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4,09

sur 801 notes
J'ai été très touchée par le soin et l'énergie apportés par Jaenada à laver le nom de Pauline.

Touchée aussi par son féminisme, peut-être anachronique pour l'époque où se sont déroulés les faits mais qui montre à quel point les préjugés sexistes ont joué dans le jugement rendu (et à quel point ils sont toujours présents aujourd'hui).

Le texte est vif, l'enquête bien menée, on s'enrage souvent quand il confronte les déclarations de l'époque et les faits qu'il reconstitue.

Le style plein de digressions et de parenthèses m'a beaucoup plu, c'est un livre vraiment prenant!
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Le petite femelle (2015) est un récit de Philippe Jaenada. Il s'agit d'une biographie de Pauline Dubuisson (1927-1963) à travers le prisme de l'assassinat Félix Bailly et de son retentissant procès. A l'aide de recherches archivistiques conséquentes, il met à mal les conclusions de la justice. Un livre intéressant et prenant malgré de nombreuses digressions inutiles.
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J'ai tenu 193 pages, un record. pas de plaisir à lire cet ouvrage très distant du personnage de Pauline, j'ai l'impression d'assister à un cours d'histoire ou de géopolitique. Pas une belle plume au niveau du texte, on ne s'attache pas à Pauline du tout par cet ouvrage, on perd le fil. Désolée de ne pas penser comme la majorité mais j'ai préféré "je vous écris dans le noir" et de plus il y a tellement d'ouvrages dans ma PAL que je l'avoue... j'abandonne;
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Un rendu intelligemment mené d'une époque pas si éloignée, qui ne m'a pas laissée indifférente. J'ai ressenti une immense compassion pour une personne qui ne m'aurait sans doute inspiré que de l'indifférence dans la vraie vie. C'est par ce genre de bousculade que la littérature nous grandit humainement, je pense. Je dois avouer que je me serais allègrement passée d'un bon nombre de digressions sur la vie personnelle de l'auteur dont certaines ont un lien vraiment plus que tiré par les cheveux avec le reste (parfois même vraiment aucun). Cependant, sa déférence envers Pauline me pousse à faire de même et à ne pas lui en tenir rigueur, d'autant plus que cela doit probablement être apprécié d'autres lecteurs et qu'il n'y a pas de goût universel en la matière.
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Philippe JaenadaLa petite femelle Julliard ( 714 pages - 22 €)

Après Sulak,biographie romancée d'un braqueur plein de panache, Philippe Jaenada affiche une fascination pour les faits divers et ces êtres qui ont défrayé la presse,les médias, au point d'en faire à nouveau son personnage central.
Un titre qui impose un éclairage. Qui est Pauline Dubuisson ( 11/10/27 -22/09/1963), figure marquante qui a inspiré d 'autres écrivains précédemment ?
N'a-t-elle pas aussi impressionné l'adolescent Patrick Modiano quand il la croisa ?
Dans le prologue, l'auteur justifie sa gigantesque entreprise : rétablir la vérité, puisque ce qu'il a lu, entendu est « plus faux que faux », a été déformé.
Coup double,en réhabilitant quelque peu sa figure centrale, intelligente, cultivée, et belle, qualifiée par Alphonse Boudard de «  surdouée sauvage ».

