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3,6

sur 69 notes
Bon 100 de boue Ah ! Je cherchais une lecture originale quand je suis tombée sur ce livre édité par Monsieur Toussaint-Louverture. Je me suis dit que c'était forcément une valeur sûre… Eh bien quelle migraine, mes amis ! Il a fallu s'y mettre à deux, avec mon mari, pour en voir le bout. En gros, on est dans un monde post-apocalyptique depuis tellement longtemps qu'on a oublié ce qui s'est réellement passé. Les peuplades semblent quasi primitives : Par incapacité à progresser de nouveau ou par peur de reproduire le passé ? Et cette peur, serait-elle entretenue par quelques-uns qui détiennent la mémoire, pour maintenir le nouveau monde tel qu'il est ? Comment font-ils pour dissuader la population de rechercher la vieille vérité enfouie ? Pourtant l'homme étant ce qu'il est, des rumeurs circulent encore sur le temps d'avant ; et si des spectacles « officiels » propagent la bonne parole, des légendes populaires se forment comme pour conserver l'amer moir… Seulement voilà, lorsqu'une civilisation périclite, le langage aussi, alors les concepts sont plus difficiles à appréhender, pour les personnages comme pour le lecteur… Car le narrateur est un enfant de 12 ans en quête de vérité et pour l'amer moir, il écrit son histoire… dans son jus.
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« A quoi bon la nuit c'est just du noir ça sert à rien quaux voyous qui voull nous taquet par sur prise et pillé nos prop piétés. Ils perdir l'amer moir de ce quété la nuit. Ils voulur just le jour toul tant et ils allé le fer avec les Chants Bardes. Ils avaient les N° du soleil et de la lune tout fracté et les fir gloutir par les machines. Ils dir : On vamettr tous les N° dans 1 Grand Boum et ce sera le N° des Chants Bardes. Ils bâtir l'Anneau des Nergies cest là où on voit le Cra Terre au jour d'hui. Ils déclenchèrent le Grand Boum et zoom parut un ganrr éclair de lumyer plus ganrr que le monde en tié et la nuit devint le jour. En suite tout dev nu noir. Rien que la nuit des années durant. Des pidémies oxir les genss ».
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Alors comme je suis une fille sympa, je vous la finis en bon François, mais si vous lisez ce livre vous n'aurez pas cette chance : il faudra lire en Parlenigme dans le texte (remerciez-moi, au départ j'avais écrit cette critique intégralement en Parlenigme) ! Un langage entre un babille d'enfant et un patois primitif. Faux couté tentif pour con prendre ce langage qui, pour reconstituer l'histoire, nous raconte des faits et légendes apparemment sans queue ni tête. Les personnages les analysent avec leurs moyens comme on tente d'interpréter la bible ou des textes anciens - et l'on voit à quel point on peut leur faire dire n'importe quoi, tout cela mêlé à la version officielle véhiculée par les spectacles de rue, la censure, et la transformation inhérente aux histoires transmises oralement durant des générations - autant dire le téléphone arabe.
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C'est une lecture pour ceux qui aiment les expériences, et dont l'esprit parvient à reformer rapidement les mots déformés. Ce n'est clairement pas mon cas : je butais à tous les mots, j'avais l'impression de ne pas avancer alors j'ai demandé à mon mari si je pouvais lire à voix haute : ça m'aidait à comprendre des associations phonétiques moins évidentes, mais l'Enigme Marchait toujours au ralenti. Alors Chou a proposé d'essayer à son tour, et finalement on a fini le livre comme ça : en lisant à voix haute à tour de rôle ! Mais le chemin de 300 pages vers la vérité est très long et tortueux ! D'un autre côté, lire trop vite en reconstituant les mots sans prendre le temps de regarder et d'analyser les mots qui les remplacent, c'est je pense amputer cette lecture d'une partie de son intérêt - et gâcher une grosse partie du travail du traducteur. En effet, les mots qui servent à en exprimer d'autres ne sont pas choisis au hasard, qu'il s'agisse de leur sens ou de leur sonorité. Il est donc intéressant parfois de ralentir et d'y prêter attention. Certaines associations phonétiques ou trouvailles lexicales sont particulièrement savoureuses.
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Le plus intéressant demeure que la forme sert évidemment le fond de l'histoire, c'est ce qui donne son sens au texte, et du sens à notre effort de lecture, sans quoi ce ne serait que pur masochisme.
En cela, Enig Marcheur est une oeuvre novatrice. Certains diront sans doute brillante. Mais sur le fond j'ai trouvé lassant que, ajouté au rythme de lecture ralenti par le langage, l'histoire tourne un peu en rond, sans aboutir à de grandes révélations. Et sur la forme, attention aux maux de tête : cela demande une énorme concentration car, même reconstitués, les mots racontent une histoire parfois obscure : ce sont des échanges entre gens issus de peuples revenus à l'âge de fer. J'ai pourtant l'expérience de ce genre de textes, moi qui ai adoré le bruit et la fureur (dont le récit débute dans la tête d'un handicapé mental), Des fleurs pour Algernon (où le récit débutait avec les mots et fautes d'une personne de faible QI), Acid Test (récit entièrement sous acide d'une série de very bad trip), etc… Mais là, vraiment, l'aventure est rude. Chou, m'a fait promettre de ne plus jamais acheter « ce genre de livre bizarre » - et sur le moment j'ai promis sans me faire prier ! Bon courage aux aventuriers du verbe !
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« J'étais bon en orthographe avant d'écrire ce livre ; ce n'est plus le cas maintenant ». (Russel HOBAN)
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Monsieur Toussaint Louverture m'avait pourtant averti :

