humain est-il suffisamment ingénieux pour comprendre sa propre existence ?
La prochaine étape sera-t-elle une machine consciente de ses propres limites ?
Depuis plus de vingt ans, Stanislas Dehaene analyse les mécanismes de la pensée humaine. Dans ce livre, il invite le lecteur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Stanislas Dehaene est Docteur en neuropsychologie et Professeur au Collège de France, où ses cours sont un modèle de rigueur et de clarté.
Et ses livres sont marqués d'un formidable souci de pédagogie, de passage du savoir, tel celui « Les Neurones de la Lecture » que j'ai chroniqué il y a quelque temps sur Babelio:

Celui-ci, le Code de la Conscience, un ouvrage dense mais passionnant, qui date de 2014, aborde, dans une optique de vulgarisation scientifique, une notion qui, à première vue, semble bien loin de pouvoir être abordée par des méthodes expérimentales, celle de la conscience humaine.

Et pourtant, le Dr Dehaene nous montre que dans cette notion de conscience qui recouvre de nombreuses notions souvent floues et confuses, le scientifique peut y restreindre le champ pour qu'il soit accessible à l'expérience. Une démarche caractéristique de la démarche scientifique, partir du plus simple pour aller au compliqué.

Et c'est ainsi que l'auteur explique ce qu'il va étudier:
« La science moderne de la conscience distingue au moins trois concepts : le degré de vigilance, qui varie quasi continûment depuis la veille jusqu'au sommeil ou au coma profond ; l'attention, c'est-à-dire la focalisation de nos ressources mentales sur un objet particulier ; et, enfin, l'accès à la conscience, c'est-à-dire le fait que seule une partie de nos pensées entre dans le champ de notre conscience, devient disponible pour diverses opérations cognitives et peut être rapportée à d'autres. »

C'est l'accès à la conscience de nos pensées, qui sera le fil conducteur du livre. Cette analyse scientifique étonnante de la subjectivité n'aurait pu exister sans le développement extraordinaire des méthodes d'analyse du fonctionnement cérébral, notamment l'imagerie cérébrale, avec l'IRM fonctionnelle, le perfectionnement de l'électroencéphalographie, etc…mais aussi celui de méthodes simples d'analyse de l'accès à la conscience.

Après avoir fait l'historique de l'approche scientifique et passé en revue les méthodologies d'approche, l'auteur va, tout d'abord, nous expliquer l'extraordinaire foisonnement de nos pensées inconscientes. C'est absolument passionnant et étayé par de nombreuses expériences parfois bien cocasses, et de multiples références. Ainsi des images, ou des sons, présentés à un sujet de façon subliminale, et qu'il affirmera n'avoir pas vu ou entendu, déclenchent une série impressionnante de réactions dans différentes zones du cerveau. Mais ces procédés inconscients ne se limitent pas à des processus plutôt simples comme la vision et l'audition, mais à des fonctions plus complexes comme les mathématiques, ou du domaine de l'émotion (peur) ou de la relation avec l'environnement (attention inconsciente) ou avec autrui (reconnaissance des visages).
Ainsi, bien plus que la fonction que lui attribuait Freud, ces fonctions inconscientes multiples sont comme des fonctions d'arrière-plan d'un ordinateur qui travaillent pour nous, sans que nous le réalisions, et parfois pour préparer une décision consciente. L'auteur émet l'hypothèse que nous avons hérité cela de tous nos ancêtres du règne animal pour qui il était vital de répondre extrêmement rapidement à un danger, une opportunité, et les fonctions inconscientes aident à cela.

Et puis, dans le chapitre suivant, le Dr Dehaene nous expose ce qui fait la conscience, le travail plutôt lent de tri qu'elle fait dans les données inconscientes, l'importance de l'intégration dans la mémoire de travail des données sélectionnées, son importance dans le lien social (donner ou apprendre des autres la « substantifique moelle » et non un fatras de données) et aussi dans la coopération entre individus.

