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EAN : 978B00BGGT2K6
Fasquelle, Paris (30/11/-1)
3.87/5   31 notes
Résumé :
Préface de Éléonore REVERZY

« C'est un peu lâche de style, trop barbouillé de couleurs, et sans faits extraordinaires ni poignants. La sauce ravigote pour faire avaler ce poisson est fournie par le cynisme ».
(Huysmans à Zola)

Les Sœurs Vatard est-il un roman naturaliste ? Autant que Marthe, cette Histoire d'une fille parue en 1876, plus qu'En Ménage et À Vau-l'eau, Les Sœurs Vatard affiche d'emblée son appartenance à cette « li... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je viens de passer un agréable moment avec ce roman aux allures très populaires du XIXe S, d'autant plus que l'auteur nous fait découvrir le monde ouvrier avec des femmes brodeuses. Elles sont vulgaires et vives. Leur avenir pour elles, c'est l'instant qu'elles vivent, et elles s'y donnent à cœur joie. Seul le mot vivre compte pour elle, quant à se demander comment, peu importe, pourvu qu'on vive. Mais il y en a aussi des filles qui veulent changer les choses, retourner les situations. C'est ce que se dira l'une des sœurs Vatard, Désirée. Elle est atypique, dévouée dans ses principes, observatrice, elle est tout autant attachante, naïve, et perspicace, elle laisse des sentiments l'envahir, grandir en elle, la posséder et enfin elle laissera sa raison prendre le dessus...
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Céline et Désirée Vatard sont brocheuses. Quand elles quittent l'atelier, elles ont des occupations bien différentes. Elles rentrent ensemble chez leurs parents, mais alors que Désirée prend soin de leur mère malade et de leur père, Céline s'apprête pour ressortir rencontrer des hommes. « Un homme, ça ne tire pas à conséquence pour lui s'il s'amuse, une fille, ça l'empêche de se marier avec un garçon qui serait honnête. » (p. 59) le père Vatard est cependant satisfait de cette situation : elle aime sa petite Céline et sait qu'il ne peut pas la retenir et il est bien heureux que sa sage Désirée reste au foyer. Aussi, quand Désirée rencontre Auguste et souhaite l'épouser, le père Vatard s'oppose farouchement à cette union, causant bien des tourments aux jeunes amoureux. Pendant ce temps, Céline abandonne Anatole, canaille peu fréquentable, pour Cyprien, un peintre aux moeurs peu recommandables, mais au bras duquel elle est fière de s'afficher. Ses amours débridées ne sont pas pour la rendre heureuse et la calme harmonie de la maison Vatard est bien secouée. « J'ai deux filles, il y en a une qui ne veut épouser légitimement personne et elle encore plus insupportable que l'autre qui voudrait se marier et qui ne le peut pas. » (p. 136)

