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Yves Gauthier (Traducteur)
EAN : 9782330139544
512 pages
Actes Sud (09/09/2020)
3.28/5   16 notes
Résumé :
Un virus foudroyant envenime le monde : la MOB, la rage mobile, qui transforme les hommes en zombies. Dans les lendemains apocalyptiques du feu nucléaire, seul le Japon a survécu. Aux marches ouest de ce nouvel empire despotique, l'île de Sakhaline reste l'éternelle terre de bagne peinte en son temps par Tchekhov. La mort est son industrie. Réfugiés chinois et coréens y sont relégués. C'est là que débarque la jeune Lilas, russo-japonaise, pour une mission de recherc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Premier livre traduit en français d'un auteur « jeunesse » russe à succès, ainsi que son premier livre « pour adultes » (ouille ouille, ouille, que j'ai la flemme de réfléchir ou de donner un avis sur ces distinctions… Je deviens vieux…) avec ce « Sakhaline » à la belle couverture (à part quelques accidents, Actes Sud les soigne bien…) et au pitch familier post-apocalyptique, avec guerre nucléaire et virus foudroyant, mais qui va développer tout cela de manière très surprenante (oui très, très surprenante…), ce qui devrait d'un côté me réjouir (bah oui, l'originalité, tout ça… chouette, non ?), mais qui va surtout m'obliger à disséquer tout cela, moi en premier, n'étant vraiment pas sûr de pouvoir conclure quoi que ce soit (en langage internet/jeune, on pourrait résumer par : une lecture WTF?).

(désolé de toutes ces parenthèses, mais tant qu'à être laborieux…)

Les intentions de l'auteur n'ont rien de clair. Inventant une héroïne issue de l'élite, très au fait de sa supériorité de naissance, nareuse* et peu sensible à ce qui l'entoure (d'un côté, avec ce qui va lui arriver, il vaut mieux…), mais en évacuant systématiquement toute manifestation de « sexisme » qui pourrait advenir (comme dans un fantasme de non-binaire, sur un futur absolument vidé de ces distinctions naturelles), alors qu'elle restera comme l'unique personnage féminin de cette histoire.
Mais plus je réfléchis à cet apparent paradoxe, plus je m'enfonce dans une contrée où je n'ai absolument pas envie d'aller traîner… Je me demande juste si l'auteur a volontairement créé un personnage si difficile à s'y identifier, ajoutant à cette forme de désincarnation générale, de folie dure, qui règne dans ce reste d'Humanité (ce qui fait sens, vu ce qu'Elle a vécu…).

Sur les références, elles sont faciles à identifier. En plus de « La Route », on citera l'esthétique pénitentiaire et concentrationnaire chère à Chalamov, Soljenitsyne, Kafka, etc. comme autant de briques littéraires empilables pour construire son décor.
L'absence d'une carte en début de livre est une très grave erreur, obligeant le lecteur à s'en procurer une, très probablement grâce à l'ennemi principal de sa concentration : ninternet (sauf pour les esthètes qui disposent d'un magnifique atlas mondial en douze volumes…).

Plutôt bien écrit, ce texte n'est par contre pas très bien structuré. D'autres babéliotes lui reprochent sa linéarité; de mon côté, c'est plutôt son manque de liant entre les scènes qui m'a gêné. Verkine nous raconte un événement (en général assez dur…), pour passer à autre chose sans crier gare (comme volonté d'accentuer cette impression de déshumanisation ?), affadissant ainsi certaines saillies vraiment originales.

Et puis en avançant dans le récit, l'auteur se met à y introduire de vraies incohérences (pas de celles classables dans le registre du fantastique) sans véritable bénéfice narratif, et là encore, on se demande bien pourquoi (comme certaines sont bien soulignées, il y a forcément volonté…).
Un long épilogue vient remettre une couche dans ce grand brouillard, ouvrant certaines pistes d'appréciation cryptique à l'ensemble, tout en faisant définitivement basculer ceux qui voulaient juste lire une histoire dans la perplexité.

Pour ma part, je ne sais pas bien où me situer dans tout cela. Une simple histoire post-apo / zombie avec tous ses clichés me tombe des mains en général (comme toute « littérature de genre » bien bornée), donc je devrais être ravi… mais la greffe n'a pas pris, les multiples qualités de ce texte ne faisant oublier ses trop nombreuses failles, et c'est bien dommage, comme s'il avait juste manqué un bon travail d'éditeur / relecteur pour faire de ce livre une véritable oeuvre marquante.

