Terre Déchue est un roman très noir. Chez les personnages pas de bons, de méchants ou même de héros juste des êtres humains plus ou moins malmenés par la vie avec tout ce que cela implique. Les personnages sont d'ailleurs peu nombreux (un homme seul, un couple avec un enfant et une vieille dame) mais terriblement réalistes. L'auteur nous fait pénétrer dans la tête de chacun d'eux, ce qui permet d'aborder l'histoire sous différents angles avec différents points de vus.
De prime abord ces êtres si différents les uns des autres vont, au fil des pages, laisser apparaître bien plus de points communs que ce que les premiers passages du livre pouvaient laisser présager.
Ce roman est aussi une vraie critique de la société, il fait écho à
1984 de
George Orwell. On se trouve plongé dans un monde de méfiance où l'obéissance et la discipline sont les maîtres mots. Constamment surveillé, étudié, enregistré, archivé, l'être humain se transforme en un être paranoïaque, cruel, qui flirte avec la folie. Une obsession : la sécurité (un sujet tristement d'actualité), et une interrogation : jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour nous protéger contre d'hypothétiques dangers ? Que sommes-nous prêts à sacrifier ? Notre liberté, notre morale, notre humanité?
Impossible de trouver du répit au sein du cocon familial, c'est un environnement destructeur où les parents sont tous défaillants d'une manière ou d'une autre. Il n'y a pas d'échappatoire: l'école, le bureau, le centre commercial, les bois, aucun lieu amical. Jusqu'aux habitations qui sont au mieux aseptisées au pire menaçantes.
Quant à cette terre nourricière, dont il est question du début à la fin, elle n'offre plus non plus sa protection, trop épuisée par tant de luttes. Cette terre chargée d'histoires, de souffrances, de forces, l'auteur nous la décrit comme une terre meurtrie, bafouée et inhospitalière. On la maltraite, on la contraint pour des raisons économiques et sécuritaires.
Finalement la morale de ce roman pourrait être que rien ne peut protéger l'homme de son pire ennemi et de son seul vrai prédateur : lui-même.
C'est un roman bien écrit, et malgré la gravité du sujet il n'est ni déprimant ni glauque même si l'atmosphère reste sombre. On entre dans l'histoire tout de suite et les mots glissent sans difficultés de la première à la dernière page. Les personnages nous sont vite familiers de même que les lieux, on ne se perd pas. On ne s'ennuie pas, on ne se lasse non plus. Plus on avance plus la lecture est addictive et plaisante.