AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,05

sur 952 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un grand Merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour m'avoir envoyé ce petit bijou. Une lecture pleine d'émotions … Ce premier roman d'Anna Hope deviendra grand, j'en suis sûr !

Ce roman se passe pendant la période de l'après-guerre, les temps sont dures et il faut redoubler d'ingéniosité pour avoir un travail, le garder et gagner assez d'argent pour vivre correctement. Les hommes qui sont rentrés de la guerre sont fatigués, usés, malades, absents … . de plus, tous ne sont pas rentrés, beaucoup sont restés « là-bas » en France et sont tombés sous les balles. Ils étaient mari, amant, père, fils, frère, cousin, voisin … et ils ne sont plus là. Restent les femmes qui pendant cette après-guerre doivent soigner et panser les plaies des survivants mais faire également le deuil de ceux qui ne reviendront plus pour se reconstruire un avenir.

Ce livre est un vibrant hommage à toutes ces femmes qui se sont battus pendant cette guerre et qui se battent encore après avec leur cauchemars mais pour leur rêves. Ce roman a l'avantage de parler de celles que l'on oublie quelques fois, de ces femmes qui restent dans l'ombre. On a toujours tendance à penser que la guerre ne se fait que sur le terrain mais derrière les femmes aussi se battent à leur manière.

Vous l'aurez compris, ce roman est un vrai roman d'émotions qui vous remue les tripes. On suit trois femmes, Hettie, Ada et Evelyn tour à tour pendant 5 jours. Les 5 fameux jours qui leur faudra pour décider ou non, d'aller se rendre à ce fameux évènement du 11 novembre 1920, l'arrivée du soldat inconnu.

Conclusion : Ce livre est un livre mémoire, hommage aux femmes qui ont essayé de se trouver une place pendant et après cette première guerre mondiale. Un travail de recherche remarquable de la part de l'auteure Anna Hoppe, car on fait littéralement un bon dans le passé.

Il m'a été difficile de quitter les personnages quand j'ai tourné la dernière page...
Commenter  J’apprécie          120
1920 à Londres, trois femmes Evelyn, Hettie et Ada n'ont à priori rien en commun à part peut-être cette guerre finie depuis deux ans. A quelques jours de la cérémonie d'hommage du soldat inconnu chacune d'elle va vivre ces journées à sa manière.

Il y a des livres dont on sait à l'avance qu'ils vont nous plaire, que ce soit par la thématique, l'époque, la ville dont on fera le portrait et ce livre en fait partie. Ce roman est une petite pépite, j'ai apprécié chaque page et je suis sous le charme de l'écriture d'Anna Hope. Les thématiques du souvenir, de l'acceptation, de la mémoire de guerre sont des thématiques qui sont loin d'être joyeuses et pourtant à aucun moment le livre ne tombe dans le mélodramatique. Une histoire attachante et bouleversante où les blessures du corps et de l'âme sont mises à nu et lorsque chacun met de côté l'amertume et la rancoeur qui le ronge, il en ressort le coeur moins lourd.
Commenter  J’apprécie          110
Londres, novembre 1920. Suivant l'exemple de la France, le gouvernement anglais s'active à ramener à la nation le corps d'un soldat inconnu, pour des funérailles et un hommage national. Pour le pays et pour l'Europe durement touchés par les ravages de la Grande Guerre, ce geste a valeur de symbole : après des années de périls, il est temps de tourner la page, d'avancer vers l'avenir sans pour autant tout oublier.
Ce quelques jours de novembre ont aussi une valeur particulière pour trois femmes, touchées à titre personnel par la guerre : Evelyn, qui travaille au bureau des pensions et qui côtoie tous les jours la détresse des soldats survivants ; Ada, dont le fils n'est pas rentré ; et Hettie qui tente chaque jour de redonner goût à la vie aux hommes parfois mutilés, en les accompagnant sur une piste de danse.
Tandis que le Soldat inconnu entame son retour au pays, les trois femmes et le peuple anglais dans son ensemble se préparent à vivre quelques jours intenses, de souvenirs et de douleurs encore à vif.
La paix des coeurs et des esprits est-elle de nouveau possible ?

