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sur 353 notes

Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Cette critique est susceptible d'être biaisée. Babelio ne garantit pas son authenticité

Les liens artificiels de Nathan Devers, croque-mort des Lettres déguisé en sociologue.

Combien ce livre me déçoit, je ne saurais le dire vraiment sans désespérer tout-à-fait de la littérature (Ou la non-litterature) d'aujourd'hui. Non.

Voici donc un normalien de 24 ans, agrégé de philosophie qu'on nous présente comme le digne héritier d'un J.P. Sartre. Bon.
Tout va de travers dans ce roman, à commencer par ce style fade, presque administratif. J'ai eu l'impression de lire une histoire racontée par un professeur d'économie qui de sa vie n'a jamais écrit autre chose que des thèses sur la balance commerciale et la bourse des valeurs, insipides et ennuyeuses comme ses chemises trop repassées. On sent l'universitaire habitué aux dissertations, aux explications, mais vierge de toute effusion, de tout torrent intérieur.

Je n'ai jamais lu autrement qu'en amateur de poésie, que ce soit Nietzsche ou Baudelaire, Sartre ou Desnos. Tout grand livre, tout beau livre doit d'abord être un long poème, et le roman, par les échos qu'il peut multiplier à l'infini entre les chapitres et les scènes, entre les personnages et les décors, par un style chantant, par des images parlantes et une tension dramatique, peut être considéré comme un poème en prose. du reste, des gens comme Mallarmé, Desnos, Hugo ou Queneau ont pleinement assumé le haut potentiel poétique du roman.

En cherchant, on trouvera aisément le Hugo des Contemplations dans Les misérables et Quatre-vingt-treize, fort de ses nombreux oxymores et antithèses expéditifs qu'on connaît bien. le Mallarmé des Poésies est tout entier dans Les Pages ; le Desnos de Corps et biens est au complet dans La liberté ou l'Amour.
Style fade, disais-je. L'adjectif "électrique" revient quelques fois sous cette plume, mais qu'y a-t-il d'électrique en elle vraiment ? Rien.
Ce livre tire toute sa légitimité de sa modernité confondante, de son caractère de prophétie avant-gardiste. Ici, l'argument marketing est donc flagrant, comme si le fait de parler du monde présent et du futur, comme si inscrire une oeuvre (Je tique en écrivant ce mot) dans l'actualité et les eaux troubles d'Internet dédouanerait son auteur de faire un travail d'écrivain. Il n'est pas encore question des impératifs auxquels tout romancier devrait soumettre son livre.

Ce que je cherche dans un livre, c'est d'abord une vision de l'Homme, une facette anthropologique de l'Humain que je ne connaissais pas ou que j'appréhendais malaisément. Je demande donc à chaque oeuvre de me montrer l'Homme, de m'aider à le comprendre, à lui pardonner, à vivre dans des millions de corps, à visiter une pléthore d'âmes rien qu'en côtoyant quelques personnages riches et authentiques.
Chez Devers, rien de cela. Son personnage, Julien Libérat, loin de représenter l'Homme individualiste, lassé et orphelin d'idéal et de transcendance, loin de nous peindre la détresse des hommes du 21 ème siècle que la cupidité folle des patrons d'Internet s'empresse d'exploiter en en faisant autant de moutons bêlant après des algorithmes, tout ce qu'il montre à la clarté d'une lecture attentive, c'est l'échec constant et pathétique d'une écriture programmée, à l'image des réseaux sociaux et de l'Antimonde dont il s'entiche, non pour dire la vérité et lui donner ses droits, mais plutôt pour charmer les petits esthètes de Saint-Germain-des-Prés qui, sachant bien que la vraie littérature est morte avec Sartre et Aragon (1980-82), mais n'en laissant rien paraître, tant cet aveu coûterait à l'égo gargantuesque de ce petit monde qui croit encore que la France livresque rayonne dans le monde comme au temps des soirées de Médan, se rengorgent de la fierté d'avoir un écrivain, un vrai, tant les autres (Les Angottistes en couettes) se font un point d'honneur de ne jamais en donner le mirage, assumant la crasse et la sacralité de l'Intime qui mine tous leurs livres.

