A -Les fondamentaux datant de Bismarck ou les facteurs de succès de l'Allemagne contemporaine:
-Sens de la négociation entre les partenaires sociaux, professionnels et patronaux et codétermination obligatoire en matière de:
1.gestion managériale et sociale
2.normes et savoir-faire techniques
-Phase de concertation lourde mais décisive pour passer des accords engageants et fiables.
-Rôle réel, participatif et consensuel de corps intermédiaires nombreux, variés, actifs et structurés : corporations d'experts et de métiers, branches professionnelles, comités d'entreprises, associations représentants les universités et chercheurs, etc.
Résultats :
1.Personnel informé, motivé, engagé dans les méthodes et orientations prises collectivement
2.Rigueur des processus de production
3.Qualité stable des produits.
4.Ni économie planifiée par l'état, ni marché roi (cf. l'ordolibéralisme de Fribourg) : adaptation concertée par les acteurs du coeur de l'entreprise aux circonstances et/ou anticipation long-terme.
5.Protection de celui qui travaille : couverture sociale et formation. On rémunère le personnel même en stand-by en cas d'activité basse pour récupérer immédiatement son opérationnalité quand l'activité reprend.
6.Apprentissage valorisé et certifié offrant, à l'entrepreneur, un vivier mâture, prêt à l'emploi, et, pour le jeune, une sérieuse opportunité d'insertion, quand le tout-diplôme n'est pas un système garanti ou accessible.
7.L'actionnariat, le management : des acteurs parmi d'autres, qui ne captent pas toute l'autorité mais ne portent pas non plus tout le poids des décisions, notamment en matière d'évaluation et de rémunération individualisées et de mise en oeuvre de programmes de redressement ou de tournant tactique. Délesté de l'embrouillamini syndicaliste et politique, de la déconnection des réalités comme de l'isolement des hauteurs, le décideur décide sans arrogance et les décisions collégiales sont appliquées.
Ma question : Qu'en est-il de la recevabilité en terre gauloise de ces recettes résultant de l'histoire prussienne?
B- Spécificités objectives et gagnantes de l'Allemagne :
1-Tradition forte et ancienne d'émigration d'allemands dans le monde. D'où des communautés de descendants de ces ancêtres allemands bien implantées dans le monde entier et capables d'introduire et de piloter dans le tissu social local les sociétés allemandes débarquant dans les pays émergeants comme l'Amérique du Sud ou l'Asie.
2-La réunification a permis à des entreprises de l'Ouest d'installer à un prix dérisoire des usines high-tech toutes neuves dans l'ex-RDA.
3-Le déplacement de la capitale allemande à Berlin a favorisé la reprise des affaires avec la Mitteleuropa, son aire naturelle d'influence offrant une main-d'oeuvre bon marché.
4-Le découpage historique des « Länder » permet une répartition plutôt homogène de la population, du tissu des entreprises, de la vie culturelle et coopérative, des hôpitaux et des services sociaux, des centres de recherche scientifiques et ancrages universitaires. de cette décentralisation structurelle résultent une production de richesse indépendante de sa localisation géographique et une action efficace traitant des questions écologiques considérées comme importantes Outre-Rhin.
5-La spécialisation de métier dans la fabrication de biens d'équipement, de machines outils et d'automobiles haut de gamme a coïncidé à ce moment-là au besoin des pays émergeants.
C- Quand le bon élève allemand doit corriger sa copie
-L'égalité hommes-femmes au travail est un échec. Pas de crèche, pas d'école maternelle, une journée scolaire qui finit tôt : les femmes doivent choisir entre maternité et carrière. (les femmes de l'ex-RDA étairnt mieux loties de ce point de vue car elles avaient des crèches, écoles maternelles….)
-Pas de salaire minimum. Les femmes et les étrangers remplissent les emplois à temps partiels dans les sociétés de services.