Un chapitre absolument passionnant est ensuite consacré à ce que représente l'accès à la conscience. Tout d'abord, aux 4 « signatures » de l'émergence de la pensée consciente, telles que peut les détecter l'imagerie cérébrale. En faisant passer des informations du subliminal au conscient, les chercheurs ont découvert 4 transformations dans le cerveau: la première est une activation de nombreuses zones du cerveau, dans le cortex frontal, temporal et pariétal, ce que l'auteur qualifie « d'embrasement », la seconde l'apparition d'une onde tardive (au bout d'environ 300 milli-secondes) de grande amplitude appelée P300, la troisième, l'apparition, elle-aussi tardive, d'ondes de haute fréquence, et enfin la dernière, une synchronisation des ondes de zones éloignées dans le cerveau.
Et puis, l'auteur va plus loin pour répondre à cette question: qui sont et que font donc ces neurones qui s'activent? Émerge alors, argumenté de nombreuses expériences, dont celles incroyables réalisées avec des électrodes placées dans le cerveau de patients épileptiques juste avant leur traitement chirurgical, la notion d'un « espace de travail global », où interagissent grâce à l'exceptionnelle longueur de leurs axones, et leur profusion de leur dendrites, des millions de neurones dits pyramidaux (parmi les seize milliards de neurones de notre cerveau!) dont chacun a une fonction limitée à un morceau d'objet, de visage, de sens, de souvenir, etc…mais dont l'interaction et surtout la synchronisation de leurs décharges électriques, va reconstruire l'objet, le visage, le sens, le souvenir.
Et puis l'auteur insiste sur la propriété unique de notre cerveau, c'est que chez lui prédomine, non pas la réponse aux stimulis, mais une activité intrinsèque d'exploration de possibilités, qui débute dès l'enfance et se poursuit toute la vie. En effet, une propriété remarquable des neurones et particulièrement ceux des primates, dont l'homme, c'est l'excitation interne, sans besoin d'accès aux sollicitations extérieures. Ainsi, cette propriété fait que nos neurones dialoguent entre eux, deviennent capables d'apprendre de leurs erreurs, et d'abstraire les informations.
Ce qui encore plus étonnant c'est que, avec l'éminent chercheur et pionnier de la neurobiologie Jean-Pierre Changeux, l'équipe de l'auteur a entrepris la réalisation d'une simulation informatique simplifiée des interactions cérébrales, et ainsi pu vérifier, à l'aide de ce modèle un certain nombres d'hypothèses, par exemple « l'embrasement » cérébral caractérisant l'accès à la conscience.
Et enfin, l'auteur expose une autre qualité fascinante de notre cerveau, et encore différente de la conscience, celle de posséder un nombre gigantesque de connexions dites latentes à la base de nos aptitudes diverses, comme « apprendre à rouler en vélo ne s'oublie pas », comme aussi l'évocation des souvenirs, et bien d'autres qui n'attendent qu'à être réactivées.

Un autre chapitre est dédié à ce que devient la conscience quand un individu est plongé dans le coma. Avec cette question cruciale: comment les découvertes de l'imagerie cérébrale peuvent elles apporter des informations sur le degré de conscience d'un patient, surtout s'il est, sur le plan des signes cliniques, considéré dans un coma végétatif. L'auteur rapporte des résultats de son équipe ou d'autres, montrant que des signatures conscientes peuvent être détectées lors de questions posées à certains patients en coma végétatif, prédisant dans certains cas, leur récupération plus ou moins complète de la conscience. J'ai recherché, je dois dire sans succès, si ce type d'investigation était devenue systématique. Peut-être, l'emploi de matériels et de méthodes sophistiqués (et coûteux!) en a t il limité le développement en routine.

Dans un dernier chapitre, Mr Dehaene essaie de dessiner les perspectives de ces études. Par exemple, comment se fait le développement de la conscience au cours du développement humain, du bébé a l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte. Comment résoudre l'énigme de la conscience de soi, et quelles sont les interactions neuronales qui pourrait l'expliquer. Comment cette conscience de soi pourrait être altérée dans les maladies mentales et quels sont les défauts d'organisation cérébrale qui les sous-tendent. Comment enfin faire avancer les connaissances avec des simulateurs informatiques et créer ainsi des machines conscientes.
La conclusion m'a fait un peu frémir. L'auteur y développe l'idée que, dans l'avenir, avec les progrès des outils informatiques, la construction d'une machine consciente sera possible, démonte les arguments qui s'y opposent, notamment celle du libre arbitre. Mais, et c'est mon regret pour cet ouvrage remarquable, ce n'était pas certes son propos, c'est qu'il ne met pas en perpective l'être humain comme être vivant interagissant dès sa vie foetale avec son environnement, d'abord sa mère, puis sa famille, et capable de ressentir ce que pensent les autres, sur ce cerveau de toutes ces émotions peur, agressivité, désir, etc.. qui sont le propre de la vie animale et dont parle si bien le neurologue Antonio Damasio. Toutes choses dont une machine consciente sera dépourvue.

