Beaucoup d'anecdotes sur beaucoup de têtes ; mais dans l'ensemble c'est presqu'autant un livre de tourisme que les mémoires d'un grand intellectuel. Une foule de portraits lapidaires, allant de
Jacques Maritain à
Jean Ricardou (encore une fois dépeint en technicien jargonneux patenté), en passant par des personnages plus effacés (Léon Brunschvig,
Jean Grenier,
Vladimir Jankélévitch,
Pierre Boudot,
Jean-Paul Aron, etc.), qui sont peut-être d'un encore plus grand intérêt.
Je retiens de ma lecture, ayant sauté parfois de gros blocs de texte jusqu'à l'apparition d'un nom propre, les pages sur
Marcel Moré et son différend avec
Louis Massignon ; l'ambience à la Sorbonne au printemps 68 ; les passages fréquents et furtifs d'un
Jean Wahl, comme toujours bonhomme sympathique et vif ; les réflexions d'un Médiéviste aguéri sur le lamentable état des départements de Théologie québécois au landemain de la guerre (Thomistes comme ça s'peut pas!) ; la riche inquiétude Personnaliste des années 30 et les milieux dits « anti-conformistes » ;
Jean Daniélou qui s'éparpille un peu partout ; le Cusain,
Duns Scot, Abélard ; finalement
Paul Claudel, qui revient ponctuer le livre à intervalle régulière (Cuny aidant) — truffé de jugements positifs sur l'oeuvre, le livre m'a tout de même fait découvrir une appélation (méritée ?) le concernant : « l'obèse du christianisme » — je ne saurais dire c'est de qui.
J'aurais peut-être aimé que l'auteur s'attarde parfois plus longuement sur certains aspects de son parcours intellectuel (flirt avec l'AF en ses jeunes années, participation à Dieu Vivant, années d'Occupation, ses idées sur le Moyen-Âge : la liste est longue), au lieu de vouloir à la fois parler de lui (bien), des autres (bien), et du monde (moins bien). C'est bien, le monde ; mais j'y ai accès ailleurs qu'en la personne de Gandillac : ce qui n'est pas nécessairement le cas pour le climat intellectuel français dans l'immédiate après-guerre, lorsque Gandillac enseignait et était un des acteurs principal de Cerisy.