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EAN : 9782707316998
120 pages
Editions de Minuit (14/01/2000)
3.33/5   44 notes
Résumé :
A chaque fois que je voyage m'étreint une très légère angoisse au moment du départ, angoisse parfois teintée d'un doux frisson d'exaltation. Car je sais qu'aux voyages s'associe toujours la possibilité de la mort - ou du sexe (éventualités hautement improbables évidemment, mais néanmoins jamais tout à fait à exclure).
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Le peintre est un nombrilisme du pinceau: il se plait à se peindre. Offre des autoportraits avec oreille coupée (ou pas). L'écrivain, lui, hypocritement égocentrique, se plaît à se raconter, l'air de rien. Il publie des autofictions en appuyant sur la seconde partie du terme. Toussaint, lui, ne trompe pas ses lecteurs. Il brosse un portrait narquois de l'écrivain qu'il est, dans ses déplacements payés au titre de conférencier. En retenant à sa plume la drôlerie d'anecdotes exotiques.

Contribuable pas rancunière pour un sou, je suis ravie d'apprendre avoir financé une séance de travail à Hanoï où Jean-Philippe (le caritatif crée des liens. Je me sens proche du Belge soudain), Olivier Rolin et Tahar Ben Jelloun échangent gravement en se gavant (on mange beaucoup dans la réunion de travail) avec quatre écrivains vietnamiens, (un par génération) prompts à se réveiller lors de l'arrivée surréaliste d'une Jane Birkin que l'on presse de chanter.
Surtout que j'aime beaucoup Jane. D'autant plus qu'elle entonne, devant un représentant du ministère: "Et quand tu as plongé dans la lagune, Nous étions tous deux nus".

J'ai un mouvement de sympathie spontanée pour le diplomate français qui a convié Jean-Phil à Sfax, afin de contenter une assemblée de neufs personnes ("peut-être dix avec l'organisateur"). Attentives, ill est vrai. Mais neuf personnes, tout de même, même très attentives ou très très attentives, c'est peu … Neuf en comptant les deux archéologues dépannées sur le trajet entre Tunis et Sfax (9 - 2, reste 7)! Bon, après tout, je milite pour que jamais la culture ne soit soumise à une quelconque rentabilité.
Ce qui est heureux pour une lectrice de Jean-Philippe; lequel ironise sur la "matière très ténue" de ses livres.

Ténue, certes mais à l'auto-dérision délectable. En terre corse, pétanquiste patenté, vacancier et non plus conférencier, Monsieur Toussaint se brocarde (tandis que je reprends de respectueuses distances - mes impôts n'ayant pas contribué au championnat de boules local). Un portrait en deux temps: physique puis vestimentaire. Allez donc aux pages 39 et 40.Pour la jubilation.
Si l'on pioche du côté de Berlin, l'aristocrate "très prince de Savoie", Jean-Phil, laisse percer un mesquin pinailleur. Qui a raison de la germanique et désagréable charcutière. Et de Berlin, on ne saura rien. Pas plus que de Carthage où il n'y a rien à voir. Ou de Tokyo. Ou de Kyoto.
Sauf que le retour à Kyoto confronte l'écrivain à une gare désaffectée.En deux ans, la ville a plus changé que le conférencier. Jean-Philippe Toussaint, le railleur nonchalant, devient Jean-Philippe le mélancolique qui donne sens à l'acte d'écrire: "(…) écrire était en quelque sorte une façon de résister au courant qui m'emportait, une manière de m'inscrire dans le temps, de marquer des repères dans l'immatérialité de son cours, des incisions, des égratignures".

Au prochain passage de mon percepteur, je garde le sourire.
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Quand Toussaint se livre, c'est avec un sourire en coin ou une larme esquivée que l'oeil ne laisse pas couler. le lyrisme enfoui ne remonte à la surface que devenu allusion, et, comme dans ses romans, les situations bizarres de la vie errante de l'écrivain prennent une densité poétique et un humour mine de rien qui charment et surprennent à tout moment. Dans un pousse-pousse à Hanoi, c'est le temps qui s'arrête au milieu de l'infernale circulation, avant que quatre générations d'écrivains vietnamiens ne supplient Jane Birkin de leur chanter une chanson (sans qu'il ne nous soit jamais expliqué ce que Jane Birkin peut bien foutre à Hanoi). Au Cap corse, c'est une partie de pétanque remportée qui acquiert (mais pourquoi ?) le statut de "plus beau jour de ma vie". A Berlin, c'est l'hostilité de la vendeuse de viande qui suscite la terreur d'un auteur, qui se retrouve, quelques pages plus loin, coincée sur une route tunisienne avec des femmes archéologues, à l'endroit où, prémonition non réalisée, la mort devait survenir. Bref, des instants sont saisis au vol, passés au crible de l'écriture, qui, en en montrant la bizarrrerie ordinaire, en fait des moments de plaisirs et de rigolade pour un lecteur séduit.
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Fermons les yeux un instant. Imaginons une fin de dîner, pintade farcie sauce morille copieusement arrosée de Ruinart. La nuit est déjà bien entamée, les rires sont désinhibés, l'éloquence est requise : "Allez, vas-y, Jean-Phi, raconte Hanoi !", "Oh, c'est pas vrai, tu devrais en écrire un livre". Faute d'inspiration, et conseillé par des mécréants, c'est ce que Jean-Phi fit!