C'est une lapalissade de dire que l'on a beaucoup écrit sur la guerre de 14-18 et sur le thème du Soldat inconnu et il semblait difficile, notamment après le magnifique film de Bertrand Tavernier « La Vie et rien d'autre », d'apporter quelque chose de nouveau.
C'est pourtant ce que réussit avec maestria Anna Hope dans son roman.
Car passé le bilan comptable des conséquences des conflits (total des morts, des blessés, des pertes financières...), il reste les survivants, ces victimes collatérales qui doivent envisager la journée suivante. Entre les blessés qui ont perdu l'intégrité de leur corps, les veuves éplorés, les proches qui ne sont pas revenus, les trop nombreux corps absents, l'impossibilité de parler de ce qui s'est passé « là-bas »... les traumatismes prennent autant de formes qu'elles atteignent de personnes différentes. Et pour tous, la même question : est-il possible de s'en remettre ?
En prenant comme ligne de mire cet hommage au Soldat inconnu, Anna Hope évoque à travers le regard de ces trois femmes des chemins possibles vers une reconstruction.
Entre le déni, l'espoir, la culpabilité, la fuite, l'accablement... Ada, Evelyn et Hettie diffusent un message universel, qui n'a pas de frontière ni de nationalité : à la sortie de la guerre, il ne reste que le chagrin des vivants.
L'écriture de l'auteure est typiquement anglaise : une économie de mots, une absence de lourdeurs et de détails inutiles, une pudeur dans le propos qui a pourtant trait aux sentiments intimes... Mais malgré un sujet particulièrement plombant, on ne peut qu'être porté, comme les protagonistes, vers ses funérailles qui sont le symbole de tant d'attentes. Évidement, personne n'y trouvera ce qu'il escomptait, mais peu importe : l'important est l'idée qu'il existe une lumière quelque part. Roman sur le deuil, intime ou national, son acceptation ou son impossibilité, « Le Chagrin des vivants » porte également un message d'espoir, que montre plus clairement son titre original (Wake).
Anna Hope a su puiser aux sources des auteurs britanniques les plus fins et les plus sensibles et donne à lire une histoire remarquablement maîtrisée pour un premier roman. Une qualité d'écriture qui laisse présager de beaux moments de lecture à venir !

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour cette charmante rencontre !
Commenter  J’apprécie          110
Merci à Babelio et aux éditions Gallimard d'avoir permis de connaître cet auteur.

La guerre est finie ; mais pourtant, ça continue. Ce n'est pas parce qu'on ne se tire plus dessus que la guerre a disparu.
Elle est encore visible partout. Dans les yeux de ceux qui ont perdu un proche, dans la vie de ceux qui ont perdu un membre ou dans le regard de ceux qui ont perdu la raison. Ceux qui en ont réchappé porte en eux un poids énorme que ce soit un deuil ou la culpabilité de ne pas avoir partagé le sort des disparus.
Pendant que se prépare la cérémonie des funérailles nationales du soldat inconnu britannique, trois femmes continuent de vivre avec leurs propres blessures restées ouvertes.
Comment survivre, alors que leurs destinées s'entrecroisent curieusement. On se sent encore loin de ce qu'on appellera les années folles.
La fin du roman ouvre pourtant une porte vers un début de résilience et de retour vers la vie.
Commenter  J’apprécie          110
Cinq jours.
Cinq jours du dimanche 7 au jeudi 11 novembre 1920.
Cinq jours pendant lesquels un corps anonyme est choisi parmi tous ceux qui gisent dans la terre des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, préparé, rapatrié en Angleterre et placé en grande pompe dans la tombe du Soldat inconnu, the Unknown Warrior, à Westminster Abbey.
Cinq jours pendant lesquels trois Londoniennes tentent de vivre, de surmonter le chagrin, de comprendre, d'accepter.