L'auteur retrace l'enfance de Pauline, son éducation aux côtés de son pygmalion de père. Vient sa métamorphose en une bombe « sexuelle ». La traversée de la guerre a engendré sa vocation de soigner, puis de devenir médecin. Étude reprise en 1941,bac en poche, dans un contexte peu favorable ( les bombardements anglais s'intensifient, victime de la rumeur d'avoir couché avec les boches, d'un viol collectif), sans compter les déménagements successifs. Les innombrables adjectifs attribués à Pauline, titres de chapitres, sont édifiants, résumant les facettes sous lesquelles elle est perçue: de « légère, perverse, souillée, hystérique, tondue... » à « cérébrale, comédienne, simulatrice, traquée... » et même «  sans coeur et méchante », tant sa vie a été chaotique. le portrait de Pauline,« la pin up de la fac », se complexifie de façon chorale. Sa logeuse, Eva Gérard, relate, en la trahissant, ses relations amoureuses dont celle avec le plus beau parti de la fac : «  Félix Bailly ». L'auteur autopsie cette idylle et nous laisse deviner une tension croissante entre Paulette ( comme elle se fait appeler) et Félix. Dévergondée, « la petite femelle » ou « plus cérébrale que sensuelle » ? Imprévisible, surtout et difficile à cerner.
Le récit se focalise sur cette liaison tumultueuse et son délitement. Félix, qui avait occulté les mises en garde de ses parents et amis va commencer à ouvrir les yeux et voir en Paulette «  une demi-folle », « un démon », «  une ravageuse » et même « une cinglée ». En résumé, une femme qui ne peut lui convenir «  comme un couvercle à un pot ».
La tension atteint son paroxysme après la lettre de rupture envoyée par Félix et la révélation de l'existence de Monique, cachée au début. Les réactions de Pauline, son achat d'un pistolet, le flacon de cyanure, laissent préfigurer le pire. Suspense encore étant donné sa traque de Félix et les menaces proférées à son encontre.
Devenue « une épave », va-t-elle se suicider ? Est-elle capable d'éliminer son ex-amant? Ou au contraire rebondir en s'investissant plus dans son travail ? Peut-elle éradiquer son passé sulfureux avec des Allemands, son humiliation d'avoir été tondue, cause de son maelstrom intérieur, de ses non-dits ? Sa rencontre avec Bernard Legens marque un tournant dans sa vie amoureuse. Beaucoup de lettres exaltées échangées, avant de réaliser qu 'elle ne l'aime pas.
Le narrateur continue à nous maintenir dans la rétention d'information. Toutefois, les mots « crime, procès » retiennent l 'attention du lecteur et aiguisent sa curiosité. Puis sa logeuse, Eva Gérard fait allusion au « drame ».
Au chapitre 31, les coups de feu résonnent, Félix s'écroule. le destin de Pauline bascule et la propulse à la case prison. Si le procès retentissant, qui débute le 18 novembre 1953, a enflammé la France, il passionne aussi le lecteur. Elle aura sauvé sa tête, mais se voit « condamnée aux travaux forcés à perpétuité ». Durant son incarcération, Pauline montre un nouveau visage : « noblesse de sentiments ».
En s'exilant au Maroc, en changeant d'identité, réussira-t-elle sa renaissance ?
N'est-elle pas « attentionnée, douce » pour les patients ? Plus attachante ?


le récit se ramifie, Philippe Jaenada s'intéressant aux conséquences pour les parents de l'assassiné et de la meurtrière et également aux compagnes croisées en prison.
L'auteur brosse un tableau de la prison d' Haguenau où sévit « une discipline drastique ». Ce qui force l'admiration envers cette protagoniste, c'est son opiniâtreté à décrocher son diplôme de médecin, sa réussite à d'autres examens.

A travers son héroïne, l'auteur explore la passion destructrice, les intrigues de coeur, gangrenées par le mensonge, l'hypocrisie, et le statut de la femme libre qui ne veut pas être cantonnée à la cuisine. Les étudiants donnent des portraits d 'elle diamétralement opposés, tout comme les nombreux témoignages recueillis pour le procès. La voilà considérée comme « une hyène » , accusée d 'avoir commis « un carnage de bonheur ». Serait-elle incapable d'aimer et d'être aimée ?

Philippe Jaenada, «  tapir enragé » nous livre ses constatations, ses hypothèses, ses déductions, résume les points essentiels après avoir passé au crible la presse qui a divulgué le fait divers, parfois brodé autour pour doper les ventes. Il pointe également le manque d 'exactitude historique d' ouvrages antérieurs qui prétendent offrir « un récit fidèle ». Il commente le journal intime de Pauline. Les extraits des journaux d' un prêtre , d'un résistant témoignent de la violence, des exactions.
Il nous fait partager son « work in progress » , ses surprises grâce à internet, « un truc dingue » lui permettant de retrouver des traces des personnages cités dans les rapports, susceptibles d'avoir connu Pauline. Il recueille les témoignages de Lucette, sa « voisine du bistrot d'en bas » qui a vu des femmes subir la tonte.

