Dans ce roman moderne de le CLézio, nous découvrons Chancelade alors qu'il a 4 ans. Nous allons suivre ce personnage durant quatre étapes de sa vie. C'est un roman sur le temps qui passe avec ses fulgurances et sa violence. le propos est de nous dire que la vie est courte. Chancelade tente d'en profiter et vie chaque instant intensément. Les mots parfois perdent le contact avec la réalité mais cette dernière n'est jamais loin. Il ne reste au final que ce titre qui pourrait être le nom d'une déesse primordiale comme la terre mère...
Ce n'est pas mon roman préféré de le Clézio mais la langue reste très belle
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" Vingt-deux ans... Quarante- deux ans, soixante deux ans, quatre-vingt- deux ans, quelle différence? C'est la même chose, la même chose. Hier, j'avais vingt- deux an. J´étais assis là , sur ce banc, et j'attendais l'autobus. Pour aller au cinéma, ou pour acheter du papier à lettres dans les grands magasins. Etje ne pensais pas que ce serait comme ça, si vite. On appelle - On appelle ça une vie. Une vie! Ça n'a même pas duré une heure! Juste le temps d'attendre entre deux autobus... C'est vraiment-"
" Mais vous avez quand même-"
" Non, non, je n'ai rien fait! Tout ça est passé si vite. J'étais là, je suis ici...Il y avait- Il y avait tant de choses à faire encore... J'aurais pu- Je ne sais pas, aller à Vladivostok, par exemple, ou bien, j'aurais pu connaître des femmes, travailler, apprendre des tas de choses .Le sanskrit. La biologie, la cosmographie, la botanique, l'archéologie. J'aurais pu aller dans l'espace, ou lire les livres de philosophie . J'aurais pu avoir des centaines d'enfants, faire de la politique, vivres aux Indes, ou au Pérou. Je n'ai rien fait.Je n'ai pas eu le temps. Tout ça est passé si vite, cette vie, c'est difficile à croire...C'est comme si j'avais dormi, ou rêvé. Je suis né hier..."
Le petit garçon Chancelade vit que la jeune femme le regardait avec ses yeux brillants. Il essaya de sourire, mais à cause de sa bouche édentée, il n'arriva à produire qu'une vilaine grimace.
" Écoutez-moi", dit-il, et sa voix se mit à chevroter,"écoutez -moi- Je vais vous dire, pendant qu'il en est encore temps... Vivez chaque seconde, ne perdez rien de tout ça. Jamais vous n'aurez rien d'autre , jamais vous-" Il hésita un peu:" Jamais vous ne recommencerez ça... Faites tout ... Ne perdez pas une minute, pas une seconde, dépêchez-vous, réveillez-vous... Demain- Demain, c'est vous qui serez là, assise sur ce banc...C'est terrible, je- vous ..."
Comment faire pour dire qu'on était heureux, à ce moment-là, sur cette partie de la terre, avec cette femme, avec soi-même, et avec tout le reste ? Ce n'était pas facile à dire, et pourtant il fallait le dire. (...)
Tout cela était là, présent, palpable. Cela méritait plus que des mots, cela méritait des cris vraiment, des hurlements à pleine gorge, debout sur le trottoir, face aux autres hommes. (...)
HAAAAAAAAAARRRRRRH ! (...)
Il y a toutes les choses qu'on ne peut pas dire avec les mots, parce qu'elles sont trop belles et trop claires, parce qu'elles sont évidentes, et qu'il semble qu'elles ont toujours été.
On regarde tout cela muettement, sans être heureux, alors qu'il faudrait à chaque seconde, descendre dans la rue et graver au couteau sur tous les troncs des platanes et barbouiller à la craie sur tous les murs, sur tous les trottoirs : LE 11 JUIN 1966 JE VIS
C'était étrange, toutes ces questions qui montaient de la réalité; tous ces mensonges, toutes ces légendes qui rôdaient comme une brume légère, et qui cachaient la vraie face des choses. Au bout de chaque phrase,il y avait un drôle de signe recourbé, terminé par un point , et qui voulait dire qu'il n'y avait vraiment rien de sûr:
La terre est ronde?
Les arbres ne pensent pas?
Il faut manger?
Le ciel est bleu?
Dieu est bon?
La matière existe?
E=mc2?
2+2=4?
Mina m'aime?
Je dois mourir?
Tout à fait au zénith, le soleil brûlait, pareil à une ampoule électrique vissée avec démence dans la coupole du ciel.
Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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