« New-York, 1932.
Chassé d'Ukraine pas la Grande Famine orchestrée par Staline, Sacha Stasevytch Bujak débarque aux Etats-Unis. Il espère trouver rapidement un toit et de l'argent mais va très vite comprendre que l'Amérique n'est pas l'El Dorado qu'on lui avait décrit. le pays peine à se remettre de la crise de 1929 et le travail manque. Deux rencontres providentielles feront bientôt basculer sa vie » (synopsis du quatrième de couverture).
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Le duo
Régis Hautière – David François se reforme à l'occasion de cette nouvelle série. En effet, par le passé, ils ont déjà eu l'opportunité de collaborer sur les univers de deux one shot (« de briques & de sang », «
L'étrange affaire des corps sans vie ») et deux séries actuellement en cours (« La guerre des Lulus », « Pour tout l'or du monde »).
Comme à l'accoutumée, la collaboration entre ces deux auteurs recrée une ambiance d'une époque passée puisqu'elle nous plonge cette fois dans l'Amérique des années 1930. Une Amérique que l'on voit tout d'abord suspicieuse à l'égard de ceux qui souhaitent fouler son sol. Une Amérique farouche et dont on perçoit l'hostilité qu'elle nourrit à l'égard de celui qui souhaite s'y installer ; rien n'est prévu pour lui faciliter la tâche et sans aide extérieure, l'immigré s'épuise à trouver un logement, un emploi… Enfin, une Amérique dotée de ses propres codes sociaux qu'il s'agit d'intégrer pour pouvoir se frayer un chemin dans une jungle urbaine en perpétuelle construction.
L'identité d'une nation en devenir se dessine au jour le jour et l'afflux quotidien d'européens qui viennent chercher sur cette nouvelle terre influence constamment cette construction. C'est aussi le temps de la prohibition, le moment où l'Amérique tente de se relever de la crise économique de 1929, la période où les gratte-ciels sortent de terre, où la géographie de la ville est en mouvance permanente, où l'on va chercher la main-d'oeuvre bon marché dans ces populations immigrées venues d'Europe…
Régis Hautière fait revivre cette époque. Il montre avec brio la part de cruauté dont sont victimes les réfugiés européens qui ont tout quitté dans l'espoir d'une vie meilleure. Mais la réalité à laquelle ils se confrontent en arrivant à New-York les renvoie à la misère qu'ils pensaient fuir. Pourtant, son héros n'émet aucune critique et aucun jugement sur ce qu'il découvre. Loin de croire au rêve américain, il aspire à des choses simples et sait se contenter de peu. Une nouvelle fois,
Régis Hautière offre à ses lecteurs la possibilité de côtoyer un homme modeste et altruiste.
David François l'épaule à l'aide de ses pinceaux, créant ainsi une ambiance graphique léchée et à laquelle il donne différentes atmosphères : les scènes diurnes – durant lesquelles le personnage principal évolue principalement sur les échafaudages des buildings – se gorgent de lumière tandis que le soir, lorsque Sacha sert de seconde main pour la mafia, les couleurs s'assombrissent et donnent ainsi l'impression que les rues new-yorkaises sont autant de coupes-gorges. La naïveté du personnage nous saute aux yeux à chaque page mais contre toute attente, cet homme parvient à bénéficier d'appuis inespérés. de fait, il ne se contente pas seulement de survivre puisqu'il parvient à subvenir à ses besoins et à progressivement trouver sa place dans la métropole américaine. Pour autant, le trait légèrement flou des illustrations rappelle sans cesse au lecteur qu'il est face à un personnage fragile, livré à lui-même et qui nous touche bien plus que l'on ne pouvait espérer. On ne peut s'empêcher de s'inquiéter quant à ce que l'avenir lui réserve.
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