Je tiens d'abord pour responsable de ce marasme Houellebecq, sur l'autel duquel tous ces rentiers de la fausse littérature se touchent comme des soeurs vicieuses sur Jésus. Houellebecq a montré à toute une génération de plumitifs qu'il est possible de faire du roman sans jamais chercher la transcendance nécessaire à toute oeuvre d'art, transcendance dont les canons sont : le Beau, le Vrai et le Juste dans le cas d'une littérature moraliste comme chez Hugo ou Barrès.
Houellebecq a dépossédé le roman de sa capacité à dire l'Homme intemporel en ancrant, ou plutôt en noyant tous ses personnages dans l'époque, en les condamnant à ne jamais dire, exprimer et montrer autre chose que les maladies et obsessions de notre temps. Ainsi, le romancier est pris au piège de son sujet. Il se laisse envahir par la merde qu'il prétend traiter en naturaliste roué. Voulant soumettre l'époque à sa plume, il se retrouve les fers aux pieds, noyé et affadi par les tares qu'il voulait exposer, éclaboussé par le sang des plaies qu'il désirait ausculter. le sujet submerge l'auteur et finit par le transformer en acteur de sa médiocrité, en exemple d'une décadence qu'il était censé aborder en vainqueur. Cette infirmité, cette incapacité de s'élever de la boue de l'époque pour mieux en miroiter les reflets, empêchent l'auteur de placer son histoire dans le temps long. Dans ce genre de romans, on ne voit jamais l'Homme dans ce qu'il a de plus vrai, c'est-à-dire de plus intemporel. Pour qu'un personnage soit vrai, il faut qu'il soit aussi préhistorique que les demeures troglodytes et aussi actuel que le journal du jour. Il n'y a qu'à voir l'histoire entre Guillaume et Hersent dans La plage de Scheveningen que Paul Gadenne inscrit dans le marbre de l'histoire universelle en la comparant à celle d'Abel et Caïn.

Houellebecq n'a d'intérêt que dans le cas où la sociologie classique deviendrait trop paresseuse ou barbante. On ne lit pas Houellebecq pour exister autrement ou en apprendre plus sur l'humanité, non. Il a donc désappris aux écrivains à écrire de vrais romans, c'est-à-dire à composer des jeux langagiers à triple, quadruple fond.
Dans tout roman, il y a naturellement, en premier lieu, ce que j'appellerai "Le prétexte", ce qui justifie la narration. C'est d'abord le cadre spatio-temporel, l'histoire en elle-même, l'ambiance politique...etc. Ensuite, l'on pourrait distinguer ce que Houellebecq conserve dans ses romans : un réalisme sociologique qui met en relation causale "Le prétexte" - l'atmosphère et le cadre du roman - d'un côté, avec les comportements et attitudes de certains archétypes identifiables dans la société de l'autre.
Ce réalisme peut plus et moins que la sociologie : il a la liberté de passer à son aise de la sociologie à la psychologie et densifier, enrichir ainsi un type avec tout l'attirail psychologique et observationnel dont dispose le romancier. Il peut moins puisqu'il lui est impossible de mettre en formules limpides une vérité exhaustive et rigoureuse concernant toute la société. La dimension psychologique et investigatrice, même psychanalytique du roman l'empêche de s'élever réellement au-dessus des hommes pour considérer la société dans son ensemble. Jules Romains a essayé mais tout le charme des Hommes de bonne volonté réside dans l'attirance qu'on éprouve pour l'intelligence perçante d'un Jallez, pour l'optimisme volontaire d'un Jerphanion, mais l'unanimisme n'atteint jamais la subtilité des chapitres où Romains poursuit avec acuité les folies de ses personnages. le singulier l'emporte sur le pluriel et c'est toujours l'Homme qu'on préfère aux autres, au peuple, à l'ensemble qui finit par faire sourire.

