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EAN : 9782900818138
248 pages
Philosophie magazine éditeur (25/03/2021)
3.68/5   17 notes
Résumé :
Sur les 66 romans à énigmes écrits par Agatha Christie, plus de 50 sont des crimes familiaux. Mais le meurtre est un écran de fumée ; le vrai sujet de l'oeuvre de Christie, c'est la banalité du mal au coeur de la famille. Malveillance, jalousie, humiliation, inceste... la spécificité du mal familial tient, aujourd'hui encore, à son invisibilité : ceux qui le font se cachent, l'entourage ne voit rien, la victime se tait.

La vérité est tue de peur que l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
15 août 2021
La vérité tue - Agatha Christie et la famille par Sonia Feertchak

Le plaisir de lire un Agatha Christie l'été. Comment s'y prend-elle la Reine du Crime pour tous nous enchanter ?

Dès le sortir de l'enfance, nous ouvrons un de ses livres et nous voilà accro pour toujours. Je me souviens que j'avais 10 ans et qu'elle a été la transition entre la Bibliothèque Verte et la Rouge et Or vers les lectures adolescentes et adultes.
Le premier de ma collection a été le crime de l'Orient Express". C'était une véritable collection, partagée avec une amie.
Et cela perdure les années passant ; nous sommes si nombreux à goûter le plaisir de relire un Agatha Christie, à trouver refuge dans l'atmosphère
hors du temps de ses romans.

" Alors dans cet espace familier entre le crime et le coupable, on se construit un univers douillet. Ces cottages anglais ont tout de l'auberge espagnole : on y apporte des rumeurs de la gare Victoria, des ennuis balnéaires à coups d'ombrelle au long de l'estrade de Brighton et jusqu'aux lugubres couloirs de David Copperfield" (Philippe Delerm "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" - Un roman d'Agatha Christie - 1997).

Sonia Feertchak n'a pas échappé aux sortilèges de l'auteure : "(...) j'avais neuf ans et je venais d'être ensorcelée par les romans d'Agatha Christie.
Quelques années plus tard j'ai remarqué que leur lecture m'apaisait. L'effet était si saisissant qu'en cas de mélancolie, adolescente, je me précipitais pour lire, relire "un Agatha"".

Elle nous propose ici une lecture de ses oeuvres à travers le thème de la malveillance familiale et du rapport des familles à la vérité. Elle est partie d'une anecdote rapportée par AC dans sa biographie : le jeu de la soeur aînée (glaçant).

L'étude se lit comme un roman et repose sur des références psychanalytiques et philosophiques telles que La Boétie, Hannah Arendt, Gaston Bachelard...
Elle est découpée en dix chapitres thématiques dans desquels elle décortique comment ont lieu au sein de la famille la plupart des crimes.
Les chapitres que j'ai trouvé les plus intéressants sont ceux qui traite de l'Âme des Maisons et de l'Intoxication des Mots.
Dans la maison, les pièces les plus périlleuses y sont la bibliothèque
(lieu représentant ordre social, savoir, patriarcat {à l'époque victorienne seuls les hommes y ont accès} mais aussi raison et raffinement) et la chambre à coucher qui incarne "l'intériorité sacrée". La maison, le foyer, c'est là que tout commence. Les maisons abritent la famille et les secrets du passé qu'elles font ressurgir par le phénomène de l'inquiétante étrangeté. Elles abritent le mal, sont le théâtre de passions tristes, le lieu de jeux de pouvoirs où la tyrannie peut s'exercer notamment par les mots, par l'argent, par l'amour ou le manque d'amour et où règne la loi du silence. Dans ce vase clos, le mal est chose banale.
Les mots quant à eux peuvent s'avérer être de véritables poisons. le discours à double entente et le mensonge par omission, le sens caché des mots....
Comme le note l'auteure, AC "a écrit il y a 50, 70 voire 100 ans tout ce qu'il est toujours délicat de dire encore aujourd'hui, a fortiori en famille, dans la sienne".
Les sujets abordés par AC sont toujours d'actualité à la lumière des #MeToo, des tabous qui se libèrent enfin.
Agatha Christie est célèbre dans le monde entier, sans cesse rééditée, a fait l'objet de nombreuses études, thèses universitaires, adaptations cinématographiques et télévisuelles. AC est toujours moderne et l'auteure rend hommage à la femme indépendante financièrement et aventureuse qu'elle a été en consacrant un chapitre à ses héroïnes : "Portraits de femmes libres."



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Plus qu'une analyse des oeuvres d'Agatha Christie, cet excellent essai plonge dans les pathologies des familles : les secrets, le silence, le déni, l'aveuglement, la haine, la vengeance, les crimes, le plus souvent silencieux, parfois effectifs.

