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EAN : 9782709670203
200 pages
J.-C. Lattès (10/01/2024)
4.15/5   17 notes
Résumé :
L'écrivain évoque l'histoire de ses parents réfugiés, sa soeur qui pleurait de ne pas avoir la peau blanche, les enfants qui lui jetaient des pierres, le professeur de français de sa mère, le cours d'alphabétisation de sa grand-mère. A travers les épisodes de son histoire intime, il raconte comment sa famille est devenue française jour après jour et décrit cette expérience qu'est l'immigration.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Merci aux éditions JC Lattès de m'avoir permis de découvrir ce livre, via netgalley.

C'est le titre qui m'a attirée, couplé à la première phrase de la quatrième de couverture, « Tout est personnel dans ce livre ». Mahir Guven m'était inconnu jusqu'à ce que je reçoive ce livre et que je me mette à le lire. Et cette lecture m'a fait du bien. Pourtant, ce n'est pas ce à quoi je m'attendais : je croyais que Mahir Guven allait dérouler sa vie de façon chronologique, mais, même s'il y a une certaine continuité chronologique, elle n'est pas apparente (surtout au début) et elle fait plutôt place à une réflexion qui peut paraître parfois peu structurée (mais ce n'est qu'un artefact de l'écriture, qui en fait est très maîtrisée et amène le lecteur exactement là où Mahir Guven a décidé de l'amener) et qui aborde divers aspects liés au fait d'être immigré, ou bien enfant d'immigré.
Mahir Guven est né en France et a passé la plus grande partie de son enfance à Nantes. Mais ses parents ne sont pas français, ils sont tous les deux venus de Turquie pour échapper à la répression politique des années 70. Et c'est cette expérience familiale que Mahir Guven raconte, en même temps qu'il essaie de la mettre en perspective pour tenter de comprendre les mécanismes à l'oeuvre lorsque l'on parle d'intégration.
Et ce sont surtout les réflexions autour de la langue qui m'ont intéressées. le fait que Mahir Guven soit né en France, à la différence de sa mère, introduit un rapport à la langue différent, et l'expérience de l'auteur lors d'une courte expatriation en Allemagne lui permet de se retrouver, en quelque sorte, de l'autre côté du miroir et de comprendre beaucoup de choses. Pour avoir été moi-même expatriée (et c'est bien différent que d'être immigré) dans des pays non francophones, j'ai pu partager un certain nombre de conclusions auxquelles il arrive et j'ai apprécié de voir des mots mis sur des constats que j'avais pu faire. La notion de douaniers de la langue est à cet égard très intéressante et permet de comprendre beaucoup de choses et de mettre en lumière de nombreuses barrières à cette fameuse intégration.
C'est aussi la notion de racisme ordinaire que j'ai trouvée bien décrite dans ce livre. Si je ne me trompe pas, l'expression n'est pas utilisée, mais c'est bien ce qui est décrit à plusieurs reprises. Et l'on voit la difficulté que c'est de l'identifier et le nommer (c'est me semble-t-il un sujet assez récent), tant pour celui qui en est victime parfois sans s'en apercevoir et qui tente de se conformer à l'image de lui-même que les autres lui envoient (comme le titre du premier chapitre, « Fort comme un Turc », un stéréotype que je ne connaissais pas d'ailleurs!), que pour ceux qui pratiquent ce racisme souvent sans même s'en apercevoir (« Mais toi, que penses-tu des attentats commis au nom de ta religion ? Parce que, n'est-ce pas, quand on est un tant soit peu basané, on se doit d'avoir une opinion élaborée de la géopolitique mondiale, bien mieux argumentée et documentée que celle du premier quidam qui passe – quidam blanc, cela va sans dire… – Et puis, quand on est basané, on est obligatoirement musulman, et donc obligatoirement suspectable – si ce mot existe… – d'islamisme. C'est quand même avoir une vision assez simpliste du Moyen Orient, où les minorités religieuses, notamment chrétiennes, pullulent. Et puis c'est nier la liberté de conscience de chacun : parce qu'on est basané, on semble perdre le droit d'être athée, ou agnostique, ou déiste, ou tout autre croyance auxquelles les bons français de souche ont le droit de prétendre !).