Philippe Jaenada déroule en parallèle la vie de Pauline et le contexte historique : occupation allemande, le mur de l'Atlantique, les bombardements alliés.
C'est ainsi qu'il fait allusion au tragique destin de Charlotte Salomon, en octobre 43, peintre méconnue que David Foenkinos a sortie de l'oubli avec Charlotte.( 1)

Lire Philippe Jaenada, c'est s'accommoder de sa propension aux digressions, de ses anecdotes sur sa vie ( souvenirs de ses premiers émois amoureux, de son Prix de Flore, d'une réservation de table à NewYork), de ses parenthèses, distillant son point de vue ou se dévoilant : «  on n'est pas de bois ». Ainsi il fait un détour par Troyes, où fut créée « la culotte Petit Bateau ». Il décline la vision des femmes chez Nietzsche, auteur qui a laissé son empreinte chez Pauline. Il livre une réflexion sur le French kiss. Il veille à glisser une note d'humour dans ses apartés pour plus de légèreté.
En bonus, un brin d'exotisme, en évoquant Essaouira, où Andrée fait son internat et d'où Julien Blanc-Gras, écrivain voyageur (3) écrit à Philippe Jaenada que « le vent de l'Atlantique nettoie ton âme pour la peindre dans le bleu de l'océan ».

Les dates, qui ponctuent le récit, renvoient parfois l'auteur à ses propres souvenirs
ou à des événements du moment comme la naissance de Janis Joplin en 1943, 15 mars 1954, la publication de Bonjour tristesse, juillet 59 le décès de Billie Holiday.

Il apostrophe son lecteur tissant un rapport de complicité, sorte de « marché secret, à l'insu des personnages » pour Amos Oz. Il est inattendu de se voir proposer du coca ou une anisette, souhaiter bon appétit ou de croiser le frère de Laure Manaudou. Brigitte Bardot est mentionnée car elle a incarné une héroïne, qui emprunte des pans de la vie de Pauline, dans La vérité de Clouzot. On aurait envie de demander à l'auteur : A quand le « court traité de comparaison raisonnée entre les pâtes et l'amour » ? A quand « Le Manuel de sagesse et de tolérance de tonton Philippe » ?


Lire Philippe Jaenada, c'est découvrir un langage fleuri, des tournures inattendues : «  La malédiction se frottait les pattes », «  c'est une autre paire de bas », «  se brosser l'hermine ». Des comparaisons singulières : «  plus triste qu'un parpaing »,
« mobile comme une armoire à glace », « La malédiction se frottait les pattes ».

On ne pourra pas qualifier ce roman de «  flou (à la David Hamilton) », mais au contraire de foisonnant. La table des matières est une aide précieuse. D'une histoire « ordinaire » Philippe Jaenada en fait un récit extraordinairement réussi, précis, aussi captivant que Sulak, Prix d'une vie 2015 et Prix des Lycéennes de ELLE 2014.
Saluons le travail colossal, fouillé, effectué pour réunir toutes les informations contenues dans cet ouvrage de fort tonnage. La copieuse bibliographie en atteste. Quant à l'auteur, se ferait -il «  l'avocat de la diablesse », en plus de nous émouvoir ?
Ne dénonce-t-il pas la misogynie de l'époque ? Au lecteur d 'en juger.

Philippe Jaenada signe une excellente étude qui nous plonge, en quarante-six chapitres, au coeur de la vie de Pauline Dubuisson jusqu'à sa destinée pathétique, au Maroc, avec en toile de fond l'occupation allemande, puis la libération de Dunkerque.
Une enquête époustouflante à la hauteur de la vie cabossée de Pauline Dubuisson.

(1)de David Foenkinos : Charlotte avec des gouaches de Charlotte Salomon,
sorti en octobre 2015, collection Beaux livres , Gallimard. ( 296 pages – 29€)
et aussi le roman de David Foenkinos Charlotte , Gallimard ( 221 pages – 18,50€)

(2)Vie ou théâtre ? de Charlotte Salomon, le Tripode-( 840 pages – 95€)
(3)Julien Blanc-Gras, auteur de Touriste, In utero, Au diable Vauvert( 192 p – 15€)
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A mi-chemin, j'abandonne. Les vagabondages de la plume de Jaenada -- pittoresques, drôles, enlevés -- ont finalement émoussé ma curiosité. L'auteur n'a-t-il pas grillé dès le départ toutes ses cartouches, en livrant dès les premières pages ses parti-pris, ses indignations, les clés de son travail ? Après 300 pages, il peine à laisser espérer de vrais rebondissements... et le récit s'étire...
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Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=xtrVexgt_ZY

De quoi ça parle ? Dedans, Philippe Jaenada va enquêter sur le meurtre qu'a commis Pauline Dubuisson dans les années 50, en retraçant tout son parcours, et même sa généalogie. C'est une jeune étudiante en médecine qui va tuer son ex-petit ami après une dispute — on ne sait si c'est un accident, le coup part alors qu'elle le menace de se suicider et qu'il saute sur elle pour l'en empêcher.

