« Oh ! Grand Esprit, aide-moi à toujours dire la vérité tranquillement, à écouter avec un esprit ouvert quand les autres parlent, et à me souvenir de la paix qui peut se trouver dans le silence ».
Cette parole de sagesse s'applique parfaitement au roman de Joseph MarshalI III, indien Lakota contemporain qui écrit remarquablement l'histoire de son peuple, la nation sioux.
L'hiver du fer sacré se déroule en 1740. Bruneaux, aventurier cupide, fait ami-ami avec un compatriote, Gaston de la Vérendrye, lui tire une balle dans le corps, vole ses fourrures et disparaît. Lors d'une chasse, Whirlwind, chef de la tribu Wolf Tail trouve le blessé, agonisant. Plutôt que de passer son chemin ou de l'achever, il le ramène dans son tipi et le soigne. le Français parle le lakota pour avoir séjourné deux ans dans une de leur tribu. le meurtrier assassine également une vieille femme indienne et emmène sa petite-fille, promise au fils du chef.
Les Blancs sont encore rares dans les plaines en ce temps-là mais les Indiens savent qu'ils détiennent un pouvoir qui semble plus puissant que leurs arcs, leurs lances et leur courage et qu'ils nomment le "fer sacré". Les Sages du Conseil, qui ont été chassés de leur territoire par une tribu voisine possédant des fusils, savent que les temps changent, que la force destructrice qui les a poussés vers les plaines, revient comme un mauvais rêve et qu'il va falloir faire face.
Tandis que Whirlwind part sur les traces de Bruneaux, il se souvient que son grand-père lui a enseigné que le chasseur vit pour chasser et nourrir son peuple et que le guerrier n'est pas élevé pour faire la guerre mais pour la mettre en échec. Malgré la fièvre guerrière qui l'anime, il décide d'écouter son coeur. Son cheval est abattu par Bruneaux qui croit avoir tué le cavalier. Chaque halte est mise à profit pour soigner son corps blessé, utiliser ses ressources manuelles, renforcer son esprit intérieur et en chasser la haine, et pour se souvenir des événements importants de sa vie : son premier arc, sa première chasse au bison, sa première sortie guerrière, l'acquisition de son nom, la rencontre avec sa femme, sa désignation comme chef.
« Lorsque tu es dans le doute, reste calme et attends. Lorsque le doute aura disparu, alors va de l'avant avec courage. Tant que la brume t'enveloppera, attends. Attends jusqu'à ce que le soleil pénètre à travers la brume et la dissipe, car c'est ce qu'il fera. Ensuite, agis avec courage ». C'est la trame du livre.
Parallèlement à cette traque, la tribu s'installe dans son campement d'hiver où le père de Whirlwind assure l'intérim en attendant son retour. Il explique aux enfants, toujours par l'exemple, combien l'arrivée du cheval a été une amélioration considérable dans la vie nomade de ses grands-parents mais que l'animal ne leur a donné ni adresse au tir à l'arc, ni courage d‘être un chasseur ou un guerrier. Qu'il en sera de même pour le fer sacré.
L'année indienne se compte en lunes aux noms plus évocateurs les uns que les autres : La-Lune-du-Retour-Des-Oies, La-Lune-Où-Mûrissent-Les-Cerises, La-Lune-Des-Feuilles-Qui-Tombent, La-Lune-De-La-Neige-Aveuglante, ... Chaque année, une chronique clôture les treize lunes. le titre en est choisi en fonction de l'événement le plus marquant pour la tribu et les idéogrammes sont alors peints sur la peau de wapiti qui rejoindra ensuite les archives. En cet hiver 1740, l'arrivée de l'homme blessé par balle et la mort de la vieille guérisseuse ont la même origine, le fusil. Ce sera donc la chronique de "
l'hiver du fer sacré". C'est aussi le pressentiment d'un avenir menacé pour ce peuple libre et fier qui ne peut nier l'arrivée du « progrès » et des choses nouvelles apportées par les Blancs. le pouvoir du guerrier naît et croît dans son coeur. C'est là que se livrera le combat contre le fer sacré. Pour certains, ce sera facile, pour d'autres ce sera le combat de toute une vie.
Ce livre est autant d'aventure que de sagesse. Il ne s'agit nullement de l'Indien, il est beau, l'Indien, il est gentil, saupoudré de quelques phrases à haute moralité. C'est une histoire bien charpentée qui n'élude pas les dissensions et les fractures au sein de la tribu, qui évoque un cheminement intérieur profond, qui est en communion permanente avec la nature et qui dégage tout du long une grande dignité. Jusqu'à la dernière page, la chasse à l'homme sera d'endurance et de bravoure, de rencontres suspectes et de retrouvailles singulières.
Lecture passionnante pour tous ceux qui vibrent au contact du peuple amérindien. Encore une fois un grand merci à CrazyEndymion qui me permet d'ajouter une pièce de choix à ma collection indienne.