« Cette oeuvre est l'essence même de la littérature, pleine de défis et d'audace, elle se révèle touche par touche et ce qu'elle a à offrir est immense ; ne vous laissez pas décourager, prenez le temps, lisez à haute voix, mais n'abandonnez pas, bataillez comme Enig bataille dans la nuit. C'est un livre précieux, intense et unique ».

Mais – et c'est rarissime chez moi – je n'ai pas pu aller au bout. Paradoxalement, cela n'est pas la langue si particulière qui a été un frein. Passée la surprise, je me suis au contraire pris au jeu de ce décodage original et particulier. Et ce sont d'ailleurs ces effets de styles qui m'avaient attiré.

Mais l'univers post-apocalyptique et fantastique de ce conte est définitivement trop éloigné des limites de ma zone de confort littéraire et mon intérêt allait trop décroissant au fil de ma lecture.

Pas grave : il plaît à tant d'autres !
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Ce livre est une prouesse, bien entendu, mais avant tout ce livre est un miracle.

La chose la plus difficile à faire dans la création d'une mythologie est de lui donner du poids, la densité et le poids qui viennent des siècles. Quelque chose, je ne sais pas, qu'on pourrait qualifier "d'utile." Il n'est certainement pas surprenant de lire que Russell Hoban a écrit des centaines et des centaines de pages avant de tout réduire au texte final qu'on a sous les yeux aujourd'hui.

Ce roman est précédée, en France en l'occurrence, d'une réputation de difficulté quasi insurmontable. Bon, c'est quelque chose qu'on retrouve parfois à l'égard de bien d'autres romans en tout genre et qui semble au coeur même des craintes de certains lecteurs à plonger dans l'aventure. Cependant, je pense qu'il est utile à tout lecteur potentiel de ce chef d'oeuvre d'avoir une idée de la facilité de lecture et de la rapidité avec laquelle on s'habitue à la phonétique.

Il faut encore prendre un instant pour souligner le travail absolument monumental de son traducteur, Nicolas Richard, qui a obtenu le prix Maurice-Edgar Coindreau de la Société des gens de lettres pour son époustouflante traduction (vous comprendrez qu'ici la syntaxe et toutes les règles connues de l'écriture ont été remaniées, aussi ce n'est pas qu'un travail de traduction qui a été nécessaire mais bien un travail de recréation de la langue) (si, si).