*Nareuse, adjectif et nom (masculin : nareux) : merveilleux mot issu des langues régionales du Nord-Est de la France et De Belgique, enfin entré dans la langue officielle depuis son adoption en 2021 par le Robert, qui en donne une définition simple : « (Personne) qui se montre difficile quant à la propreté de la nourriture et des couverts ; qui éprouve facilement du dégoût. », mais qui par extension désigne un caractère qui trahit une méfiance naturelle de l'autre, souvent accompagné d'un certain narcissisme. Bref, un mot précis qui peut-être jusque là vous manquait, sans que vous ne le sachiez… Merci la langue française ! (quand elle sait évoluer dans le bon sens… à la prochaine leçon, nous apprendrons la différence entre chicons et endives, pour que vous ne fassiez plus la faute…)
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Rigoureusement inconnu sous nos latitudes, le russe Edouard Verkine a plutôt oeuvré jusque là dans la littérature jeunesse. Pour son premier roman adulte, l'écrivain s'inspire de Tchekov et de ses Notes de voyages sur l'île de Sakhaline pour construire un récit post-apocalyptique où se croisent le bagne, la guerre, la misère et la pandémie. Tout un programme.

Visite guidée
C'est à une expédition semblable à celle menée par Anton Tchekov en 1890 que s'intéresse Edouard Verkine. Notre guide et narratrice, Lilas, est une futurologue russo-japonaise venue tout droit de Tokyo et mandatée par l'illustre Professeur Oda pour étudier l'île de Sakhaline à l'extrême Nord de ce qui constitue désormais l'Empire japonais. En effet, suite à la dispersion d'un terrible virus appelé la MOB (ou rage mobile), la quasi-totalité du globe a succombé au feu nucléaire et seul le Japon isolationniste est parvenu à émerger du désastre.
Considérée à la fois comme une zone tampon avec ce qu'il reste du continent — Russie, Chine et Corée — , Sakhaline reste encore et toujours une terre de bagne où trois terribles prisons nourrissent les fantasmes les plus fous de la part des Japonais. Pour tirer les choses au clair mais également pour regarder le futur en face, Lilas embarque à partir d'Etorofu pour se rendre sur cette terre maudite où elle va découvrir l'Enfer.
Le roman d'Edouard Verkine n'est en effet pas là pour vous divertir. Pendant sa première moitié, le lecteur découvre une île de Sakhaline inhospitalière où le bagne et la misère ont établi de nouvelles normes. Ajoutez la constante menace de voir débarquer la MOB et vous obtenez un territoire aux conditions de vie effroyables.
Verkine emmène donc Lilas dans un long périple à travers l'île pour visiter à la fois les villes mais aussi les fameuses prisons de Sakhaline : Les Trois Frères, Air Léger et Charbonette. Trois visions diaboliques et trois lieux insoutenables. Pour l'accompagner, un « enchaîné à la gaffe », Artiom, sorte de mercenaire tacitement accepté par les forces japonaises au pouvoir afin de juguler à la fois les bagnards de l'île mais également, et surtout, les nationalistes du mouvement 731 (allusion transparente à la sinistre Unité 731).
Dans cette première moitié, Sakhaline souffre du syndrome Metro 2033 (et partage d'ailleurs le nom de son héros masculin avec le roman de Dmitry Glukhovsky) puisque Edouard Verkine nous détaille par le menu les prisons et les villes traversées, comme une balade tout en nuances de noirs sur une île dévastée par la misère et dont toute trace de vie sauvage a disparu. Autour, des carcasses rouillées de sous-marins, des poissons radioactifs et des cimetières de baleines. Un paysage d'apocalypse qui ravira les amateurs du genre. Dommage que l'ensemble soit aussi linéaire.