Henrietta Burns, dite Hettie, 19 ans, est danseuse de compagnie au Palais à Hammersmith. Les anciens soldats, elle les rencontre souvent sur la piste de danse. Elle les reconnaît, à leur jambe de bois, à leur attitude, à leur solitude. Mais ce dimanche soir, dans le petit night-club où son amie di l'a traînée, elle rencontre un homme différent de tous ceux qu'elle a rencontrés jusque-là, un homme qu'elle ne parvient pas à cerner et qui l'intrigue, qui l'attire irrésistiblement.
Evelyn Montfort, presque 30 ans, travaille au bureau des pensions de l'armée. Malgré les mois, les années qui ont passées, elle ne parvient pas à oublier Fraser, son fiancé mort en France.
Ada Hart, 55 ans, ne cesse de voir son fils dans la rue, muet et distant, même si elle sait que c'est impossible car, comme tant d'autres, il n'est pas revenu du front.
Comme on peut s'en douter, ces trois femmes se retrouveront liées à leur insu par les rebondissements de la guerre.

Hettie, Evelyn, Ada. Elles m'ont toutes touchée à un moment ou un autre, chacune à leur manière. On sent toutes les difficultés liées à la vie qui doit reprendre peu à peu après de telles abominations et à la mort qui a frappé tout le monde, partout. Tant de sentiments sont mêlés : culpabilité, peur d'oublier les morts, dégoût, colère, tristesse innommable. Comment aimer la vie à nouveau ? Comment ne pas trahir la mémoire des morts en profitant des moments de joie que la vie offre ?
Dans leur quête pour apaiser leur coeur, elles vont s'ouvrir, aller vers ses hommes blessés. Les récits et les souvenirs de ceux-ci sont poignants. Ils donnent à voir la guerre du point de vue des simples soldats, de la chair à canon.

On ressent tout au long du récit la volonté d'oublier cette guerre horrible qui a fauché tant d'hommes. On n'aime pas voir les gueules cassées qui viennent rappeler l'horreur, raviver la culpabilité parfois. On se détourne de ces soldats qui ne parviennent pas à se réintégrer, qui mendient, qui vendent des petits objets du quotidien, de la camelote.
J'ai pensé au roman de Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, qui racontait l'histoire de deux soldats qui souffraient de l'incompréhension de la société : « A la guerre, on veut des morts franches, héroïques et définitives, c'est pour cette raison que les blessés, on les supporte, mais qu'au fond, on ne les aime pas. » Toutefois, le ton est totalement différent : on ne retrouve pas l'humour ou les personnages truculents de Pierre Lemaitre et là n'est pas l'objectif.

Ce récit historique m'a également beaucoup intéressée car je l'ai senti très documenté. La vie après-guerre, les difficultés des soldats à retourner à la vie civile, le quotidien des soldats dans les tranchées et des femmes à l'arrière pendant la guerre (car on en a quelques aperçus grâce à quelques flash-backs), et bien sûr le rapatriement et la cérémonie du Soldat inconnu.