En conclusion, un ouvrage d'une exceptionnelle qualité, d'un auteur qui s'efforce de nous accompagner au mieux sur un sujet complexe, et que j'aurais plaisir à relire pour mieux m'en imprégner.
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Je ne saurais dire ce qui m'a le plus fascinée dans et / ou autour de ce livre :

- La fluidité « communicationnelle » de Monsieur Dehaene, tant dans ses livres, que dans les vidéos de ses cours donnés au Collège de France ;

- Sa culture et son accès conscient et volontaire (à volonté???) à cette culture personnelle, extra-personnelle, péri-personnelle... aux potentialités littéralement enivrantes ;

- Le « sujet »-même de ce livre, si tant est qu'il puisse être circonscrit (ce que Monsieur Dehaene a magistralement mis en œuvre dans ce livre), en perpétuel questionnement ;

- La construction-même de ce livre qui ouvre constamment de nouvelles voies en directions de chemins de pensées à la fois « connus » et « inconnus » ;

- La transposition en langage parlé (écrit, devrais-je plutôt noter ici) d'un cheminement de pensées à la fois scientifique, philosophique, « culturel » aux sens largeS du terme, expérimental... mis à l'épreuve de la « conscience », de l' « intuition » et de la « roue libre » de l'inconscient en direction de toutes potentialités ;

- …

- Tout ce que je suis incapable de traduire en mots ;

- Le titillement de mes « spiritualités questionneuses » (pour reprendre l'expression, tellement parlante, découverte entre les pages d'un livre d'Hubert Reeves) à la soif insatiable ;

- Et enfin et SURTOUT, toutes les nouvelles « potentialités » personnelles de chemins de pensées qui vont s'ouvrir à moi, un jour où l'autre (ou peut-être pas), que cette lecture aura pimentées de nouvelles saveurs.

Je dirai juste une seule chose : dommage que ce livre soit emprunté et qu'il ne puisse rester physiquement dans ma bibliothèque personnelle. Quoique...

… La multitude exponentielle de questionnements et de réflexions qu'a suscitées (et suscitera certainement encore longtemps) en moi la lecture de ce livre fera qu'il aura toujours une place particulière dans ma « bibliothèque mentale » (mon problème en étant l'accès à volonté). Vous en trouverez une tentative d'exemple (peu fructueuse dans sa traduction en mots, désolée) en suivant ce lien vers ma page Facebook personnelle (https://www.facebook.com/notes/carole-bouchut/%C3%A0-partir-de-la-lecture-du-livre-de-stanislas-dehaene-le-code-de-la-conscience/10156704186934506/ ), à propos d'une citation extraite du chapitre « L'épreuve de la vérité » (page 278) pour Babelio (https://www.babelio.com/auteur/Stanislas-Dehaene/15713/citations/1798301 ).

Pour conclure cet avis qui n'en ai pas un, je me permets juste de reprendre les mots-mêmes de Monsieur Dehaene (il sait si bien mettre les choses en forme) : « je vous invite à présent à un voyage aux frontières de la science », et je vous souhaite à tous, bonnes routes.
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Intéressant mais ce livre est parfois assez difficile à lire. Peut être plus intéressant pour des neurologues ou des personnes travaillant en hôpital (surtout concernant la fin du livre, essentiellement consacrée à l'état végétatif). A mon avis les informations intéressantes pour le grand public peuvent être trouvées ailleurs dans des lectures plus accessibles.