Le vieux cliché selon lequel il est plus difficile de simplifier des choses complexes est vrai, et Russell Hoban le fait avec une grâce et une légèreté de toucher impressionnante.

Ce livre est une prouesse, ce livre est un miracle, mais plus que tout ce livre existe. Pour de bon. Alors il ne vous reste plus qu'à le lire.
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Un des plus gros paris de l'édition Française, sans aucun doute.

Avis aux gros lecteurs et aux curieux de nouveauté et d'originalité, avis à ceux qui travaillent dans les lettres et aiment jouer avec.

Ce roman propose un tout nouveau langage, à savoir le Parlénigm, parlé par Enig Marcheur, qui n'a pas "preuh" des mots, et ses contemporains qui vivent en 2347 N.C.C. après une guerre nucléaire qui a ravagé le monde.
Les hommes sont alors de retour à l'âge de fer et réapprennent à faire du feu avec des "pyer".
La "preuh" est omniprésente et se transmet volontier au lecteur.

C'est un roman aux allures tragiques dès le premier chapitre très évocateur.
D'autres pages relatent des faits assez noirs :

"Oxi avec sa bite et ses couilles rachées et sa tête presq aussi et son visaj viré au gris et les feuilles mouillées foulées au pieds et ses yeux fixés sur le ciel gris au dssus de lui."

Les personnages sont à la recherche de Vrérité avec l'aide de leurs rizzlas et leur hasch.
Eusa semble savoir beaucoup de choses. Eusa est 1/2, il est la ferrait, la pyer, le bois. Eusa est partout mais on ne le voit pas.

Le roman est partagé entre la poésie et la folie d'une génération. Il comprend plusieurs "gendes" qui feront échos dans vos esprits, et de quelques chansons très courtes, comme par exemple :

"Graine du jeune âge
Graine du sauvaj
Graine de char bon c'est
Le queur de l'enfaon"

Le lecteur, lui, suivra les aventures d'Enig Marcheur, dont le nom est évocateur et à double sens, grâce à son petit carnet de bord.
Enig se présente dés le second chapitre, il a douze ans.

"Marcheur je me nomme et je suis tout comme. Enig Marcheur. Je marche avec les nigmes partout où elles me mènent et je marche avec elles main tenant sur ce papier de meum".

Les gendes et les chants constituent donc une grosse partie du roman, mais il y a aussi tout le côté théâtrale très bien écrit et reproduit par Russel HOBAN. Je pense notamment à ce moment magnifique avec Plichinel.

Les hommes ne sont pas seuls sur cette nouvelle terre, il y a aussi leurs pires ennemis, les chiens aux yeux jaunes qui brillent dans le noir. Surtout ceux du chef.
Les chiens dévorent les hommes, les hommes dévorent aussi les hommes. L'humanité est en danger. Et Enig marche.

Enig part à l'aventure à la recherche de la Vrérité. Coûte que coûte. Rencontre après rencontre il s'endurcit et on l'apprécie un peu plus. Il a un discours d'enfant et des actes d'adultes.

Tous les noms de personnages et de lieux sont choisis avec soin et ont une histoire avec l'auteur ou l'histoire elle-même.

Enig Marcheur fait parti des gros paris de l'édition Française par rapport à son écriture, évidement. Vendre du Parlénigm n'est pas simple, quelle que soit l'histoire.
L'auteur confie lors de sa postface qu'il a mis cinq ans et demi à écrire son ouvrage. Qu'il a éliminé beaucoup de pages, et qu'il en a perdu son orthographe.
Les droits ont été attribués en France il n'y a pas si longtemps aux éditions de Monsieur Toussaint Louverture qui a su trouver le traducteur idéal pour ce texte hors norme, Nicolas RICHARD.
Le roman est paru aux USA en 1980. Russel HOBAN nous a quitté l'an dernier, et sa carrière en France semble juste commencer.
La langue originale du texte est le Riddleyspeak (Anterre).

Alors qui sera attiré par cette langue et cette originalité post apocalyptique qui appartient à un temps sans l'Elyte or Dinateur ?

