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EAN : 9782213686967
288 pages
Fayard (10/10/2018)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Dans l'histoire officielle de la psychanalyse, Sabina Spielrein nest qu'un nom. Celui de la maîtresse de Carl Gustav-Jung, à l'origine de la rencontre entre le psychiatre suisse et Sigmund Freud. Tout le reste a été oublié et ce qu'elle a apporté à la discipline, attribué
à d'autres. Pourtant, Sabina Spielrein est l'une des premières femmes psychanalystes, à qui l'on doit un des plus grands concepts de la théorie freudienne – la pulsion de mort.

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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
J'avais rencontré Sabina Spielrein à diverses occasions : dans des bas de pages, des notes... mais surtout "incarnée" par Keira Knightley entourée de Michael Fassbender en Carl Jung, du beau Viggo Mortensen en Sigmund Freud et du toujours très remarqué et souvent remarquable Vincent Cassel en Otto Gross ( un médecin "disciple" indiscipliné ( "hédoniste" polytoxicomane ) du père de la psychanalyse )... dans le film de David Cronenberg - A dangerous method -, que j'étais allé voir à sa sortie en salles... il y a dix ans.
Déjà à l'époque je m'étais promis d'essayer d'en apprendre plus sur cette femme, qui commençait tout juste à s'émanciper des grandes ombres que furent ses mentors et amour... Freud et Jung, pour ne citer que les plus tentaculaires et phagocytantes d'entre elles...
Le temps passa... et le monde de Sabina s'était éloigné, lorsque Sarah Chiche et son ouvrage - Une histoire de la psychanalyse - refirent récemment émerger de mon inconscient , "ce discours de l'autre", cette curiosité et par conséquent ce désir de connaître cette "illustre inconnue".
Sarah Chiche, en évoquant Sabina Spielrein, mentionnait la biographie qu'en avait fait Violaine Gelly.
Je piochai dans mon budget livres et acquis le bouquin en question.
En avant-propos, l'auteure explique les raisons, les chemins qui l'ont conduite à "la fameuse Sabina Spielrein".
D'abord la pièce de théâtre de Christopher Hampton - Paroles et guérison - ( que je me suis empressé de me procurer ), puis sa correspondance - Sabina SpIelrein, entre Freud et Jung - ( Aubier, 1981... là, il me faudra patienter... ), et enfin le film de Cronenberg.. qui "provoqua son agacement... sous les traits de Keira Knightley, Sabina Spielrein devenait une jolie folle, adepte de la fessée érotique, une passante dans l'histoire de la psychanalyse..."
Cela, Violaine Gelly ne l'accepte pas, car interroge-t-elle, "comment admettre que le simple qualificatif de "maîtresse de Jung" subsiste, cent ans après les faits ? Comment a-t-on pu laisser tomber dans l'oubli non seulement une personnalité de la sorte mais également une telle scientifique ?"
Et c'est avec ces mots de la romancière Yaa Gyasi qu'elle énonce son postulat et le sens, la vocation de cette biographie :
" Nous croyons celui qui a le pouvoir. C'est à lui qu'incombe d'écrire l'histoire. Ainsi quand vous étudiez l'histoire, vous devez toujours vous demander : "Quel est celui dont je ne connais pas l'histoire ? Quelle voix n'a pas pu s'exprimer ? " Une fois que vous avez compris cela, c'est à vous de découvrir cette histoire."
Et cette histoire s'ouvre le 11 août 1942 à Rostov-sur-le-Don, dans un bois qui borde la ville. Il y a des camions qui bâchent des mitrailleuses, des fosses, et des corps nus alignés devant. Des tirs et des corps qui vacillent dans les fosses. Il y a une femme, une mère d'un certain âge, qui enserre ses deux filles. Cette mère, c'est Sabina Spielrein. Ses deux filles se prénomment Eva et Renata. Elles font partie des 28 000 victimes ( majoritairement juives ) du Massacre de ZmievsKaïa Balka perpétré en août 1942 dans le cadre de ce qu'on appelle aujourd'hui la Shoah par balles.
Un flashback nous ramène le 18 août 1904 dans La clinique psychiatrique universitaire du Burghölzli à Zurich, dirigée par le docteur Eugen Bleuler, ancien élève de Charcot, connu pour ses méthodes respectueuses à l'égard des malades, avec lesquels, il en est convaincu, "il faut développer "un lien affectif" afin de les rejoindre dans leur folie, de comprendre leurs délires et de les interpréter."
