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Pierre Guglielmina (Traducteur)
EAN : 9782221108543
448 pages
Robert Laffont (23/04/2009)
3.62/5   49 notes
Résumé :
L odyssée terrifiante et onirique d un homme traqué par un requin conceptuel qui se nourrit de sa mémoire... Un puzzle métaphysique, un thriller futuriste et une histoire d amour mythique.

Eric Sanderson se réveille un matin dans une maison qu il ne connaît pas, complètement amnésique. Il trouve sur la table une lettre dans laquelle son ancien moi lui demande d entrer au plus vite en contact avec une psychiatre. Celle-ci lui apprend que depuis la mort... >Voir plus
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Lecture ludique et jubilatoire. D'abord, quel titre ! Poétique bien sûr, puisqu'emprunté à Baudelaire, mais surtout onirique à souhait, et c'est cet aspect qui sera exploité jusqu'à la moëlle par Steven HALL. C'est typiquement le genre de livre que j'aurais évité il y a encore quelques mois. Mais de lectures en lectures, notre esprit s'ouvre. Et, après Donoso et Danielewski, l'aventure ne m'a plus parue si insensée ni insurmontable. Et puis il y a nos propres expériences, qui peuvent nous faire approcher de plus près certains personnages. Ici, comme dans La Maison des feuilles, il y a plusieurs niveaux de lecture.


. Eric Sanderson se réveille, amnésique, dans une maison qu'il ne reconnaît pas. S'y trouve une lettre dans laquelle son ancien moi lui demande d'aller voir le Docteur Randle qui l'aidera. Celle-ci lui apprend que depuis la mort de sa petite amie, Clio Aames, durant leurs vacances en Grèce, il a connu plusieurs épisodes dissociatifs que la médecine peine à expliquer. Comment reconnaître et accepter sa vie quand la personne qui comptait le plus pour nous l'a brutalement désertée ? Aussi pour conserver le bénéfice du travail qu'ils vont faire ensemble, il doit se concentrer sur leurs séances et ne pas s'occuper d'éventuels messages laissé par le précédent lui. Mais comment résister quand la THERApie semble insuffisante ? Les vrais ennuis commencent lorsqu'une série de lettres et de textes codés envoyés par l'ancien lui-même l'aide à reconstituer la véritable histoire de son passé : Il semble alors qu'un requin conceptuel, qui vit dans les eaux troubles de la pensée et se déplace en suivant les flux de réflexions, de lettres, de mots, de communications humaines, le traque et dévore ses souvenirs, menaçant de le tuer. Pour quelle raison ? Se demande-t-on rationnellement. En tous cas pour survivre, et sauver cette nouvelle fille qu'il vient de rencontrer et qui lui rappelle tant Clio, il n'a pas le choix et doit affronter ce requin conceptuel malgré ses peurs…


« C'est ça, ai-je crié. Je suis prêt à te regarder, maintenant, espèce de putain de truc. Je sais ce que tu es et je suis prêt à te regarder bien en face. »


. L'auteur nous raconte-t-il juste une histoire du genre fantastique, ou veut-il y ajouter une interprétation métaphorique : une belle histoire où les mots, les peurs et les angoissent s'animent et deviennent des personnages à part entière qui dévorent littéralement tout sur leur passage ? Car tout prend tellement vie sous la plume de Steven HALL : Les idées, les concepts les plus f(l)ous s'agitent et vous hantent - Personnellement j'ai passé deux nuits de cauchemars à tenter, en vain, de fuir ce requin conceptuel, fait de mots, de non-dits et d'idées, qui me poursuivait ! L'auteur invente même un « texte vivant », qui prend vie quand vous le lisez…!
Alors vous rassemblez les symboles et cherchez les signes dans les récits… Car il y a plusieurs récits : ce que vit Eric se mêle aux bribes de récit sur la mort de Clio. En les croisant, un schéma se profile rapidement. Personnellement j'ai adoré ce fil rouge, qui permet de voir au delà du premier degré de lecture : Il explique ce qu'est en train de vivre Eric, et donne rapidement un sens plus profond à toute cette histoire.


