Waris retourne en Somalie pour la première fois depuis son départ-fuite à 13 ans (Fleur du désert). Elle va revoir sa famille et, aussi, observer avec ses yeux d'adulte ce dont elle n'avait pas pu se rendre compte enfant. Comment fonctionne la société dans l'ensemble du pays, les usages, les mentalités, l'immobilisme et le méga-sexisme généralisé. Ses descriptions de détails en disent plus long qu'un discours.
Ce récit met bien en valeur le contraste entre cette femme autonome et occidentalisée - qui, enfant, remettait déjà en question une partie de sa culture - et la situation en Somalie. La manière dont elle retrouve sa famille toujours nomade et les péripéties qu'elle va vivre avec eux en quelques jours sont dépaysants et bien sûr hors normes. Cependant, pour moi, le plus important est ce qu'elle donne comme aperçus de la société somalienne à laquelle elle est confrontée avant son arrivée dans le désert.
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J’étais à peine plus haute qu’une chèvre lorsqu’une vieille femme m’a amputée du clitoris, des petites lèvres et d’une partie des grandes, tandis que ma mère me maintenait. Elle m’a ensuite cousue en ne laissant qu’une minuscule ouverture pour l’urine et le sang menstruel. À l’époque, je n’avais aucune idée de ce qui se passait, car nous n’en parlions jamais. C’est un sujet tabou. Ma sœur, la belle Halimo, y a laissé la vie. Les exciseuses du clan Midgaan se servent d’une lame de rasoir ou d’un couteau aiguisé sur une pierre. Elles utilisent une pâte de myrrhe pour arrêter l’hémorragie, mais, si l’opération tourne mal, elles n’ont pas de pénicilline.
C’est la mentalité de la Somalie profonde, avec son ignorance, qui empêche le pays d’évoluer, Mohammed. Les hommes et les femmes ne peuvent manger ensemble. Une femme ne peut couper les cheveux d’un homme. Les femmes sont cousues. Elles ne sont pas considérées comme les égales des hommes, dans aucun domaine. Je comprends que des gens puissent avoir cette conception du monde et je n’essaye pas de la leur faire changer, mais il n’en reste pas moins qu’ils n’ont pas à m’imposer la leur.
Maman n’accepterait rien d’inutile, parce qu’une nomade ne peut s’encombrer d’objets superflus. Les biens les plus précieux demeurent la famille, les bêtes, les histoires. Ils sont la source de la vie, la source du bonheur. Ce qui faisait à mes yeux la beauté de ma mère, c’était sa façon de s’occuper de sa famille, de ses amis, de ses animaux. La vraie beauté ne se reflète pas dans un miroir, on ne la trouve pas en photo sur les couvertures des magazines. Elle est dans ce qu’on fait de sa vie.
La pluie avait fait baisser la température et l'air limpide et frais était une bénédiction pour les poumons. Je me demande pourquoi les journaux ne parlent que des malheurs de la Somalie et pas de ses beautés. Même si mon pauvre petit pays souffre, il reste magnifique.
J'ai descendu la passerelle d'un pas dansant, le cœur battant en retrouvant le décor familier et surtout le ciel du désert. Le ciel somalien abrite le soleil et la lune; immense, il englobe le lendemain. Il est si vaste que l'on se sent soi-même grand et non pas tout petit. J'ai écarté les bras, juste pour toucher du doigt la liberté.
"Fleur du désert" (Desert Flower, 2009), un film biographique allemand, réalisé par Sherry Hormann, basé sur l'autobiographie éponyme de Waris Dirie. Bande annonce VF.