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EAN : 9782493213037
152 pages
NOUVEL ATTILA (04/03/2022)
3.66/5   19 notes
Résumé :
Le passage de l’enfance à l’âge adulte d’une petite fille, plus « sanglier » que biche, qui construit des cabanes pour survivre à un monde où l’amour n’est pas infaillible. Elle y abrite ses tribus, sauf lorsque ça dérive comme un radeau après les tempêtes des premières passions amoureuses.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
« Cabane », matrice, l'alcazar, refuge-grotte, le récit prend place. L'enfant conte sa vie, écueil et dérive. Les mots surdoués de Millie Duyé accompagnent cette petite fille piégée dans l'orée des alias familiaux. Fissures abyssales, chevelure accrochée aux branches-abri. L'enfance écartelée, deux maisons, grand écart, le vide l'interpelle. Elle creuse son nid dans un antre rien que pour elle. Se construire à pas de loup, subrepticement la colline de ses désirs d'enfance.
Elle chuchote cette enfant, l'heure fragile des repères qui s'effondrent. Un père côté nord, une mère côté sud, elle cherche la lumière dans son refuge-laine. Se bâtir une cabane. S'inventer la tiédeur, le cocon, devenir unique et sans attache.
La cabane parabolique où s'agite l'imaginaire et les fantasmes, où le jeu est contre-poids. Elle puise dans ses architectures la marelle ciel et terre et piétine les faillites parentales. Elle avale une ancre, un petit jouet symbolique. Appel au secours, se noyer dans ses propres turbulences.
Le récit intrinsèque, dévorant, superbe est une alliance infinie avec cette enfant. S'évader pour sauver sa maman défaillante et malade, un père à mille mille des enjeux éducatifs, l'absent qui aime sa fille mais mal, lac salé et mer indigne. Ses cabanes sont des poupées gigognes, pour elle et le voyage intérieur une soupape de sécurité.
« Ici personne ne pleure avec de vraies larmes. Ici, je perds mon âge, sans être malade. On voyage sans même se déplacer. Hier, vieillard éclopé, demain, princesse éplorée, mais toujours en sécurité, loin du dehors, dans un endroit où le débordement fait de nous des héros. »
« Le plancher est rudimentaire mais celui-là ne s'effondrera jamais. »
Arche de Noé, baume au coeur et racines, cabane (es) pour l'enfant-adulte sans craies de couleur.
L'écriture est un palais d'honneur, plus qu'une rencontre avec cette petite fille, une fusion toute de liane, d'intuition et de franchise.
Malade et si démunie de tendresse, pain moisi abandonné dans la cabane. Une pomme sous le lit, observer la pourriture montante, le déni des parents.
« La cabane a un sexe et il est féminin. »
« Je crois naviguer du C au A, quand je suis déjà ailleurs, bâillonnée. »
Grandissante, puzzle au nom commun, floutée par les méandres intestinaux. Recueillir dans ses mains d'enfance pâle, les monts et les soucis, marée-haute, la cabane dérive.
« Je ne suis plus qu'un lieu. »
Ce livre bleu-nuit est triste et beau, lumineux et sombre à la fois. Les rêves d'une fillette écorchée vive dans les entrelacs où les siens ont détourné les yeux. Radeau de Géricault, les métaphores, aigles noirs, l'enfance as de pique, la carapace exutoire.
Murmures et l'amour coque, je pense que la bonté est rare. Ce récit est un séisme mental. Un livre désespérément magnifique. Une cabane littéraire qu'on serre dans nos bras de toutes nos forces.
« Bateau-lit, glisser sur le fond de la mer »
Le crépuscule et un hommage aux enfants égarés dans les limbes familiales.
Inoubliable, puissant. Un livre pour tous les parents du monde. Publié par les majeures éditions Le Nouvel Attila.