Toussaint rédigea ainsi les douze anecdotes qui pimentent le mieux les dîners mondains, en y mettant une pincée de sel sous forme d'autodérision et les ingrédients habituels d'une recette généralement savoureuse : son écriture pétillante, sa délicieuse faculté d'émerveillement, ses âpres élans nostalgiques et ses doucereuses envolées poétiques.

Alors pourquoi cet autoportrait m'a agacée ?

Déjà, parce que Toussaint se targue d'avoir voyagé au 4 coins de la planète pour des raisons qu'il n'a pas l'air de trouver primordiales et, à l'époque de Gretha Thunberg et d'Extinction Rébellion, il me démange de lui réclamer une taxe carbone à déduire du cachet de la vente de son livre.

De plus, Toussaint semble s'être appliqué à donner l'image d'un homme simple, en devalorisant son travail qu'il qualifie de "matière très tenue de mes livres", en exacerbant ses défauts (comme sa cruauté à Berlin) exagérant les quiproquos (je pense à sa rencontre avec son admiratrice japonnaise), donnant même des détails scabreux de sa machinerie interne, et en allant jusqu'à proclamer "meilleur jour de sa vie" celui où il a remporté son concours de boules (la pétanque, s'entend, enfin quoique). Mais en dépit de tous ces efforts, ce n'est pas une impression d'humilité qui se dégage de cet autoportrait, mais tout son contraire. Les allusions à son allure, aux égards dont il est l'objet et aux célébrités qu'il fréquente donnent une image d'un monde fastueux dans lequel il évolue avec aisance, alors que, selon moi, la description de son environnement social n'était pas indispensable à cet exercice.

Ben, du coup, désolée pour Jean-Phi si je lui ai refait l'(auto)portrait à ma sauce. Mais décidément, je préfère lorsque Toussaint raconte, que lorsqu'il se la raconte.
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N°918– Juin 2015

AUTOPORTRAIT (à l'étranger)- Jean-Philippe Toussaint – Les éditions de Minuit.

Pour un écrivain volontiers égocentriste, l'autoportrait (à l'étranger ou pas) paraît être une chose facile et ce d'autant plus que dans tout ce que Toussaint écrit il y a toujours une (grande) part de lui-même et ce nonobstant le fait qu'il prend la précaution de se cacher derrière le masque d'un personnage.

Cette série de portraits qui sont autant de nouvelles où il tient une place centrale, se passe donc à l'étranger, c'est à dire qu'ils se croque lui-même à l'occasion de voyages qu'il fait hors des frontières de la Belgique, aux frais des institutions pour participer à un colloque d'écrivains ou pour son propre agrément. Ainsi entraîne-t-il son lecteur de Tokyo à Hanoï, partage la vedette avec Tahar Ben Jelloun ou Olivier Rolin et même Jane Birkin à qui des écrivains vietnamiens venus écouter l'auteur réclament une chanson et dont on se demande ce qu'elle peut bien faire dans un tel aréopage. Les voyages ouvrent l'esprit, réservent parfois des surprises comme à Sfax où il est accueilli par un universitaire attentif, mais par une assemblée de 10 personnes seulement ! Il ne cache rien à son lecteur, évoque des érections spontanées à l'approche de Sousse, même si cette situation est pour le moins étonnante alors qu'une visite en principe chaude dans une boite de strip-tease japonaise lui cause une réelle répulsion. Étonnante aussi, cette victoire dans un championnat de de pétanque au cap Corse présentée comme « le plus beau jour de sa vie » !(Je veux bien que cela prenne des allures de finale de Coupe Davis, mais quand même). Il ne cache rien de ses douleurs lombaires ni de sa perte de repères spatio-temporels, ses manques de mémoire et autres petits problèmes liés à sa charge de père de famille ou de l'envie qu'a Madeleine, sa femme, de repeindre tout ce qui passe à sa portée.