L'écriture propose au lecteur une dégustation de chaque mot, de chaque phrase. Hormis les points et quelques guillemets, la ponctuation est absente. Même si c'est déroutant, on s'y fait.

Certains disent que lorsque le cerveau comprend enfin le système et lit couramment le texte, il provoque chez le lecteur une certaine jouissance. Les mots sont plutôt bien choisis.

Alors, jouissez bien.
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Enig Marcheur vit dans un monde post-apocalyptique, on imagine après une catastrophe nucléaire mal définie. L'humanité semble avoir largement régressé jusqu'au début de l'humanité, vivant en bandes de chasseurs-cueilleurs ou de fermiers.

Impossible de parler de ce livre sans aborder son écriture : tout le récit est écrit en « parlénigme ». Très déstructurée grammaticalement, elle est essentiellement phonétique (« Erny tu cass tant lent biance qu'1 jour on pourras plus la rcoll »). À plusieurs reprises d'ailleurs, j'ai lu à voix haute, comme un enfant de six ans qui découvre la lecture en suivant le texte du doigt, buttant sur les sons les plus compliqués au beau milieu d'un mot.

Ce style ne rend pas la lecture facile, mais colle parfaitement à l'ambiance. Les habitants ne sont pas devenus anti-science. Au contraire, ils sont obsédés par les connaissances de l'ancien monde, avec le sentiment très fort de ne pas être au niveau. Effondrement total de la civilisation ou mutations génétiques dues aux accidents nucléaires qui limitent l'intellect, difficile de dire pourquoi. Néanmoins, le monde ancien et ses « Nergies » est décrit dans un mélange de conte, de religion et de spectacles de marionnettes. Les moindres bribes de connaissance sont vénérées à un point absurde, mon passage préféré restant l'exégèse de la sagesse ancienne en se servant d'un prospectus touristique. Mais du coup, ce déchiffrage difficile du texte nous met au diapason des habitants, qui déchiffrent tout aussi difficilement leur propre monde.

L'exercice de traduction en français a dû être particulièrement compliqué. le travail me semble réussi, même si de nombreux jeux de mots ont été perdus. Je me demandais ce qui était passé par la tête de l'auteur pour que les villes se nomment « Gars en Rut » ou « Jambon du Père » : il s'agit de déformations de noms de villes anglaises : « Herne Bay » → « Horny Boy » et « Faversham » → « Father's Ham », intraduisibles. Je n'ai cependant pas le niveau d'anglais suffisant pour lire ce roman dans la langue originale.

Enig Marcheur n'a pas été une partie de plaisir, sa langue le rendant fatiguant et fastidieux à lire. Certains lecteurs ont visiblement assimilé la langue au fur et à mesure, mais ça n'a pas été mon cas, et c'était toujours aussi compliqué à la dernière page qu'à la première. Paradoxalement, je pense qu'il n'aurait pas pu être mieux écrit, et qu'une langue « normale » aurait fait perdre tout son intérêt au roman. J'en conseillerai la lecture, avec un avertissement : il vaut mieux être en forme, et ne pas l'ouvrir pour se délasser après une journée fatigante !
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Les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous offrent, avec Enig Marcheur, un objet-livre de toute beauté. Affublé de trois jaquettes (une rouge avec les chiens, une noire avec le cerf et le cercle qui entoure le tout et la troisième en plastique transparent pour protéger le tout), Enig Marcheur est un livre que l'on ose à peine manipuler. de peur de les abîmer dans mes pérégrinations urbaines, j'ai retiré les jaquettes pendant ma lecture.

Le contenu est tout aussi intrigant puisque ce livre n'a pas été écrit en anglais classique mais en riddleyspeak (Anterre), une langue anglaise postapocalyptique dans laquelle l'orthographe, la grammaire et le sens des mots de la langue de Shakespeare ont été fortement mis à mal. Il aura fallu 32 ans (la publication anglo-saxonne date de 1980) pour qu'un éditeur trouve un traducteur assez fou pour traduire Enig Marcheur en parlénigm.