Ce que j'en ai pensé : J'ai adoré, comme toujours avec Jaenada. Je l'avais découvert il y a deux ans avec Au printemps des monstres, j'ai lu cette année La serpe, dont j'avais pas pu faire de chronique parce que j'étais en pleine rédaction de mon roman. En fait ce que j'aime par-dessus tout avec Jaenada, c'est qu'il prend le temps. Il installe le cadre, on sent qu'il y a de la méticulosité comme un travail de chercheur, (d'ailleurs ça y ressemble, puisqu'on voit la bibliographie à la fin, qu'il va beaucoup dans les archives, qu'il épluche les sources, les comptes-rendus de l'époque). Et pourtant, je ne qualifierais pas son texte d'enquête ou de non-fiction, c'est du pur roman, parce qu'il parvient à tout relier, à tout tricoter ensemble, à narrer la vie de Pauline Dubuisson, tout en ayant du recul sur sa narration, sur les biais que l'auteur est obligé d'avoir, la déformation professionnelle de vouloir tout rendre romanesque. Il est extrêmement prudent avec ça, quand il ne sait pas, il le dit, quand il se laisse emporter par son imagination, il le dit. Pourtant, il y arrive, quand je le lis, j'ai l'impression d'être devant ces images recolorisées — que les pigments sont tellement bien réimplantés dans l'image qu'on a la sensation d'y être, que c'est très moderne, que ce ne sont pas que des gens en costumes trois-pièces, tailleur gris et bibis, mais des êtres avec les mêmes angoisses existentielles que nous, avec les mêmes pulsions, les mêmes tensions. Qu'en fait, on est encore d'une certaine manière dans les années 50, qu'il n'y a pas eu une cassure nette comme les livres d'histoire donnent le sentiment, que les gens vivaient en noir et blanc — c'est vivant, Pauline Dubuisson, je sais que c'est cliché de dire ça, mais elle revit à travers le texte. Je trouve que la fascination qu'il éprouve pour elle est très touchante, c'est le motif du poète et de la muse, on peut dire.
Un texte féministe
Y a quelque chose de paternel sans être paternaliste, une affection sincère — un miroir peut-être qu'il a vu en elle, ce qui fait qu'il cherche à expliquer les engrenages de l'éducation, de la société qui l'ont amenée vers ce qu'elle a fait — que la société n'a pas totalement les mains propres : en forçant les femmes à n'avoir qu'un seul destin possible, celui de l'épouse dans l'ombre de son mari, et parce que son père lui a fait lire Nietzsche très tôt, qu'il voulait qu'elle soit plus que ça — qu'il lui a donné une vision fausse de l'humanité, de la faiblesse et de la force, l'a endurcie, a créé une carapace dur à percer, mais aussi, l'a empêché de se contenter du peu que les hommes laissaient aux femmes. Que Pauline était une femme née dix ans trop tôt, parce qu'elle aurait été tout à fait adaptée aux changements des années 60, au féminisme, elle l'étudiante en médecine qui ne voulait pas être seulement Madame Bailly, qui aspirait à plus. Surtout, ce que montre Jaenada, c'est comment une justice patriarcale impose des doubles-standards aux femmes — Une d'elle, Yvonne Chevallier, sera acquittée car dévouée et tournée vers un mari fuyant, il la quitte, elle le tue, mais c'est par amour, plaident les avocats, montrant comment elle a été une épouse exemplaire, obsédée par le plaisir du mari — ils vont jusqu'à le diaboliser lui, la victime (ce sont les avocats de l'accusation du procès de Pauline, et là, ce sera l'inverse: un Félix angélique et elle, la ravageuse qui a brisé son destin parfait de médecin et fiancé modèle). Une justice à la carte : pas d'étude de balistique, on met de côté les témoignages trop gentillets, on écarte les témoins qui pourraient nuancer la vision qu'ils cherchent à donner d'elle. Ce qui est dingue aussi, c'est le rôle des médias, comment ils parviennent à créer un personnage, un monstre, à faire monter la mayonnaise, et peut-être bien, à empêcher toute rédemption. Il y a, on peut le dire, un certain acharnement à lui faire baisser la tête, à extraire de la société ce qui est de l'ordre de l'exceptionnel, de l'anormal, mais aussi ce qui dérange — des femmes qui ne sont pas ce que les années 50 voulaient qu'elles soient.