Chacun des moments de sa vie, même les plus anodins, est prétexte à cet autoportrait égocentrique, qu'il rencontre une admiratrice nippone ou qu'il se révèle d'une grande cruauté en achetant de la charcuterie dans la boutique d'une malheureuse commerçante allemande. Rien à voir en tout cas avec l'ennui d'un guide touristique, ce qu'on pouvait légitimement redouter puisque que, notamment Carthage le laisse complètement indifférent.

J'aime bien Jean-Philippe Toussaint dont je continue à découvrir l'oeuvre de livre en livre, mais en dehors de l'aspect anecdotique riche en fignolages comme à son habitude, cette petite musique nostalgique que j'aime à retrouver chez lui et cet humour si caractéristique qui qui puise une partie de sa réalité dans l'inflation des mots et le culte immodéré du détail, je crois avoir lu plus intéressant sous sa plume et je me suis un peu ennuyé à l'énoncé de ces petites anecdotes, certes bien écrites (les phrases sont comme d'habitude d'une longueur quasi proustienne) mais qui se caractérisent cependant par un aspect insignifiant incontestable.

©Hervé GAUTIER – Juin 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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A la base, le projet de ce livre est enthousiasmant : comment construire un portrait de soi à travers les rencontres et les voyages que l'on fait ?
Peut-être avais-je mis trop d'imagination avant de lire ce livre, mais j'ai été déçu par un texte très égocentrique, trop attaché au moi ...
Je n'ai pas réussi à trouver de la profondeur et de la réflexion dans les propos de l'auteur, alors même que nombre de situation aurait pu se prêter à l'exercice ...
Enfin, c'était le premier livre de Toussaint que j'abordais et il semble qu'il faille déjà un peu connaître l'auteur et son parcours pour aborder ce texte.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Elle a posé le couteau sur la terrine en m’interrogeant du regard. Comme ça ? a-t-elle dit. Plus grosse, j’ai dit. Elle a déplacé le couteau vers la droite. Comme ça ? a-t-elle dit. Un tout petit peu moins grosse, j’ai dit. Elle a relevé les yeux, m’a regardé, mais elle n’a plus résisté, elle était sous ma coupe maintenant. Elle a de nouveau déplacé le couteau vers la droite. Non, non, pas si grosse ! j’ai dit. Elle a déplacé le couteau vers la gauche, cela allait de plus en plus vite maintenant, cela s’accélérait de plus en plus, elle déplaçait le couteau légèrement à gauche, légèrement à droite, légèrement à gauche, légèrement à droite, elle n’y arrivait pas, elle n’arrivait pas à me satisfaire. Dommage, vous y étiez, j’ai dit. Reprenez au début, j’ai dit. Elle s’est arrêtée, a relevé son couteau de la terrine. Elle transpirait, de grosses gouttes tombaient dans la terrine. Détendez-vous, dis-je, vous voyez bien que vous êtes trop crispée. Allez, essayez encore une fois. Comme ça ? elle a dit. Parfait, j’ai dit. Vous voyez, dis-je, quand vous voulez,
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Ma boule à la main, très concentré, les yeux intenses, j'évaluais du regard la distance qui séparait ma boule du bouchon, et je me faisais des recommandations mentales du type "Ne sois pas court" (car j'ai tendance à être court - aux boules, s'entend). Fixant une dernière fois ma donnée, légèrement à gauche de l'axe naturel de la pente, refaisant une ultime fois mentalement tout le parcours de la boule, je finissais par me soulever presque au ralenti dans le rond, et, dans le même mouvement synchrone, enveloppant, j’élevais le bras et lâchais ma boule en lui donnant un ultime petit effet rotatif calculé du poignet. Elle était courte, putain, je l'avais vu tout de suite.
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un brin de morgue tiède dû à l'exercice quotidien de l'ironie
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Videos de Jean-Philippe Toussaint (62) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Philippe Toussaint
Philippe de la librairie le Divan partage ses lectures de la Rentrée littéraire 2023 "Une rentrée littéraire sans Jean-Philippe Toussaint c'est moins bien, donc là on en a deux, c'est formidable."
Notre mot sur "L'Échiquier" de Jean-Philippe Toussaint ----- https://bit.ly/3MrAIZy #coupsdecoeurduDivan #PhilippeDivan #lechiquier #jeanphilippetoussaint #leseditionsdeminuit #booktok #litteraturefrancaise #litteraturetraduite #ebook #livrenumerique Tous nos conseils de lecture ICI : https://www.librairie-ledivan.com/
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