Un récit à la fois très sensible et passionnant par le portrait qu'il trace de cette société qui peine à se relever de ces années de guerre.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
Commenter  J’apprécie          112
Je rejoins avec bonheur le cortège des louanges des lecteurs de Babelio. Oui ce livre m'a transporté pendant 5 jours en 1920. Je n'ai pas réfléchi, je me suis engouffrée dans cette époque si meurtrie, où l'on voit de nouveau des hommes dans la rue, mais des hommes blessés moralement/physiquement, si peu encore et à la démarche si trébuchante. A travers 3 femmes dont bien sûr le destin va croiser leur histoire, l'auteure nous fait ressentir toute la difficulté de la reconstruction suite à la boucherie de la guerre. Hettie, si jeune, qui propose ses services de danseuse pour six pence, dans des bals où les hommes sont presque tous amochés et qui attend un peu le prince charmant qui la tirera de là, Evelyn qui travaille dans une sorte de pôle emploi pour les anciens soldats et qui rêve encore de Fraser, son amant mort à guerre, Ada mariée à Jack, qui n'accepte pas vraiment que son fils Michael soit mort parce que l'annonce par lettre était trop laconique et elle le devine dans chaque silhouette masculine. Et puis Robin, Ed, Rowan, Fred, ces hommes qui ont vécu différemment la guerre mais s'ils en sont revenus, ils en ont été complètement remodelés. Il n'y a aucun pathos dans ce roman, tout est juste, tendre, et dur aussi mais sans développer une émotion inutile et factice. Et puis il y a ce fameux soldat inconnu et l'importance crucial que ce symbole a été pour drainer toute la douleur des anciens combattants. Bref, lisez ce roman
Commenter  J’apprécie          100
Londres, 1920, alors que le pays se remet difficilement de la guerre, les familles meurtries de leur(s) perte(s), on assiste au rapatriement du soldat inconnu. Figure censée permettre aux familles de faire leur deuil. C'est alors au coeur de trois vies féminines que nous vivons cette période d'après-guerre, de paix mutilée. Anna Hope exhume avec délicatesse les sentiments de ces femmes.

Il s'agit d'Ada, une mère ayant perdu son fils, qui le voit pourtant à chaque coin de rue ; Evelyn dont le fiancé est mort, et qui essaie de se rendre utile à la société en dépit de sa famille qui ne semble pas comprendre ses douleurs ; Hettie, une jeune fille dont le frère revenu de la guerre est meurtri, et qui tente seulement de trouver l'amour et le bonheur. Sur cinq jours, nous vivons aux côtés de ces femmes, dans leur moment de force, de courage mais aussi de faiblesses. Narrateur omniscient, à tel point que leurs pensées sont retranscrites en italique, nous pouvons prendre part à leur peine, la douleur qu'elles partagent : le chagrin des vivants. Trois histoires parallèles, et pourtant trois destins mêlés. L'écriture est remarquable, nous permettant de passer d'une vie à l'autre, sans écorche, comme si la fin du récit de l'une s'entremêlait avec le début du récit de l'autre. Avec un sujet si difficile, Anne Hope réussit à faire passer un message d'espoir : que la vie reprend son cours, que la vie en vaut la peine.

A toutes ces femmes, de classes sociales différentes, elle crie de vivre, tournoyant sur des airs de jazz, pour reconstruire petit à petit ce que les guerres font voler en éclats. Ces femmes cherchent leur place entre la difficulté à laisser partir les morts, et celle de vivre entre les vivants et notamment les hommes rescapés de la guerre.

Autour de ces trois femmes ordinaires, gravitent bien sûr ces hommes. du soldat au lieutenant qui ont survécu et qui tentent d'oublier, aux côtés de leur femme, amie, à qui pourtant ils ne confient rien des horreurs vécues comme si elles n'étaient pas capables de les comprendre. Pourtant, toutes le sont, et le vivent de manière différente, la nuance entre les différentes peines est subtile et exprime finalement les cinq étapes du deuil : de la colère à la folie, pour en arriver à l'acceptation. Comme le dit si bien Anna Hope « Et pourtant elle n'est pas vide, elle est pleine d'un chagrin retentissant, le chagrin des vivants ».
Lien : https://littecritiques.wordp..
Commenter  J’apprécie          100
Tout est si juste dans ce roman ! L'émotion n'a pas besoin d'effets grandiloquents pour être prégnante. Mais rien de plus difficile certainement de parvenir à cette épure, où rien n'est trop appyé, laissant dans le suggestif ! Nous sommes ramenés un siècle en arrière dans une rue de Londres, couleur kaki. Cela pourrait être Paris, ou Berlin, à la même date, ou encore à Kiev à l'heure présente. Car en Ukraine, l'horreur des tranchées a reparu cent ans après. Cent ans après que tous les gens unanimes aient crié : « Plus jamais ça ! »
L'action de ce livre, peuplé de fantômes, et de gens voulant malgré tout vivre éperdument leur reste de vie est intemporel.

