Glissant est poétique même quand il évoque la guerre, la politique et la globalisation (qu'il nomme mondialisation, elle-même devenant dans sa langue spontanément séduisante mondialité). Si l'on a le cafard, si l'on doute, si l'on ressent la moindre frustration, on doit lire Glissant : il vous réchauffe le coeur. Rien n'interdit non plus de le lire quand la vie vous sourit...
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Ce que l’on appelle Mondialisation [globalisation ?], qui est donc uniformisation par le bas, le règne des multinationales, la standardisation, l’ultralibéralisme sauvage sur les marchés mondiaux (une Corporation déplace avantageusement ses usines dans un pays lointain, un malade n’a pas le droit d’acheter des médicaments à un meilleur rapport dans un pays voisin), et ainsi de suite, chacun peut s’en rendre compte, c’est la procession des lieux-communs râbachés par tous, et que nous nous répétons infiniment, mais c’est aussi, tout cela, le revers négatif d’une réalité prodigieuse que j’appelle Mondialité. Elle projette, cette mondialité, l’aventure sans précédent qu’il nous est donné à tous aujourd’hui de vivre, et dans un monde qui pour la première fois, et si réellement de manière tant immédiate, foudroyante, se conçoit à la fois multiple et un, et inextricable. Nécessité pour chacun de changer ses manières de concevoir, de vivre et de réagir, dans ce monde là.
Autre point échangé : nous nous habituons sans le vouloir à ce flot continu, de plus en plus placide, comme insensibilisés devant la répétition de ses champs de dévastation, de ces morts qu’on ne compte plus et qu’à la vérité on tâche de cacher, de ses cris impuissants. C’est comme si dans le monde il n’y avait plus que trois sortes de gens : ceux qui décident, ceux qui souffrent, ceux qui regardent et oublient.
La pensée du tremblement s’accorde à l’errance du monde et à son inexprimable. Elle n’est ni crainte ni faiblesse, elle n’est pas irrésolution (« Agis dans ton Lieu, pense avec le Monde »), mais l’assurance qu’il est possible d’approcher ce chaos, de durer et de grandir dans cet imprévisible, d’aller contre ses certitudes encimentées dans leurs intolérances, de « palpiter du palpitement même du monde » qui est à découvrir enfin. Nous répéterons souvent cela, imitant aussi l’obstination du monde à se répliquer
La pensée du tremblement éclate partout, avec les musiques et les formes suggérées par les peuples. Elle nous préserve des pensées de système et des systèmes de pensée. Elle ne suppose pas la peur ou l’irrésolu, elle s’étend infiniment comme un oiseau innumérable, les ailes semées du sel noir de la terre. Elle nous unit dans l’absolue diversité, en un tourbillon de rencontres. Elle est l’utopie qui jamais ne se fixe et qui ouvre demain : comme un soleil ou un fruit partagés.
Regardons alentours. La terre tremble de partout, les volcans s’éventrent, les inondations rasent les pays, les tornades déracinent les bourgs, les épidémies sont inarrêtables, la température flambe, l’eau s’épuise et se pollue, mais une fois que les communautés sont en cours, les famines fauchent des commmunautés sans recours, et tout cela est le plus souvent la conséquence de l’œuvre des hommes. Résistons à la pensée de l’Apocalypse.
#EdouardGlissant #créolisation #CulturePrime
Avec son idée de la créolisation, le poète et philosophe Edouard Glissant en appelle à un "Tout-Monde" visionnaire, où nos identités dynamiques et ouvertes sont une clé pour penser notre futur. Réinterprétée, réappropriée aujourd'hui par divers courants de pensées, l'idée de créolisation théorisée par Edouard Glissant plonge ses racines - ses rhizomes - dans son expérience singulière des Antilles et de la langue créole.
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