Cette biographie du général MacArthur aborde essentiellement l'aspect militaire de sa carrière, comme tous les ouvrages de la collection "Maîtres de guerre".
Fils d'un volontaire de la Guerre de sécession, devenu gouverneur-général des Philippines, il fit naturellement West Point (dont il fut major) et passa ses premières années d'officier en Asie, développant une relation spéciale avec cette région. Sa participation à la Première guerre mondiale lui valut de nombreuses décorations. Après-guerre, une carrière heurtée le mena au poste de chef d'état-major de l'armée, où sa cohabitation avec le président Roosevelt fut fructueuse mais difficile (MacArthur étant Républicain).
Ensuite, il devint Maréchal philippin, chargé de créer l'armée de cette colonie appelée à devenir indépendante. Son succès dans cette entreprise fut mitigé, mais il était en poste quand les Japonais attaquèrent Pearl Harbor; naturellement il fut désigné par Roosevelt comme chef des forces américaines en Extrême-Orient. Défait par les Japonais à Bataan, il dut quitter l'île de Corregidor, dans la baie de Manille, pour prendre la tête des troupes du "Zone du Pacifique Sud-Ouest", prononçant son mot célèbre "I shall return" (Je reviendrai).
Mégalomane et paranoïaque, il eut des relations difficiles avec ses alliés, montrant un grand mépris pour les soldats australiens, et ses subalternes, souvent considérés comme des serviteurs. S'entourant d'une cour d'obligés, largement inefficaces, il jalousait ses généraux trop heureux au combat. Il ne conserva son poste qu'en raison de sa grande popularité aux États-Unis.
Mais il sut aussi s'entourer de chefs militaires efficaces, et il fit merveille avec peu de moyens militaires (du moins au début). Sa campagne, de la Nouvelle-Guinée aux Philippines, fut la moins coûteuse en hommes de toutes celles menées par les Américains. Grand stratège, il attaquait les Japonais là ils ne s'attendaient pas. Il finit par tenir sa promesse de reconquérir les Philippines.
Il organisa la capitulation du Japon, le 2 septembre 1945, comme un spectacle à sa gloire. Mais il sut faire accepter l'occupation américaine aux Japonais, par l'intermédiaire de l'administration japonaise et de l'empereur Hirohito. Il organisa la reconstruction du pays, multiplia les réformes, et son équipe rédigea la nouvelle constitution japonaise.
Nommé à la tête des troupes onusiennes en Corée en 1950, il opéra un spectaculaire redressement face aux Nord-Coréens. Mais devant l'offensive chinoise, il menaça d'attaquer en Chine et évoqua l'usage de l'arme atomique; Truman, dans un esprit de détente, dut le suspendre de son commandement.
Il fut un personnage controversé. Réactionnaire, il était dénué de tout préjugé racial et fut souvent moderne dans ses pensées militaires; il fut audacieux lors de la reconstruction du Japon. Égocentrique et mythomane, il fut aimé de ses hommes et de ses concitoyens. Doté d'une vision politique et diplomatique affligeante, il fut pourtant le plus grand général américain de la guerre. François Kersaudy en donne une biographie plus qu'honnête.
Les photographies sont bien choisies; comme toujours la maquette de la collection est excellente. Petit-gros bémol, les notes en bas de page sont souvent du n'importe quoi; il y a eu un problème de relecture.
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Le commandant suprême n’en fera rien. Quoiqu’humilié par la défaite, Hirohito reste le dieu vivant des Japonais, et un seul mot de sa part peut déclencher dans tout l’archipel la résistance passive et la guerilla généralisée. L’empereur lui-même, d'une manière indirecte et en usant de périphrases, fait savoir à MacArthur qu’il lui rendra visite le 27 septembre. Ce jour-là, Hirohito, en haut-de-forme, jaquette et pantalon rayé, sort d'une vieille Daimler noire et pénètre dans l’ambassade des Etats-Unis ; là, il est introduit avec son seul interprète auprès de MacArthur. Moment délicat pour l’empereur : il n’a jamais adressé directement la parole à un interlocuteur ; ce sont les courtisans qui expriment d’ordinaire sa pensée. Mais le militaire qui lui fait face est aussi un fin diplomate, et il trouve d'emblée les paroles qui conviennent : « Votre Majesté, j'ai été reçu autrefois par votre père, à la fin de la guerre russo-japonaise... » Des deux interlocuteurs, c'est pourtant MacArthur qui sera le plus impressionné, car l’empereur lui répond : « Je viens à vous, général, pour me soumettre au jugement des puissances que vous représentez, en tant que responsable de toutes les décisions prises et de toutes les actions menées dans le domaine politique et militaire par mon peuple durant cette guerre. » II est vrai que Hirohito a sanctionné implicitement ou explicitement tous les actes de guerre commis par le Japon depuis quinze ans, et de Moscou à Washington en passant par Manille et Camberra, beaucoup souhaiteraient le voir jugé pour crimes de guerre, en compagnie de certains membres de sa famille. Mais MacArthur, déjà décidé à n’en rien faire, est désormais conforté dans sa résolution : « II était né empereur, mais à cet instant, je compris que c'était aussi le premier gentleman du pays par la seule vertu de sa personnalité. »
Sur l'Olympe
MacArthur pense à une organisation calquée sur le modèle suisse, pouvant permettre une expansion rapide des forces armées en temps de guerre.