« Vous avez tout à fait raison. Ce n'est qu'un tas de truc empilés, de belles choses très ordinaires. Mais l'idée que ces choses incarnent, la signification que nous leur avons donnée en les rassemblant, c'est cela qui est important. »


. La freudienne en moi - qui a durant un temps connu les sommeils comateux sous morphine où ce que vous voyez, entendez, ou avez vécu peu avant, vos pensées et réflexions, vos angoisses refoulées, deviennent des formes, des lieux et personnes se mouvant dans une histoire « abracadabrantesque », tentant bizarrement de vous faire passer un message de votre subconscient que votre conscience n'a pas encore pu gérer - y a immédiatement cherché une interprétation psychologique, fait des recoupements dans les récits pour trouver un sens bien plausible à toute cette folle aventure. Moi qui ne raffole pas de la littérature de l'imaginaire, je me suis attachée aux mots d'Eric, à ce que son subconscient et ces actes me disaient de lui, de ses peurs, de ses blessures encore béantes.


« Parfois, quand on somnole, les idées et les sentiments murmurent avec de toutes petites voix au fond de notre crâne. »


Est-on dans un simple roman d'aventure fantastique ? Dans le cerveau d'un malade ? Dans un conte métaphorique sur le langage ? Ou encore un remake modernisé du mythe d'Orphée et d'Eurydice, où Orphée ne peut sauver sa belle et la remonter des ténèbres (encore un mot indice dans le texte) à cause de son action ? Ou même d'un mélange de tout cela ? Orphée… Comme le bateau qui prendra corps sous les yeux d'Eric pour le mener vers la fin de son histoire.


N'étant a priori pas une fan de littérature fantastico-onirique, j'aurais pu mettre 4/5 à ce roman mais j'ajoute une demi étoile car l'intrication habile des genres (mythique, psychologique) m'a fait non seulement aimer, comprendre, mais aussi m'amuser à chercher le sens et l'issue de ce texte : J'ai adoré suivre la piste des indices semés par l'auteur dans ses textes (objet ou action, formulation, clins d'oeil - il joue aussi avec lui-même). Explorer le dédale de l'esprit humain.
Comme dans La Maison des feuilles, je m'attendais à ce que l'auteur nous laisse avec notre propre interprétation mais il a finalement pris la peine de nous offrir une très jolie fin, moins ouverte que Danielewski mais malicieuse… Une imbrication réussie de mythes, de psychologie, d'imaginaire, d'amour, et aussi de mise en page qui aide encore à l'immersion et à la compréhension du processus décrit par l'auteur. La mise en page, que j'avais trouvé sans intérêt dans Charognards, fait ici sens et sert la lecture, comme dans La Maison des feuilles. Même si j'avoue avoir laissé le personnage se débattre avec les passages codés qui me paraissaient complexes, l'auteur nous met en succès avec des détails parlant qui se recoupent dans les différents récits (j'ai beaucoup aimé le verre d'eau par exemple, la façon dont les idées poisseuses prenaient vie). C'est une lecture moins extraordinairement foisonnante que La Maison des feuilles : Elle peut donc souffrir de passer après cet OLNI. Pourtant, elle demeure une oeuvre à part entière d'une vraie originalité, intéressante pour le savant mélange des genres opéré par l'auteur.