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Récit poétique intérieur désespérément alerte et enjoué, conjuration survivaliste, par l'imagination et le théâtre des choses, de ce qui rôde et menace entre enfance et âge adulte : un très grand texte.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/03/22/note-de-lecture-cabane-millie-duye/

Dans le désordre sans nom de la séparation de ses parents, entre nouveaux appartements, nouvelles écoles, nouvelles vies, la petite narratrice organise avec fougue la construction de repères bien personnels, puisant avec une redoutable détermination dans les trésors de la langue et de l'imagination, domestique ou scolaire, joliment littéraire ou joyeusement sang-mêlé, pour rétablir – ou peut-être, simplement, établir – un équilibre dynamique, une recette magique de survie allègre parmi les paysages du doute et de l'incompréhensible. La petite fille grandira, et quittera les terrains de jeu fournis par la cour de récréation pour ceux des premières amours, absolues mais insidieusement exposées à la comparaison secrète avec là d'où l'on vient, et d'un havre souverain, n'ayant décidément rien de gris, celui du théâtre : avec une inventivité intacte, voire amplifiée, tout au long de ce parcours initiatique qui relie la petite enfance à ce que l'on convient d'appeler, socialement, l'âge adulte, un univers drôle et combatif, acceptant et transmutant les grains de folie comme les énergies noires disponibles, prend forme sous nos yeux incrédules et de plus en plus enchantés.

C'est dans une nouvelle à marquer d'une pierre blanche, « Des cabanes », que l'on avait découvert en 2019, déjà, cette formidable capacité d'écriture à plusieurs niveaux simultanés, dotant la narratrice enfant puis adolescente, en l'espace de quelques éclairs, des armes de mise à distance et d'ironie mine de rien lui permettant de dompter, par le double pouvoir de l'imagination et du bouillon culturel à haute intensité, les peurs bien trop réelles, qu'elles naissent des sauvageries de cour de récréation ou de celles, plus insidieuses, des familles en voie d'éclatement ou peinant à se recomposer.

Avec ce « Cabane », publié au Nouvel Attila en mars 2022, roman qui prolonge et amplifie la nouvelle d'origine (avec une impressionnante couverture provenant du travail unique de l'artiste Brooke DiDoNato), Millie Duyé (que l'on avait vue à l'oeuvre au théâtre avec la troupe des Entichés, jouant magnifiquement Jonas Hassen Khemiri ou le « Provisoire(s) » de Mélanie Charvy, inventant « le renard envieux qui me ronge le ventre », toute seule) parvient à inventer le langage très personnel, nourri d'histoires racontées, de lectures effectuées et de fantasmes vécus, condensé dans le mixer haute vitesse d'une préparation jeu vidéo gonflée à la littérature, de l'enfant et de l'adolescente face à l'éclatement normalisé, d'une conjuration survivaliste enjouée qui se tient debout dans la tempête et y propulse une tendresse de compétition – comme le début d'une véritable saga du récit poétique intérieur.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Dire le silence qui ne passe pas
la violence des adultes qui cherche l'enfance en assassinant celle de leur progéniture
ne protège pas ne hisse pas
Devenir des femmes bateaux des mères enfants et embarquer
Voguer et construire un abri un vrai qui ne tangue pas avec les cris et les meubles à travers la pièce
le cap un matin trouveras l'ancre avalée
Cherche petite fille appartient toi
Pardonne et laisse fondre la brûlure pour ne pas couler
quelque part une cabane debout
un espace planche une tribu réinventée un décor réévalué ou même les tristes désaxés trouvent grâce au monde
parfois ça tremble ça déchire mais même malhabile habite toujours
juste pour sentir levons les voiles
à l'arrière pas de réponses seulement des questions qui plantent racines
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Cabane, c'est l'histoire d'une petite fille qui subit la séparation de ses parents, de nouvelle maison en nouvelle maison, sans endroit fixe où planter ses racines, elle construit ses cabanes là où elle se trouve.

De voix d'enfant, la narration passe à la voix d'adolescente puis de jeune femme, tout en conservant ses fêlures, sa fragilité.