Cela donne ça :
"Enig y a rien pour toi qui est pas les gendes. le vent dans la nuyt la poussyèr sur la route meumla moindr pyèr que tu frappes du pied devant toi. Même les zombres de la moindr de ces pyèr qui roule ou pas tout est les gendes."

Comment en est-on arrivé là ? Il y a de nombreuses années (je dirais une centaine mais sans trop savoir pourquoi) un "Grand Boum" s'est produit (comprendre : une guerre nucléaire) et les êtres humains qui ont survécu sont retournés à un état de (non)civilisation assez proche de l'âge du fer (d'ailleurs le fer est très important pour eux, ils le récupèrent sur du matériel pré-apocalypse). L'écriture a presque disparu mais pas tout à fait, ce qui permet à Enig de raconter son histoire.

Et ces gens de tenter de mettre des mots sur ce qui s'est passé lors du "Grand Boum". Outre la survie, leur quotidien tourne autour de la "les gendes d'Eusa" avec l'histoire d' "Adom le Ptitome", qu'ils se transmettent de générations en générations, de clans en clans au moyen d'un théâtre ambulant orchestré par le proto-gouvernement qui régit (enfin c'est une façon de parler) ce petit bout de l'"Anterre".

Comme vous pouvez le concevoir, ce livre n'est pas facile à lire. En fait pour arriver à mettre des mots à nous sur cette langue, il faut le lire à voix haute dans sa tête. Cela ne vous donnera toutefois pas toutes les clés pour comprendre le contenu. Personnellement, j'ai eu l'impression d'être confrontée à la misère intellectuelle pendant 280 pages : leur univers, leur intellect est totalement étriqué et tourné dans une sorte de monomanie insupportable vers cette légende d'Eusa qui explique comment le Grand Boum est arrivé (c'est d'autant plus triste qu'en cours de lecture on apprend d'où vient réellement cette légende). A chaque page je me disais, "mais comment peuvent-ils être aussi naïfs ?", "comment peuvent-ils avoir oublié l'avant apocalypse à ce point ?". J'avais l'impression d'avoir affaire à des enfants qui essaient de jouer aux adultes, ne comprenant le plus souvent pas le sens des termes qu'ils utilisent.

Non seulement c'est effrayant, mais en plus c'est difficile à suivre. Je ne vous ferai donc pas l'affront de parler davantage de l'histoire car le fait que je n'en ai pas compris l'intérêt me laisse à penser que je n'en ai pas compris le fond. Ou alors peut-être qu'il n'y a rien d'autre derrière, je ne sais pas, juste une toute toute petite lueur "des spoirs". Mais dans tous les cas, le passé est perdu à tout jamais.

J'ai écrit cette chronique une semaine après avoir terminé le livre et je n'arrive toujours pas à me décider si j'ai apprécié cette histoire ou pas. Ma lecture, non pas trop, sauf le début pour la curiosité et l'attrait de l'originalité de la langue mais elle a été trop laborieuse pour que je puisse dire que j'ai passé un agréable moment, et ce n'était de toute façon sans doute pas le but de l'auteur. Mais l'histoire c'est une autre paire de manches. Il est clair qu'elle ne m'a pas laissé indifférente mais le seul truc que j'arrive à garder en tête c'est cette désertification intellectuelle. C'est un peu comme l'histoire de Charlie dans Des fleurs pour Algernon sauf que c'est avec toute une civilisation que cela se passe... Et c'est triste à mourir.

A noter que le livre est complété par une préface de Will Self, une postface de l'auteur et un glossaire. Tous trois me semblent indispensables pour compléter la lecture.
Lien : https://dragongalactique.com..
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Mère veillement songe heure. À lire absolument.

Publié en 1980 en tant que science-fiction de genre, après sept ans d'écriture durant lesquels Russell Hoban survécut essentiellement grâce à ses écrits pour la jeunesse, aussitôt reconnu dans le milieu spécialisé par une nomination au Nebula 1981, puis par les prix John W. Campbell et 1982 et de la SF australienne en 1983, « Riddley Walker » explosa alors en quelques années en « littérature générale », devenant objet d'intenses études universitaires et quasiment « classique instantané », avec un statut envié mais ambigu d'objet littéraire extrêmement exigeant, élitiste, …et réputé presque intraduisible, du fait de sa profonde expérimentation sur la langue.

