J'avais envie de fouler à nouveau la terre africaine et je pensais à un
Deon Meyer avec une nouvelle enquête de Benny Griessel mais comme je l'ai dit tout haut, une amie m'a proposé un polar de
Louis-Ferdinand Despreez !
Alors j'ai dit ok, je ne connais pas cet auteur ! Et me voilà partie avec son premier polar,
La mémoire courte .
Afrique du Sud juin 2004 sur la Ben Schoeman Highway, importante autoroute d'Afrique du Sud reliant Johannesburg à Pretoria, le Capitaine Zondi, Françis « Bronx » Zondi, tout juste 40 ans traverse un long moment de solitude.
Deux raisons à cela : primo sa voiture l'a lâché, secundo, son enquête piétine.
Et quelle enquête ! Depuis plusieurs semaines, chaque samedi, il a rendez vous avec la mort ou plutôt avec un macchabée dont la dépouille est gentiment déposée dans des lieux improbables et méticuleusement lavée ! le nombre des cadavres commence à faire peur.
Jeu d'un psychopathe ? D'un serial killer ? Crime rituel ? Règlements de compte ?
Zondi, qui a suivi une formation de profiler à Quantico avec le FBI , qui de plus est l'un des meilleurs flics du SAPS, la police nationale, en perd son zoulou et ne trouve pas les parts manquantes du puzzle. Son chef, le super intendant indien Padayachee, formé à l'ancienne lui laisse pourtant toutes latitudes. Zondi s'obstine préférant allé chercher les infos dans les quartiers de sécurité où certains détenus sont devenus ses indics plutôt qu'écouter la psychologue de la Brigade criminelle . Pourtant il va devoir se rendre à l'évidence, peut être l'ouverture d'une piste se dessine. En effet toutes les victimes ont au moins un point commun, elles ont des corps d'athlètes noirs, sûrement des malabars de leur vivant ! Donc une idée à creuser.
Mais le temps presse d'autant que les médias s'en mêlent et que les tension politiques sont vives: Thabo Mbeki , le successeur de Mandela en 1999, est menacé, victime d'une fronde de l'ANC, conduite par Jacob Zuma.
Louis-Ferdinand Despreez, auteur sud-africain francophone, engagé aux côtés de
Nelson Mandela dans l'ANC, nous entraîne, grâce à l'intrigue de ce premier roman, dans les coulisses de l'histoire contemporaine de l'Afrique du Sud pour mieux en comprendre la complexité nous révélant une radioscopie de la Nation Arc-en-ciel avec tous ses paradoxes, ses onze langues nationales ainsi qu'un éclairage sur la lutte contre l'Apartheid et le passé des Afrikaners.
L'inspecteur Zondi est le représentant de la transition démocratique : zoulou issu des towns-ships il a su tirer son épingle du jeu, il est vivant et a un bon job.
Mais d'autres ont choisi d'avoir
la mémoire courte pour aller de l'avant et continuer leur chemin dans la nouvelle république.
J'ai bien aimé Zondi mais aussi les profils des victimes, ressuscités au gré de l'enquête par les témoins, qui sont quant à eux les oubliés de l'Histoire.
Une plongée dans les racines de la société sud-africaine et une vue de son devenir.
Pour ne pas gâcher le plaisir de ce court polar bien rythmé, l'écriture de
Louis-Ferdinand Despreez révèle une pluralité de langage qui dynamise le récit , tour à tour incisif, humoristique, mais aussi poétique et, émaillé de nombreuses expressions afrikaans et de « fanagalo », sabir sud-africain.
Tout ce qu'il faut pour sentir et ressentir la nouvelle Nation Arc-en-ciel.
Une enquête addictive. Un auteur à explorer.
Et envie de découvrir la seconde enquête de l'inspecteur Zondi,
le noir qui marche à pied.
Et une note d'espérance à travers les mots de chief Luthuli (p,88), prix nobel de la paix en 1960 :
« Devant nous il reste à construire un nouveau pays… Il ne sera pas nécessairement noir mais africain. »