Comme cela se remarque, ce sont des sujets qui me touchent. D'une part parce que le fait de vivre à l'étranger m'y a sensibilisé. D'autre part parce qu'il se trouve que mes enfants sont basanés (et pourtant pas de cette partie du monde, même si beaucoup le croient, c'est amusant d'ailleurs !) et que je vois ce racisme ordinaire s'exercer au quotidien. Je vois la difficulté qu'eux-mêmes peuvent avoir à l'identifier et je vois comment cela les influencent et les faisant inconsciemment adopter des comportements pour se conformer à l'image pré-conçue que l'on a d'eux et qu'on leur renvoie avant même de les connaître.
Il est vrai que la fin m'a semblé moins construite, moins forte, peut-être écrite un peu trop vite, peut-être pour respecter une date butoir. Ou bien parce que dans cette dernière partie, Mahir Guven expose ses réussites sociales et professionnelles, il est un peu plus dans l'auto-congratulation. Mais peut-être est-ce nécessaire d'avoir un fort sentiment de fierté et de confiance en soi pour justement être capable d'une telle ascension. Il faut de la chance, certes, et Mahir Guven n'en disconvient pas, mais il faut aussi un caractère bien trempé, qui pousse peut-être un peu de temps en temps à la vanité.
Mais malgré ce bémol, ce livre est pour moi essentiel. Il aborde des sujets qui sont souvent peu traités quand il est question d'intégration et les rend accessibles grâce à sa facilité d'écriture et grâce au partage de son expérience à multiples facettes. Hélas, ce livre ne sera probablement pas lus par ceux qui en auraient peut-être le plus besoin. Je pense à cette collègue qui, justement pendant que je lisais ce livre, parlait (mal) d'une famille qu'elle côtoie dans le cadre du travail et s'étonnait qu'« ils parlent musulman à la maison » (sic). Outre le cours de linguistique accéléré dont elle aurait eu besoin, j'aurais aimé lui parler « douaniers de la langue » et multiculturalisme, mais aurait-elle seulement écouté ?
Un livre essentiel donc. Qui fait réfléchir quelle que soit notre place dans la société. Pas de réponses toutes faites ni de solutions miracles, mais une certaine foi, je crois, dans la capacité de l'être humain à réfléchir et à s'améliorer. Une invitation à réfléchir à ce que l'on peut faire, chacun à son niveau. Une lecture qui donne envie de relever le défi et que je conseillerai à droite et à gauche, à des récalcitrants comme à des convaincus. Je me suis d'ailleurs empressée de l'offrir (avec dédicace de l'auteur en plus !) à mon grand fils basané, en espérant que ce livre lui permettra de mettre des mots sur certaines de réalités qu'il vit et de trouver comment se positionner par rapport à ces micro-agressions répétées. J'espère que beaucoup d'autres lecteurs pourront en faire de même, ou pourront réfléchir à certains de leurs réflexes pour ne pas être à l'origine de ces micro-agressions. Un livre qui peut donc vraiment parler à tout le monde, pour peu que l'on soit prêt à écouter et à réfléchir.
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Mahir Güven écrivain et activiste a voulu ouvrir un livre géant pour interpeller les Sages du Conseil Constitutionnel sur la loi immigration. C'est son livre Rien de personnel, paru ce mois de janvier. Il devait être déployé (10 m x 6m) près du Conseil Constitutionnel, place Colette (Comédie Française, à proximité du Palais Royal dans la cour duquel l'art contemporain s'est invité il y a quelques années... une place chargée en symboles). Son oeuvre devait y interroger les Sages sur le jugement du quotidien d'hommes et de femmes sans connaître leurs histoires. Au dernier moment, malgré l'autorisation obtenue, l'artiste a du déménager square Michel Caldages... Ayant lu cette actualité, je suis allée découvrir que Mahir Güven "colle des trucs dans la rue" depuis des années et que son action consiste à faire sortir les livres de leurs étagères pour les placer au coeur de la société : une belle idée, une belle mission. J'ai découvert aussi qu'il est directeur éditorial du label La Grenade qui publie des primo-romanciers issus de la diversité, où l'on croise également Oxmo Puccino ou Orelsan. Mahir Güven a aussi travaillé pour la revue le 1 avec Eric Fottorino et pour la revue America avec François Busnel.