La famille est un huis-clos collectif qui ne "pense" ni ne "panse", lieu de toutes les cruautés, de tous les dangers, de tous les rejets et de l'épanouissement des comportements de meute.

Car la famille, qu'elle soit aimante ou perverse, dysfonctionnelle ou saine, ne vise qu'à la survie du groupe, non à la justice et à la santé de ses membres.

La famille est féodale et tribale : Miss Marple et Hercule Poirot l'avaient bien compris.
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Dans cet essai Sonia Feertchak dresse un constat sans appel : sur les 66 romans à énigmes écrits par la reine du crime, plus de 50 mettent en scène des meurtres familiaux. A partir de cela, elle relit Agatha Christie avec un tout autre regard. Loin de l'image un peu vieillotte et parfois même réactionnaire que certains lecteurs se font à tort des intrigues de la romancière, Sonia Feertchak met à jour toute la modernité d'Agatha Christie. le grand sujet qu'elle n'a cessé d'explorer c'est avant tout la famille et les drames qui y prennent naissance, grandissent puis la pourrissent peu à peu. Humiliation, jalousie, ressentiment, sentiments incestueux, haine larvée : le mal est partout, il est banal et se trouve surtout à l'endroit même où l'on se penserait le plus en sécurité. Les vérités familiales sont passées sous silence, tour à tour par un parent tyrannique, par pitié pour l'un de ses membres plus fragile, par honte et préjugés et mènent finalement à faire taire ceux qui veulent parler haut et fort. La famille ne veut pas les écouter et les élimine. le corps retrouvé est alors l'élément qui déclenche la catharsis : le mort est bien une preuve que le mal gangrène la famille et qu'il faut l'en faire sortir. La vérité doit être dite pour sauver ceux qui restent.

Cette relecture des oeuvres d'Agatha Christie est en tout point passionnante : j'ai adoré cet essai qui nous permet de redécouvrir ses intrigues et de percevoir sa modernité psychologique. Sonia Feertchak parsème aussi ses analyses de rappels biographiques des propres relations familiales de la romancière pour éclairer son sujet. Enfin, l'essayiste s'inquiète aussi du plaisir de lecture et, dès l'avant-propos, signale à son lecteur les chapitres qui pourraient lui révéler la clé de certaines énigmes.

La Vérité tue, Agatha Christie et la famille est un essai passionnant pour les petits et grands lecteurs de la reine du crime.

Je remercie Babelio et les éditions Philosophie magazine.
Lien : http://lecottageauxlivres.ha..
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J'ai lu peu de livres de Agatha Christie, peut-être trois ou quatre, il y a longtemps. Mais ça marque.

J'ai pris ce livre dans le "vide-bibliothèque" de Babelio (merci).

Ce essai analyse à fond l'oeuvre de Agatha Christie et laisse, quand même, une petite partie pour la vie de Agatha Christie, elle même.

En fait, les livres d'Agatha Christie se passent quasiment tous dans un huis clos d'une grande propriété. Cet environnement crée l'isolement des personnages - le coupable est sûrement parmi eux.

Plus que des enquêtes, il s'agit de voir ces histoires comme des "cas d'observation psychologique" - l'auteur ne le dit pas clairement, mais c'est bien de cela qu'il s'agit ce livre. Il y a trois types de personnage : l'agresseur, la victime, et les autres... plus les enquêteurs (Hercule Poirot et Miss Marple).

Pour ceux qui apprécient les romans de Agatha Christie ou même des curieux comme moi qui s'intéressent plutôt aux aspects humains des gens, c'est un livre qui mérite le détour. Et du coup, je pense plonger dans la lecture de quelques uns de ses romans.

Petite remarque... L'auteur de ce livre, Sonia Feertchak, est une adepte de l'écriture inclusive. En ce qui me concerne, je trouve dommage : ça défigure notre langue.
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La maison est, à bien y repenser, un élément central dans les romans d'Agatha Christie. Tantôt chaude et accueillante, elle peut se révéler froide et intimidante. À l'instar des familles qui y vivent ! En effet ces deux éléments, la maison et la famille se retrouvent à chaque fois mais jamais dans un même contexte. Au travers de ses romans, l'auteure a magnifiquement dépeint les esprits humains, jouant avec les codes aristocratique de son époque pour nous dévoiler l'Humanité telle qu'elle est réellement. Diabolique.

Le sens des mots, leur tournure, l'endroit où ils sont placés dans une phrase, et tout se modifie. L'interprétation est multiple, selon que notre esprit veut comprendre une chose ou une autre. Jouer avec la langue et ses diverses sens pour un seul mot, voilà le gros gros talent d'Agatha Christie !Rien n'est à jeter, à occulter, tout a une valeur pour la compréhension de l'intrigue ou des piques qu'envoie l'auteure à la société au travers de ses romans.


