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EAN : 9782020016667
109 pages
Seuil (01/04/1960)
4.07/5   15 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Bien que je reconnaisse la qualité de son écriture, la poésie d'Anne Hébert ne ne touche pas, ne suscite chez moi aucune émotion. Je ne suis donc pas à même d'apprécier pleinement l'oeuvre pour ce qu'elle est.
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Anne Hébert est une auteure que j'aime beaucoup. J'ai presque tout lu son oeuvre et ses biographies. En ce qui concerne sa poésie, c'est ce qui me paraît le plus hermétique. J'irais jusqu'à dire que c'est parfois ardu.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
LA SAGESSE M’A ROMPU LES BRAS


La sagesse m’a rompu les bras, brisé les os
C’était une très vieille femme envieuse
Pleine d’onction, de fiel et d’eau verte

Elle m’a jeté ses douceurs à la face
Désirant effacer mes traits comme une image mouillée
Lissant ma colère comme une chevelure noyée

Et moi j’ai crié sous l’insulte fade
Et j’ai réclamé le fer et le feu de mon héritage.

Voulant y laisser pousser son âme bénie comme une vigne
Elle avait taillé sa place entre mes côtes.
Longtemps son parfum m’empoisonna des pieds à la tête

Mais l’orage mûrissait sous mes aisselles,
Musc et feuilles brûlées,
J’ai arraché la sagesse de ma poitrine,
Je l’ai mangée par les racines,
Trouvée amère et crachée comme un noyau pourri

J’ai rappelé l’ami le plus cruel,
la ville l’ayant chassé, les mains pleines de pierres.
Je me suis mise avec lui pour mourir sur des grèves mûres
Ô mon amour, fourbis l’éclair de ton cœur, nous nous battrons
jusqu’à l’aube
La violence nous dresse en de très hautes futaies
Nos richesses sont profondes et noires pareilles au contenu des
mines que l’éclair foudroie.

En route, voici le jour, fièvre en plein cœur scellée
Des chants de coq trouent la nuit comme des lueurs
Le soleil appareille à peine, déjà sûr de son plein midi,
Tout feu, toutes flèches, tout désir au plus vif de la lumière,
Envers, endroit, amour et haine, toute la vie en un seul honneur.
Des chemins durs s’ouvrent à perte de vue sans ombrage
Et la ville blanche derrière nous lave son seuil où coucha la nuit.
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UN BRUIT DE SOIE
     
Un bruit de soie plus lisse que le vent
Passage de la lumière sur un paysage d'eau.
     
L'éclat de midi efface ta forme devant moi
Tu trembles et luis comme un miroir
Tu m'offres le soleil à boire
À même ton visage absent.
     
Trop de lumière empêche de voir ;
l'un et l'autre torche blanche,
grand vide de midi
Se chercher à travers le feu et l'eau
fumée.
     
Les espèces du monde sont réduites à deux
Ni bêtes ni fleurs ni nuages.
Sous les cils une lueur de braise chante à tue-tête.
     
Nos bras étendus nous précèdent de deux pas
Serviteurs avides et étonnés
En cette dense forêt de la chaleur déployée.
Lente traversée.
     
Aveugle je reconnais sous mon ongle
la pure colonne de ton cœur dressé
Sa douceur que j'invente pour dormir
Je l'imagine si juste que je défaille.
     
Mes mains écartent le jour comme un rideau
L'ombre d'un seul arbre étale la nuit à nos pieds
Et découvre cette calme immobile distance
Entre tes doigts de sable et mes paumes toutes fleuries.
     
     
Le Tombeau des rois – 1953
p. 57-8
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LE TOMBEAU DES ROIS
LES PETITES VILLES


Je te donnerai de petites villes
De toutes petites villes tristes.

Les petites villes dans nos mains
Sont plus austères que des jouets
Mais aussi faciles à manier.

Je joue avec les petites villes.
Je les renverse.
Pas un homme ne s'en échappe
Ni une fleur ni un enfant.

Les petites villes sont désertes
Et livrées dans nos mains.

J'écoute, l'oreille contre les portes
J'approche une à une toutes les portes,
De mon oreille.

Les maisons ressemblent à des coquillages muets
Qui ne gardent dans leurs spirales glacées
Aucune rumeur de vent
Aucune rumeur d'eau.

Les parcs et les jardins sont morts
Les jeux alignés
Ainsi que dans un musée.

Je ne sais pas où l'on a mis
Les corps figés des oiseaux.

Les rues sont sonores de silence.
L'écho du silence est lourd
Plus lourd
Qu'aucune parole de menace ou d'amour

Mais voici qu'à mon tour
J'abandonne les petites villes de mon enfance.
Je te les offre
Dans la plénitude
De leur solitude.

