J'avais tant été charmé par le recueil "Les Oiseaux" de Daphne du Maurier que j'étais déterminé à lire celui-ci qui hélas n'est plus réédité. Je dois dire que ma lecture a été moins percutante, un peu plus inégale.
J'ai beaucoup aimé la nouvelle éponyme qui fait bien ressortir la tension psychologique chère à la nouvelliste. le cadre exotique est rassurant, le narrateur nous endort dans une routine bien huilée, pour mieux nous déranger ensuite avec des éléments fantastiques - ici, d'inspiration mythologique - s'incrustant subtilement dans le récit. La fin est ambiguë, comme souvent chez l'auteur, mais elle laisse une liberté d'interprétation que je trouve très appréciable, surtout dans ce genre d'intrigue.
Ensuite, dans un tout autre registre, "Tel père, telle fille" s'intéresse à une jeune actrice en devenir qui, à la mort de son père, décide de reprendre contact avec son ancien ami qui vit en ermite sur les côtes irlandaises. Nulle question de fantastique ici, plutôt de secrets de famille et de personnalités équivoques. Une nouvelle intéressante bien qu'un peu longuette à mon goût. La chute est assez prédictible, mais ce n'est pas très gênant car elle demeure très frappante.
"Le Chemin de croix" constitue un exercice de style encore différent. Cette nouvelle est dénuée de véritable intrigue, on suit le destin d'une dizaine de pèlerins à Jérusalem. Une version plus élaborée de "Petits secrets entre voisins", avec une touche d'humour qui m'a fait rappeler
Agatha Christie. Inutile de s'attendre à des péripéties ou à des rebondissements, simplement à un voyage spirituel des protagonistes, fort intéressant au demeurant.
"La Brèche" ensuite est certainement la nouvelle que j'ai le moins aimée. Il est question d'ordinateurs, de signaux électriques et de... d'immortalité ? Les éléments de science-fiction sont assez mal maîtrisés, bancaux, et de fait l'intrigue m'a paru très artificielle, et le questionnement philosophique peu abouti. Restent bien sûr les descriptions, toujours très réussies.
Enfin, last but not least, "Ne regarde pas tout de suite", très longue mais exacte traduction du plus percutant titre anglais "Don't look now". Les films d'horreur sur l'exorcisme, le spiritisme et tout ça, ce n'est franchement pas ma tasse de thé, aussi j'avoue que je n'étais pas très tenté par cette nouvelle axée sur les médiums, le retour à la vie, etc. Néanmoins, j'ai vite constaté que
Daphne du Maurier y a réuni tout ce qu'elle sait le mieux faire : une ambiance délétère, des éléments étranges, un dénouement terrible et intrigant. On se sent vraiment présent au milieu des canaux de Venise, suivant Laura et John dans cette étrange histoire.
Ainsi ce recueil, malgré la déception de "La Brèche", m'a-t-il tout de même satisfait dans une certaine mesure. Je retiendrai surtout les première et dernière nouvelles.