Entre les paysages dévastés et les histoires des divers criminels qu'elle croise, Lilas devient le témoin de la réorganisation raciale de l'île. À Sakhaline, on est soit un japonais libre (souvent représentant d'une forme d'autorité ou d'une autre), soit un bagnard (japonais, chinois, coréen…) soit un nègre (terme bâtard utilisé pour décrire n'importe quel américain qui s'est échoué dans cet Enfer et qui n'a plus rien à voir avec la couleur de peau).
Si le rappel de l'Unité 731 ne suffit pas au lecteur, Edouard Verkine montre qu'après l'Apocalypse, les plus vils instincts de l'homme ont repris le dessus. Ici, le chinois devient un khan/un réfugié grouillant tandis que le coréen touche le fond du fond de l'échelle raciale, sous-homme à dézinguer et/ou torturer. le nègre, lui, a un rôle plus étrange et plus symbolique. Maintenu dans des cages ou tabassé à mort au cours de pugilat populaire, le nègre devient une sorte de souffre-douleur divertissant, un rappel de la non-humanité, une bête de foire. Comme si l'homme, à la fin, avait besoin d'un animal à dominer…et comme les animaux n'existent plus et qu'il faut se venger de ce qui est arrivé au monde…
Dans cette plongée asphyxiante, Edouard Verkine tire brutalement le frein à main et rajoute une apocalypse sur son monde post-apocalyptique. Confronté à l'écroulement des derniers vestiges d'autorité et de structure sociale, Lilas et Artiom s'embarquent dans une fuite vers le Sud de l'île entre invasion zombiesque (ou infectés d'ailleurs, dans l'esprit d'un 28 Jours plus tard) et sauvetage imprévu (d'un albinos transformé en réserve amputable mobile pour fétiches et autres gris-gris). Toujours plus désespérée et désespérante, l'histoire intercale le témoignage d'Artiom, certainement le personnage le plus réussi, et son « père » Tchek, vieux philosophe obsédé par les chiens et par la mort. On y croise aussi un poète englué dans l'horreur du bagne, Shiro Shinkaï, et qui offre peut-être par ses vers les derniers rayons d'espoir au personnage de Lilas.

Ce qui fascine dans ce roman, c'est son côté jusqu'au-boutiste dans la noirceur qui rappelle du Volodine ou du MacCarthy version La Route tout en arrivant à dresser un tableau racial acéré des populations de l'extrême-orient russo-sino-japonais. En tirant le portrait à la fois à la société japonaise (et en poussant certains traits à l'extrême) et à l'esprit russe (avec un bagne à la Tchekov), Edouard Verkine offre un roman de science-fiction terrifiant où l'espoir ne pointe sa tête qu'à la toute fin et après mille horreurs. L'une des qualités les plus surprenantes de Sakhaline, c'est qu'il réfléchit à la futurologie après la fin de l'histoire ou presque.
Ici, la science-fiction devient une constatation de naufrage pour l'humanité, un avertissement sur la confluence des dangers viraux, atomiques et racistes.
Pour inhumain et écoeurant qu'il soit, le système du bagne sur Sakhaline en dit long sur l'homme et sa capacité à maltraiter son prochain, une capacité d'autant plus forte que le monde autour s'écroule.
Cette réflexion sur le futur et sur la nécessité pour nous de le rechercher au sein de notre propre présent conduit le lecteur au devant d'un gouffre littéraire à la noirceur saisissante où les cadavres servent à alimenter des centrales électriques ou à faire du savon pour les mille ans à venir. Autant vous dire que chez Edouard Verkine, le futur n'est pas bien reluisant.

Malgré une première partie programmatique en forme d'hommage à Tchekov, Sakhaline puise une noirceur infinie à travers son monde dévasté et son système racial poussés à l'extrême. Surprenant et jusqu'au-boutiste dans sa démarche, Edouard Verkine vous invite à un voyage au bout de la nuit et de l'homme.