Mais vous savez le plus dingue dans cette histoire ? C'est que même la partie « conceptuelle », où des idées s'animent et font entrer Eric dans un monde parallèle, j'y ai cru. Même si j'ai préféré la quête de sens à l'aventure imaginaire en elle-même, ça m'a paru imaginable, à moi la terre à terre ! Tout est palpable et on comprend bien l'idée de l'auteur, espérant que cette escapade conceptuelle permettra à Eric de trouver le temps, les mots et la force pour boucler la boucle de son destin. J'étais dans la tête d'Eric, j'ai vécu son amour et ses tourments, son vertige devant la peur du vide, le poids de cette culpabilité idiote qui le déséquilibre, et menace de le faire plonger à son tour dans les dents d'une mer pleine de dangers. Une histoire bien ficelée, qui fait son effet.
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Alors là c'est dur... J'hésite entre "Génial", "Fou" et "emberlificoté"... "Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde" est sans doute les trois à la fois. J'ai du mal à écrire une critique unanime puisque j'ai été tour à tour intriguée, ennuyée, perdue et envoutée par ce roman très particulier. Une chose est sure, ce livre, c'est quelque chose! Il n'a rien d'un roman d'horreur et pourtant j'ai fait des cauchemars tout au long de ma lecture et je n'ai pas cessé d'y penser pendant les semaines qui l'ont suivie! C'est d'ailleurs grâce à ce roman que j'ai découvert Babelio car, incapable de rester seule avec mes sensations, je cherchais des chroniques sur Internet, afin de lire ce qu'avaient bien pu en penser d'autres lecteurs…

Pourquoi ce livre m'à tant bouleversée, j'y réfléchis encore. Quelque chose de lui a du toucher quelque chose de moi… en profondeur… Peut-être quelque chose de l'ordre du vécu de la perte, de la peur de l'oubli ou du temps qui passe… Je ne vous ennuierais pas ici avec ma psychanalyse personnelle, mais je peux vous dire que ce roman m'a remuée, et pour avoir réussi à me toucher autant, il doit avoir quelque chose de spécial, comme une sorte de clef secrète vers les profondeurs de l'âme…

Avec ce roman très original, décalé et fort intelligent, Steven Hall brouille les pistes et le lecteur ne sait jamais vraiment dans quel genre de récit il se trouve. L'intrigue initiale, ô combien prenante, est typiquement celle d'un bon thriller et elle nous accroche en quelques pages : Un homme se réveille un matin sans aucun souvenir des mois précédents avec pour seule piste pour retrouver son passé, une série de lettres mystérieuses qu'il s'était adressé à lui-même… Il n'en faut pas plus pour aguicher le lecteur mais alors qu'il se croit dans un bon polar, avec textes codés et indices à gogo, l'auteur l'emmène subtilement hors des frontières du genre et l'entraine tour à tour dans un récit onirique métaphysique sur le flou de l'identité, dans une étude polysémique du langage et dans une pure oeuvre de science-fiction… de quoi dérouter les plus solides d'entres nous (et je n'en suis pas !), mais contrairement à plusieurs lecteurs dont j'ai lu les chroniques, je ne reproche pas à l'auteur ce mélange surréaliste des genres et je trouve que c'est en partie ce qui fait de « Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde » une oeuvre géniale !

Mémoire, amnésie, psychose… Littérature, concepts, langage… Réalité, rêve, surnaturel… Amour, perte, deuil… Ce ne sont pas les thèmes qui manquent dans ce roman échevelé, poétique et fascinant ! le suspense présent d'un bout à l'autre de l'histoire entraine le lecteur à travers la troublante aventure d'Eric Sanderson et ne le laissera pas indemne ! On tremble souvent, on rit un peu et on réfléchit beaucoup : un petit chef d'oeuvre étonnant qui vaut vraiment le détour !
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Finir l'année 2022 sur un des livres les plus alambiqué que je n'ai jamais lu ? Check ! « Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde » est le premier roman de Steven Hall... et quel roman ! Quelle audace ! Quelle poésie ! Un croisement bizarroïde entre « Les dents de la mer », « Alice au pays des merveilles » et autre chose que je serai bien en peine de définir.