Malheureusement, les personnages et l'intérêt qu'ils doivent susciter contraignent le romancier à les traiter comme des objets uniques mais où peuvent se distinguer quelques reflets d'une vérité sociologique.
Nous voilà donc au 3 ème fond, l'arrière-fond, le vrai, nous voilà à la sève nourricière du roman. Tout ce dont je viens de parler ne sert que d'alibi à l'écrivain pour justifier de l'actualité de son roman et de sa place dans l'univers littéraire. Il utilise donc le désir, ou plutôt le besoin qu'on a de lire des choses qui nous concernent, il le convoque pour nous parler en vérité d'autre chose. Prétextes donc. le romancier prend pour exemple son époque dans une démonstration anthropologique qui la surplombe, l'englobe, mais la traite comme un point dans l'espace, comme une borne naine dans une frise chronologique où s'enchaînent les siècles.
En ceci, le roman concurrence les livres sacrés, les prend pour modèles et s'inspire de leur force d'évocation. À partir de là, l'objectif n'est plus de mimer comme un imbécile amuseur de rue les pires travers de l'époque et d'en rire mais de les relier, les expliquer, les éclairer - en sus de l'apport du "Prétexte" à la compréhension de ces phénomènes - de les relier donc à l'histoire universelle des hommes. Il faut nous montrer en quoi le morveux addict à un jeu réaliste sur Internet est de la même espèce qu'Hannibal et Apulée, en quoi son addiction est la forme moderne d'un instinct, d'un désir, somme toute d'une vérité écrite sur la chair de l'Homme, sur sa destinée depuis la nuit des temps. Que partage ton personnage avec ceux de l'Odyssée et de la Bible ? Celui de Nathan ? Rien.

Je me réponds à moi-même, à demi railleur, que ceci est bien volontaire de sa part. Mais être conscient d'une tare n'en fait jamais un atout, et le roman est définitivement mort de sa douce et laide mort, douce puisque non-avouée, tue par de faux esthètes qui jouissent davantage du mirage d'un beau livre que d'une vraie expérience littéraire, laide puisque la prétention de ces gens-là, gardiens des Lettres, à mettre leurs pas dans ceux des plus grands est si pathétique qu'il serait scandaleux d'en rire, vraiment.

Pour la construction du roman, il faudrait repasser. C'est très mal construit. Les ponts causals sont plus que fragiles. L'évocation de la relation amoureuse et la rupture entre Julien et May au début du roman ne sert à rien. Elle peine à expliquer l'attitude du personnage principal, sa lassitude et la pente que prend sa destinée. C'est poussif. On ne croit pas une seule seconde à cette volonté de prendre sa revanche dans un monde virtuel - où tout ce qu'il désire lui est octroyé - sur le monde réel insatisfaisant et frustrant, pour la simple raison que toutes les bribes du passé de Julien que l'écrivain nous livre comme autant d'explications ne sont jamais convaincantes. Julien ne semble même pas très peiné quand la rupture est là, ou quand May lui annonce qu'elle part à New-York avec un autre.

C'est le défaut d'une littérature performative qui croit qu'en disant " Un tel est blessé, Martine se sent confuse, Daniel est déconcerté", aussitôt le lecteur en prendrait connaissance et dirait : d'accord mon coco, continue. Non. Il ne suffit pas de nous dire que Julien souffre ou est chagriné pour nous embarquer. Il faut nous les montrer, toutes ces émotions que l'esprit connaît mais que le coeur ne reconnaît pas. C'est d'ailleurs la différence entre la philosophie et la littérature. La première fait surgir la vérité des mots quand la seconde la cherche dans les images qu'elle s'évertue à tailler avec la pioche du langage. Nathan Devers raconte des histoires comme il exposerait une thèse philosophique. Quelle tragédie !