À titre personnel, c'est Iain Banks qui me le fit découvrir en 1995, quand dans une discussion sur rec.arts.sf.written, fabuleux newsgroup internet de cette époque de réseau balbutiant, il indiqua aux fans présents l'influence majeure sur lui de Russell Hoban, aux côtés d'Alasdair Gray et de Mervyn Peake, pour « The Bridge » et pour son hommage « Feersum Endjinn », bien sûr, mais pas seulement.

C'est cette barrière de la traduction « impossible » qu'ont fait sauter, en français, en novembre 2012, l'éditeur toulousain audacieux Monsieur Toussaint Louverture et le traducteur inspiré Nicolas Richard, quelques mois seulement après le décès de l'auteur (décembre 2011). le défi était de taille, car dans cette campagne du Kent anglais post-apocalyptique (« environ 2 500 ans » après les massives explosions nucléaires), le jeune Enig Marcheur et ses compagnons d'infortune, vivant un nouveau néolithique au milieu des héritages et des déchets, ne disposent que d'un langage bien frugal, lointain souvenir de l'anglais pré-Apocalypse, essentiellement oral et phonétique, dont la première phrase du roman livre la tonalité : « I gone front spear and kilt a wyld boar he parbly benn the las wyld pig on the Bundel Downs. » devient ainsi « le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxi un sayn glier il a été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon. ».

Ce court récit (280 pages), à la lenteur étudiée et rendue obligatoire par cette langue particulière, doit beaucoup sur le fond – ce que Russell Hoban reconnaissait bien volontiers - au « Cantique pour Leibowitz » (1959) de Walter Miller, au sein du genre science-fiction, pour la manière dont bribes et reliques du temps jadis, subverties par la perte de la mémoire collective et par le manque de repères, sont devenues des objets « magiques » aussi révérés qu'incompris. le seul texte en langue « classique » de tout le livre, un commentaire du tableau de Saint-Eustache trônant dans la cathédrale de Canterbury, est ainsi à lui seul un morceau de bravoure, un moment hallucinant de vertige, comique et tragique, sur la glose et sur l'exégèse, sur la fragilité de la signification surtout. « St est la bréviation de steuplé ». Et la figure légendaire culminante d'Eusa, mêlant le saint chrétien et le progrès scientifique incarné par les anciens « USA », nous invite tout au long du roman à une méditation ambiguë sur la manière dont la science imprègne, ou non, le corps social… Pour l'anecdote, on notera que « Riddley Walker » fut aussi le livre le plus encensé de l'histoire par la critique du… « Bulletin of Atomic Scientists » !

La traduction a aussi traité avec brio le fait que trois autres références majeures et implicites du roman, le pouvoir de création/formatage linguistique de l'Anthony Burgess d' « Orange mécanique », l'ensauvagement du William Golding de « Sa Majesté des Mouches », et le vecteur populaire du théâtre de marionnettes traditionnel de « Punch et Judy », sont a priori moins familières au lecteur français (même avec le film de Kubrick pour la première) qu'au lecteur anglo-saxon. C'est en replongeant dans les racines de la Commedia del'Arte et du personnage de Polichinelle que Nicolas Richard a su trouver les mots justes (et pourtant fidèlement trafiqués) pour rendre l'étrange prégnance politique et culturelle des marionnettistes, à la fois conteurs, prêtres et fonctionnaires – et peut-être à terme possibilités de nouvelles émancipations - dans la désolation d' « Enig Marcheur ».