-Politique désastreuse du socialiste Gerhard Schröder qui a voulu appliquer à la lettre le modèle libéral anglo-saxon que même Toni Blair a soigneusement évité de mettre en pratique au vu des besoins réels du paysage post-Thatchérien (Blair a créé le salaire minimum quand Schröder prônait la responsabilité en multipliant l'offre des petits boulots). Blair a fait des investissements productifs quand Schröder a serré la ceinture du budget, oubliant que le coût ne fait pas la circonstance.
-Pour des raisons historiques, les allemands se méfient d'un état interventionniste et tout puissant mais la rigueur budgétaire socialiste de Gerhard Schröder avec ses baisses salariales, réductions des retraites, cadeaux fiscaux non réinvestis, ont accru les inégalités sociales, grossi une épargne qui, elle, a effectivement bien rempli les banques des pays emprunteurs du Sud de l'Europe.
-Le budget serré et maîtrisé de l'Allemagne s'explique donc pour de mauvaises raisons : pas de dépenses d'entretien d'établissements pour l'enfance et l'éducation, ni pour l'entretien des infrastructures. Les principes organiques de l'organisation économique et entrepreneurial ont un temps été remplacés par un sauve-qui-peut individualiste et doloriste. Merkel a corrigé quelques-unes des conséquences de l'austérité
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Résultats :
1.Les femmes ne font plus d'enfants. La démographie plonge. L'Allemagne manque de bras et d'ingénieurs.
2.L'immigration turque nombreuse remplit les petits boulots, rivalisant ainsi les mères allemandes n'ayant pas d'autres choix.
3.Si les pays émergeants n'ont plus besoin d'avoir recours aux fabrications allemandes, l'Allemagne devra sortir de son quant-à-soi et retrouver une politique pro-européenne.
4- Les bons points de l'élève français
1.Le Français n'émigre pas facilement, n'a pas de territoires à reconquérir. Mais elle est une terre d'immigration abondante, et sa démographie est florissante.
2.Cette jeunesse pour laquelle l'état dépense beaucoup en école, crèche, lycée, etc. est un atout. Les femmes peuvent mener des carrières ou au moins avoir des emplois déclarés socialement.
3.Les retraités d'après-demain auront des jeunes immigrés devenus français qui travailleront pour payer leur retraite.
4.La centralisation jacobine en France est un gouffre budgétaire compensant les régions mal loties mais les structures locales sont entretenues, restaurées, en bon état. le tourisme afflue…
Ma question : La France n'a pas transformé la Francophonie en un substitut d'Hinterland. Mais n'est-ce pas une carte à jouer pour insérer ses immigrés que de savoir la customiser en World culture ?
D- Réflexions à mener sur des problèmes communs à l'Allemagne et à la France pour des réponses européennes :
1.Conversion écologique de l'énergie européenne : mettre en place un service public, sorte de Green Deal
2.Solidarité de la politique européenne monétaire ; intégration bancaire et modalités de crédibilité politique.
3.Intégration des jeunes immigrés dans le système éducatif
4.Orienter la jeunesse vers les sciences et les techniques (le Brain Drain des étudiants du Sud de l'Europe ne suffisant pas à répondre à la demande d'ingénierie pointue)
Ma Question : ne pas oublier que l'Allemagne conservatrice pratique le Christianisme social. Pas de séparation entre l'état et l'Eglise. La France révolutionnaire, hiérarchique et séculière, ne devrait-elle pas réfléchir à son mode de communication avec un pays désormais géographiquement et philosophiquement moins Catholique, plus Protestante, avec toute la perspective sous-jacente de la Mémoire informant des sensibilités venus de l'Est et du système de valeurs induit au sein de l'entreprise.
A lire donc pour découvrir bien d'autres analyses, notamment hystorique ce livre : «
Made in Germany. le modèle allemand au-delà des mythes »
de
Guillaume DUVAL – Editions du Seuil – 229 pages
Patricia JARNIER 26 mars 2013 Tous droits réservés.