C'est bien simple, à partir du moment où je commence à décrire ce livre à quelqu'un, j'obtiens très rapidement un visage empreint d'une perplexité profonde où affleure un intérêt poli « Oui-mais-non-c'est-chelou-ton-truc-ça-sera-sans-moi-il-a-fumé-l'auteur-c'est-trop-perché-pour-moi ». Jugez vous-même. L'histoire suis le personnage d'Eric Sanderson. Amnésique, il va tenter de reconstituer son passé et ce qui lui est arrivé à l'aide de messages plus ou moins simples laissé par le précédent lui-même. Jusque-là, c'est bon ? Bien, la suite. Ces amnésies -nous prenons le récit à la onzième récurrence- ne sont pas le fruit du hasard : Eric est la proie d'un requin conceptuel qui lui boulotte ses souvenirs. Voilà, au mot « conceptuel », la perplexité et le reste devraient commencer à poindre sur votre visage. Maintenant, il va falloir faire fonctionner la partie « visualisation » de votre cerveau. Nous embarquons dans un monde où les mots, les idées, concepts, histoires et autres rêves forment un écosystème à part entière. Un océan soumis aux courants-flux d'informations diverses qui parsèment notre monde civilisé pensant. Dans cet océan conceptuel vivent des animaux conceptuels et notamment le requin qui a pris en chasse notre protagoniste. Toujours avec moi ? En général, je m'arrêtai ici face aux regards écarquillés de mes interlocuteurs, mais ceci est une critique : continuons !

Malgré les apparences, l'histoire est extrêmement bien ficelée, bien écrite et facile à suivre. Nous évoluons vraiment avec Eric, avec lui, nous tâtonnons à l'aveugle au milieu des codes et pistes erratiques laissées par le précédent Eric Sanderson pour savoir ce qui lui est arrivé. Qui est cette ancienne compagne décédée dont il ne garde aucun souvenir ? Pourquoi le précédent lui-même as-t-il visiblement tout fait pour la retrouver ? Quel rapport avec le requin ? Comment se protéger d'un concept ? Où se situe la frontière entre le monde réel et le monde conceptuel ? On suit, on est perdu, on trépigne, on a peur, on aime... Et on y croit ! La plume de l'auteur est juste et fluide. L'insertion des concepts au sein de la réalité est parfaitement dosée et expliquée. de plus, l'immersion du lecteur est poussée à fond de par l'utilisation de figures et d'illustrations/poésies typographiques. C'est juste génial. D'aucuns qualifient ce livre non pas de roman, mais d'expérience littéraire et j'avoue partager une certaine affinité pour cette expression.

Pourquoi vouloir lire un truc manifestement si perché me direz-vous ? Et bien tout d'abord, j'ai été attiré par le titre. Tiré de « Le mort joyeux » de Baudelaire, ce vers a résonné en moi, tout comme le poème que je me suis empressé de découvrir par la suite ! Et deuxièmement, j'ai un faible pour tout ce qui mélange la fiction et la réalité. Partir sur un univers de concepts m'a grandement fait penser à la série de comics « The Unwritten » dont les illustrations de couverture et les idées partagent vraisemblablement un ancêtre commun.

Et les points négatifs alors ? Il y en a bien sûr et j'en retiendrai principalement deux. le premier et le plus évident reste l'accessibilité de l'ouvrage. En témoignent les visages de mes divers interlocuteurs, l'histoire contée, les notions abordées ainsi que la structure qui dépasse celle d'un roman classique peuvent rebuter. le second concerne la séquence finale. Il s'agit littéralement d'un copier-coller de celle du film « Les dents de la mer ». La conclusion est chouette comme tout, mais la « bataille finale » a franchement un goût de réchauffé.

La question qui reste maintenant vous concerne directement. Serez-vous assez audacieux pour vous engager dans cette odyssée inhabituelle, poétique et un peu WTF ?
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Etrange rencontre.
Ce livre, je l'ai choisi. de nombreux éléments avaient attiré mon attention : le titre, suffisamment troublant et déjà évocateur, mais aussi la 4e de couverture, un peu plus explicite que le résumé que je vous ai recopié ci-dessus. Car elle reproduit également le texte d'une lettre que le personnage principal lit peu de temps après son réveil initial, qui commence par ces mots :
Si tu lis ceci, je ne suis plus de ce monde.
Et qui est signée : le premier Eric Sanderson.