Sa soeur Paulina est atteinte de démence précoce ; c'est Bleuler qui, en 1911, donnera à cette pathologie le nom de schizophrénie qu'on lui connaît de nos jours.
Pour Bleuler, "médecins et malades doivent vivre ensemble pour s'accepter et se respecter. Aucune différence sociale ou mentale ne doit se manifester. Les aliénés sont non seulement associés à leur traitement, mais également à la gestion quotidienne de l'hôpital. Au Burghölzli, point de camisole de force ou de méthodes classiques de contention ... sauf si le patient présente un danger pour lui-même. Et même dans ce cas , le personnel privilégie la balnéothérapie et les bains prolongés afin d'apaiser la crise. Toute l'équipe médicale sait qu'un malade délirant cherche nécessairement à dire quelque chose, c'est aux soignants de faire l'effort de l'entendre..."
C'est dans cet établissement révolutionnaire que travaille, aux côtés de Bleuler (qui deviendra le directeur de thèse de Sabina), un proche de Freud, le pas encore trentenaire Carl Gustav Jung, marié à la deuxième fortune de Suisse. Séduisant, ambitieux, il veut montrer à sa belle-famille qu'il ne "dépend pas" de l'argent de sa femme.
Et c'est dans cet établissement révolutionnaire que Nicolaï et Eva, père et mère de Sabina Spielrein font hospitaliser leur fille, qui souffre de violentes crises "d'hystérie".
C'est une famille de Russes juifs, aisés et ouverts au progrès et à la science.
C'est dans cet établissement révolutionnaire que va "guérir" puis éclore celle qui de patiente de Jung, va devenir une brillante étudiante en médecine, un médecin, une scientifique, une chercheuse... celle qui va être la première et la vraie découvreuse de la pulsion de mort (cf la destruction comme cause du devenir).
"Mais la remarquable intuition de cette pionnière est que, selon elle, l'empathie n'est nullement une forme de projection mais représente une réelle compréhension des sentiments de l'autre. Elle a mis l'accent de l'empathie sur la connexion, la relation, une relation empathique. Pour elle, empathie ne signifie pas retrouver ses propres aspects psychologiques dans l'autre, mais reconnaître les aspects psychiques de l'autre comme vrais et en les distinguant à l'intérieur de soi-même comme appartenant à l'autre...". Il faudra du temps avant que "sa" communauté accepte et considère cette notion et cette approche comme allant de soi.
Toujours en avance sur ses confrères, c'est elle qui, la première, va affirmer que l'enfant est un être rationnel qui, par nature, cherche à créer une relation.
Hélas pour cette femme admirable, l'amour qu'elle porte et portera sa vie durant à Jung, qui fera d'elle l'objet, le sujet, le prétexte, l'enjeu de la relation confraternelle, rivale puis ennemie entre Freud et son "héritier", obèreront son travail, ses recherches, ses fulgurances et son génie.
Reléguée au rang de maîtresse de l'un, au faire-valoir de l'autre, une partie de cette vie-là lui sera dérobée.
La Première Guerre mondiale et la révolution bolchévique se chargeront de lui dérober le reste.
Mariée sans amour à un médecin juif, Pavel Scheftel, père de ses deux filles, elle tentera de s'imposer pendant quelques années encore dans l'Europe d'après-guerre... en vain !
C'est réduite à la misère, son aînée souffrant de l'absence d'un père et des conditions de vie difficiles qu'elle lui impose, animée qu'elle est par sa dévorante passion scientifique, qu'elle finira par se laisser convaincre par sa famille de rejoindre la Russie, devenue entretemps l'URSS !
Ses trois frères, ardents défenseurs de la Révolution et socialistes sincères, tenteront de lui faire croire au mirage léniniste, trotskyste... puis staliniste.
Jamais sa lucidité ne se laissera abuser par la machine infernale qui finira par broyer son père, et ses trois frères (scientifiques eux aussi),Jan, Isaac et Émile... qui finiront tous les trois dans les fosses communes de la Grande Terreur stalinienne.
Une fois encore, ce pan si important de sa vie lui aura été dérobé.