La dédicace liminaire à Émile Zola ne manque pas de piquant quand on sait le violent reniement du naturalisme ensuite opéré par Huysmans. À l'époque de l'écriture des Soeurs Vatard, Huysmans est encore un disciple ébloui par le maître et il dépeint avec force détails l'atelier, les attitudes des ouvriers et les chiffons des demoiselles. On sent cependant déjà poindre un certain goût pour la luxure qui annonce le décadentisme de ses futures oeuvres. Impossible de ne pas penser à un autre de ses textes, Marthe, histoire d'une fille, qui relatait le pauvre destin d'une ouvrière devenue prostituée. Les soeurs Vatard n'est certainement pas mon texte préféré de Joris-Karl Huysmans, mais c'est un texte qui prend toute sa place dans l'oeuvre de cet auteur.
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Le roman commence par une dédicace à Zola, et on comprend pourquoi. C'est un hommage, voire un pastiche, non dans le sens de parodie, mais dans celui d'exercice de style d'imitation. L'intrigue en elle-même est inspirée de Zola : deux soeurs presque adultes observées dans leur milieu social et géographique, les ouvriers de l'Ouest parisien. Il semble que l'auteur a tout fait pour reprendre plusieurs milieux décrits et présentés par Zola : les classes ouvrières dans ses ateliers, les prostituées et actrices de boulevard, les peintres bohèmes, la gare et ses fumées.. On retrouve des scènes habituelles chez Zola, comme le repas en famille décrit avec tous ses plats, les bagarres et insultes entre femmes, la réflexion sur la puberté et la naissance du désir chez les jeunes filles, les effets de l'alcoolisme...
L'originalité tient au contexte, à l'époque du récit : ce n'est plus le Second Empire comme chez Zola, mais la III ème République. Les jeunes hommes deviennent soldats de façon obligatoire, les chants patriotiques républicains sont connus de tous, les rues sont éclairées au gaz, Paris a été transformé par Haussman et ce sont maintenant les banlieues qui s'urbanisent...
Je ne vais pas multiplier les points communs et les différences. L'intrigue elle-même oppose ces deux soeurs, celle qui cède à ses désirs, celle qui résiste par ambition - une ambition limitée, à sa mesure : un mari qui ne boit pas, qui ne frappe pas sa femme, et qui rapporte suffisamment pour que le couple ait un petit logement bien propre avec quelques meubles et un cadre au mur. Ses rêves sont simples mais accessibles, on peut s'identifier à elle qui est moins un archétype que sa soeur, la coureuse - néanmoins, Céline est une ouvrière appliquée, une fille dévouée, une confidente et une amie pour Désirée... Ce n'est pas Nana.
Cependant, le roman se termine assez mal : on comprend que Céline s'enferme dans une nouvelle relation malsaine où elle sera encore battue et méprisée, et que Désirée ne sera pas forcément très heureuse.
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«- J'ai deux filles; il y en a une qui ne veut épouser légitimement personne, et elle est encore plus insupportable que l'autre qui voudrait se marier et qui ne le peut pas. C'est vraiment décourageant, je ne sais pas quoi faire! »
Au-delà de l'intrigue plutôt simple qu'implique, pour le père Vatard, le fait d'avoir deux filles à caser, l'aînée Céline qui enchaîne les amants et la cadette, Désirée, amourachée d'Auguste, un ouvrier oeuvrant comme elles à l'atelier Débonnaire, c'est à une étude de moeurs parisiennes que nous convie Joris-Karl Huysmans en cette fin du XIXe siècle.
Rien n'échappe à l'oeil avisé de l'auteur qui décrit sans concession l'univers du prolétariat : les guinguettes qu'il fréquente, les femmes qu'il séduit, la nourriture et les boissons qu'il ingurgite et les ragots et dialogues pimentés d'un vocabulaire depuis longtemps disparu (je dis merci à l'éditeur qui a judicieusement inséré un lexique en fin de volume).
Je me suis encore régalée et n'en ai pas encore terminé avec Huysmans, m'apprêtant à lire la biographie qu'a écrite sur lui Patrice Locmant. Et il y a encore quelques-uns de ses romans qui m'attendent…

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Paradigme presque systématique du Naturalisme, Les Soeurs Vatard est couronné de succès en 1879 mais les temps ont changé.

Huysmans nous raconte les déboires amoureux de deux grisettes, Céline et Désirée, employées dans un atelier de brochure. Autant la première, ainée de la fratrie, est dévergondée, autant sa puînée veille à rester sage jusqu'à son mariage. Céline multiplie les liaisons, avec une préférence pour les mâles experts en bricole et torgnoles, cependant que la prude Désirée flirte gentiment avec le fade Auguste (à qui on conseille de ne pas "rester dans la salle d'attente puisque les guichets doivent rester fermés").

L'intrigue est bien plate que le style de l'écrivain tente de transcender, en vain. Huysmans a beau inoculer une copieuse dose de vérisme dans son historiette, il se fourvoie : rien ne fonctionne véritablement. Trop de digressions (brillantes, évidemment), un populisme bavard qui abuse de l'argot du pavé parisien et une syntaxe fracturée (mélange de vulgarités assumées et de maniérismes qui, contrairement à ce qui nous a fait adorer Marthe, sonnent creux)...

Bien entendu, on se réjouira de la constante méchanceté de l'auteur et on ne rechignera pas devant les nombreuses fusées de génie qui parsèment l'ouvrage mais elles ne suffisent pas à le rendre aimable. le récit se traîne en longueur et les morceaux de bravoure sentent par trop son bateleur. Ainsi quand les deux frangines forcées à la chambre par un mauvais rhume observent par désoeuvrement le chemin de fer voisin. Leur attention se fixe alors "sur une machine en panne" et elles regardent "le monstrueux outillage de ses roues, le remuement d'abord silencieux et doux des pistons entrant dans les cylindres, puis leurs efforts multipliés, leurs va-et-vient rapides, toute l'effroyable mêlée de ces bielles et de ces tiges ; (...) les éclairs de la boîte à feu, les dégorgements des robinets de vidange et de purge", elles écoutent "le hoquet de la locomotive qui se met en marche, le sifflement saccadé de ses jets, ses cris stridulés, ses ahans rauques." le procédé grossier ("elles ne pensent qu'à ça...") surprend chez le raffiné Huysmans.