J'ai donc ouvert son dernier livre, et me suis retrouvée emportée, dès les premières lignes, dans son histoire, l'histoire d'une famille d'immigrés, réfugiés, d'origine Turque et Kurde.
Son livre questionne les origines, la connaissance de la mythologie familiale indispensable à la construction de la personnalité, la langue et sa maîtrise absolument indispensable à l'émancipation.
"Maîtriser la langue, c'est s'approprier un pouvoir. Être capable de s'exprimer, de se faire entendre, de comprendre, c'est le début du respect, de l'émancipation, de l'autonomie, de la capacité à exprimer sa pensée, son désarroi, ses envies, ses ambitions, son avis." "La langue est un pont vers les autres. On peut vivre sur le territoire géographique, partager le quotidien de milliers de gens, tant que l'on ne vit pas sur le même territoire linguistique, on demeure à la marge" Tout comme le sont les livres à qui il dédie sa vie. Mahir Güven est passé par le domaine de la finance (choisi par obligation économique) pour se consacrer enfin à sa passion pour les livres, pour l'écriture.
J'ai aimé connaître sa famille. Il est né de deux parents militants de gauche – une gauche universaliste et internationaliste, l'être humain y étant considéré comme venant avant le français, le turc...- un père qui a été assassiné, une mère, femme puissante, veuve et mère de deux enfants, elle a repris ses études et continué son combat de militante ; une grand-mère venue s'installer en France pour aider. "Ma mère et ma grand-mère formaient donc ce duo inarrêtable et infernal, passant leur temps à se disputer, à rire et à s'entraider. Liées par un amour inconditionnel, par un pacte face au destin, par la douleur partagée d'être devenues veuves à un jeune âge, ces deux femmes vivaient leur vie comme bon leur semblait." Sa grand-mère - un "sacré numéro" avec qui l'on rit beaucoup.
L'auteur aborde aussi la communauté qui peut être un refuge mais dont il faut aussi s'affranchir, s'affranchir de son ordre moral ; l'appartenance, la culture qu'on se choisit : Mahir Güven est avant tout Nantais et ce qu'il va transmettre à sa fille c'est sa passion et celle de sa compagne "pour l'océan et leur coup de fourchette méditerranéen".
J'ai retenu surtout une détermination à toute épreuve, une immense tolérance malgré le racisme, un idéalisme et une humanité sans faille et aussi le "keyif", sens de la joie et de la fête et enfin un immense hommage à la littérature.

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Mahir Güven est homme de lettres et de mots – il s'est fait connaître au grand public par la publication de Grand frère, qui a obtenu notamment le titre du premier Goncourt. Ceci n'est pas un roman mais un retour plus ou moins sociologique et surtout biographique sur sa vie et son statut d'enfant d'immigrés. Mi-turc, mi-kurde, alevi, et français, il revient sur l'identité un peu apatride qu'il a longtemps ressentie et qu'on a mis sur lui à cause de son teint, de son nom, de son prénom, de sa façon de se comporter. Brillant, et surtout poussé par sa famille, il a virevolté et eu la chance de rencontre Fottorino (lui qui le dit).

C'est une réflexion surtout sur la place de l'immigré en France, mais également des minorités, avec de jolies phrases, des mots bien pensés et des remarques qui vont parfois à contre-courant de ce qu'on peut parfois entendre (quel que soit le bord, d'ailleurs). Il amène avec lui une expérience très personnelle, d'une vie qui a été ultra-chargée et où il a bien conscience d'avoir eu de la chance dans ses rencontres et son entourage.
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Je remercie Babelio – via sa Masse Critique – et les Editions JC Lattès de m'avoir fait parvenir cet ouvrage.
De Mahir Guven, je connaissais le magnifique roman « Grand Frère », livre ayant, entre autres récompenses, reçu celle du Goncourt du Premier Roman.
Ici, avec « Rien de personnel », il n'est nullement question d'une vie romancée mais bien d'un récit – celui de Mahir Guven né d'une mère turque et d'un père kurde, né à Nantes, naturalisé français alors qu'il est encore enfant. Un enfant très vite orphelin de père, entouré d'une mère qui se bat au quotidien, étudie pour s'élever socialement et offrir un avenir à ses enfants. Malheureusement, Mahir peine à trouver sa place dans ce pays qui est le sien; une peau foncée, un prénom exotique, un nom étranger etc… tous les éléments sont réunis pour devoir affronter le racisme, lutter contre les caricatures (et non, Mahir n'habite pas dans la cité voisine et non Mahir ne va pas se tourner vers des études techniques).
