Dans ce tract, au vocabulaire choc, très cru, Édouard Durand, ancien président de la Ciivise, ne mâche pas ses mots pour dénoncer le déni social institutionnalisé qui favorise l'impunité des agresseurs et inflige une double peine aux victimes, ni entendues ni reconnues. Non, un enfant qui dénonce un agresseur ne ment pas forcément. Non, une maman qui accompagne son enfant au commissariat pour dénoncer un agresseur n'est pas forcément une manipulatrice qui cherche à bafouer les droits de son ex. Oui, une victime qui dénonce attend, parce qu'elle est en droit d'attendre, d'être protégée et défendue.
Il y a urgence à leur rendre la parole et à la respecter !
Commenter  J’apprécie         80
Un mini livre terrifiant. Terrifiant le nombre de victimes (« En France, parmi la population adulte, 5,5 millions de femmes et d'hommes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. Une personne sur dix. »), terrifiant le système d'impunité (« Lorsqu'un enfant révèle les violences sexuelles qu'il subit à un professionnel, celui-ci ne fait rien dans 60% des cas »).
Commenter  J’apprécie         50
Et puis les enfants sont des gens sérieux, qui vivent leur vie sérieusement, et qui parfois sont confrontés à des choses absolument effrayantes, cruelles. Les enfants sont des gens sérieux, il n'y a qu'à regarder un enfant qui joue, rien n'est plus sérieux qu'un jeu d'enfant, rien n'est plus grave, plus intense.
Il n'y a qu'à regarder un enfant qui parle à un adulte, qui attend une réponse, un enfant qui regarde le monde des adultes et qui se demande s'il a bien fait de leur faire confiance, s'il a bien fait de les croire quand ils lui ont dit de leur faire confiance, de leur dire si quelque chose n'allait pas. Alors que c'est tellement difficile à dire, qu'on ne sait pas ce qui va se passer quand ça aura été dit, même si on sait bien que ce sera compliqué, c'est pour ça que l'enfant a longtemps hésité avant de le dire.
Les enfants sont des gens sérieux, on l'oublie toujours, on fait semblant d'être plus sérieux que les enfants. Pourtant c'est l'une des rares expériences absolument universelles : avoir été un enfant. Avoir été si vulnérable, si dépendant de la bienveillance, de l'attention des autres. Si dépendant du regard des autres, et d'abord de ses parents, pour être quelqu'un d'unique dans leur regard, avoir une identité, une identité inaliénable.
Page 18
Le déni a pour fonction d'autoriser à faire comme si ça n'existait pas. Il peut prendre plusieurs formes : ça n'existe pas, ça n'est pas vrai, ça n'est pas grave, les victimes peuvent très bien s'en sortir, ça ne nous regarde pas, on ne peut rien faire. Qui peut sérieusement prétendre que le déni appartient au passé? Le déni subsiste, toujours puissant et ancré.
Le déni a un corollaire immédiat, l'impunité des agresseurs. Le déni collectif et l'impunité des agresseurs marchent main dans la main, tranquillement, avec assurance, sans inquiétude. Main dans la main. Comme si de rien n'était.
Quelque chose s'est grippé dans le mécanisme du déni. Un grain de sable, puis un autre, puis un autre, puis des milliers. Le premier, compté pour rien, puis le second, et plusieurs encore, comptés pour rien. Puis des milliers. Les mots comme des grains de sable, la parole des victimes, les témoignages énoncés un à un, chaque témoignage dans son unicité irréductible a rejoint tous les autres. Chaque histoire personnelle, conservant son unicité irréductible et rejoignant toutes les autres, a été exprimée dans son universalité. Chaque récit privé a rejoint tous les autres et a ouvert le clos du privé pour affirmer sa légitimité sociale, publique, politique.
II n'y a pas beaucoup de possibilités, il y en a que deux : quand une petite fille ou un petit garçon, une adolescente ou un adolescent, ou une femme ou un homme adulte se dit victime de violences sexuelles, soit on le protège, soit on ne le protège pas. On le croit ou on ne le croit pas. Si on le croit, on le protège. Si on ne le protège pas, c'est qu'on ne le croit pas.
Page 17
En France, parmi la population adulte, 5, 5 millions de femmes et d'hommes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. Une personne sur dix. 5, 5 millions de femmes et d'hommes connaissent le présent perpétuel de la souffrance, l'état de stress post-traumatique, souvent jusqu'à l'empêchement d'être si justement évoqué par Jean-Marc Sauvé.
Dans toutes les familles, toutes les entreprises ou les administrations, toutes les fêtes entre amis, il y a des sœur, cousin, nièce, des collègues, des amis qui ont été ces enfants agressés sexuellement et violés.
Et chaque année, donc, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles. Probablement plus en réalité. Au moins un enfant toutes les 3 minutes.
Dans toutes les classes, tous les centres de loisirs, tous les clubs, toutes les institutions de soin ou d'éducation, il y a des enfants qui sont agressés sexuellement et violés.
Page 13
Édouard Durand vous présente son ouvrage "Défendre les enfants" aux éditions Seuil.
Note de musique : © mollat