Lien : https://justaword.fr/sakhali..
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On débarque dans l'histoire au moment où Lilas remet à ses mesures le fascinant imperméable Mac Intosh de son arrière-grand-père, troué par des impacts de balles, qu'elle révère depuis son plus jeune âge. Les deux pans lestés de rondelles en dural du côté de l'ouverture lui permettent de dégainer ses pistolets sans la moindre gêne. Son voyage a été bien préparé, heureusement, car ses pistolets, elle s'en servira.
Lilas a suivi une formation d'ethnographe futurologue. Elle est missionnée par Oda, l'un de ses professeurs, en tant qu'observatrice sur Sakhaline, île russe du Pacifique, située aux confins de la Sibérie et de la glaciale mer d'Okhotsk et vouée depuis toujours à la déportation et au bagne. « Tout autour la mer, au milieu l'enfer » en dit Anton Tchekov qui lui a consacré un livre après avoir décidé en 1890 d'y enquêter, en tant que médecin plutôt qu'écrivain.
L'île de Sakhaline va se montrer à la hauteur de sa réputation et pire encore. Elle se trouve désormais sous protectorat japonais depuis qu'un virus transformant les hommes en zombies a été combattu à l'aide de missiles nucléaires, le tout ayant décimé la Terre entière. Seuls le Japon et ses alentours ont été épargnés. La population de l'île se compose d'hommes libres en petit nombre, tous plus ou moins représentants d'une institution d'État, des Japonais surtout mais aussi une quarantaine de Russes, viennent ensuite à une écrasante majorité les résidents sous conditions : Chinois, Coréens et bagnards repentis et enfin les bagnards emprisonnés dans trois établissement : Charbonnette, Air léger et Les trois frères. Quelques américains (noirs ou pas) enfermés dans des cages servent d'amuseurs publics qui se font rouer de coups en guise de spectacle populaire. C'est la « rossée de nègre » qui a lieu le 6 et le 9 de chaque mois.
Flanquée d'Artiom, soldat d'élite qui lui a été attribué en guise de garde du corps, Lilas circule dans l'île à bord d'un karakat, véhicule militaire fonctionnant à l'essence de cadavre. D'ailleurs, sur l'île, les cadavres ne sont pas enterrés car ils sont une denrée monnayable. Ils servent à fabriquer du savon ou à produire de l'énergie, entre autres.
En dehors des villes, tout au Nord de l'île, vivent des communautés déclinantes comme les Rampants qui marchent à quatre pattes, une émanation du mouvement des véganes du XXIe siècle ou les Aïnous, une peuplade aborigène locale.
Alors que Lilas et Artiom se rendent au campement des Aïnous, un tremblement de terre provoque l'évasion des bagnards des quartiers de haute sécurité, ceux-ci massacrant tout sur leur passage et entraînant par là même une insurrection populaire.
À partir de là, le voyage d'étude de Lilas se transforme en une plongée dans l'horreur et une lutte de tous les instants pour survivre. Y parviendra-t-elle ? Pourra-t-elle rejoindre le Japon ? Et Artiom, qu'adviendra-t-il de lui ?

Ce roman ne laisse pas indifférent car il nous touche dans notre humanité.
Il est tellement riche de détails et de digressions qu'on s'y perd un peu au début, mais l'écriture particulièrement « russe » de l'auteur et peut être une certaine fascination pour la noirceur grandissante, finissent (ou pas) par nous embringuer dans cette histoire, étonnante à plus d'un titre. La barbarie dont l'Homme est capable, tout d'abord, y est minutieusement décrite avec une sorte d'indifférente glaçante : la rossée de nègre est gentillette en regard des conditions de détention inhumaines réservées aux plus grands criminels, des Japonais portant des tatouages « 731 » en référence à l'unité 731 qui mena, dans les années 30, sur les prisonniers chinois, des expériences qui seront qualifiées par la suite de crimes de guerre. le racisme est omniprésent et pour ainsi dire normal, entré dans les moeurs. Les Chinois et les Coréens sont ouvertement méprisés, battus et même tués. Les cadavres abondent en veux-tu en voilà tout au long de cet abominable périple, à tel point qu'on se demande comment l'auteur va se sortir de son roman. Et pourtant, à la fin, on revient dans les interrogations sur le futur et on rencontre même une certaine forme d'espoir.
« Tu sais bien que la licorne vit encore derrière la porte du paradis.
Tu sais que derrière la porte du paradis la licorne t'attend encore.
Et que les clous brillent encore comme s'ils étaient neufs, je l'ai vu.
Des clous forgés de cuivre d'étoile, et qui brillent dans le noir.
Ô gentille petite fille, pourquoi crois-tu encore dans le cuivre d'étoile ? »

Chronique parue dans Gandahar 27 en mars 2021
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Sakhaline, une île au large de la Sibérie et du Japon,
"Tout autour la mer, au milieu l'enfer."Anton Tchékhov