Rédemption impossible ?
Pauline devient la cible parfaite d'une France portée sur les valeurs traditionnelles, mais aussi encore en proie à un passé qu'elle n'assume pas — en effet, son père a collaboré pendant la seconde guerre mondiale et s'est servi d'elle en tant que « facilitatrice », en gros, il l'a poussée alors qu'elle avait quatorze ans dans les bras des Allemands pour avoir des accords commerciaux avec eux. A la libération, Jaenada creuse l'hypothèse qu'elle a été tondue, ce qui aurait accentué ses tendances dépressives. Et donc, après la mort de Félix, on va évidemment creuser ce passé, et l'utiliser pour brosser le portrait de Pauline : celui d'une fille démoniaque, un mal à la racine, une fleur pourrie et irrattrapable. En fait, ça m'a rappelé un peu les cours d'histoire de terminale, sur la mémoire d'après-guerre, comment la France des années 50 s'est construit un passé glorieux de résistance, alors que ce n'était qu'une petite partie, que la majorité était silencieuse, et que la tonte des femmes, c'est une humiliation qui vise à expier les péchés de toute une nation. Pauline, elle a servi un peu à ça — à se laver les mains, à se dédouaner. le pays aura une fascination assez viscérale pour elle, ce qui fait que même après sa sortie de prison, elle ne pourra jamais retrouver une vie normale.

Un auteur à suivre.
Les livres de Jaenada, c'est souvent la leçon que j'en tire — bon sang, mieux vaut ne jamais commettre de crime, sinon on va creuser chaque sombreur de notre âme, chaque petites et grosses conneries qu'on a faites, il suffit d'être un peu renfrogné devant le concierge ou d'avoir jeté sa serviette hygiénique dans la mauvaise poubelle (ce qui se passe dans le livre, un policier va tirer des généralités psychologisantes de ce tout petit détail — comme quoi c'est une femme qui ne sait pas se tenir) pour qu'on tire de nous une image partiale, mensongère. Jaenada arrive à réhabiliter Pauline, mais encore plus, à nous donner une impression de la connaître, ce qui fait que la fin est vraiment poignante — et j'aime pas ce mot d'habitude qu'on utilise à toutes les sauces dès qu'un auteur fait clamser le moindre chien du héros. Il y a du souffle dans son style, ce qu'on retient, bien sûr, c'est les parenthèses, parfois doubles ou triples, comme un récit qui s'autoconstruit, qui enfle tout seul, anecdote par anecdote, ça fourmille, ça déborde, c'est vivant encore une fois. C'est avec Jaenada que j'ai compris le pouvoir de la digression, consolidé après avec Knausgaard — c'est des constructions sinueuses, gargantuesques, on a l'impression que ça part dans toutes les directions, mais une fois arrivé au point final, tout fait sens.

Je vous le recommande vraiment, ainsi que La serpe et Au printemps des monstres.