On nous dit que le personnage est perdu, las, presque malade, mais nous montre-t-on au moins une fois comment l'est-il ? Non. Les mots, toujours les mots, jamais l'image ! Toutes les scènes censées soutenir cette description psychologique ne révèlent pas grand-chose, ne suivent point d'ailleurs l'idée présidant à leur exposition.
On y voit un personnage perdu qui répond indifféremment à tout comme le ferait n'importe quel personnage de n'importe quel roman.

La partie narrant l'ascension d'Adrien Sterner (Entrepreneur ambitieux qui crée l'Antimonde) est trop longue, trop impersonnelle, trop attendue. le personnage surpuissant et calculateur, ce stéréotype du self-made-man qui n'hésite pas à se référer à la Bible pour souffler sur son projet un élan créateur et mystique (À défaut de vraie transcendance, on a ça : un prédicateur en carton), cet archétype est aujourd'hui usé jusqu'à la corde. Je trouve même indécent qu'on puisse penser dire à travers ce dernier quelque chose de neuf.

D'Octave Mouret à Jean Barnery en passant par Haverkamp et Raymond Pasquier, l'archétype de l'entrepreneur ambitieux, frère de lait de Macron a les os rongés par le temps et l'usure des publications.
Enfin, je passerai sur la maigreur de sa personnalité que ne sauve même pas un génie dont on se doute des moindres trouvailles à venir, ce qui est le contraire du génie. Improbabilité et surprise où êtes-vous ?

L'épisode au chapitre 10 de la 2 ème partie, où nous voyons Julien aller donner son dernier cours au petit Michaël, gosse de riche indiscipliné et paresseux, avant de s'investir entièrement dans l'Antimonde, achève de nous convaincre que le livre a été bâclé, mal foutu, puisqu'il ne sert strictement à rien, ne renseigne sur rien. Julien disparaît du tableau et tout ce qu'on nous donne à voir c'est le reflet brumeux d'une esquisse hâtive de ce pourri gâté de Michaël. Nous renseigne-t-il donc sur le passé de professeur de musique de Julien ? Non. Nous aide-t-il à comprendre pourquoi il s'inscrit dans l'Antimonde et voue ses jours à ce jeu de réalité virtuelle ? Non plus.

J'arrête là, car à force d'énumérer les manquements, de répertorier les maladresses d'un universitaire qui s'improvise sans succès romancier, j'en oublie que l'objectif premier, le dessein d'un tel livre n'est pas de dire la vérité ou de la faire dire au lecteur, tâche qui exige une grande rigueur, une tyrannie dans le choix et l'agencement des scènes et des chapitres, une traque minutieuse de tout superflu, de toute évocation relevant de l'anecdote, de la fioriture. Non. L'objectif est de charmer le public esthète qui pleure en cachette sa littérature d'antan mais sera toujours prêt à encenser, à gratifier de mérites donnés d'une main prodigue (Il n'y a qu'à voir l'engouement d'un BHL, ancien sbire de Sartre et de Barthes pour ce Jouvenceau), à crier au génie pour peu qu'on lui donne des mots rares, quelques métaphores bien tournées et sibyllines à souhait et l'apparence d'une littérature spéciale, ésotérique, faisant mine d'exclure de son horizon d'attente tous ceux qui ne possèdent pas les Lettres, quand elle ne sert en vérité qu'à faire croire à certains qu'ils font partie, comme jadis les habitués des après-midis de Mallarmé, des élus auxquels leur savoir permet de goûter aux divines délices d'une oeuvre dont ils ignorent l'affligeante morosité sous le soleil.