Immédiatement fascinant. On se prend à imaginer des tas de pistes sibyllines et des références à la psychologie comme aux littératures de l'Imaginaire : un Doppelgänger ? Une histoire de métempsycose ? de clonage ? de déplacement temporel ou d'univers parallèle ? Peut-être simplement une enquête menée par un fantôme…
Assez pour exciter le lecteur moyen. Moi, en tout cas.
Mais il y a mieux.

Il y a que ce livre me rappelait, par certains détails, et avant même l'avoir ouvert, cet OVNI littéraire ardu et méritoire qu'était la Maison des feuilles [lire la chronique en cliquant] : récits entrecroisés et jeux typographiques dans une mise en page révolutionnaire constellée de renvois à des annexes conséquentes, un roman labyrinthique éreintant et passionnant tant par sa construction que par sa présentation.
Le fait est que c'est moins, et bien plus à la fois.

Steven Hall, en prenant en exergue un texte de Jorge Luis Borges, annonce la couleur : les territoires de l'inquiétude destinés à être explorés ne seront pas ceux du fantasme ou de la rêverie, mais ceux, sombres et fluctuants, de la mémoire. Ses créatures évoluent dans les fissures/lisières de notre réalité, dans cette texture conceptuelle qui sous-tend le monde concret. Et lorsqu'elles ont faim, elles deviennent prédatrices et lorgnent sur le tissu même dont sont faites nos personnalités, les fondements de notre Moi, les piliers de notre individualité préhensile.
Eric Sanderson se bat dans un monde qui ne lui est rien. Il s'éveille dans un ailleurs aussi familier (parce que correspondant à des échos de réalisme cohérents avec le fonctionnement de son propre corps) qu'étrange : il ne sait pas qui il est. A part qu'il porte le même nom, la même identité distincte de cet autre qui lui écrit d'un autre temps. Qu'est-il arrivé pour que ses souvenirs soient ainsi annihilés, effacés de l'ardoise de son existence ? Première et terrible question, quoique nécessaire pour la reconstruction. Mais elle suppose une seconde, encore plus inquiétante : ce drame peut-il se reproduire ? Est-il en sécurité ?
Steven Hall agace, au départ. Ses brillantes tournures constellées d'ellipses fulgurantes, de raccourcis osés et de métaphores dispendieuses tendent à user la patience du lecteur, qui peut assez vite se lasser de ce qui ne pourrait être que poudre aux yeux verbeuse. Mais l'Etrange, l'angoissant suspense d'événements insoupçonnables, vient progressivement, mais implacablement, peser sur l'évolution des premiers chapitres. Perturbé par des lettres de sa « première occurrence » qui arrivent à son domicile régulièrement mais n'apportent aucun des éléments de réponse auxquels il s'attendait (à quoi sert donc cette description d'un certain Ryan Mitchell ?), Eric cherche à reconstruire sa vie privée de ses bases : un médecin lui apprend qu'il est victime d'une amnésie dissociative consécutive à la perte de sa femme, morte dans un accident de plongée. Il se croit donc malade. Jusqu'à ce qu'il se trouve confronté à la « chose » qui en veut à ses souvenirs : une bête terrible, effrayante, surgie de l'espace contextuel. Dès lors, il est temps pour lui d'écouter les conseils du « premier Eric », de s'armer, de se protéger (avec une fascinante utilisation de quatre dictaphones disposés en boucle) et de partir en quête : pour survivre, et trouver une réponse.
Quête fastidieuse, où seul un chat nommé Yann sera, un temps, son équipier. Avant qu'une jeune femme dynamique et spontanée ne vienne le tirer d'affaire. Avec elle, Eric réchappera à une organisation secrète et voyagera dans les recoins obscurs et oubliés de notre réalité, se frayant un chemin dans ces lieux oubliés du temps et des hommes. Des fragments de son passé ressurgiront chaque fois qu'il décodera un journal intime où nous découvriront sa relation avec celle qui a disparu, les derniers instants de ce couple en vacances…
Se nourrissant au charme intemporel de Casablanca et copiant adroitement son dernier acte sur celui des Dents de la Mer (deux véritables chefs-d'oeuvre), le roman ballotte le lecteur entre frayeurs ataviques et curiosité malsaine, avec des petites fulgurances d'une romance adorable : Hall n'évite pas l'émotion dans ce qui ne pourrait n'être qu'un coup d'essai et sait dispenser un peu de poésie dans un univers où les concepts fluctuent comme autant de jeux de mots.

