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EAN : 9782869306424
271 pages
Payot et Rivages (01/04/1993)
3.93/5   27 notes
Résumé :
Weizmann, petit commerçant qui tient une épicerie, vient de tuer une jeune Noire qui, selon lui, tentait de pénétrer dans sa boutique. Or, cette jeune Noire est la huitième personne de couleur que Weizmann abat dans des circonstances analogues. Et selon la rumeur publique, le petit commerçant laisserait, certaines nuits, la porte de son magasin ouverte pour mieux piéger ses victimes"...
Né au Cap en 1940, Wessel Ebersohn a été amené, à l'époque de la rédacti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Un roman noir se déroulant en Afrique du Sud nous fait toujours entrer dans une autre ambiance qu'un autre, comme si nous pénétrions dans une autre dimension, poussant une porte que l'on aurait aimé ne jamais ouvrir.

Pourtant, je la pousse toujours dès qu'il s'agit de Wessel Ebersohn et de son détective psychologue, Yudel Gordon.

Avec ce roman-ci, je pense que j'ai vraiment poussé une porte ultime et été le témoin d'actes dont j'aurais mieux aimé ne jamais apprendre l'existence.

N'étant pas un lapereau de l'année, je me doutais qu'elles avaient lieu, je les suspectais, l'Humain étant le champion du monde toute catégories au niveau de la cruauté et des pièges tendus aux autres.

Le premier chapitre ne nous laisse que peu de possibilités de fuite : on assiste, impuissant, à l'entrée d'une gamine Noire crevant de faim dans le piège tendu par le commerçant Johnny Weizmann : la porte de sa réserve entrouverte et la vue, pour les estomacs affamés, de paquets de biscuits.

Deux balles tirée à bout portant pour cette gamine. Pas de sanction pour l'enfant de salaud de Weizmann, si ce n'est de consulter un psychologue parce que là, ça en fait un peu de trop, de trophée de chasse humain.

Un enfant de salaud, en effet… Oui, papa Weizmann était un salaud de la pire espèce et penser que son fils, flingueur de pauvres hères, en est un aussi, c'est un pas qu'il ne faut pas franchir trop vite.

Chez l'auteur, rien n'est jamais tout à fait blanc, ni tout à fait noir et au fil du récit, on fait la part des choses, on comprend le pourquoi, même si on ne pardonne pas. le problème est né ailleurs, les conséquences se font sentir depuis lors.

Yudel, pressentant que le commerçant va récidiver et ne le voyant plus arriver à ses séances va mener son enquête et elle ne sera pas de tout repos, l'auteur en profitant pour nous faire visiter une partie de la mentalité de l'Afrique du Sud qui ne laisse pas indemne tant la violence est banalisée et la population Noire sans droits aucun, si ce n'est de se taire et de ne rien dire. Raser les murs, aussi. Et pire encore.

Dans une société où seuls les Blancs ont le droit de s'armer, où seuls les Blancs ont des richesses, des possessions et donc, des choses à perdre lors d'une cambriolage, il est est autorisé par la loi de tirer à vue sur un cambrioleur, qu'il soit menaçant ou en fuite et si vous vous trompez de cible, pour les policiers, si la personne tuée ou touchée est Noire, et bien, on classera l'affaire.

Pousser la porte d'un roman de Ebersohn comporte toujours un risque, en plus de celui de devenir accro à ses romans, ses ambiances, son personnage atypique d'enquêteur psychologue : ici, nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours, si dans de la SF, mais ceci est la réalité d'une société et il est un fait que le roman est glaçant.

Le lecteur prend un risque en le lisant, mais dites-vous bien que l'auteur en a pris encore plus pour l'écrire car toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

L'histoire se déroule en 1978… On sent, malgré tout, que le système horrible qui était en place se gangrène, qu'il n'est plus tout aussi puissant qu'avant, que le reste du Monde a porté un regard sur les émeutes de Soweto qui eurent lieu en 1976 et que l'Afrique du Sud telle qu'elle était commence à vaciller sur son piédestal.

La bête est blessée, mais avant d'agoniser, elle donne toujours des coups de crocs, de griffes et tente, malgré tout, du survivre car perdre son statut de tout puissant Homme Blanc fait peur et entraîne que la vie ne sera jamais plus comme avant.