Qu'un dieu, quel qui soit, me garde de lire des torchons de ce genre à l'avenir. Qu'un oblat prie pour moi et je serai alors le plus heureux des hommes. Un oblat, pas un moine je vous prie !
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Une détestable daube, n'ayons pas peur des mots.
Une pâle copie de Houellebecq, sans style, inintéressant, à croire que les maisons d'éditions ont des étrons dans les yeux. Invraisemblable de publier et de médiatiser un recueil aussi inutile. Et la dégaine de l'auteur est insupportable. Fuyez !
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Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=iWJeV8ak8AM

Bon, je pense pas trop m'avancer en disant que c'est le pire que j'aurais lu de la sélection. Un jeune vieux de 24 ans qui fustige l'internet — ça va pas beaucoup plus loin. Et en plus, même pas d'une manière intéressante, ou précise (on dirait qu'il va sur internet comme en 2010, il mentionne les NFT, les cryptomonnaies, mais de très loin, on sent qu'il s'est pas beaucoup penché sur la question). Il m'a fait penser à De Vigan en moins bien écrit, c'est dire. Un roman à thèse, avec un moralisme lourd et collant, qui ne laisse jamais le lecteur décider, qui semble tout le temps sur son épaule à lui dire « Les réseaux c'est pas très très bien» Et moi, je m'en fous qu'il soit vieux avant l'heure, je pense même que ça pourrait être passionnant si c'était attaqué avec un angle intéressant. Mais non, pas du tout, une histoire de grandeur et chute vue et revue, et particulièrement mal écrite.

On a le droit à plusieurs points de vue : celui de Julien, l'utilisateur de l'antimonde, cet univers virtuel, comme le métaverse de facebook, avec des alterégos numériques, et Steiner, le créateur — et dans ce sens, on aurait pu le rapprocher des Particules élémentaires de Houellebecq, un personnage du corps, un de l'esprit, du jargon informatique et/ou lié au monde du travail, une critique de la perte de lien entre les gens, remplacés par des simulacres et des substituts vides de sens. Oui, mais non. Parce qu'on critique assez le style plat de Houellebecq (d'ailleurs pour la vidéo que je prépare sur lui, je vais lire un travail de recherche qui démystifie ce qu'on a l'habitude d'entendre sur son style), mais Nathan Devers n'a pas un style plat. Il n'en a pas du tout. Et cette méchanceté qu'on pourrait palper dans son texte, elle vise jamais juste — parce qu'elle est vague, on ne sait pas qui exactement elle pointe, les portraits sont vagues eux-aussi, et à aucun moment ou se dit, tiens, je m'y reconnais, ou je reconnais quelqu'un comme ça, ce qui fait que ça tombe à l'eau. Même Trump, c'est vu et revu, la maison blanche en feu avec le vol d'hélicoptère, le programmateur qui finit mégalomane et cocaïnomane.