Par exemple on dit souvent que la nuit porte conseil (là on verra des études qui le prouvent):
"Étonnamment, une bonne nuit de sommeil faisait plus que doubler la probabilité de la découvrir le lendemain: nombreux étaient ceux qui se réveillaient avec la solution! Des expériences de contrôle ont établi que le temps écoulé ne comptait pas -seul importait le sommeil."
Autre exemple:
"Le groupe faisait systématiquement mieux que le meilleur de deux individus -ce qui faisait dire aux auteurs que "deux têtes valent mieux qu'une". "
Ou encore qu'il vaut parfois mieux prendre de la distance par rapport à un problème, penser à autre chose pour mieux avancer (ça correspond à l'étape de l'incubation):
"Hadamard proposait de décomposer le processus de la découverte mathématique en quatre étapes successives: la préparation, l'incubation, l'illumination et la vérification."
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66 ans. Je suis ingénieur de formation, et passionné de philosophie comme manière de vivre. Je regarde les vidéos du Collège de France. Ce livre confirme splendidement des constats empiriques que j'ai fait sur le fonctionnement de mon cerveau... Que c'est bon de pouvoir se dire que l'on ne s'est pas trop planté et que, éventuellement, si nécessaire, il y a les données pour implémenter les modifications du schéma fonctionnel erroné que l'on aurait en mémoire... Merci aux chercheurs qui trouvent !!!
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critiques presse (1)
LeMonde
08 décembre 2014
Une exploration passionnante des chemins de la pensée, qui met en lumière, expériences à l'appui, les bases biologiques de la conscience.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Enfin, même si on découvrait des phénomènes quantiques dans le cerveau, leur caractère strictement imprévisible ne permettrait pas d’expliquer notre conception du libre arbitre. Comme l’a bien montré le philosophe Daniel Dennett, l’aléatoire pur ne confère à nos cerveaux « aucune forme valable de liberté » (« any kind of freedom worth having »). Souhaitons-nous vraiment que nos corps soient secoués de mouvements aléatoires et incontrôlables engendrés au niveau subatomique, qui rapprocheraient nos décisions des convulsions et des tics des patients souffrants du syndrome de Gilles de La Tourette, la fameuse « Danse de Saint-Guy » ? Rien n’est plus éloigné de notre conception de la liberté. La maladie de Tourette ne rend pas libre, bien au contraire. Jamais un coup de dés n’engendrera d’esprit libre.
Lorsque nous parlons du « libre arbitre », nous pensons à une forme beaucoup plus intéressante de liberté. Notre croyance en un libre arbitre résulte d’une observation élémentaire : dans des circonstances normales, nous prenons nos décisions en toute indépendance, en nous laissant seulement guider par nos idées, nos croyances et notre expérience passée, et en contrôlant nos pulsions indésirables. Nous exerçons notre libre arbitre chaque fois que nous avons la possibilité d’examiner les choix qui s’offrent à nous, d’y réfléchir posément et d’opter pour celui qui nous parait le meilleur. Une part de hasard entre dans nos choix volontaires, mais elle n’en constitue pas un élément indispensable. La plupart du temps, nos actions volontaires n’ont rien d’aléatoire : elles résultent d’un examen attentif des options disponibles, suivi du choix délibéré de celle qui emporte notre préférence.
Cette conception du libre arbitre n’a nul besoin de la physique quantique – elle pourrait être simulée par un ordinateur standard. Elle exige simplement un espace de travail qui recueille les informations en provenance des sens et de la mémoire, en fasse la synthèse, évalue les conséquences de chaque option, y consacre autant de temps que nécessaire et utilise cette réflexion pour guider notre choix. Voilà ce que nous appelons une décision volontaire, délibérée, prise « en toute conscience ».
En bref, l’intuition du libre arbitre doit être décomposée :
Elle recouvre, d’une part, l’idée que nos décisions sont fondamentalement indéterminées, non contraintes par la physique (une idée fausse) ; et d’autre part, celle que nous les prenons en toute autonomie (une idée respectable). Nos états cérébraux sont nécessairement déterminés par des causes physiques, car rien de ce qui est matériel n’échappe aux lois de la nature. Mais cela n’exclut pas que nos décisions soient réellement libres, si l’on entend par là qu’elles s’appuient sur une délibération consciente, autonome, qui ne rencontre aucun obstacle et qui dispose du temps suffisant pour évaluer le pour et le contre avant de s’engager. Quand toutes ces conditions sont remplies, nous avons raison de dire que nous avons exercé notre libre arbitre et pris une décision volontaire – même si celle-ci est toujours, en dernière analyse, déterminée par nos gènes, notre histoire et les fonctions de valeurs qui sont inscrites dans nos circuits neuronaux. Les fluctuations de l’activité spontanée de ces réseaux rendent nos décisions imprévisibles, y compris à nos propres yeux. Cependant, ce caractère imprévisible ne devrait pas être tetenu comme l’un des critères essentiels du libre arbitre, ni ne devrait être confondu avec l’indétermination fondamentale de la physique quantique. Ce qui compte pour qu’une décision soit libre, c’est l’autonomie de la délibération.
Une machine pourvue d’un libre arbitre n’est absolument pas une contradiction dans les termes, juste une définition de ce que nous sommes.
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Lorsque nous prenons conscience d'une information, celle-ci entre dans un système de stockage qui la maintient en ligne et la rend disponible au reste du cerveau. Parmi les milliers de représentations mentales inconscientes qui, à tout instant, traversent nos circuits cérébraux, l'une d'entre elles est sélectionnée pour sa pertinence par rapport à nos buts actuels. La conscience est le dispositif qui la stocke et la rend disponible à tous les systèmes de décision de haut niveau (..) D'après cette théorie, la conscience n'est rien d'autre que la diffusion globale d'une information à l'échelle de tout le cerveau. Tout ce dont nous prenons conscience, nous pouvons le garder à l'esprit longtemps après qu'il a disparu de nos organes sensoriels. Une fois l'information acheminée vers l'espace de travail, elle y reste stable, indépendamment du moment et du lieu où nous l'avions initialement perçue. Nous pouvons alors l'utiliser de mille manières, et en particulier l'expédier aux aires du langage, donc la nommer.
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Pendant des décennies, une vive controverse a opposé les rationalistes et les défenseurs du caractère sacré de la personne humaine. Les provocations abondent dans les deux camps. Ainsi le philosophe Michael Tooley, de l'Université du Colorado, écrit-il sans ménagements que « les nouveau-nés humains ne sont ni des personnes, ni même des quasi-personnes, et leur destruction n'a donc rien d'intrinsèquement mauvais ». Tooley va jusqu'à dire qu'avant l'âge de 3 mois l'infanticide peut se justifier sur le plan moral parce qu'un nouveau-né «ne possède aucun concept de la permanence de soi, pas plus qu'un chaton qui vient de naître», et qu'en conséquence il n'a « aucun droit à la vie ». En écho à ces sinistres propos, le professeur Peter Singer, qui enseigne pourtant la bioéthique à l'Université de Princeton, soutient que « la vie, dans le sens moralement fort du terme, ne commence que lorsqu'il existe une conscience de sa propre existence à travers le temps [ ... ]. Le fait qu'un être soit un être humain, qu'il appartienne à l'espèce Homo sapiens, n'est pas pertinent dans le débat s'il est bien ou mal de le tuer. Ce qui compte, ce sont des caractéristiques telles que la rationalité, l'autonomie et la conscience de soi. Or les bébés ne possèdent aucune de ces caractéristiques. Les tuer n'a donc rien de comparable au meurtre d'êtres humains normaux ou d'autres êtres dotés d'une conscience de soi ».