Les légendes qui entourent l'ile de Sakhaline, Lilas les connaît bien. Elle les a entendues, enfant, dans son Japon natal. C'est une fois devenue futurologue qu'elle saisit l'opportunité de s'y rendre, remplissant là sa première grande mission, mandatée par son professeur Oda, pour développer « l'art de coopérer avec après-demain ». Un long voyage s'amorce pour elle et son garde du corps Artiom, un natif de l'île. Ce périple les mènera à découvrir les villes principales du lieu, mais surtout ses trois prisons  : Les Trois Frères, Air Léger et Charbonette.
Lilas va ainsi s'attacher à observer les moeurs et coutumes des habitants, la plupart chinois ou coréens, rencontrer des responsables japonais et interviewer des bagnards. Elle choisit ainsi de chercher à révéler l'avenir à la lumière de ces témoignages, mais la tâche se révèle difficile. le climat y est rude et l'ambiance délétère. Et lorsqu'un énième tremblement de terre se produit, plus fort encore que les précédents, l'insurrection et la folie s'empare de l'île. C'est alors la fuite désespérée…

Un roman post-apocalyptique détonnant, comme au rythme du va-et-vient des vagues jusqu'au ressac. de longues descriptions, tel un carnet de voyage, entrecoupées de chapitres d‘actions haletantes. Balancement entre différents récits, entre changements d'époque. Allées et venues entre le réel et l'irréalité. J'ai ainsi navigué sur des eaux calmes mais surtout tangué sous l'impulsion des remous de cette écriture si originale...

C'est noir, c'est terrifiant. le constat amer que dans l'adversité et les épreuves, l'homme n'en devient que plus barbare et inhumain, tout en restant l'unique responsable de sa propre perte.
Que reste t-il comme espoir ? La poésie peut-être…

Merci à Babelio et son opération Masse critique pour m'avoir permis de découvrir cet auteur détonant et aux éditions Acte Sud d'avoir édité ce roman tout aussi surprenant que marquant.