L'action se passe dans le Londres sinistré de l'après première guerre mondiale. Plusieurs personnages s'entrecroisent sur cette réalité douloureuse. Même si elles n'ont pas participé activement au conflit, elles sont elles aussi souvent atteintes de dépression larvée, en rapport à des proches disparus ou rentrés blessés des combats.
Les gueules cassées sont présentes au croisement de chaque rue, réduits à faire l'aumône, tant leur pension est misérable. Evelyn, travaille précisément au bureau des pensions de l'armée, et voie défiler toute une cohorte de mutilés, en proie à des psychoses post traumatismes récurrentes.
Le récit fait parfois des retours en arrière, comme ces pages bouleversantes sur la dernière permission du fiancé d'Evelyn, avant qu'il ne reparte au front. Elle repense à leur excursion ratée à la campagne, où elle sentait déjà l'ombre de la mort prochaine planer sur lui, tant il est peu prolixe et en état de choc.

Anna Hope parvient à distiller avec une grande économie de moyens, la présence de ces hommes disparus, hantant les mémoires. Elle s'attache aussi aux familles, aux femmes qui sont restées dans l'ombre, mais ont été indispensables à l'économie de guerre, en travaillant dans les usines d'armement.
L'arrivée prochaine à Londres, au mois de Novembre 1920 du cercueil du soldat inconnu va t'il faire office de catharsis ?
Cet événement considérable est salué par tout un peuple comme le serait maintenant la descente d'une équipe de football victorieuse, sur la plus grande avenue d'une capitale.
Il faut laver le corps de tout un peuple, faire les gestes sacrés, pour qu'il puisse retourner à la lumière. Qu'on sent croyant ou non n'a pas d'importance. Nous sommes tous faits de chair et d'âme, et nous avons besoin des autres, et du sentiment collectif d'appartenance. Ce beau livre est une prière, qui nous dit qu'il faut faire attention à la vie, à l'autre. En jouant des contrastes, Anna Hope célèbre le bonheur de vivre en temps de paix.
L'auteure s'attache à montrer en même temps cette fragilité de l'humain. Ada, en proie parfois à des hallucinations, se lance parfois à la poursuite de son fils, disparu dans la Somme. Un jeune homme, presque un enfant, dont pas même le corps n'a été retrouvé, et qu'aucune tombe ne permet de l'aider dans son travail de deuil. Ce pauvre guerrier, disparu à pas vingt ans d'âge, n'a laissé à sa mère qu'un pauvre doudou, enfermé entre les pages d'une bible, comme une relique sainte.

Jean Giono, ancien poilu, avait dans « le grand troupeau » dressé avec énormément d'empathie le sort de ses anciens compagnons. " le grand troupeau" est un de ces roman pacifiste, écrit par un homme profondément choqué par l'horreur et l'absurdité de cette guerre. Il nous parlait de cette masse indistincte de ceux qu'on pousse vers le ravin, au son de la musique militaire. Mais aussi de l'horreur qu'auront à affronter non seulement les veuves, les orphelins, mais celles qui durent s'occuper pendant toute leur vie, de la moitié d'un homme, atteint de séquelles effroyables.
A la même époque à Berlin, Otto Dix, peintre et ancien soldat, exorcisait ses démons en peignant des scènes macabres du front, où toute esthétisation de l'horreur était proscrite. Il s'attachait à représenter lui aussi le retour à la vie civile des gueules cassées, invalides, culs de jattes, dans leur caisse à savon, leur sébile posée à terre, et qui deviendront ostracisés par les nazis, comme figures de la défaite.