Brillant, souvent passionnant et intense, construit sur un excellent rythme en crescendo et faussement complexe. Une réussite.


Lien : http://journal-de-vance.over..
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Le titre français est loin du titre original.

En effet, le titre anglais est « Raw Shark Texts » que le traducteur ou l'éditeur a traduit en utilisant un vers de Baudelaire, tiré du Mort Joyeux dans les Fleurs du Mal :
Dans une terre grasse et pleine d'escargots Je veux creuser moi-même une fosse profonde, Où je puisse à loisir étaler mes vieux os Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.

J'avoue que je préfère le titre français, beaucoup plus poétique et qui décrit bien le livre. le quatrième de couverture est assez descriptif et c'est vrai que dès le début, on est plongé au coeur du problème avec Eric qui se réveille sans souvenir pour la 11ième fois.

Le style est efficace et on rentre vraiment dans le personnage. L'arrivée du carton avec l'ampoule cassée marque un tournant dans l'histoire, car Eric va se faire attaquer et cela va le décider à plonger dans le passé pour comprendre. On passe dans un monde plus fantastique, avec ce concept du ludovicien, ce requin de la pensée. Cette partie est presque un peu angoissante.

Eric part à la recherche de réponses qu'il espère trouver avec le professeur Fidourous. En chemin, il rencontre Scout, étrange personnage qui lui rappelle un peu Clio (dont il ne se souvient plus) et qui va le prendre sous son aile.

L'imagination de l'auteur est débordante, mais le résultat est assez déroutant. J'ai aimé certaines choses, comme la lettre-bombe, mais beaucoup d'autres sont loin de m'avoir plus, comme le personnage de Personne, ou le professeur et son espèce de terrier de livres. La chasse au requin ressemble fort au final des Dents de la Mer.

J'avoue ne pas vraiment avoir mordu dans cette partie. La toute fin est surprenante, sans en dire plus.

Au final, je suis assez partagé sur ce livre. J'ai bien aimé l'imagination débordante de l'auteur et son style, assez efficace et ces éléments mériteraient 4 étoiles. Je suis moins rentré et j'ai moins aimé la partie jeu sur le langage, dessins compris.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Eric,

Commençons par le commencement : reste calme.
Si tu lis ceci, je ne suis plus de ce monde. Prends le téléphone et compose le 1. Dis à la femme qui répondra que tu es Eric Sanderson. La femme est le docteur Randle. Elle comprendra ce qui s'est passé et elle sera en mesure de te recevoir immédiatement. Prends les clés de la jeep jaune et roule jusque chez le docteur Randle. Si tu ne l'as pas déjà remarqué, il y a une carte dans l'enveloppe - ce n'est pas très loin et ce n'est pas difficile à trouver.
Le docteur Randle pourra répondre à toutes tes questions. Il est important que tu ailles la voir tout de suite. Ne passe pas par la case "Allez à". Ne pioche pas. N'empoche pas les deux cents euros.
Les clés de la maison sont suspendues à un clou sur la rampe au pied de l'escalier. Ne les oublie pas.
Avec regret et espoir aussi,