Et j'inscris L'île de Sakhaline de Tchékhov sur ma liste...
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Parmi les sorties de septembre, j'avais repéré Sakhaline de Edouard Verkine chez Actes sud dans la collection Exofictions. Étant amatrice de post-apo et de littérature russe moderne, ce roman avait de grandes chances de me plaire et c'est avec joie que j'ai été sélectionnée pour le recevoir via la masse critique « mauvais genres » de Babelio. Alors, était-il à la hauteur des mes attentes? C'est ce que nous allons voir…
Je lance tout de suite un avertissement pour toute personne souhaitant éventuellement lire ce livre: Sakhaline est violent et sans morale, il dépeint de façon terrible et glaciale un racisme puant et vous fera perdre, en moins de 50 pages, toute foi en l'humanité. Ne lisez pas ce livre si vous n'êtes pas au mieux de votre santé mentale, ne lisez pas ce livre si vous ne voulez pas vous retrouver empoissé dans une ambiance puante, étouffante et désespérante, ne lisez pas ce livre si vous n'êtes pas prêts à lire des atrocités. Il me semble en effet nécessaire de mettre en garde car les 60 premières pages de ce roman m'ont mise dans un état détestable. En si peu de temps, on y croise en effet, entre autres, des réfugiés qui se tuent dans des mines de métaux rares dans la plus grande indifférence, des migrants se faisant mitraillés en riant alors qu'ils tentent de sauver leur vie, un gars traité comme un chien qui se suicide ou encore un (je cite) « rossage de nègre » en cage pour le divertissement des gens… le tout étant abordé de façon glaciale, donnant tout le relief de ces horreurs. Alors oui, ceci existe dans notre présent et cette présentation brute à un effet particulièrement percutant. Mais je n'étais pas prête et je l'ai très mal vécu. Sakhaline c'est l'enfer d'Edouard Verkine, un lieu où tout est puant, mourant, asphyxié et déshumanisé. le désastre écologique perpétré par l'humanité y est exacerbé et la stratification sociale et le racisme y sont accentués à l'extrême (on a par exemple des japonais portant des tatouages « 731 » en référence à l'unité 731 qui mena des expériences dans les années 30 sur les prisonniers chinois…). Bonne ambiance! La voyage de Lilas est le même que celui de Tchekhov au XIXème siècle en plus violent et plus sombre. Bref, il faut pouvoir l'encaisser car c'est présenté sans filtre, avec le détachement terrible et froid des auteurs russes ce qui, ici, donne une ambiance particulièrement oppressante. le pire, finalement, c'est qu'on finit par s'y habituer à la lecture… Après tout, Sakhaline mange les gens, même le/la lecteur/lectrice.
Si je passe outre la violence qui m'aura mis le moral à zéro, j'ai vécu cette lecture majoritairement comme une souffrance pour d'autres raisons. La narration, très spéciale, s'encombre de longueurs particulièrement inutiles, entre descriptions à rallonge sans intérêt et flashbacks déplacés qui ne trouvent pas leur place dans l'histoire. C'est vrai ça, pourquoi nous parler en long, en large et en travers de soupe de choux entre deux visites de bagne où l'on torture les prisonniers?! Mais je crois que ce qui aura failli me faire abandonner ce sont surtout les passages absurdes qui, s'ils sont courants en littérature russe, m'ont paru ici trop en décalage avec la violence crasse, me provoquant un . Je ne comprends toujours pas comment on en arrive à parler d'une secte de véganes ayant des problèmes locomoteurs et décidant de ramper pour le reste de leur vie… Vraiment, ça, ça a été la goutte de merde qui a failli me faire tout lâcher. Heureusement, cependant, que j'ai poursuivi car la suite s'améliore et l'action démarre enfin après 300 pages (sur environ 450). Je regrette évidemment que toute cette partie soit spoilée dans la quatrième de couverture (une habitude chez Actes sud malheureusement). le rythme et la tension s'intensifiant, la fin du roman est plutôt bonne et ne m'a pas fait regretté d'avoir poursuivi. L'émotion, d'ailleurs, m'a cueilli quand je ne m'y attendais pas! Et le final, étonnant, mérite le détour pour la réflexion qu'il propose. Mais je crains que ça n'ait pas suffi à me faire aimer le roman pour autant… La faute à toute cette débauche de violence et cette ambiance poisseuse que je n'étais pas apte à encaisser en ce moment.
En bref, Sakhaline est un roman très sombre qui dépeint le pire de l'humanité en un concentré difficile à encaisser. Un enfer qui percute à la lecture et ne peut pas laisser indemne. Et si on est apte à tolérer tout ça, il faut aussi faire avec ses longueurs conséquentes, ses passages assez absurdes et sa narration très spéciale. Je suis passé à côté ce cette lecture personnellement, même si la dernière partie, plus active et plus tendue m'aura paru plus agréable…
Lien : https://yuyine.be/review/boo..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Pour la première fois depuis que j'étais sur cette île, j'ai palpé le mal. Les noyés de Moneron, les cadavres de Kholmsk, les charbonnages d'Ouglegorsk, les casemates d'Alexandrovsk et leurs cannibales, la férocité des bagnards, la désespérance et l'impuissance de l'existence, tout cela s'est incarné d'un coup dans la bête qui nous guettait. Je me suis souvenue du Pateren Paul qui disait que l'enfer était ici. Je venais de comprendre ce qu'il voulait dire.
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Tu sais bien que la licorne vit encore derrière la porte du paradis.
Tu sais que derrière la porte du paradis la licorne t’attend encore.
Et que les clous brillent encore comme s’ils étaient neufs, je l’ai vu.
Des clous forgés de cuivre d’étoile, et qui brillent dans le noir.
Ô gentille petite fille, pourquoi crois-tu encore dans le cuivre d’étoile ?
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Si, dans les cendres du temps et dans la ronde effrénée, tu remarques un détail en apparence absurde et dérisoire, mais qui retient mystérieusement l’attention, c’est que le futur t’envoie un télégramme pour t’annoncer une rencontre imminente et inexorable. Le futur est impitoyable, le futur n’attend pas.
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Les étincelles qui dansaient dans mes yeux ont disparu peu à peu. Je regardais les constellations, et les animaux stellaires me regardaient.
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Sakhaline, c'est la peur. On a peur. On a peur de l'hiver parce qu'on fait froid ; on a peur de l'été parce qu'il fait chaud, on a peur des tremblements de terre, des bagnards en cavale, des fous, de la folie...
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