La réflexion implicite sur la manière dont la langue forge l'esprit qui l'utilise, thème cher au Samuel Delany de « Babel 17 » et au Ian Watson de « L'enchâssement » irrigue ce récit, dans lequel un effort important de collation des indices et d'interprétation est demandé au lecteur, beaucoup plus que ce que à quoi nous sommes en général habitués. Cette tâche, ardue et formidablement gratifiante in fine, est toutefois largement facilitée par la lenteur de lecture imposée par ce langage distordu qui exige de notre part une sub-vocalisation presque permanente (en tout cas, au moins durant les cinquante premières pages, le temps de (re)créer une certaine habitude), et par les mots familiers, comme éclatés, tripes à l'air, par la catastrophe – dont les composants possibles ainsi brutalement mis à nu emportent leurs propres connotations, qu'elles soient poétiques ou au contraire précises – ce qui ne constituait pas le moindre défi pour la traduction ! N'oublions pas au passage, même si cela nous apparaît avec une certaine incrédulité, qu'Enig, dans ce monde, est… un lettré, instruit par son père dont le rôle impliquait une certaine maîtrise du langage écrit et oral, quand bien même les livres n'existent-ils plus…

Nous avons bien là, magnifiquement rendu en français, un chef d'oeuvre, capable de transformer son lecteur, où, selon la belle formule de John Mullan dans le Guardian, « le narrateur porte l'ensemble de son monde dans sa phrase »,... et invite ainsi le lecteur à un « mère veillement songe heure » de tous les instants.
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Dans le cadre de Masse Critique sur Babelio, j'ai reçu Enig Marcheur de Russell Hoban. Étant fan de post-apo, j'ai voulu découvrir cet OVNI encensé par beaucoup.

Will Self dit à juste titre dans sa préface que ce roman est exigeant. En effet. Écrit totalement en Parlénigm, une langue inventée par l'auteur, ce livre a longtemps peiné à trouver un éditeur et un traducteur français. Genre 30 ans. Les Éditions Monsieur Toussaint Louverture et Nicolas Richard ont relevé le défi. Je leur tire mon chapeau ! Je pense que Nicolas Richard a du y passer un temps colossal.

Pour ceux d'entre vous qui ont lu Des Fleurs pour Algernon, vous pouvez en partie imaginer ce que c'est de lire Enig Marcheur en Parlénigm. L'auteur a mis 5 ans à écrire ce récit et en a perdu son orthographe !

L'histoire se déroule dans le futur après un holocauste nucléaire. Enig, dont le père vient de mourir, décide de coucher sa vie, ses aventures et certaines légendes par écrit. Dans un monde où l'oralité est la norme, il écrit phonétiquement. le langage ayant évolué avec les ans, certains mots sont devenus difficiles à comprendre.

Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxy un sayn glier il été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon. Toute façon y en avé plu eu depuis long tant avant lui et je me tends plu à en revoir d'aurt.

Enig est un livre difficile à lire, mais il est aussi poétique. le héros m'a fait penser à celui de l'Été Machine de Crowley. Un exemple de mot réinventé : "ami" devient "âme mi", joli non ? La peur devient la "preuh", la pleine lune, la "Plaie Lune"...

Je ne vais pas vous mentir, malgré ma très bonne impression sur les premiers chapitres, je ne suis pas allée au bout de la lecture. Elle demandait un effort trop soutenu, et le plaisir de lire s'en ressentait. Pour cela, je ne la compterai pas non plus pour le challenge Fins du monde de Tigger Lilly.

Voilà ce que j'ai pensé de cette expérience Enig Marcheur. Si vous avez du temps, l'envie, et beaucoup de calme pour lire, n'hésitez pas à vous y plonger, et vous me raconterez cette "les gendes".

Lien : http://unpapillondanslalune...
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Oh boï, on pourrait écrire des heures sur Enig Marcheur mais j'vais essayer de le faire plus court, je jure.

Déjà ça trie sur le volet. C'est écrit dans une langue à mi-chemin entre le moyenâgeux et la phonétique, le tout saupoudré de néologismes à la Claude Ponti sur 300 pages. Autant dire que ça passe ou ça casse direct.

Tu t'en doutes minou.e, pour moi le feu a pris directement sans avoir besoin de plus de combustible !