Enfin, le livre se ferme là où il s'était ouvert : dans cette forêt... où tout s'arrête et où l'Einsatzgruppe D, ces nazis de la Shoah par balles, finissent de lui dérober ce qui ne l'avait pas encore été : sa vie et celle de ses deux filles.
J'avais à coeur de vous parler de Sabina Spielrein, de contribuer à mon petit niveau à faire raisonner son nom. À essayer de rendre à Sabina ce qui lui appartient.
Au-delà de ce destin hors du commun, il y a un devoir de juste mémoire que nous devons à cette femme extraordinaire. Ce travail de réhabilitation, de justice, de vérité a commencé. Il faut qu'il se poursuive, et je fais confiance aux historiens pour que le monde sache enfin qui était, qui est Sabina Spielrein.
Je sais gré à Violaine Gelly de s'être montrée digne de cette "cause", et qui comme tant d'autres, est persuadée à juste titre qu'il reste encore énormément à apprendre sur et de Sabina.
PS: j'espère n'avoir été ni trop long, ni trop brouillon, ni trop fastidieux.

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Une belle histoire à la "Camille Claudel".
Belle ? Pas tant que cela. Sa vie, fut, effectivement, dérobée.
J'ai beaucoup aimé cette vie, cette histoire.
Celle de Sabrina Spielrein.
Un grand destin mais pas de chance.
Née en 1885 dans une famille juive, internée à Zurich, offrant un tableau clinique effrayant, avec des postures hautement psychotiques, elle guérit pourtant grâce à Carl Gustav Jung, disciple de Freud, avec une cure par la parole, psychanalytique. Elle avait 19 ans.
Elle deviendra la maîtresse de Jung, et très brillante, deviendra psychanalyste elle-même, innovant par, entre autre, ses idées sur les souffrances et les maladies mentales des enfants. On pourrait même dire qu'avant Mélanie Klein et d'autres femmes psychanalystes, elle a oeuvré pour le bien-être des touts-petits souffrants.
Mais c'était sans compter sur la misogynie de Jung et son confort petit-bourgeois, qui, après l'avoir séduite, l'a abandonnée. Sans compter également sur l'ego surdimensionné de Freud qui l'a traitée comme une petite chose fragile, une femme, et qui lui dérobera sans vergogne sa théorie sur les pulsions de mort, pendants des pulsions de vie sur lesquelles il avait travaillé. Elle est allée plus loin que le maître, et cela, il ne l'a pas supporté. Elle inventera un terme, "l'anima", pour nommer le concept de la part féminine présente en chaque homme.
Elle essayera sans grand succès en Russie de pratiquer son art, mais il est très mal vu à l'époque de pratiquer la psychanalyse, cette science trop bourgeoise et pas assez communiste. Un grand nombre de médecins la pratiquant furent d'ailleurs assassinés.
Elle finira fusillée, comme des milliers d'autres, par la Shoah par balles en août 1942.
Une vie, trois vols.
Celui de sa jeunesse par Jung, celui de son talent par Freud, celui de sa vie par les nazis.
Le destin d'une femme pas comme les autres.
Très bien documenté et très bien écrit, ce livre réjouira tous ceux qui s'intéressent à la psychanalyse.
Et aux femmes dont le destin a été brisé en mille morceaux.




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Sabina Spielrein, un nom qui ne parlera pas forcément à tout le monde, et pourtant... Ayant "grandi" dans l'ombre de deux grands personnages de la psychologie que son Sigmund Freud et Carl Jung, elle ne cessa de les inspirer, avant de devenir elle-même psychanalyste et médecin, mais qui s'en souvenait vraiment ? C'est cette injuste lacune que vient rectifier Violaine Gelly dans cette excellente biographie, qui ne se contente pas de narrer l'histoire de Sabina et de sa famille, elle y dépeint également une époque, un contexte, violent et terriblement cruel pour elles. Une vie dérobée oui, et incomprise ! Sinon de celles et ceux qui lui étaient proches, dont ses filles qui furent comme elle assassinées par les nazis. Ses frères assassinés, mais les soviétiques... Cette vie tragique qui pourtant fut riche d'une féminité révoltée, volontaire, au travers de cette femme courageuse qui brava les réticences d'un temps où la psychologie était surtout un monde d'hommes. le livre de Violaine Gelly se lit très bien, sa belle plume nous immerge vraiment dans l'univers de cette grande dame. C'est à la fois émouvant et instructif, dans le sens où l'on comprend quels furent les apports théoriques de Sabina, hélas trop longtemps passés dans l'ombre des géants de la discipline. Ce livre honore la mémoire de celle qui passa du stade de la jeune femme "névrosée", "hystérique", à celui de psy et médecin, avec une volonté aussi belle que motivée. Je vous recommande vivement ce livre, pour moi il y a trop peu de biographies sur les femmes psychanalystes pour passer à côté de celle-ci, surtout quand elle est aussi remarquable !
