Si le roman nous plonge au coeur d'un huis-clos parfois angoissant et nous laisse à voir le déroulement d'une passion amoureuse malsaine, j'ai été surprise de trouver les personnages aussi touchants. Il y a d'abord Antoine Gardel, célèbre romancier solitaire, plus à l'aise avec les escorts qu'il ramène chez lui que dans les soirées mondaines auxquelles il est souvent invité. Et puis il y a Esther Monod, jeune étudiante en lettres, la seule femme qu'il ait vraiment aimée mais également celle qu'il a tuée. Tantôt femme, tantôt enfant, aussi attachante qu'agaçante, la jeune femme reste pendant longtemps un mystère, pour lui comme pour nous. Pauline Flepp construit l'histoire d'un d'amour noir, puissant et nocif. L'ironie du sujet de mémoire d'Esther, la sincérité dans l'oeuvre de Gardel, n'éclate pleinement que dans la deuxième partie du roman, où l'on prend vraiment conscience du danger qu'encourent ceux qui se laissent avoir au jeu du romanesque.
"[O]n devrait pouvoir écrire aux gens et leur dire simplement "aimez-moi" si on sent qu'ils sont susceptibles de nous aimer."
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très bon roman ! j'ai été complètement retournée par la 2nde partie, alors que dans la 1ère le personnage d'Esther peut agacer le lecteur, on la découvre sous un jour nouveau et c'est un tour de force de la part de l'auteur que de rendre si bien la vie intérieure de ses deux personnages. un vrai sens du suspense par ailleurs, ce qui peut sembler paradoxal pour un roman dont on connaît la fin dès le début ! j'ai bien envie de lire le 1er roman de pauline flepp du coup.
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J'ai trouvé le livre fort, très bien écrit, avec un mélange réussi de langue tenue et de crudité, et ce souci quasi proustien de faire de la phrase le filet des profondeurs psychologiques. Et puis cette trouvaille des deux versions, sans tomber dans un contrepoint primaire, avec un tout autre style quand on entend enfin la voix d'Esther et un nouvel éclairage apporté à l'histoire qui donne envie de relire tout de suite la première partie.
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"On se reverra ?" ajouta-t-elle avant même que j’aie eu le temps de réagir à sa première provocation. Je lui dis qu’elle pouvait venir quand ça l’arrangeait pour consulter les dossiers de presse. Ce prétexte universitaire était rassurant : il ne s’agissait que de l’aider pour son mémoire. "Vous savez, je ne tombe jamais amoureuse, mais je m’attache vite aux gens. Je suis très sentimentale", dit-elle. Je ne sus que répondre et je me contentai de sourire, comme devant un enfantillage qui ne prêterait pas vraiment à conséquence. Avant de monter dans l’ascenseur, elle se tourna vers moi. Elle souriait. Son visage s’illuminait alors d’une façon telle que je n’aurais pu imaginer une seule seconde le mal qu’on allait se faire.
Je n'avais encore jamais mis de mots sur cette différence. Mes émotions étaient tellement éloignées des siennes. Enfouies, silencieuses, tristes peut-être. Ce qui m'avait ravi en elle, au fur et à mesure que je la connaissais mieux, c'était aussi ça : la beauté de ses enthousiasmes. À Capri ou à Paris, devant un paysage qui la bouleversait ou devant une pièce de Tchekhov, c'était la même pureté d'émotion - cette façon si spontanée dont elle avait cri "bravo", les mains levées très haut pour applaudir, sans qu'il n'y ait là rien de vulgaire, de surjoué, d'agaçant. Le public était oublié, moi aussi, et son regard fixé sur la scène avait une luminosité telle que je me disais que l'acteur qui jouait Ivanov allait forcément la voir, fût-elle au dixième rang perdue au milieu d'une centaine de visages.
J'arrivais justement au théâtre de l'Odéon. Avec une violence inouïe, ce fut toute la soirée qui me revint : le verre avant le spectacle au bar du théâtre, sa robe très courte qui me faisait penser à Birkin - ses jambes très longues sous cette robe très courte -, le fou rire à l'entracte, des reniflements de l'acteur qu'elle imitait si bien. Et dans l'obscurité de la salle, son visage concentré qui soudain se tournait vers moi. Si bien qu'écrivant cela, je me redresse et je me demande : comment pourrai-je jamais oublier ce visage ?
j'étais un peu dubitatif en commençant le livre , du fait que la fin est connue d'avance. Mais très vite j'ai été touché par l'histoire d'amour entre les 2 personnages, intrigué par Esther (agacé aussi c'est vrai mais pas slmnt!).
il y a qq longueurs dans l'analyse psychologique, parfois un peu trop "inutilement virtuose" à mon goût. ce que je trouve très réussi c'est la façon dont les personnages prennent vie et combien l'on s'attache à eux, en dépit du fait que l'un ait été capable du pire .