Lien : https://www.youtube.com/watc..
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J'avais beaucoup apprécié les deux autres romans du même genre de l'auteur La Serpe et Sulak.
Et j'étais impatiente de lire La petite femelle surtout que le personnage principal est une femme. Mais à mon humble avis c'est totalement raté. D'abord les 2/3 du roman sont consacrés aux anecdotes personnelles de l'auteur, sa femme et ses amis, sans aucun rapport avec le sujet et surtout totalement impertinentes. Donc trop de longueurs et de digressions inutiles. D'autre part c'est très mal écrit et encore moins bien construit et structuré. Philippe Jaenada privilégie un plan chronologique qui part de l'enfance de Pauline Dubuisson et se termine à sa mort. Mais dès les premières pages il va insérer les citations des journalistes, enquêteurs et avocats lors de son procès.
Son objectif est semble-t il de rendre justice à cette jeune femme traînée dans la boue et trop sévèrement jugée. Cependant, son argumentation reste faible et insuffisante. L'histoire et la personnalité de cette femme sont certes très intéressantes et méritaient un meilleur traitement.
En résumé je suis très déçue par cette lecture.
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Attention, livre à lire!
Car il éclaire...
Ce bouquin, c'est l'histoire vraie de Pauline Dubuisson, accusée d'avoir tué Félix, son amant, en 1951. Cela, elle ne l'a jamais nié.
Quand les foudres d'une société jugeante, l'accablant avant même le procès et jubilant presque en attendant la peine capitale, se sont abattues sur cette jeune femme, combien ont cherché à la comprendre?
Cette traîtresse tondue a couché avec les allemands quelques années auparavant! Plus tard elle fut une mangeuse d'hommes! Alors?? C'est bien la preuve que ce diable de femme n'a aucun coeur ni aucune autre once de sensibilité.
Mais, est-elle vraiment le monstre froid que tous ont décrit à l'époque?
Et si, grace à l'enquête minutieuse de l'auteur retranscrite dans ce livre, des décennies plus tard, nous prenions le temps d'aller à sa rencontre, faire sa connaissance, prendre du recul et, peut-être, comprendre l'histoire et la détresse de Pauline Dubuisson...
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Un soir d'automne particulièrement pluvieux, devant une cheminée, une bonne bouteille disons de Crozes-Hermitage, on s'installe avec le pote Philippe qui va nous raconter une drôle d'histoire. Une histoire vraie, qui a défrayé la chronique.

Pauline Dubuisson a été condamnée aux travaux forcés à perpétuité en 1953 pour avoir tué son ex-amant, Félix. Pauline a été dressée par son père à tout encaisser sans broncher, a couché très jeune avec des allemands sous l'Occupation, a fait de brillantes études pour devenir doctoresse, a toujours été libre mais, tragiquement (on pourrait penser à Phèdre mais on s'abstient parce que « Racine peut susciter la fatuité » – j'ai enfin réussi à caser cette splendide phrase de Nathalie Azoulai, ça m'aura pris près de deux ans), s'est convaincue être amoureuse de son amant Félix qui l'a quittée après s'être vu refuser trois propositions de mariage. Rejetée par ce dernier, elle déciderait de se suicider devant lui. La scène cafouille et voilà notre Félix, le gendre idéal – pour celles qui aiment les mollassons, raide mort juste avant son mariage avec la belle-fille idéale – pour ceux qui aiment les insipides, trois balles dans son buffet d'athlète.

Notre pote donc nous raconte toute l'histoire, depuis l'ascendance de Pauline jusqu'à sa mort, tragique encore (c'est que Pauline pourrait être une héroïne d'Euripide (pas de Sophocle parce que j'ai appris récemment qu'on casait Sophocle pour illustrer les polars, ça ferait bien paraît-il)). Et autant vous dire qu'il la connaît sacrément bien cette histoire. Mieux que quiconque. Sauf Pauline bien entendu.

Évidemment, parce qu'on picole, qu'on a le temps au chaud devant notre cheminée, la pluie peut bien battre les vitres, le pote digresse beaucoup, raconte quelques anecdotes savoureuses de sa propre vie, parle aussi beaucoup de la vie sous l'Occupation, de la société des années 50, de la Justice de ces années-là ("Paul Baudet [l'avocat de Pauline] est né à Bourges en 1907, et garde de mauvais souvenirs de son enfance (ce qu'il considère plutôt comme une bonne chose : selon lui, une enfance heureuse ne prédispose pas au métier d'avocat)", à force de fréquenter les avocats, forcément, la phrase me plaît), des autres stars meurtrières de ce temps-là, les Yvonne Chevallier (acquittée aux termes d'un procès improbable), Denise Labbé (la matricide maso), Sylvie Paul (« le lumineux mais cruel regard »)...

L'indulgence dont le poto Philippe fait preuve envers ces femmes et envers Pauline surtout est parfois un tantinet cul-cul mais enfin, défendre envers et contre tout la liberté d'exister pour tout individu, quel que soit son sexe, et le droit fondamental d'une justice équitable est un message qui doit être répété et rester audible surtout ; la bienveillance imprègne chaque page de la Petite Femelle. Cette bienveillance nous réchauffe le coeur autant que le pinard (ou la tisane pour les sobres - dont je ne suis pas) qu'on peut déguster en lisant cette histoire, enfin en écoutant Philippe Jaenada qui est un conteur hors-pair.
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