Relecture ? Oui, car ce livre m'avait laissé une très forte impression et j'en regrettais parfois une première lecture sans doute trop rapide, sous l'aiguillon des évènements.
A beaucoup d'égards je trouve ce récit terrible et effrayant.
Effrayant au regard de ce que l'homme fait subir à ses semblables, effrayant en ce que l'homme peut supporter.
Par delà les différences d'époque et de monde je n'ai pu m'empêcher, en certaines circonstances, d'avoir à l'esprit d'autres témoignages, tel Genevoix dans ‘'ceux de 14''
L'éclairage porté sur le monde arabo-musulman est sans concession, ‘' brut de vie'' et ouvre une fenêtre pour, peut-être, mieux appréhender notre temps et ses convulsions.
A lire absolument !
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La nuit enveloppe le désert dans une cape de mystère. Enfouissant dans ses profondeurs un abîme de temps originel, elle est sur la terre comme un labyrinthe céleste dont la noirceur, condamnée au silence éternel, est gravée d'êtres distraits, endormis, sommeillants, éveillés, veilleurs, traqueurs, épuisés, mangeurs, apathiques, embusqués, insomniaques. La nuit rassemble les attributs des vies invisibles. C'est la métaphore d'une vie qui surgit chaque fois d'une surprenante mutation. Les étoiles sont plus proches, à moins qu'elles ne se rapprochent doucement. Penchées au-dessus de la terre, elles observent ses recoins. Elles sont sereines, immobiles, pourtant elles respirent et poussent des soupirs. Les ténèbres leur donnent un éclat singulier ; ce sont des sentinelles, elles savent tout. Leurs lueurs sont des appels lancés vers la terre par les peuples de l'ombre qui sont cachés, là, sous ces ombres ternes, grises et bleues, ces ombres de plomb, de cendres, de granit, d'argile : des êtres nocturnes, des formes furtives, des images silencieuses … Une ombre appuyée contre un figuier de Barbarie solitaire, une autre qui prolonge le sommeil des rochers, des ombres qui flottent comme des rideaux sur les dunes, d'autres dans les creux et les grottes du désert : des coussins où les êtres secrets se reposent. Les ténèbres, les étoiles, les ombres et la nuit ont leurs mondes fugitifs et évanescents. Peu à peu, ils s'écartent de la réalité et passent dans le rêve, que les élans de l'imagination rendent réel.
Les soirs tombent avec légèreté sur la peau du désert, transparents, d'un bleu cendré, comme si la terre faisait de la poussière des étoiles son tricot de corps : un horizon en dentelle, troué de nuages gris. Le soleil se couche à l'orée d'un espace ondulant, sans fin, attendant le noir. Il s'assoupit sans affres, sans inquiétudes, si ce n'est qu'il consent à l'illusion d'un calme fragile qui soudaine tressaille de l'éclatement d'un obus égaré. Et puis c'est à nouveau ce calme solennel : ses blessures sont comme éphémères, elles se referment vite.