Ces affirmations péremptoires sont ridicules. Elles s'opposent violemment aux intuitions morales que nous partageons tous, et selon lesquelles tous les êtres humains, depuis les prix Nobel jusqu'aux enfants handicapés, ont les mêmes droits à la vie. Elles violent également toutes nos intuitions sur la conscience - posez la question à n'importe quelle mère qui vient d'échanger son premier regard avec son nouveau-né. Mais le plus choquant, à mon sens, c'est que Tooley et Singer prononcent leurs terrifiants oukases sans se préoccuper le moins du monde des données expérimentales. Comment savent-ils que les bébés sont dépourvus de toute conscience ? S'appuient-ils sur la littérature scientifique ? Absolument pas : leurs affirmations ne reposent que sur des a priori détachés de toute réalité expérimentale - et souvent complètement faux.
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Après la chute de l'Empire romain, les érudits indiens et arabes préservèrent une partie du savoir médical de l'Antiquité. Au xi siècle, le scientifique arabe que nous connaissons sous le nom d'Alhazen (Ibn al-Haytham, 965-1040) découvrit les principes essentiels de la perception visuelle. Des siècles avant Descartes, il comprit que l'œil fonctionne comme une chambre noire qui reçoit la lumière plutôt qu'elle ne l'émet, et que diverses illusions peuvent le tromper. Tout n'est donc pas sous le contrôle de la conscience, en conclut Alhazen. Il fut le premier à postuler une opération automatique d'inférence inconsciente : à notre insu, le cerveau tire des conclusions qui dépassent ce que perçoivent les sens, et nous donne parfois à voir des choses inexistantes. Il faudra attendre huit siècles pour qu'en 1867, dans son traité d'Optique physiologique, le physicien Hermann von Helmholtz reprenne ce terme d'inférence inconsciente pour décrire la manière dont notre vision déduit automatiquement, à partir des entrées sensorielles, l'interprétation la plus probable de la scène qui se déroule sous les yeux.
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Étonnamment, une bonne nuit de sommeil faisait plus que doubler la probabilité de la découvrir le lendemain: nombreux étaient ceux qui se réveillaient avec la solution! Des expériences de contrôle ont établi que le temps écoulé ne comptait pas -seul importait le sommeil.
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Vidéo de Stanislas Dehaene
Stanislas Dehaene, professeur du Collège de France sur la chaire Psychologie cognitive expérimentale, introduit son cours de l'année 2023-2024 : La perception des objets mathématiques élémentaires : Formes géométriques, motifs et graphiques
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