De ces rencontres malheureuses, Mahir Guven va puiser en lui-même l'énergie pour faire un pied de nez à cette société française (ceux de souche) qui systématiquement lui refourgue un second rôle. le jeune bachelier va s'inscrire à la fac d'Angers et ensuite quitter définitivement ses survêtements, ses casquettes et ses « mauvaises » fréquentations pour rejoindre la Sorbonne.
Le jeune homme incarne alors la réussite : Master Comptabilité, contrôle et audit (CCA), job dans un grand cabinet de Conseil et des costumes-cravates hors de prix. A l'occasion d'une mission à Istanbul, Mahir Guven comprend qu'autant il peine à être reconnu Français en France, autant il ne se sent pas plus Turc en Turquie.
Le livre est une réelle étude sociologique au sujet des origines de chacun, du racisme ambient, de la caricature qui place les individus dans des cases prédéfinies et, enfin, une réflexion personnelle sur ce paradoxe que vit Mahir Guven, à savoir né en France, élevé et éduqué en France, la société française continue de le considérer comme un émigré alors que, lui, ne se sent absolument pas turc en Turquie.
Ce livre permet également de découvrir que Mahir Guven pétri d'ambition, doté d'un diplôme économique/financier obtenu à la sueur de son front va finalement tout envoyer bouler, prendra le risque d'arrêter de rêver sa vie et va se mettre à vivre son rêve : intégrer le monde littéraire !
L'homme est auteur – un excellent auteur – mais, avant cela, il a pris part à la création de l'Hebdo le 1 ainsi qu'à celle d'America. Depuis 2019, Mahir Guven est directeur littéraire de la Grenade, un label d'édition (chez JC Lattès) dédié aux nouvelles voix et aux premiers romans.
Bref, un récit captivant, un texte rempli de références littéraires (j'ai pris des notes) et donc un nom à suivre encore et encore ! Merci Babelio et merci les Editions JC Lattès!
Lien : https://letempslibredenath.w..
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Et voilà, le décompte est terminé et je me dois de rendre ma critique.
C'est la première fois que je me trouve dans une telle galère: devoir faire une critique et ne pas savoir quoi dire.
J'ai beaucoup aimé les deux premiers romans de l'auteur et notamment le premier.
Je n'ai donc pas hésité à sélectionner celui-ci lors de la masse critique.
Ce livre est différent des précédents.
J'ai eu un peu de mal à démarrer puis j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire. L'écriture est fluide et très agréable.
En ce qui concerne le contenu c'est là que ça devient plus difficile.
Mahir Guven a beaucoup de choses à dire et ce livre foisonne d'idées.
Tout en racontant l'histoire de sa famille d'immigrés il questionne ses origines, il parle de la langue française, de ses deux cultures.
Ce n'est pas facile de le suivre mais c'est passionnant.
J'ai ressenti que les mots étaient très importants pour lui et justement j'ai peur de ne pas utiliser les bons, de trahir sa pensée et d'apparaître comme quelqu'un qui ne comprend rien à l'immigration alors que je pense être très ouverte sur le sujet.
Mahir Guven écrit pour " les curieux au grand coeur, les méfiants, les fâchés qui peinent à se débarrasser d'un jugement hâtif ".
Donc le lire c'est obligatoirement se questionner et l'auteur nous donne des clefs pour trouver des réponses.
Un livre profond qui se doit d'exister pour contrebalancer tous les discours racistes que nous entendons quotidiennement.
Merci aux éditions JC Lattès et à Babelio pour ce cadeau.





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critiques presse (1)
Telerama
26 janvier 2024
Contre vents et marées et la loi immigration, l’artiste Mahir Guven expose un livre géant.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
J'entends que le racisme est plus puissant dans un sens, mais je refuse d'admettre qu'il est à sens unique. Comme n'importe quelle valeur ou idée elle peut s'exprimer chez n'importe qui sinon pourquoi le Rwanda ? Pourquoi les Arméniens, les Kurdes, les Assyriens, les Ouïghours ? Pourquoi les Turcs se méfient des Arabes et pourquoi ces derniers traitent les noirs de "sales kahlouches" ? Décréter l'inverse, c'est entretenir une forme de paternalisme. S'imaginer que les "pauvres petits opprimés" ne peuvent être que des gentils bisounours, c'est leur retirer une part sombre d'humanité mais une part d'humanité quand même. En fait c'est du racisme. Point. Ce n'est pas parce que l'extrême droite s'est emparée de cette idée qu'il faut la déconsidérer. L'égalité à géométrie variable ne produit que du ressentiment.