La Nuit Divisée est un roman noir glaçant qui décrit une société pourrie de l'intérieur et un système inégalitaire qui n'a que trop duré. Tout à son enquête, Yudel Gordon nous laisse entrevoir la vie et le mode de raisonnement de certains de ses compatriotes, qu'ils soient Blancs tout puissant ou Noir et sans droits.

Un roman noir percutant et pour l'instant, le meilleur de la saga.
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Un roman sur la rupture au temps de l'apartheid, entre noirs et blancs, suprématistes et communistes de l'ANC, puissants et soumis, Anglais et Afrikaners… La nuit divisée est un livre très noir, une enquête sur un crime d'une violence extrême (le premier chapitre est à la limite du soutenable) mais hélas d'une grande banalité dans la société inégalitaire de l'Afrique du Sud d'alors. Une société dans laquelle, quand un blanc tue un enfant de couleur, tout est joué d'avance au niveau de la justice. Johnny Weizmann est un commerçant (blanc) que l'on pourrait croire paisible s'il n'avait tué à plusieurs reprises des inconnus (noirs) pénétrant dans sa boutique et n'avait été « innocenté » en vertu de la légitime défense. Soumis à des consultations avec Yudel Gordon, psychologue attaché au ministère de la Justice, il se révélera peu communicatif et encore moins enclin à coopérer. Ce n'est qu'en interrogeant des membres de sa famille et des témoins que le praticien parviendra à cerner une personnalité très perturbée.

Yudel Gordon est un personnage récurrent des romans de Wessel Ebersohn. Humaniste, il se considère comme quelqu'un dont le travail est de guérir et non de punir et forme une équipe informelle avec son ami le colonel Freek, un flic peu convaincu par l'idéologie du pouvoir en place. Pas évident et même périlleux quand ceux qui mettent en question le principe du « développement séparé » sont considérés comme potentiellement subversifs.

La nuit divisée se lit à deux niveaux – ce qui n'est pas rare dans la littérature policière africaine – celui d'un roman policier de procédure assez classique (à l'issue assez prévisible pour les familiers du contexte) et celui de la mise en question d'une société répressive, refermée sur ses valeurs biaisées, obsédée par la lutte contre le communisme, profondément marquée par la peur. Wessel Ebesohn n'épargne rien ni personne, ni un régime qui n'hésite pas à utiliser la torture contre ses opposants politiques, ni des hommes ne reculant devant rien pour défendre ce qu'ils croient être une société juste… Portrait d'une société malade dans laquelle d'anciens Huguenots persécutés se sont eux-mêmes transformés en persécuteurs et qui a conduit un Juif à oublier et même à renier ce qu'il est, le roman est d'un désespoir total.

Tout ici est divisé en deux, à l'image de la nuit qui partage la vie de Johnny Weizmann entre la quiétude et la sécurité familiale et « le royaume de la peur, de la violence et parfois de la mort ». Une séparation qui ne fait pas de différence entre les êtres : « A Soweto, comme dans la petite boutique de la rue Mybourgh, la nuit était divisée. Ici aussi, l'amour et le groupe se battaient contre la douleur et l'aliénation pour le pouvoir. Et ici non plus Yudel ne voyait pas de solution. »

Il n'y a pas de perspectives de changement dans l'Afrique du sud des années 80 que décrit La nuit divisée. Les opposants doivent être éliminés par tous les moyens, ceux qui mettent en cause les idées en place sont inquiétés et pourchassées (Wessel Ebersohn sait de quoi il parle) et les assassins ne sont pas toujours punis. Réaliste, violent, sans concessions, un livre à placer parmi les romans très noirs comme Un linceul n'a pas de poches d'Horace McCoy ou le der des ders de Didier Daeninckx.

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Cissy, quatorze ans, et son petit frère de cinq ans sont affamés depuis que leur mère n'est pas revenue à la maison. Cissy est noire et nous sommes en 1978, en Afrique du Sud. Quand elle voit cette réserve de magasin ouverte sur des boîtes de biscuits, Cissy décide de voler de quoi survivre. C'est sans compter sur la présence de Johnny Weizmann, le propriétaire, qui l'abat de deux balles dans le corps.
Quelques jours plus tard, Weizmann, à la demande du tribunal, débarque chez Yudel Gordon, psychologue. C'est que Weizmann n'en est pas à son premier meurtre mais au huitième déjà. Et ce que Yudel va apprendre, c'est que Weizmann force le hasard. Si les « cambrioleurs » se bousculent pour se faire abattre chez lui, c'est qu'il laisse volontairement la porte de sa réserve ouverte. Pourtant, il n'a jamais été sanctionné d'autre chose que d'une simple confiscation temporaire de son permis de port d'armes.
Yudel Gordon, épris de justice, va donc chercher à empêcher Weizmann de poursuivre son macabre stratagème. Mais sous le régime de l'apartheid, c'est moins après Weizmann qu'après le témoin noir du meurtre de Cissy qu'en a la police.