C'est très mal écrit, au mieux du mieux on le voit appliqué au-dessus de sa copie avec la langue qui sort (je pense à ses descriptions inutiles, qu'on sent comme des passages obligés — « les fleurs que la municipalité faisait planter à tour de bras afin de maximiser le bien-être des administrés » (éléments de langage creux, vague, qui ne permettent pas à l'imagination de se mettre en marche) si tu veux pas faire de descriptions, personne t'y oblige), et au pire, c'est juste raté : alambiqué, les phrases inutilement tordues pour en mettre plein la vue, par exemple, l'emploi du subjonctif imparfait ( Il faut savoir que le subjonctif imparfait est surtout employé en littérature. Qu'il est un marqueur qui dit « attention, texte littéraire »). — je veux dire que si tu emploies ce genre de temps, vaut mieux qu'à côté tu t'emmerdes un peu à soigner tes images, sinon, ça donne une impression de poudre aux yeux, d'effet de manche un peu cheap. C'est comme si tu mettais des truffes sur un bic mac. Car il est plein de tics de langage journalistiques, qui ressemblent à des béquilles, de phrases à la construction bancale ou lourde « Un couvercle de nuages condamnait l'horizon » « un climat de solitude s'abattait sur la ville » « un menton allongé en toboggan comme un croissant de lune » (pour cette dernière, j'ai envie de lui dire, choisis ton image putain), parfois, il veut jouer avec les répétitions « il pleuvait donc, et la vie pleut elle aussi. » « Une tête avec une gueule qui l'amusait d'avance », de nombreux clichés et formules toutes faites, souvent dans la même phrase « « ils brûlaient d'en avoir le coeur net », il aime aussi accumuler les locutions et les adverbes « en guise de dernière étape » « la bière de trop, celle à cause de laquelle toutes les précédentes déclenchaient soudain le mauvais aspect de leurs effets secondaires […] », et aussi les pléonasmes, sinon, ce serait pas drôle « afficionados habituels ». Donc une langue non seulement impersonnelle mais aussi maladroite ; et qui laisse songeur quant à l'intrigue principale du livre : que ce Vangel, le double de Julien le héros, devienne poète, une célébrité grâce à son art, (parce que le texte est entrecoupé de ces « poèmes »/
« Facebook aime vomir tout son flot de poubelles,
Twitter et Instagram ? Un mélange du pire »
Il y a aussi un passage assez marrant sur François Busnel « L'animateur de la Grande Librairie avait toujours voulu avoir un temps d'avance sur la littérature institutionnelle, ce qui le conduisait à s'intéresser aux avant-gardes, prenant parfois le risque de déconcerter son public ». LOL
Et ce passage donc à la grande librairie, avec Beigbeder et Finkelkraut où il se lance des fleurs et répond par avance à ses détracteurs comme à des vieux cons réac (alors que je répète que dès le début, il a une position lui-même de vieux con réac). Finkie dit « Une accumulation, plus ou moins maladroite, plus ou moins disgracieuse, de clichés redondants ».
Et Beigbeder répond « il s'efforçait de compromettre la littérature, de la mettre en danger. Et ce pour mieux la réinventer ». Rien que ça

Un des seuls passages intéressants est celui des fourmis dans lequel il décrit une chaine youtube ou des gens font des moulages sur des fourmilières, et où je me suis dit que ce serait une idée de livre géniale de passer de chaine Youtube improbable en chaine Youtube improbable, où chaque chapitre en détaille le concept— mais non, un peu d'originalité, un peu de précision, ce serait trop demandé à Nathan Devers. On a l'impression qu'il a voulu dès le départ rester en surplomb, même pas prendre la peine d'essayer de comprendre ce qui peut attirer sur les réseaux, qui sont les figures importantes dans la vulgarisation, dans les sujets de société, dans la politique, je pense à Usul, à Nota Bene, les idoles des jeunes je dirais pour parler comme lui, bref, si tu veux parler de youtube ou d'internet en 2022, ça me parait chaud de rester que sur Norman. de ne pas s'intéresser à l'addiction à internet en tant que telle, en faisant des recherches sur le sujet, ou même, je sais pas, en trainant soi-même sur Twitter pour imiter correctement des tweets. D'avoir un peu d'empathie et prendre le parti adverse à sa thèse de départ : Leila Slimani compare l'auteur à l'avocat, et je pense qu'elle a raison, il doit épouser les limites de sa propre morale s'il veut faire quelque chose d'intéressant ; de juste. Parce que Devers prend les jeunes pour des cons illettrés, (les serveurs pour des cons illettrés aussi d'ailleurs, quand Monsieur commande son Ubereats, Kevin le livreur ose lui mettre trop de sauces — que voulez-vous, le petit personnel, c'est plus ce que c'était). Tout sonne faux, bon sang, rien ne parait crédible, rien ne parait psychologiquement, sociologiquement voire même scientifiquement tangible. Par exemple, si ces livreurs et ses restaurateurs lui proposent de la bouffe toujours immangeable, pourquoi il continue d'y aller ?