Millie Duyé insuffle à son roman une véritable intensité.

C'est aussi un texte qui peut désarçonner, qui m'a parfois perdue mais m'a raccrochée par cette poésie contenue dans chaque phrase.
Et comme c'est un premier roman, cela augure du très bon pour la suite !
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J'étais intriguée par ce roman et son titre. J'ai apprécié la première moitié du texte où la narratrice raconte son enfance et notamment le rôle des cabanes, des refuges face à un monde d'adulte peu rassurant. En revanche la deuxième moitié m'a perdu, on reste très extérieur au texte qui se concentre sur l'histoire d'amour de la narratrice. L'écriture est très imagée et poétique mais j'ai été moins touché qu'au début.
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critiques presse (1)
LeMonde
18 avril 2022
Dans ce fulgurant premier roman, la cabane, c’est le corps, l’imagination et la littérature tout à la fois.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
La maison de mon père est trop grande. Je sais qu’on dit que c’est bien d’avoir une grande maison. Ma mère, elle, dit que c’est bien. Elle dit, il a de la chance ton père. Moi je pense que ce n’est pas nécessaire. Pas nécessaire d’avoir une grande maison si c’est pour ne rien en faire. Mon père, il a une grande maison vide. Il ne s’embarrasse pas des choses – ce qu’il dit. Il est pratico-pratique – ce que dit ma mère. Pratico-pratique, je ne sais pas bien ce que ça signifie, j’imagine que ce sont des gens qui n’ont jamais le temps parce qu’ils ne font que des choses très pratiques. C’est pour ça qu’elle le dit deux fois ma mère, car mon père n’est pas simplement pratique, il ne fait pas que pratiquer, il pratique des choses pratiques, il est pratico-pratique. N’empêche que d’avoir une grande maison c’est pratique. Pratique pour des choses. Avoir de grands animaux que personne ne peut avoir, par exemple. Comme des éléphants. Ou des bélugas. Mon père a nagé avec des bélugas et moi je me dis que pour une fois qu’il aime quelque chose, autant le mettre en pratique : avoir de grands aquariums, des aquariums géants pour les bélugas, ça, ce serait pratique.
J’ai déménagé. J’ai oublié comment mais j’ai aujourd’hui deux parents, bien différents. Chez mon père, il y a beaucoup de place ou beaucoup de vide. Tout dépend de quel côté on se place. Mon père parle de remplir l’espace, moi je ne vois que ce qui manque : ma mère.
Je n’aime pas les maisons vides, je les aime encore moins quand elles sont grandes, parce qu’on s’y sent plus petit. Je ne grandis pas – ce que dit le docteur. Je m’assieds sur une chaise qui me fait suer des cuisses, ma peau collée au plastique, j’ai honte de transpirer chez un inconnu. Le docteur nous montre un graphique. Un graphique, c’est une page quadrillée représentant une courbe qui, selon le docteur, peut prendre des directions différentes, comme dans la vie.
D’après lui et d’après la courbe, je ne prends pas une direction ascendante. Je garde la tête froide. Je lui demande calmement si je rétrécis. Avec le sérieux des médecins qui annoncent les morts, il me répond par la négative et ajoute que je ne serai juste pas bien grande. Ma mère est ravie, ça n’a pas l’air de l’inquiéter du tout que je sois une future naine. En sortant, je lui dis que tout n’est pas perdu, sans doute le docteur se trompe, elle-même n’était-elle pas petite étant enfant ? Ma mère est très grande, si je suis bien sa fille, je le serai à mon tour. Tu es bien la fille de ton père – ce qu’elle dit. Je voudrais retourner chez ma mère pour ne pas finir toute petite. Je demande : Quand est-ce que tu reviens à la maison ?
