Comment sortir d'un tel livre ?
Je tournais autour depuis quelques mois dans la médiathèque que je fréquente. Mais face à un tel sujet, il faut être prêt à s'impliquer complètement.
J'ai passé une matinée à suivre l'enquête et les explications de
Kyung-a Jung autour de ce sujet qui sort enfin depuis les années 1990 des méandres de l'histoire, à savoir le sort des femmes, esclaves sexuelles pour l'armée japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale et même bien avant, depuis les guerres sino-japonaises de la fin du XIXè siècle et que l'on appelle parfois les « Halmuny » ou « femmes de réconfort ». J'y ai passé une demi-journée et je pense que ce livre raisonnera en moi pendant très, très, très longtemps.
C'est un livre d'une force incroyable, qui personnellement m'a marqué et dont je ne sors pas indemne mais que je suis heureux d'avoir lu pour découvrir véritablement le sort de ces femmes, de ces esclaves, longtemps oubliées et encore aujourd'hui niées par l'état japonais.
La forme du livre s'efface rapidement sous le poids du propos. Ce livre et cette histoire méritent et doivent être connus.
Ce livre nous donne à voir une réalité abominable et un système parfaitement orchestré et régenté par l'armée et plus largement par un gouvernement et un état, le Japon. Cela va à l'encontre du discours officiel japonais qui ne veut voir dans ces pratiques organisées à grandes échelles d'esclavagisme sexuel, que des actes isolés et des décisions personnelles.
L'une des justifications, de ces pratiques, était de contrôler les pulsions des soldats et de prévenir les viols de civiles… Donc au final, il fallait « prévenir le viol par des viols ». Et cette pratique faisait partie intégrante des pratiques de l'armée et il n'était pas rare que les gradés s'en servent notamment pour « former » les plus jeunes afin qu'ils ne soient pas des « poules mouillées » : « le sexe fera de vous un vrai guerrier ».
Avec les premiers témoignages dans les années 1990, cette histoire cachée refait surface et une connaissance plus fine du sujet est possible.
Ainsi, par exemple, très longtemps, on a considéré que les seules coréennes avaient eu à subir ces horreurs, mais ce livre nous montre que toute la région fut touchée. Ce sont donc des coréennes, des chinoises, des javanaises, des européennes (il y avait alors encore des colonies européennes en Asie ) et même des japonaises qui furent transformées en esclaves sexuelles. L'armée japonaise se procurait cette « marchandise », car c'est ainsi que ces femmes étaient définies, par arnaque à l'embauche, enlèvement, arrestation arbitraire, menace de représailles sur les familles... L'auteure explique que, comme dans les règlements militaires, les femmes ne sont pas prévues, elle n'avait pas une place plus importante que les cigarettes. Elles pouvaient être considérées comme des objets ou du matériel. L'auteurs fait dire à un militaire « c'est comme des toilettes publiques ». « On les utilise et si ça casse, on les jette, c'est tout. »
Ces femmes allaient être déplacées aux quatre coins de l'Asie et du Pacifique à la suite des armées de l'empereur, où après avoir été quotidiennement violées de 10 à 30 fois, elles furent abandonnées ou tuées.
Ces exactions ne furent donc pas perpétrées que pendant la Deuxième Guerre mondiale et ne prirent pas non plus fin avec elle. En effet, avec la capitulation du Japon, pour préserver la pureté du sang japonais et prévenir le viol des « bonnes japonaises », on créa des camps de femmes pour offrir de la détente et du plaisir aux alliés. On appliqua les mêmes recettes qu'auparavant mais ce ne furent plus des étrangères mais les japonaises pauvres qui furent alors utilisées et esclavagisées.