Ce qui me fait rire jaune, c'est de voir que des gens qui défonçaient le Despentes sur Babélio, (ou je viens de voir sur CNEWS) se prosternent devant ce livre, et c'est là qu'on voit que l'idéologie, la morale, ou quel que soit le nom que vous voulez donner à ce qui les animent les aveuglent sur l'esthétique, la valeur d'un texte. C'est pas Cher connard ou sa médiocrité qu'ils attaquent, mais la vision du monde de Despentes et elle-même. Et dans ce genre de cas, il m'arrive de me sentir un peu seule, de me dire, bon sang, personne n'essaie (car c'est impossible d'y arriver pleinement) d'être neutre, objectif, de rester sur le texte, de ne pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, de ne pas adouber une oeuvre juste parce qu'elle dit ce qu'on veut entendre. Et j'ai peur pour la littérature, pour son avenir, parce que c'est l'autre face de la même pièce, de celle qui valide tous ces textes moyens ou mauvais au nom de ce qu'ils disent de la société, du miroir complaisant qu'ils nous tendent, ces textes qui nous brossent dans le sens du poil, qui ne remettent jamais rien en question. Et on applaudit, on applaudit parce qu'on ne s'est pas vu, ou parce qu'on a aimé ce qu'on a vu, ce nous qu'on croit unique, alors qu'il est aux yeux de ces auteurs qu'un public-cible à contenter, un public-cible à remplir avec la même malbouffe, éternellement.

Et donc je me demandais comment ça se faisait qu'un tel livre soit édité, j'avais jamais entendu parler de l'auteur, j'étais tellement sur le cul que je me suis dit, voyons-voir — et donc Nathan Devers, profite d'une place sous l'aile bien chaude et duveteuse de BHL. BHL qui dans un humble article invoque Beckett, Modiano, Pérec, Duras et bien d'autres figures littéraires dans le sillage desquels on sent qu'il entend inscrire son poulain. Devers, aussi jeune normalien agrégé de philo. Ben pour un normalien agrégé de philo, je m'attendais quand même à mieux. J'ai même envie de dire qu'il est à la littérature ce que BHL est à la philosophie, mais ce serait mesquin.
Lien : https://www.youtube.com/watc..
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ABANDON.
Comme je suis obligée de développer ici une critique pour la valider je vais juste commenter que je ne comprend ce qui a pu convaincre la profession à sélectionner ce titre pour le Goncourt !
Un livre qui m'est tombé des mains tellement rien ne va : le style ne permet pas de rentrer dans l'histoire ; ça manque de relecture !
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LES LIENS ARTIFICIELS de Nathan Devers

À peine ouvert, tout de suite refermé. J'ai consulté différentes critiques de ce roman et, celle qui correspond le mieux à mon impression, a été écrite par boubou10588 que je me permets de vous inviter à lire, ce qui m'épargnera d'en rajouter.