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Une autre vie de femme dérobée et le parcours étonnant d'une femme dans la psychanalyse. Pour beaucoup, il ne reste rien de S. SPIELREIN sauf l'image "actualisée" si l'on peu dire, d'une jolie jeune fille qui aimait les fessées dans le film de D. Cronenberg "A most dangerous method" qui raconte le lien amoureux que S. SPIELREIN eu avec C. JUNG, élève bientôt dissident de S. FREUD.
Et pourtant, cette jeune femme russe qui entra en clinique psychiatrique à Zurich (Burghölzl) sur demande de ses parents, inquiet du comportement destructeur de leur fille, fut non seulement soignée et guérie, mais devint ensuite médecin, psychanalyste et est à l'origine de nombreux traits de génie dans ce secteur d'activité: entre autres, la pulsion de mort que Freud refusa dans un premier temps, avant de reprendre son travail et l'importance de la psychanalyse des enfants.
L'auteur restitue Sabina SPIELREIN dans intégrité : souffrances psychiques, famille complexe, relations avec les hommes, vie de mère, engagement sincère et profond en ce qui concerne la psychanalyse qui l'amèneront à se battre pour cette discipline dans la Russie soviétique jusqu'à sa mort avec ses enfants, sous les balles d'un commando SS. Une femme de combats d'un grand courage pour oser dans un univers toujours masculin.
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Je ne connaissais pas le personnage de Sabina Spielrein et cette biographie me permet de comprendre comment les premiers grands hommes de la psychanalyse (Young et Freud) y sont un peu pour quelque chose. Tout en s'appuyant sur ses travaux, ils n'ont pas oeuvré pour sa reconnaissance. Cette biographie redonne à cette scientifique son importance.
Le sujet est passionnant, mais l'écriture participe de beaucoup au plaisir de lecture. C'est une biographie et c'est presque un roman. Et puis c'est aussi une réussite en matière de vulgarisation des grands principes de psychanalyse.
C'est tellement triste que cette intelligence ait été oubliée de l'histoire. le dernier chapitre m'a fait pleurer. Merci de la faire revivre.

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critiques presse (1)
Liberation
28 décembre 2018
Violaine Gelly, psycho-praticienne et journaliste, raconte avec passion toute l’histoire de la jeune Russe, après un travail d’enquête qui l’a conduite à «remonter la longue chaîne de ses errances», de Rostov-sur-le-Don à Varsovie, Vienne, Berlin, Moscou…
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Pour Gross, la nature normale de l'homme réside dans l'immoralité sexuelle. La fidélité, l'abstinence, la conjugalité... tout cela ne sert qu'un but : asservir l'être humain aux contraintes sociales et assurer le maintien de l'ordre bourgeois. Jung défend l'inverse. Pour lui, le refoulement sexuel est indispensable comme facteur de culture. Sinon, nous ne serions que des animaux à peine civilisés.
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Sur Jung :

Un disciple aryen ! Freud en rêve : il sait que son judaïsme et celui de ses premiers élèves ne peut que freiner la diffusion de la psychanalyse. (...)
"Avec l'arrivée de Jung, la psychanalyse à été soustraite au danger de devenir une affaire de la nation juive." Freud.
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Video de Violaine Gelly (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Violaine Gelly
Violaine Gelly - Charlotte Delbo .Violaine Gelly vous présente son ouvrage "Charlotte Delbo" qu'elle a écrit avec Paul Gradvohl aux éditions Fayard. http://www.mollat.com/livres/violaine-gelly-charlotte-delbo-9782213663128.html Notes de Musique : John Surman Private city - 3 - Not love perhaps
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