« Que votre voix s'élève !
Vous, les écrivains de France, il faut que vous aidiez « ceux qui disent les choses comme elles sont, non pas telles qu'on voudrait qu'elles fussent.» clame dans la préface de son livre
René Maran.
Batouala, « Véritable roman nègre » a reçu le prix Goncourt il y a juste 100 ans. Ce fut un tollé, d'abord parce que l'auteur n'était pas connu, aussi parce que sa description, par delà la poésie et le lyrisme indéniable, s'attache aux coutumes d'un village d'Oubangui Chari( actuelle Centrafrique)et qu'il y fait, surtout dans sa préface de la première édition (1921) le constat de l' exploitation des « nègres », leur embrigadement dans la guerre de 1914, parce que les « frandjés étaient en palabre avec les zalémans et qu'ils les battaient comme on ne bat pas son chien. ».
Et puis le cours du caoutchouc est tombé, plus de travail.
Goncourt, donc, pour cet auteur antillais, fonctionnaire de préfecture, nommé Administrateur du Ministère des Colonies en Oubangui-Chari, Goncourt qui soulève des vagues : celles de l'Administration française, qui veut bien entendu former une élite « indigène » sachant lire et écrire, mais qui n'admet pas que de l'intérieur, on dénonce les pratiques coloniales ; celles aussi d'écrivains africains, pas très contents que leurs coutumes soient mises à jour comme par un anthropologue les jugeant tels qu'ils sont.
C'est dans son introduction, remaniée en 1937, que
René Maran , qui, entre temps, a été doucement poussé à démissionner de l ‘administration, a subi critiques et pamphlets, dénonce les pratiques coloniales, en particulier cet impôt « de capitation », qui pousse souvent les africains à la plus grande pauvreté, jusqu' à vendre même leur femme.
Ce roman est tout objectif, nous dit l'auteur. Il ne tâche même pas d'expliquer. Il constate. Il ne s'indigne pas : il enregistre…. C'est un roman d'observation impersonnelle.
Ses coutumes, le fait qu'une femme doit allaiter 2 ou 3 ans, pendant lesquels elle ne peut faire l'amour, les fluides ne devant pas se mélanger amènent à l'obligation pour l'homme de prendre d'autres femmes.
Les fêtes, pendant lesquelles ont lieu la circoncision et l'excision ( mon professeur d'ethnologie disait que ces pratiques avaient pour but d'éliminer dans chaque sexe ce qui ressemble le plus à l'autre sexe : les membranes chez l'homme, et le clitoris érectile chez la femme.) sont décrites telles qu'elles.
René Maran parle du désir fou, malgré les tabous comme par exemple celui des règles « impures » donc l'impossibilité de faire l'amour ces jours-là.
Il parle aussi des rites funéraires, et de la pensée que la mort ne pouvant être naturelle, il s'agit de chercher et trouver le responsable…. Parfois, cette recherche recoupe une vengeance privée…. Mais bon.
Que votre voix s'élève, vous les écrivains de France!
Dans la reprise de sa préface en 1937, il reconnaît que la prise de conscience de personnes bien placées qui pourtant étaient au courant des horreurs commises : «Après tout, s'ils meurent de faim par milliers, comme des mouches, c'est que l'on met en valeur leur pays »s'est accomplie grâce à
André Gide avec son Voyage au Congo en 1927, et Denise Moran qui a écrit Tchad peu après.
Et bien sûr, il en a été le précurseur.
Pour le centenaire du prix Goncourt, la
Bibliothèque Nationale de France organisera avec l'académie Goncourt, le 1 · décembre 2021, un événement commémoratif dans son auditorium.