En Anterre (en Angleterre donc), près de Cambry, le jeune Enig Marcheur essaye d'écrire tout gosse qu'il soit ce qui a pu se passer depuis le Grand Boum, ce qu'il s'est passé avant le Sale Temps, tout en relatant sa propre histoire à lui :

En Anterre, les croyances se sont construites sur la légende de St Eustache - devenu Eusa et Adam le premier homme Adome le petit homme, et dont les mythologies circulent grâce aux marionnettistes et aux comptines qu'on chante et dont certains se servent comme carburant pour vivre.

J'ai trouvé ce roman complètement dingo. Et si tout n'est pas forcément compris à la première lecture, l'exercice de relire à voix haute peut s'avérer très utile. S'en dégage alors une clairvoyance et l'impression de déceler le génie dans l'écriture.

On pense beaucoup à la naïveté de Charlie Gordon dans le roman Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes. C'est impossible aussi de ne pas voir le parallèle avec ce formidable livre qu'est Niourk de Stefan Wul, où après s'être fait exploser la gueule à grands coups de concours de bites technologiques, les hommes ont régressé et bâti leurs croyances sur des vestiges qui ont conduit à la perte de leurs ancêtres.

C'était tellement chic pétard, mais vas-y comment c'est chaud à conseiller à cause de la langue dans laquelle tout est écrit. Je comprends que ça foute les jetons, mais mon cochon comment c'est bon quand tu t'en donnes la peine !

Booyah !
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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ENIG MARCHEUR de RUSSELL HOBAN
ENIG a une douzaine d'années, il est un des survivants du Grand Boom et un des rares qui peut écrire. Un langage curieux que le Parlenigme qu'il transcrit péniblement. Quand le récit commence, ENIG vient de perdre son père, écrasé par une pierre( très grosse!). C'est un garçon curieux, il veut comprendre le Grand Boom, ce qu'il y avait avant, pourquoi les différents clans qui survivent ont érigé des barrières , pourquoi ils se battent et pourquoi tous ces chiens jaunes qui tuent et mangent les hommes. Il veut comprendre le livre d'Eusa, ceux qui racontent l'histoire du Sale Temps et ce qu'il y avait avant avec des sortes de marionnettes. Alors il décide de partir pour chercher la Vérité et en chemin il est suivi par un chien, noir, le seul de cette couleur qui semble le chef et qui va le guider vers une trappe, début d'une longue aventure dans laquelle ENIG tentera de recoller des bribes de connaissances. Mais comment interpréter le texte de la tapisserie de St Eustache quand on ne sait pas lire! Car il est dans le Kent, dans ce qui fut l'Angleterre, à côté de Canterbury, où il y avait, sûrement, un réacteur atomique, des Anneaux d'Energie comme les survivants le nomment.
C'est un voyage dur et émouvant, pour reconstituer la mémoire de ces Tribus survivantes que celui d'Enig, mais l'intérêt de ce livre n'est pas du tout dans l'histoire mais dans la façon dont le texte est intégralement écrit, le Parlenigme, mélange de phonétique, d'abréviations, de patois local et autres altérations de la langue. Il m'a fallu une bonne vingtaine de pages pour comprendre (à peu près)le texte et donc recommencer au départ! C'est une aventure littéraire assez passionnante mais difficile à recommander tant cela demande d'efforts!
Extraits
« J'ai rien d'aurt que des mots à mett sul papier. C'est si dur. Par fois y a plus sur le papier vyde qu'il y a quand l'ecrit couche dssus. Tu sayes de sprimer les ganrr choses et elles te tournn le dos. Pour tant tu verras des vestij en pyer et leurs dos te parle rond »
Le traducteur est Nicholas Richard, il a mis plus de 5 ans pour venir à bout du texte de HOBAN qui en a mis 7 pour l'écrire. Nicholas Richard a traduit entre autres Thomas PYNCHON et Richard BRAUTIGAN, pas les plus simples à déchiffrer.
Bon courage aux lecteurs qui se lanceront dans cette aventure Unique!!
L'originalité est décidément la marque de fabrique de Monsieur Toussaint Louverture.
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