Comme beaucoup, je pense, ma première représentation d'Elizabeth d'Autriche, dite Sissi, doit beaucoup -pour ne pas dire tout- à
Romy Schneider et aux films de Ernst Marischka. Tulle et tartes à la crème. Bouquets bleus et yeux de biche. Je les ai adorés ces films, de toute la hauteur (oui, tout est relatif) de mon enfance et aujourd'hui encore, je les revois avec plaisir, à chaque énième rediffusion.
Ne serait-ce que pour la robe du bal dans "Sissi Impératrice" et le regard noir de Walther Reyer (j'étais plus Andrassy que Franz, que voulez-vous!).
J'ai fini par grandir -Peter n'a pas voulu de moi- et si j'ai délaissé la guimauve, je me suis prise de passion pour le XIX°siècle,
L Histoire et ses grandes figures. Forcément, j'ai rencontré les Hasbourg et les Wittelsbach et forcément, ils m'ont fascinés, surtout les seconds. La réalité, parfois, est plus captivante que la fiction.
Plus sombre, plus complexe, plus riche.
François-Joseph, Rodolphe, Mayerling, Louis II, Maximilien...Je me suis gavée de biographies, d'essais, d'ouvrages historiques -même Wagner y est passé (c'est de la faute à Louis II!)- et cette chère Sissi n'a pas fait exception, bien au contraire. Adolescente, j'avais adoré "
L'Impératrice" de
Nicole Avril, que je conserve précieusement d'ailleurs. Bien écrit -peut-être trop d'ailleurs- solide historiquement, il fut une porte d'entrée précieuse dans la vie de la souveraine. Plus tard, je découvris les travaux de
Hortense Dufour mais je n'allai pas au bout: trop partial, trop romancé. Impossible de passer à côté de Jean des Cars (je lui dois ma première biographie de Louis II de Bavière et "Rodolphe et les secrets de Mayerling" que j'apprécie), mais sa plume quand elle habille Sissi est d'un lyrisme plus romanesque que rigoureux et en bon historien amoureux de son sujet, il me semble là aussi bien partial...
Certes, Sissi avait tout d'un personnage de roman prompt à aviver les passions: belle, assoiffée de poésie et de liberté, belle et absolue, avant-gardiste et courageuse.
Certes, elle eut un destin qui l'érigea en légende: princesse mélancolique de conte de fée, tragédienne vouée à l'incompréhension des siens et à une mort tragique.
Cependant la cantonner à cette image, romantique en diable, c'est aussi trahir une partie de l'histoire et la trahir elle d'une certaine manière.
Elisabeth d'Autriche n'était pas que cette femme là, cette héroïne qui n'inspire que la sympathie. Comme tout un chacun, elle était faite d'ombres et de lumière, ce que semblent avoir oublié certains biographes, un poil trop fascinés...
Je faisais part de mon désarroi à un collègue et c'est lui qui m'a guidé vers l'ouvrage de
Brigitte Hamann qui a fait mes délices.
Son imposant "
Elisabeth d'Autriche" est une merveille de rigueur et d'érudition, un ouvrage plus que complet, riche de références, qui fait la part belle autant à la vie "privée " (pour peu qu'elle puisse l'avoir été un jour") et à la personnalité de Sissi qu'au contexte historico-politique et socio-culturel dans lequel elle évoluait, qui évoque longuement aussi son entourage familial, ses fragilités mais aussi ses faiblesses.
C'est un portrait sans complaisance mais qui sort enfin cette souveraine d'exception (car exceptionnelle, elle l'était!) de l'imagerie pastelle et douceâtre dans laquelle elle est rangée depuis plus d'un siècle et qui lui rend un peu de sa vraie complexité.
La femme derrière la légende.
Bien sûr, le livre est dense mais j'ai vraiment apprécié que le texte soit émaillé d'extraits de lettres et de journaux intimes, de poèmes inédits et que le tout soit l'objet d'une analyse fouillée, en complément de la biographie à proprement parler.
Tant de rigueur et d'érudition... Voilà qui classe presque immédiatement
Brigitte Hamann dans mes ouvrages de référence sur Sissi, à égalité avec
Nicole Avril.
Et peut-être que je reprendrai un peu de Ernst Marischka en décembre prochain...