La meilleure dénonciation de la guerre, c'est celle qui s'attache aux conséquences dans le temps long. La littérature s'élève forcément quand elle nous parle à la fois de l'histoire et de notre humanité, et qu'elle nous met si finement en garde, sans nous faire la leçon de façon directe, mais en nous présentant des scènes de vie.
La lecture de "la chambre des officiers" ce beau roman de Marc Dugain, m'avait lui aussi ramené des années en arrière, à l'époque où notre pays, dans les années 60 était encore plein de ces gueules cassées de 14, qui montraient à la fois même aux gosses le vrai visage de la violence, le prix de la lutte, et tout autant la capacité de résilience de certains.
 C'était l'époque où mon père achetait des tickets de la loterie nationale « Tranche des gueules cassées »….Il n'a jamais gagné.
Bien peu parlaient de ce qu'ils avaient vécu. Je me souviens que nous allions les accompagner au monument aux morts, par classes entières, immobiles dans le froid mordant de Novembre, écoutant la sonnerie aux morts.

J'avais un copain, dont le grand-père était assis depuis des lustres dans un fauteuil au dessus duquel était attaché un cadre contenant toutes ces médailles, comme le prix payé au fait qu'il n'avait plus de mâchoire et de nez. On a oublié tout ces ombres qui entouraient les 30 glorieuses, et nous réunissait encore à la guerre. Aux deux guerres en fait, très présentes alors par le poids des témoins directs, des combattants, et même encore des ruines.
Il ne faut pas masquer toutes les cicatrices, les lieux de mémoire. Ils nous parlent de l'indicible. Mais ils ne doivent pas occuper évidemment toute la scène. On peut faire confiance à la jeunesse de toute façon pour danser dessus.

L'appétit de vivre des générations d'après guerre vient de la nécessité. Hettie et Doreen, jeunes filles coiffées à la garçonne, et se trémoussant au son du jazz, ne recherchent qu'à se remettre dans le rythme pulsionnel de la vie, dans les boites de nuits balbutiantes du west end de Londres. Elles sont en accord avec les rêves d'une époque à venir qui donnera le Charleston, et les récits enfiévrés de John Fitzgerald. Leur hardiesse, et leur maladresse touchante sont surmontées par la force vive de la jeunesse, qui s'affranchit des conventions de garde à vous, et les fait danser de façon endiablée. Même si une part de leur innocence a été volé par le malheur de leurs proches.
Les traumas ne sont pas tous apparents, et les décompensations immédiates. J'ai le souvenir des ces soldats survivants de guerres perdues, que j'ai vu en psychiatrie, en tant qu'infirmier, et qui décompensaient des dizaines d'années après le combat. Soldats perdus d'Algérie, décompensant parfois trente ans après les faits, casques bleus de Yougoslavie, ayant fait face à l'horreur, sans avoir pu arrêter les exactions sur les civils.

La guerre de 14 a fait progresser énormément la chirurgie, et bien sûr avant tout de reconstruction. La prise en charge des chocs post traumatiques au début du conflit n'existait pas. Les catatoniques, ou ceux qui se lançaient dans la danse de Saint Guy étaient vus à l'époque comme des simulateurs, qu'on se faisait fort de faire repartir au combat. On les avait considéré au début du combat, comme faisant "du cinéma" allant parfois jusqu'à fusiller pour désertion ceux qui restaient tétanisés et étaient incapables de combattre…
Voilà le portrait vrai de la guerre, loin des images Hollywoodiennes de super héros. Les guerres contemporaines ont ramené les mêmes symptomatologies. Au moins quelques films s'élèvent au dessus des autres. Tel « Un long Dimanche de fiançailles », issu du roman de Japrisot, et mis en scène par Jean Pierre Jeunet.
Mon grand père a survécu à Verdun, mais a sombré lui, dans la dépression et la solitude, provoquant l'abandon de son fils, confié à des cousins de Bretagne, à cette âge tendre, où tout se joue. Les diagnostics post traumatique à l'époque n'étaient pas faits, mais plus le temps passe et je passe par les âges qu'ils ont eu, et je pense à ce qu'ils ont vécu.

