Dans la rapide course à la privatisation de l'industrie russe, la littérature est peu rentrée dans les détails techniques, à savoir la capitalisation par la mise sur le marché d'actions des plus grandes industries, et Josh Haven, journaliste américain nous offre dans cette fiction, publiée chez
Buchet-Chastel, qui est le copié-collé d'une histoire ayant réellement eu lieu une aventure rocambolesque qui entraîne deux protagonistes vénaux aux quatre coins de la Sibérie orientale, tout près de la Chine. Josh Haven a réellement rencontré deux des protagonistes impliqués dans cette aventure, il s'en explique dès lors dans un avant-propos. Il détaille aussi que beaucoup des épisodes qu'il relate dans son livre sont bel et bien tirés d'événements ayant réellement eu lieu : la précision est importante puisque certaines péripéties sont tout de même dignes des plus grands (entendre "farfelus") films d'aventure et d'espionnage américains, dans le genre Mission Impossible.
Au lendemain de la chute de l'URSS, alors que
Boris Eltsine est élu président de la fédération de Russie, et que les entreprises nationalisées sont ouvertes à la privatisation, John Mills, un Américain déjà richissime, et Petr Kovac, un Tchèque qui vient de faire son entrée sur le terrainsdu libéralisme, s'associent pour racheter les bons d'une des plus grandes compagnies russes. C'est ce moment crucial de l'histoire qui a fait d'une poignée de Russes ceux que l'on appelle oligarques ou nouveaux riches, ces rapaces qui ont profité de la privatisation pour détourner à leur profit personnel les capitaux générés par la privatisation de ces entreprises lucratives, exploitant les richesses du pays, et de son sous-sol en premier lieu. Dans cet avant-propos, Josh Haven replace le cadre de l'aventure des deux hommes, qui n'en sont pas moins aussi avides d'argent que les Russes, groupuscules mafieux et hommes d'affaires véreux, dont nous parlons, puisqu'ils tentent de s'accaparer la richesse de Gazneft : si le nom est totalement inventé, l'entreprise qui se cache derrière existe réellement et vend même du gaz à l'Otan alors même que celui-ci a frappé la Russie de restrictions. L'auteur dénonce aussi les complaisances de certaines personnalités de nos "élites" politiques, qui ne se cachent pas de travailler tout près du président russe, frappé d'autarcie, dont l'une de nos grandes fiertés nationales, l'indéboulonnable François Fillon, fier ancien premier ministre (ps : merci de rendre l'argent). À défaut de pouvoir placer des assistants parlementaires fantômes, on va prendre l'argent là où il est, après tout, on dit qu'il n'a pas d'odeur.
John et Petr font connaissance et décident de s'associer pour goûter à leur part de l'énorme gâteau russe, que offre la mise en bons sur le tout nouveau marché de la fédération : à eux deux, ils ont les connaissances, ils ont les appuis et les relations nécessaires, ils ont l'expérience et surtout, ils ont les financements nécessaires. Car la privatisation n'est ouverte qu'aux fonds et autres formes d'investissements immatriculés dans le pays, pour ne pas que ses plus grandes sources de richesses ne partent dans les mains de puissances étrangères. Une fois, locaux et premiers soucis administratifs faits, ils vont devoir parcourir les petits villages de Sibérie pour récupérer les bons de Gazneft, qui par souci que ses bons restent en interne a fait en sorte que ces enchères restent confidentielles et bien loin des centres financiers du pays.
J'ai dévoré ce roman : les aventures des deux hommes m'ont tenu en haleine du début à la fin, d'autant plus après avoir lu l'avant-propos de l'auteur, et que le fond de vérité n'est jamais très loin. Si on a tendance à oublier que ce sont finalement deux opportunistes vénaux, que je n'aurais jamais pris en pitié en temps habituels, la machine à broyer que sont groupes mafieux et les réseaux de délinquants en cols blancs apparaissent dans toute leur splendeur, aux ramifications tentaculaires, une puissance de destruction et d'intimidation dont on peine à comprendre l'intensité. La violence, quoique souvent larvée, tue ou avouée à demi-mots, explose quelques fois et n'en finit jamais, et John et Petr finissent par comprendre peu à peu à qui ils ont à faire et le guêpier inextricable dans lequel ils se sont, très inconsciemment, fourrés.
Avec la reconstitution précises de ces méthodes qui ont contribué à enrichir les oligarques, on suit de près le périple du duo, qui deviendra trio, à travers la Sibérie et les oblasts orientaux de la fédération, avec un John qui découvre le froid extrême, digne des films d'action les plus palpitants, et une scène incroyable qui m'a particulièrement marquée : John, cerné par une flopée d'hommes tous les plus sympathiques les uns que les autres, escalade et pénètre dans un tank, une fois installé, s'acharne à joindre ses relations aux Etats-Unis afin qu'elles tirent les ficelles adéquates pour le faire sortir du bourbier dans lequel il s'est mis. C'est l'une de ces scènes dont on pourrait souligner l'excès d'imagination de l'auteur faut se rappeler son avertissement préalable sur l'incongruité de certaines scènes, qui ont pourtant bel et bien existé.
Cette vente aux enchères concernait un cinquième des deux tiers de Gazneft, une entreprise d'une valeur approximative de 20 milliards de dollars. Environ 2,8 milliards de dollars étaient en jeu dans la petite mairie d'une ville minuscule au beau milieu d'une république semi-autonome dont personne n'avait jamais entendu parler.
Wild wild Siberia ce n'est pas un pastiche des aventure des chercheurs d'or américains, la chapka remplace plus ou moins avantageusement le Stetson sur la tête des crapules russes, l'extrême-orient russe dans le sens inverse de l'Ouest américain réserve son lot de brutalités, de truanderie et de violence, dans la lignée de son homologue américain, les corps ensanglantés font partie du jeu. John et Petr n'en finissent pas de payer le prix de ces Mystères de l'est qu'ils ont osé profané, à l'époque de l'action au début des années quatre-vingt-dix comme vingt-cinq ans plus tard. S'il est bien question d'une fiction, malgré une toile de fond réaliste, les prénoms, comme toutes les autres références, en conséquence ont été changés, mais je serais très curieuse de connaître l'histoire réelle, qui connaît apparemment encore des dégâts collatéraux, qui se traduisent par la mort prématurée des personnalités impliquées, selon les dire de
Josh Haven.
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