Un essai très éloquent sur les défauts de notre société quant à la place des gens, des femmes, etc et la mise en lumière d'une auteure avant-gardiste dans sa vision lucide du monde, nous prouvant en 2021 que finalement les choses ne changent pas ou peu. Agatha Christie traverse les époques car sa lucidité des gens était telle, que chacun s'y retrouve et peut se transposer à tout siècle. Des romans où il fait bon se plonger car si la vérité tue, elle n'est pas tue dans les romans de la reine du crime, et ces révélations nous ferons toujours frissonner.


Seul bémol à mon goût de cet essai, parfois il y a vraiment BEAUCOUP de citations pour étayer les propos de l'auteure, ce qui noye un peu le sujet. Cela n'enlève en rien la qualité de réflexion, mais lasse un peu quand cela nous sort de notre introspection.
Lien : https://cenquellesalle.wordp..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
(p 79-80)
Pour l'écrivaine, l'amour et le respect d'un enfant pour un ascendant peuvent légitimement être remis en question si ce dernier est doté d'une personnalité malveillance. Si l'on considère en plus, comme l'affirme Mathew Prichard, qu'elle "comprenait très bien les gens. Et ceux qui apparaissent dans es livres sont normaux", alors Christie lève un sacré tabou : chez le commun des mortels, l'affection entre proches ne va pas de soi et le mal peut toucher tout le monde. Il est répandu, familier, commun. En un mot : banal. "[Ce crime] était d'une absolue banalité, froidement prémédité, et limpide, jusqu'au moindre détail." Banalité. Dans son texte, Christie emploie le mot au sens de cliché, d'habitude presque. Mais comment ne pas penser, par ailleurs, à la "banalité du mal" ?
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La question de reconnaitre et accepter, ou non, un processus de destruction est cruciale dans l'oeuvre d'Agatha Christie; à cet endroit la romancière se révèle et arendtienne, et cathartique: l'individu peut agir. Alors même que Marple et Poirot sont deux archétypes de «détectives en fauteuil», ils luttent contre le mal en regardant le monde activement. Leur motto ne varie pas: agir, c'est penser. Ne pas tenir les choses pour acquises tant qu'on ne les a pas soi-même interrogées. Leur réflexion sur le mal est une pensée de l'action. «L'esprit humain préfère se gaver de la pensée d'autrui. Toutefois, privé de cette manne, il va se mettre malgré lui à penser par lui-même, et ce mode de réflexion original peut aboutir à des résultats appréciables.» (La plume empoisonnée, 82)
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Toute la puissance des romans christiens et leur indéfectible succès tiennent dans cette catharsis qui commence dès la découverte du cadavre : le corps met au jour les rapports de force cachés qui existaient au sein de la maisonnée. La vérité cesse d'être tue. Agatha Christie fait changer de camp la culpabilité.
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(p. 119)
Bien avant que la fiction ne s'empare en masse des pervers narcissiques, du harcèlement, des perversions familiales et des processus de domination, Christie décrit la façon dont un prédateur objetise sa victime en nouant avec elle un lien toxique. En 1940, la philosophe Simone Weil décrit "la force devant quoi la chair des hommes se rétracte [...]. La force, c'est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose. Quand elle s'exerce jusqu'au bout, elle fait de l'homme une chose au sens le plus littéral, car elle en fait un cadavre." La force de l'emprise préfigure la mort. Elle est déjà la mort psychique juste avant la mort physique.
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Pourquoi l'entourage, bien que conscient de ce qui se passe, ne réagit-il pas? «Voilà des années que nous ne cessons de nous répéter: "Cette existence ne peut continuer ainsi!" Et rien ne change!» (Rendez-vous avec la mort, 12) Agatha Christie excelle à décrire la mise en place d'emprises toxiques, processus de domination sournois qui paralyse un foyer, toute une lignée parfois. Nombre de ses intrigues relatent des meurtres, mais plus fréquemment encore des humiliations et malveillances de toutes sortes, rendues possibles et demeurées impunies parce que tous sont soumis à la tyrannie d'un seul.
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Vidéo de Sonia Feertchak
L'essayiste Sonia Feertchak présente son livre "Éloge de la haie. Pour un désordre végétal", paru chez Philosophie magazine Éditeur. Entre vertus écologiques, poésie du vivant et imaginaire politique, la haie est d'une richesse insoupçonnée, autant pour l'environnement et les humains que pour la pensée.
Disponible en librairie !
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