Je suis épaté par le fait que « le chagrin des vivants » soit le premier roman de cette auteure, tant il est maîtrisé, de bout en bout. Anna Hope est assurément une belle personne. C'est peu dire que j'avais apprécié «  la salle de bal », lu il y a un mois. J'avais hâte de me replonger dans les textes de cette autrice, qui parvient à extraire la lumière de sujets à priori difficiles, avec un talent peu commun. Je n'ai pas été déçu. Ce roman est assurément une grande réussite. Sa voix singulière me semble faire écho à d'autres auteures, en particulier Italiennes, qui m'ont ébloui, par la justesse de leur regard, et se faisant observatrice des bouleversements de la grande histoire, sur les gens du commun. Telle Francesca Melandri que je recommande, dans un livre tel que « Plus haut que la mer », ou « Tous sauf moi » et qui agissent eux aussi comme un soin aux personnes.
A l'heure où de nouveaux événements effroyables se passent dans le monde, ce roman est d'une grande utilité, en nous ramenant à l'essentiel, que semble vouloir oublier les puissants. Notre sort dépend du regard que l'on a sur l'autre, et du respect qu'on doit à chacun, du « care », des lois morales qui doivent nous empêcher de retourner au néant.
Commenter  J’apprécie          90
Londres, 1920. Nous suivons l'histoire de trois femmes durant cinq jours – le temps nécessaire au soldat inconnu d'être rapatrié des champs de bataille en vue d'une commémoration au sein de la capitale.
Trois femmes donc : Hettie, Evelyn et Ada. Elles ne se connaissent pas. Chacune ont vécu la guerre à leur façon. D'âge et de milieu social différents, chacune s'accommode du quotidien malgré les souffrances et les épreuves des dernières années. Il n'y a pas que les hommes qui portent des cicatrices. Et malgré tout la vie continue. Les deuils doivent se faire, il faut trouver sa place dans une société où les femmes ont pris de l'importance et se laisser guider par la résilience et l'amour.
Premier roman de l'auteur, ce récit puissant et pudique à la fois, est magnifique. Les personnages sont décrits avec brio. Un fil conducteur lie leurs destins et nous pousse à tourner les pages… Une très belle réussite !
Commenter  J’apprécie          90
Elle n'en finit pas de creuser ses tranchées, jusque dans les mémoires et sous la peau de ceux qui ne finiront jamais tout à fait d'en revenir, la Grande Guerre, la der des Der, la cruelle et meurtrière épreuve qui pèse encore du poids de toutes ses peurs, de tous ses morts, dans les rues de Londres comme d'ailleurs en ce mois de novembre 1920. Ceux qui n'ont pas l'âme trop lourde où le corps trop estropié peuvent tenter d'y danser, ceux dont les nuits et les jours ne sont pas peuplés de trop de fantômes peuvent essayer de s'y relever, ceux dont la conscience est restée sans tâche peuvent espérer oublier, mais sont-ils si nombreux ?
Sous la plume déjà si belle et si sensible d'Anna Hope en ce premier roman, ils s'avancent, en une lente procession venue rendre hommage à cet homme symbolique, ce soldat inconnu tombé pour une terre étrangère, ce christ d'un genre nouveau offert au chagrin des vivants pour transcender la douleur dont chacun porte sa part. Et comme ils nous touchent, tous, comme elle sait les rendre attachants ces hommes et ces femmes aux blessures apparentes ou cachées, cette auteure qui, déjà, sait si bien raconter leur histoire , trouver les mots pour nous les peindre, le rythme pour construire son récit, le ton pour les rendre inoubliables et vivants, si vivants malgré leur chagrin.
Commenter  J’apprécie          90




Lecteurs (2008) Voir plus



Quiz Voir plus

Londres et la littérature

Dans quelle rue de Londres vit Sherlock Holmes, le célèbre détective ?

Oxford Street
Baker Street
Margaret Street
Glasshouse Street

10 questions
1052 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature anglaise , londresCréer un quiz sur ce livre

{* *}