Aiguillé vers ce roman par Yann, de Moisson Noire, après quelques échanges sur les romanciers sud-africains, je me doutais bien que La nuit divisée ne serait pas vraiment un livre léger. Ce fut en fait une lecture glaçante. Comme avec les frères Gueorgui et Arkadi Vaïner et leur Évangile du bourreau, pour ne prendre qu'un exemple, l'immersion dans une société totalitaire menée par un écrivain qui vit dans cette société (la quatrième de couverture nous indique d'ailleurs que Wessel Ebersohn a dû, pour écrire son livre se retirer dans un lieu secret et se séparer de sa femme qui a malgré tout subi des tracasseries policières) est une expérience à la fois fascinante et éprouvante.
L'histoire de Weizmann est ici le prétexte à la dénonciation de la perversité d'un système qui, pour perdurer, doit s'en remettre aux pires sadiques. Car en 1981 (date de publication du roman), cinq ans après les émeutes de Soweto qui ont véritablement fait prendre conscience au monde de l'oppression de la population noire sud-africaine et entrainé l'embargo, le régime sud-africain a déjà du plomb dans l'aile et commence à pourrir sur pied. À l'image de Weizmann touché par une maladie qui amène ses extrémités à se gangréner. Mais avant d'agoniser, ce système va encore chercher à survivre en gagnant encore en paranoïa et en répression violente. C'est bien ce que nous propose à voir Wessel Ebersohn dans La nuit divisée, les derniers soubresauts violents d'un régime acculé qui s'abandonne encore un peu plus à ses penchants les plus sadiques.
La nuit divisée est un très beau roman noir. C'est aussi un témoignage. Un livre qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses, mais qui nous aide à comprendre le monde.