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Encore heureux que je sois la fille de mon père, que j’aie son sens pratique – c’est ce que dit mon père – et que je sois créative – c’est ce que dit ma mère. Grâce à mon sens pratico-créatif, je peux construire une maison à ma taille. Encore heureux que mon père aille chez Ikea – mon magasin préféré – et que j’aie le droit d’avoir un lit spécial en hauteur, un lit super-posé – c’est comme ça que dit mon père. Il n’y a que les magasins Ikea – des boutiques pour les Suédois – qui fabriquent des lits super-posés. Mes amis, qui ne vont pas chez Ikea, ont des lits français qui sont juste posés et franchement pas super. Sous mon lit, je peux construire une maison, plus petite. Une maison de chaoui. Chaoui, c’est un mot que mon père dit. C’est joli, c’est un bon mot pour les gens petits. J’ai tendu un drap du haut du lit, coincé sous le matelas il forme les murs et j’ai installé ma maison en dessous. D’ici, les lattes du sommier donnent un effet poutres apparentes à mon plafond. Je peux y accrocher toutes sortes de choses, le linge qui sèche – j’utilise encore la machine de mon père, mais je compte bien, très prochainement, installer un système de lave-linge – les lumières, avec plusieurs lampes torches – il y a une prise dans le coin, derrière mon lit, mais je préfère être autonome en énergie si ma maison venait à voyager toute seule, si ma cabane devait se transformer en bateau, ou juste se déplacer comme ça nous arrive souvent dans ma famille. J’ai oublié lesquelles, mais cette année j’ai eu trois écoles et trois maisons différentes. Ça dépend de qui mène la barque entre mes deux parents. Je voyage et déménage en suivant toujours le vainqueur. Pour l’instant, c’est mon père qui gagne.
Je dois suivre les règles de sa maison. Ma cabane est dépendante des lois du terrain qui l’héberge. Ma cabane ne s’appartient pas. Je ne peux pas mettre de la paille ni adopter un bébé porc alors que ce serait le rêve.
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Je me demande si dans ce qu’on appelle les situations extrêmes on ne serait pas toujours à égale distance d’un bord ou de l’autre, du blanc et du noir. Comme lorsque l’on se brûle très fort et qu’on ne sait pas si c’est glacial ou brûlant. Je ressens tout trop fort, je ne sens absolument plus rien. Absente à l’extérieur, en dehors du monde, mais trop présente à moi-même. Mon cœur bat partout.
Partout.
On dit souvent battre la chamade. Moi j’imagine mon corps comme un flipper avec mon cœur qui bat dans tous les coins, qui rebondit plus ou moins fort à certains endroits. La chamade, j’imagine ça comme ça, quelque chose d’emballé et d’irrégulier. Là, ce n’est pas la chamade. C’est le battement du cœur, homogène, je voyage en moi-même comme dans le dessin animé Il était une fois… la vie. Il bat pareil dans mes oreilles que dans mes genoux, que dans ma cage thoracique et c’est tout.
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Quand ma mère a ses traversées de douleur, je l’allonge dans son lit gigantesque. Je monte devant, tout au bord et je garde le cap. En tant que tribu-équipage, on a dû s’assembler très vite parce qu’on est des femmes dans un monde d’hommes qui ne nous valent que des emmerdes, comme le dit ma mère. Elle a bien raison. Nous, les femmes-mères, on sait toutes les choses du monde et c’est pour cela que l’on doit courir partout.
Je suis un peu comme son bras droit, je fais les mêmes choses que ma mère. Je l’assiste. C’est une femme d’affaires, pas une femme de maison, comme les autres mères que l’on peut voir à la sortie de l’école. Ma mère ne ressemble pas non plus aux mères que l’on peut voir à la télévision, dans les publicités pour la lessive, avec leur tête de femme parfaite qui sont vraiment des connes. Ce n’est pas du tout son genre. On n’est pas ce genre de famille.
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Un refuge ce n’est pas vraiment un endroit où l’on se sent comme chez soi, c’est un endroit où l’on reste en attendant que l’orage passe. En ce moment, je passe un temps chez mon père. Pour la deuxième fois de ma vie, mon père m’exfiltre mais aujourd’hui, c’est pour me préserver d’un matricide.
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