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Nous sommes devenus français par un long chemin balisé de choix, d'échecs, de joies, de victoires, de larmes, de sueur, de renoncements, de coups durs, de coups de main. Nous sommes devenus français malgré la nostalgie, malgré le rejet, malgré notre ignorance, malgré quelques accrocs. Nous sommes devenus français grâce à des amitiés, à une envie d'être et d'être avec, la camaraderie, les rires, grâce à la bonne humeur et à un sentiment de bien-être général. Cela peut paraître paradoxal, mais en France on peut bien vivre malgré la mise à l'écart. Sans, on vit mieux. Que l'on soit victime ou bourreau.
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Malgré tout, je suis enfant d'immigrés, malgré tout, je suis français, malgré tout, j'ai du turc et du kurde qui nagent en moi. Malgré moi, ma famille voue un culte au savoir et m'a élevé dans le respect de l'altérité... Mon futur a été une synthèse de tout ça.
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C'est à la naissance de ma fille que tout a changé En devenant père, j'ai imaginé le futur de ma fille. Je me suis senti mal à l'aise A l'idée quelle puisse être distinguée, mise à l'écart comme je l'ai été. Mes années de déni me sont revenues en boomerang dans la figure. J'ai revu cette arcade sourcilière en sang suite à une ratonnade d'enfant contre un petit garçon que l'on pensait irakien et donc partisan de Saddam Hussein ; ce grand enfant qui entend l'entraineuse de basket murmurer au sujet de sa mère à autre parent que "ces gens-là ne s'occupent pas de leurs mômes" - ma mère était veuve et souffrait d'une migraine ophtalmique. Je me suis souvenu de cet adolescent à qui un professeur conseille de ne pas tenter le lycée général - j'étais pourtant parmi les meilleurs élèves au collège (...) cet athée à qui l'on pose la question de la responsabilité de "sa" religion dans les attentats - je ne crois pas plus à Dieu qu'à une paire de baskets ; ce conjoint énervé d'entendre un collègue de sa compagne lui demander s'il n'est pas trop "papa oriental".
Je suis toujours ce garçon, encore, malheureusement, fièrement, honteusement membre de ce " nous". Peu importe ce que je fais de ma vie, il sera là, tatoué sur ma peau.
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Il n'y a rien de personnel dans ce livre, rien contre mon pays, rien contre ses gens de toutes couleurs, opinions, religions. Mais tout est personnel, c'est une histoire de vies, dans un pays devenu celui de ma famille. Est-ce que j'écris avec objectivité ? Non. Je réfléchis, nourri d'une expérience, l'intime, j'écris en écrivain, et c'est ainsi qu'il faut me lire. En pardonnant les erreurs, les coups de sang, les charges rhétoriques. Lire l'esprit ouvert, sans à priori, sans soupçon, sans condescendance, sans attente, lire en acceptant ma subjectivité.
Si j'écris, c'est pour rendre compte d'une expérience de l'immigration à travers la cavale française de ma famille. J'écris pour les curieux au grand coeur, à mes yeux la majorité de la France, j'écris aussi pour ceux qui peinent à entrevoir ces vies : installer son destin sur une nouvelle terre est bien plus qu'une anecdote. J'écris pour les méfiants, les fâchés, j'écris pour les convaincre de se débarrasser d'un jugement hâtif, pour qu'ils osent plonger le regard sous l'écume. La plupart des immigrés mènent une vie ordinaire et la quasi-totalité est venue étreindre le rêve français.
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Videos de Mahir Guven (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mahir Guven
Retour sur une installation hors-norme. Mahir Guven a exposé son livre, , en version XXL place du Louvre à Paris. Une installation mise en place pour s'exprimer sur la loi immigration et inciter les "sages" du Conseil constitutionnel à lire l'histoire d'une famille Française immigrée, la sienne.
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