Comprends-tu bien le présent redoutable ?
Je te donne d'étranges petites villes tristes,
Pour le songe.

p.27-28
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JE SUIS LA TERRE ET L’EAU


Je suis la terre et l’eau, tu ne me passeras pas à gué,
mon ami, mon ami

Je suis le puits et la soif, tu ne me traverseras pas sans
péril, mon ami, mon ami

Midi est fait pour crever sur la mer, soleil étale, parole
fondue, tu étais si clair, mon ami, mon ami

Tu ne me quitteras pas essuyant l’ombre sur ta face
comme un vent fugace, mon ami, mon ami

Le malheur et l’espérance sous mon toit brûlent,
durement noués, apprends ces vieilles noces étranges,
mon ami, mon ami

Tu fuis les présages et presses le chiffre pur à même
tes mains ouvertes, mon ami, mon ami

Tu parles à haute et intelligible voix, je ne sais quel
écho sourd traîne derrière toi, entends, entends mes
veines noires qui chantent dans la nuit, mon ami,
mon ami

Je suis sans nom ni visage certain ; lieu d’accueil et
chambre d’ombre, piste de songe et lieu d’origine,
mon ami, mon ami

Ah quelle saison d’âcres feuilles rousses m’a donnée
Dieu pour t’y coucher, mon ami, mon ami

Un grand cheval noir court sur les grèves, j’entends
son pas sous la terre, son sabot frappe la source de
mon sang à la fine jointure de la mort

Ah quel automne ! Qui donc m’a prise parmi des
cheminements de fougères souterraines, confondue à
l’odeur du bois mouillé, mon ami, mon ami

Parmi les âges brouillés, naissances et morts, toutes
mémoires, couleurs rompues, reçois le cœur obscur
de la terre, toute la nuit entre tes mains livrée et donnée,
mon ami, mon ami

Il a suffi d’un seul matin pour que mon visage fleurisse,
reconnais ta propre grande ténèbre visitée, tout le
mystère lié entre tes mains claires, mon amour.

p.86-87

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MYSTÈRE DE LA PAROLE


…O saisons, rivière, aulnes et fougères, feuilles, fleurs,
bois mouillé, herbes bleues, tout notre avoir saigne
son parfum, bête odorante à notre flanc

Les couleurs et les sons nous visitèrent en masse et par
petits groupes foudroyants, tandis que le songe dou-
blait notre enchantement comme l’orage cerne le bleu
de l’œil innocent

La joie se mit à crier, jeune accouchée à l’odeur sau-
vagine sous les joncs. Le printemps délivré fut si
beau qu’il nous prit le cœur avec une seule main

Les trois coups de la création du monde sonnèrent
à nos oreilles, rendus pareils aux battements de notre
sang

En un seul éblouissement l’instant fut. Son éclair
nous passa sur la face et nous reçûmes mission du feu
et de la brûlure

Silence, ni ne bouge, ni ne dit, la parole se fonde,
soulève notre cœur, saisit le monde en un seul geste
d’orage, nous colle à son aurore comme l’écorce à
son fruit

Toute la terre vivace, la forêt à notre droite, la ville
profonde à notre gauche, en plein centre du verbe,
nous avançons à la pointe du monde

Fronts bouclés où croupit le silence en toisons mus-
quées, toutes grimaces, vieilles têtes, joues d’enfants,
amours, rides, joies, deuils, créatures, créatures, langues
de feu au solstice de la terre

O mes frères les plus noirs, toutes fêtes gravées
en secret ; poitrines humaines, calebasses musiciennes où
s’exaspèrent des voix captives

Que celui qui a reçu fonction de la parole vous prenne
en charge comme un cœur ténébreux de surcroît, et
n’ait de cesse que soient justifiés les vivants et les morts
en un seul chant parmi l’aube et les herbes.

p.74-75
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Videos de Anne Hébert (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Hébert
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ? […] On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin. […] Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus. […]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Jeanne Neis Nabert 0:53 - Jeanne Galzy 1:24 - Anie Perrey 2:06 - Katia Granoff 2:45 - Louise de Vilmorin 3:32 - Yanette Delétang-Tardif 4:31 - Anne Hébert 5:13 - Générique
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Références bibliographiques : Alphonse Séché, Les muses françaises, anthologie des femmes-poètes (1200 à 1891), Paris, Louis-Michaud, 1908. Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016. Jeanne Galzy, J'écris pour dire ce que je fus…, poèmes 1910-1921, Parthenay, Inclinaison, 2013. Katia Granoff, La colonne et la rose, Paris, Seghers, 1966.
Images d'illustration : Jeanne Galzy : https://pierresvives.herault.fr/1377-jeanne-galzy.htm Anie Perrey : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d2/Btv1b8596953w-p060.jpg Katia Granoff : https://www.antikeo.com/catalogue/peinture/peintures-portraits/katia-granoff-1895-1989-19219#gallery-1 Louise de Vilmorin : https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/louise-de-vilmorin-en-1962-supprimons-la-circulation-automobile-20191225 Yanette Delétang-Tardif : https://www.memoiresdeguerre.com/2019/03/deletang-tardif-yanette.html Anne Hébert : https://artus.ca/anne-hebert/
Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty Uncertainty by Arthur Vynck
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