Le premier Eric Sanderson

J'ai relu la lettre deux fois. "Le premier Eric Sanderson". Qu'est-ce que ça faisait de moi ?
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"La chose importante à présent est d'abandonner", a-t-il dit posément. Sa voix était différente, quelque chose venait de très loin derrière le son des mots. "Vous connaissez la vérité. Vous savez que vous êtes déjà mort. Au fond de vous-même vous le savez. Eric Sanderson a disparu, disparu depuis longtemps. Et Clio Aames. Tout ça, tout ce qu'il était, c'est terminé. Vous devriez laisser son corps partir aussi. Vous devriez cesser de vous débattre et le laisser flotter, danser sur les flots et disparaître entièrement. Laissez-le couler tout au fond avec le silence, les rochers et les crabes. Tout va bien se passer, les tempêtes à la surface ne peuvent plus nous affecter."

Une eau brunâtre s'écoulait constamment du bout de ses doigts et de ses coudes, alors qu'il se redressait sur sa chaise. L'eau coulait de l'ourlet de son pantalon et fuyait de ses chaussures, alimentant des flaques brunes qui sentaient l'algue pourrissant au soleil.

"Vous ne savez pas qui je suis, n'est-ce pas ?" a demandé sa nouvelle voix. Une fois debout, il a étendu un bras osseux, m'éclaboussant de petites gouttes. "Je suis (...)"
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Quelque chose bougeait dans le vomi.
J'ai bondi en arrière sous le choc, je me suis retrouvé debout, envoyant la chaise valser derrière moi.
Le quelque chose s'est déroulé délicatement dans le mucus et la bile, et a nagé-glissé dans l'air, dessinant des boucles autour des restes vaporeux de mes pensées et de mes sensations nauséeuses. Il était petit - environ une vingtaine de centimètres, environ la longueur d'une angoisse qui vous tire tout juste du sommeil -, un poisson conceptuel primitif. J'ai reculé lentement. La créature avait une bouche ronde un peu en forme de ventouse, couverte d'une douzaine de petits doutes et défauts bien aiguisés. Je pouvais le sentir juste en aval de moi dans les événements et incidents du monde, serpentant à hauteur de ma tête, faisant du surplace grâce à une nage musclée et constante contre le mouvement du temps.
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L'animal qui te chasse est un ludovicien. Il appartient à l'une des nombreuses espèces de poissons purement conceptuels qui nagent dans les flots des interactions humaines et dans les marées de la causalité. Ça peut paraître complètement fou, mais ça ne l'est pas. La vie est tenace et déterminée. Les flux, les courants et les rivières de la connaissance, de l'expérience et de la communication humaine, qui se sont développés au cours de notre brève histoire, constituent désormais un immense environnement, riche et abondant. Pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que ces flux soient stériles ?

La vie trouve toujours un chemin. Regarde-nous simplement toi et moi, et vois la vérité.

Je ne sais pas exactement comment le poisson de pensée est venu au monde, mais dans les vastes piscines chauffées de la société et de la culture, des millions de mots, d'idées et de concepts évoluent constamment. Il est plausible, semble-t-il, que l'un d'eux se soit élevé au-dessus de ses cousins à cellule unique, de la même façon que nous l'avons fait. Le Gène Egoïste ?

Le ludovicien est un prédateur, un requin. Il se nourrit de souvenirs humains au sens intrinsèque du moi. Les ludoviciens sont solitaires, férocement territoriaux et méthodiquement chasseurs. Un ludovicien peut sélectionner un individu humain comme sa proie et le poursuivre et s'en nourrir pendant des années, jusqu'à ce que la mémoire et l'identité de cette victime ait été entièrement dévorées. Parfois, le corps de la cible survit à cette épreuve et peut poursuivre une seconde vie crépusculaire après que le moi et les souvenirs originaux ont été emportés."

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Un jour, un homme, un acheteur potentiel, a rendu visite à Matisse dans son atelier. Cet homme a passé un long moment à regarder une de ses oeuvres les plus récentes avant de déclarer "Le bras de cette femme est trop long". Matisse a dit "Ce n'est pas une femme, Monsieur. C'est un tableau". (p. 312)
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