La bonne nouvelle est que j'avais emprunté le livre à la bibliothèque et que je n'ai pas eu à payer pour ça.
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La thématique de l'addiction aux écrans et de l'absorption de l'être dans les réseaux sociaux m'intéresse beaucoup. Dommage que ce livre soit passé à côté de son sujet. Autant regarder le documentaire "derrière nos écrans de fumé" sur Netflix, on y apprend bien plus de choses.
Probablement que la redaction à la 3 ème personne induit en partie cet effet. En effet, le narrateur reste toujours en retrait de son personnage principal. J'ai plus eu l'impression qu'il le jugeait dans ses actions plutôt qu'il nous racontait son histoire. le personnage est utilisé pour argumenter un point de vue, pas pour qu'on s'y attache. Résultat, je ne me suis pas du tout attachée à lui ni à l'histoire. J'ai trouvé les personnages divers et variés franchement caricaturaux.
Pour être honnête, j'ai eu l'impression de lire une page Wikipedia vaguement romancée. Pour être plus claire, parfois l'auteur va très loin dans les détails techniques mais ça reste superficiel, un peu comme s'il récitait le contenu de ses recherches. J'attendais plus que ça, j'attendais qu'il s'approprie ses recherches pour les fondre dans une histoire.
J'aurais aimé suivre la descente aux enfers de Julien, me perdre avec lui, comprendre pourquoi il se faisait absorber par la machine. Là on le constate mais sans en tirer grand chose.
Bref, je me suis ennuyée comme pas deux la première moitié du livre et j'ai abandonné.
Ce livre aura sûrement le bénéfice de montrer notre mode de vie dans quelques années, s'il n'a pas sombré dans l'oubli d'ici là.
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Au risque de paraitre méchante, je cherche l'intérêt de ce livre, pompage d'Avatar, du métavers de Zuckerberg et de la sociopathie affichée de certains de nos "grands" patrons.
L'auteur est normalien et agrégé, et sa prose se résume à "sujet-verbe-complément"
Bref, c'est plat, creux, ennuyeux, sans surprise
Bouh ! Les réseaux sociaux et les jeux video sont mauvais et bouh ! les jeunes se laissent avoir par les nouveaux paradis artificiels
Comme s'il n'y avait que les jeunes, d'ailleurs !
Je retourne lire Thomas Mann, un auteur, un vrai !
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Certain n'y sont pas allés de main morte tel Frederic Beigbeder dans le Figaro du 09/09/2002 : "Pour son premier roman, le surdoué Nathan Devers réussit un coup de maître: l'unique livre non ennuyeux sur la réalité virtuelle. Beaucoup se sont cassé les dents sur ce sujet compliqué."
Fichtre ! un "surdoué" ! Franchement, le style m'a plus paru plat qu'autre chose.
Enfin que dire de "l'unique livre non ennuyeux sur la réalité virtuelle" ?
Pour ma part, j'ai au contraire eu l'impression de lire un ennuyeux rapport de stage sur Internet 2.0 (manquait la notion d'Arpanet, ancêtre d'internet, qu'on y trouve toujours ainsi que la mention de Tim Berners-Lee principal inventeur du World Wide Web) en n'en remontant que le coté anxiogène. Apothéose avec le metavers, cet espace virtuel connecté à Intenet où va aller se perdre le personnage principal (qui est bien falot soit dit en passant).
Rien de neuf, aucune idée nouvelle sue le sujet, que du réchauffé que je vais m'empresser d'oublier.
A noter quand même la belle couverture du livre ;)
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Bon: je n'ai lu que les 60 premières pages (et trois-quatre pages au hasard plus loin dans le roman) .... et je n'ai pas envie de lire ce truc pour finir l'année 2022 ! Pas sure de le reprendre en 2023, d'ailleurs ?!
Déjà, ça commence par un suicide: pas ambiance de fêtes! Puis on remonte le temps pour savoir la genèse de l'acte. le héros est un gros molasson désespéré que j'ai envie de secouer comme un prunier. Il me fait penser, tout comme le style de l'auteur, à Michel Houellebecq, un auteur que je ne supporte pas ! En feuilletant au hasard pour savoir si je continuais ou non, je suis tombée au moment où le héros se voit proposer d'assouvir un désir peut-être caché, présenté comme un défi : le fantasme de devenir un meurtrier (virtuel ok mais bon ....) au prix de la mortalité de son avatar ... euh non, pas pour moi ! je trouve déjà débiles ces jeux vidéos où on massacre à tout va (je suis prof d'histoire, la guerre, ce n'est pas un jeu).
Bref : J'aime bien la couverture du roman, le sujet peut m'intéresser (j'ai aimé Delphine de Vigan @Les enfants sont rois), même si c'est loin de mon vécu (je n'ai qu'un compte facebook: pas d'instagram, ni pinterest, ni de twitter ....). Mais là, je n'ai vraiment pas envie de m'infliger ça en ce moment : héros et histoires déprimants, style verbeux où l'auteur s'écoute, ... Donc : next !
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Fabrication artificielle , personnages exsangues d' incarnation , prose utilitaire avec en prime le clin d' oeil germanopratin à ses copains absolument ridicule. Bref , je passe mon tour , le temps ne se rembourse pas. Cet auteur est jeune est à suffisamment d' entregent pour finir à L Académie Française avant 40 ans.
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