Lien : http://encoredunoir.over-blo..
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Après avoir lu ce roman paru pour la première fois en 1981 il est impossible de s'étonner des menaces dont fut l' objet Wessel Ebersohn de la part du pouvoir de l' apartheid.
La nuit divisée est le second ouvrage mettant en scène Yudel Gordon, son héros récurrent, psychiatre, juif, employé de l' État au service de la réinsertion des criminels, à son compte durant ses heures de libertés. L' histoire commence en 1978 lorsque se présente à son domicile adressé par un ami, Weizmann commerçant d' une petite épicerie qui cumule les ennuis. du propre aveux de Weizmann c'est la huitième fois que son commerce est la proie des voleurs, la huitième fois qu' il utilise son droit à se défendre et à défendre ses biens, cette jeune fille noire pauvre est sa huitième victime.
Alors malchance ou curieuse similitude d'autant que d'après la rumeur publique la nuit la porte arrière resterai entrouverte.
Un roman noir sans concession pour le régime sud-africain alors en place, Yudel Gordon est un personnage très attachant loin de militer pour une cause ou pour une autre c'est un homme qui cherche à (r)établir un semblant de vérité et de justice.
Derrière l' histoire policière simple c'est une analyse tout en finesse de la société sud-africaine de la fin des années 1970, des années où les oppositions atteignent leurs paroxysmes.
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Encore un polar sud-africain. Original et plutôt bien écrit.
Original parce que, entre autres choses, le personnage principal, le 'héros' est un psychologue juif qui travaille occasionnellement avec la police.
Un jour on lui refile un patient encombrant : un afrikaner qui tient une boutique minable dans un quartier minable de Jo'burg. le vieux bonhomme a la fâcheuse habitude de laisser tout exprès la porte de sa boutique ouverte la nuit. de quoi tenter sinon le diable, du moins les pauvres bougres bantu du quartier qui tentent de venir chiper quelque chose pour améliorer leur triste ordinaire. Et le vieux fait un carton à chaque fois.
En état de légitime défense, Votre Honneur.
L'Afrique du Sud à cette époque (on est à la toute fin des années 70, dans les dernières années de l'apartheid) est encore un pays où l'on ne condamne pas un blanc qui défend son bien (et même sa vie, Votre Honneur) contre d'affreux bantous. Alors le vieil épicier continue son manège, et c'est tout juste s'il doit se soumettre à quelques visites à notre psychologue de service.
Les choses se compliquent quand on apprend qu'il y a eu un témoin du dernier carton du vieux bonhomme. Et que ce témoin est un 'communiste' (un rouge, donc noir aussi hein) activement recherché par la sécurité.
Et en Afrique du Sud tout le monde, blancs comme noirs, a peur de cette Sécurité toute puissante qui marche dans les traces de sa soeur aînée, la Gestapo.
Yudel Gordon se rend bientôt compte que sa pratique médicale sera insuffisante pour arrêter les pulsions meurtrières de l'épicier.
Et le voilà en train de mener son enquête tout en essayant de naviguer maladroitement entre les différents écueils (l'enfer est pavé de bonnes intentions, même pour les juifs d'Afrique du Sud visiblement) et l'on découvre au passage quelques aspects intéressants (sombres mais intéressants) de ce pays gangréné qui n'était pas encore devenu une nation arc-en-ciel.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Pour la première fois, le plus jeune prit la parole. C'était un type épais avec un visage empâté aux traits mal définis. Aux yeux de Yadel, il avait la tête de quelqu'un qui aurait été brutalisé, d'un homme qui avait dû voir bien des horreurs et avait participé à la plupart d'entre elles. Il jeta un coup d'oeil à une étagère où s'alignaient en rang serré des livres de psychologie et des romans en collection de poche, et la phrase qu'il prononça parut davantage s'adresser à Dippenaar qu'à Yudel. " C'est comme les maisons des communistes. Il y a des livres partout. "Puis il se tourna vers Yudel et lui grimaça un sourire, comme pour lui dire "c'est pas grave, mon vieux, je sais que t'es pas communiste" Yudel fixa le plus jeune des policiers, puis examina avec curiosité l'étagère, se demandant ce que l'autre lui reprochait. Le mot communiste était redouté dans la société dans laquelle ils vivaient. Y étaient associés les quatre-vingt-dix ou cent quatre-vingt jours de garde à vue sans avoir droit au moindre procès, les restrictions de liberté selon le bon plaisir de la police politique, les ordres d'assignation à résidence obligeant la victime à ne pas bouger de sa maison ou de son appartement, les condamnations à la prison... Peu de Sud-Africains souhaitaient se voir associés à de telles mesures.
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Jusqu'à aujourd'hui, Yudel n'avait pas spécialement remarqué l'existence du Black Social Endeavours. Comme la plupart de ses concitoyens, il vivait dans une société fermée, dont les frontières ne dépassaient pas les préoccupations étroites du groupe auquel il appartenait. Il n'avait que rarement l'occasion grâce à son travail d'aller au-delà de cette vision limitée. Il savait que que ses compatriotes noirs évoluaient dans un monde totalement différent de celui dans lequel il vivait et il comprenait en partie leur souffrance, mais comme il ne les partageait pas, cela restait évidemment limité.
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Yudel se rendait compte que, pour Johnny Weizmann, la nuit était partagée en deux. C'était le moment de la fraternité et de l'amour, l'instant où se rassemblaient autour de vous ceux qui vous étaient proches, où les enfants et les petits-enfants étaient là, vous protégeant d'un monde hostile. Mais la nuit représentait aussi le royaume de la peur, de la violence et parfois de la mort. Elle annonçait beaucoup trop souvent l'heure de la mort.
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« Vous êtes juif, monsieur Weizmann ? »
« Non. » Le ton était décidé. « Non, plus maintenant. Pas depuis que j’ai atteint l’âge adulte. J’ai arrêté il y a des années. »
« Pour quelles raisons ? »
« Maintenant, je suis sud-africain, un point c’est tout. Je suis un patriote. J’essaie de faire mon devoir. J’aide la police. C’est ça qui est important. Je fais mon devoir comme un bon Sud-Africain. »
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[...] Il se demanda un instant s'il préférait tomber dans les mains des habitants de Soweto ou dans celles de le police de la sécurité. La réponse était évidente. Il préférait de loin les habitants de Soweto.
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