En glissant des copeaux de truffes sous la peau d'une vieille géline qui a fait son temps, on n'obtient pas une succulente poularde demi-deuil !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Deux heures du matin sonnèrent.
Céline fit à sa sœur cette inepte plaisanterie qui consiste à placer son doigt près du nez d’une personne endormie et à la réveiller brusquement. Désirée frappa sa narine gauche contre l’index de Céline.
– Que c’est bête! cria-t-elle.
Les femmes se tordirent.
– Allons, mesdames, un peu de silence, hasarda la contremaître.
L’on entendit comme un long bourdonnement que traversa soudain la flûte d’un rire, puis deux voix claironnèrent, soutenues par le ronronnement des presses, une chanson patriotique. Les gosiers des hommes, des gosiers saccagés par le trois-six, tonnèrent également, trouant de leur toux rauque les cris grêles des filles :

« Il est mort, soldat stoïque,
Il est mort pour la républi-ique! »

– Allons, mesdames, un peu de silence, hasarda la contremaître.
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Tous se détestaient et tous, hommes et femmes, s’entendaient comme larrons en foire pour dauber les contre-maîtres, mais, une fois échappés de l’atelier, ils ne s’entendaient guère plus qu’en échangeant force coups d’ongles et revers de mains. Il y avait, le matin, dès l’arrivée, des cris de liesse, des bondissements furieux, des joies folles, à la vue d’une femme qui entrait, tiraillant péniblement sa croupe, ou clignant des paupières charbonnées d’indigo et d’encre, et cela n’empêchait point que si le patron, exaspéré de voir un grand diable, soûl comme une Pologne, rebondir d’une pile à l’autre, lui réglait son compte et le congédiait, la femme qu’il honorait de ses caresses et de ses coups, se levait et partait, entraînant avec elle toute la coterie qui la soutenait. Il y avait alors des huées des autres ouvrières, puis des larmoiements de femmes mûres criant : Est-elle bête de suivre un homme qui la bat ! c’est moi qui le ficherais en plan ! et elles-mêmes arrivaient, le lendemain, avec un pochon ou des ravines sur le visage et défendaient énergiquement leur maître alors que les autres le traitaient de brigand et de lâche ! — et les histoires et les cancans pleuvaient. — Une telle courait comme une chienne après un homme qui se moquait bien d’elle, pleurnichait pendant toute la journée, sur son ouvrage, et finissait par se crêper la tignasse avec une camarade assez malhonnête pour lui avoir pris son amant et assez taquine pour la braver. — Avec toutes ces parlottes envenimées par la bêtise, avec toutes ces haines qui prenaient feu au frottement des hommes, c’était miracle qu’il restât, au bout de quelques jours, dix ou douze des mêmes ouvrières. — La passoire Débonnaire ne se bouchait pas et, comme un ruisseau d’eau sale, tout son personnel de femelles et de mâles clapotait et fuyait par le trou des portes.
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Tendre comme un moineau et soûlard comme une grive, c'était un compère dont les instincts d'ordure s'étaient accrus avec l'âge, c'était une terrine pleine de vices qui se renversait, de temps à autre, sur les robes jeunes et les éclaboussait des cordons aux pans. Criblé de dettes, poursuivi jusqu'à l'outrance par ses créanciers, ce sourdaud, terreur des mastroquets qui s'écroulent sous le crédit, papillonnait avec ses lunettes en fil d'archal, roucoulait, se pavanait, mamourait, tout godichon, et en dépit de ses cheveux qui prenaient la fuite, trouvait encore des jeunesses qui s'essayaient à rallumer au feu rose de leurs lèvres les tisons brûlés de la sienne.
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Des traînes de mousseline noire se déchiraient là-haut, avec de longs craquements; le ciel s'étendait comme un surplis immense, couleur de scabieuse, dont les pans retroussés seraient tenus, çà et là, par des clous de feu.
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Le Temps des Cerises, composé par Jean-Baptiste Clément sur une musique de Renard en 1866, fut beaucoup chanté pendant la Commune : les cerises désignent en effet les Rouges et le temps espéré de leur gouvernement. Ce sens a été oublié, mais la chanson est demeurée. (Note de bas de page)
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