(...)
Mais sa campagne en faveur des compétitions sportives aura également un résultat imprévu : lorsque le président du Comité olympique américain décède soudainement le 27 septembre 1927, dix mois seulement avant les Jeux olympiques d'Amsterdam, le Comité élit MacArthur pour le remplacer. Il est peu courant de nommer à ce poste un militaire en activité, surtout lorsqu'il commande un corps d’armée, mais le chef d’état-major Summerall, un passionné de sport, donne aussitôt son accord, et MacArthur va prendre sa mission très au sérieux. Tout en restant à la tête du 3e corps, il participe aux levées de fonds et même à la sélection des athlètes. En juillet 1928, il les accompagne aux Pays-Bas, dîne avec la reine Wilhelmine, participe au défilé d'ouverture des Jeux et motive les sportifs comme leurs entraîneurs avec une rigueur toute militaire. Lorsque l’équipe de boxe menace de se retirer pour protester contre une décision arbitrale, MacArthur intervient avec véhémence : « Les Américains n’abandonnent jamais ! » ; et lorsque les coureurs sur piste commencent à perdre dans les premières compétitions, le président du Comité convoque une réunion générale à bord du paquebot Roosevelt et les harangue pendant deux heures en marchant de long en large, pour conclure d'une voix de stentor : « Nous sommes ici pour représenter le plus grand pays du monde. [...] Nous ne sommes pas venus ici pour faire une figuration honorable, mais pour remporter des victoires - et des victoires décisives. » Mission accomplie : les
athlètes américains repartiront avec vingt-quatre médailles d'or, soit davantage que leurs deux plus proches concurrents réunis. Les ÉtatsUnis auraient sans doute gagné de nombreuses médailles sans MacArthur, mais ils n’en auraient sûrement pas gagné autant.. . Ce sera en tout cas l’avis des membres du Comité olympique américain, qui baptiseront une salle en son honneur au siège new-yorkais de l’organisation.
L’heure des adieux
Le 6 mars, alors que le bombardement de Corregidor se poursuit et que le général Marshall a envoyé un nouveau télégramme pressant, MacArthur accepte l'inévitable et se met en devoir d'organiser son départ : ce général claustrophobe, refusant catégoriquement de se laisser enfermer dans un sous-marin pendant sept jours, préfère naviguer en surface jusqu'à Mindanao à bord d'un PT boat, une vedette lance-torpilles. C'est terriblement risqué, car la flotte japonaise patrouille constamment entre les îles, et c’est affreusement inconfortable pour un si long périple. Mais le général est très endurci, et son épouse aussi...
(...)
A 19 h 15 au soir du 11 mars 1942, le général et sa famille descendent vers les docks sud, où les attend le PT-41, aux côtés des trois autres vedettes. « J’ai fait embarquer Jean, Arthur et Ah Cheu, puis je me suis retourné lentement. Sur le quai, les hommes me regardaient fixement. J’avais perdu treize kilos, et je devais avoir l’air émacié et repoussant dans mon vieil uniforme taché. [...] L'obscurité s’était faite, et la faible brise de nuit commençait à iriser les eaux. Le feu ennemi avait cessé et le silence s'installait. C'était comme si les morts passaient au travers de la puanteur qui épaississait l’air nocturne. En ôtant ma casquette pour un dernier adieu, j’ai entendu quelqu'un demander : 'Sergent, combien a-t-il de chances de passer ? Et une voix bourrue a répondu : "Sais pas... C'est un chanceux. Peut-être une sur cinq !"
J'ai embarqué sur le PT-41 et j’ai dit : "Tu peux larguer les amarres, Buck."».
We are home (20/10/1944)
Le Nashville s'est positionné au nord du golfe, face à Tacloban ~ là où le sous-lieutenant Douglas MacArthur avait débarqué d un petit vapeur le 20 octobre 1903, pour superviser la construction de quais toujours visibles 4l ans plus tard...
A 13 heures, MacArthur prend place avec ses six compagnons dans une péniche de débarquement LCM, qui fait un détour pour prendre à bord le président Osmena et le général Romulo. Au moment où ce dernier embarque, le commandant suprême lui lance : « Carlos, mon gars, on est rentré chez nous ! » II reste évidemment à affronter le comité d’accueil ; avisant un autre LCM qui revient à vide de la plage, MacArthur hèle son pilote et lui crie :
« Fils, où est-ce que le combat est le plus dur ? » Sans dire un mot, le pilote montre la plage droit devant : c'est Red Beach, où a débarqué la 24e division d'infanterie.
MacArthur la désigne à l’homme de barre : « Mets le cap sur cette plage ! »
14 h 30, leur LCM s'échoue sur un haut-fond à une cinquantaine de mètres du rivage, au milieu de quatre autres péniches de débarquement - dont l’une est en feu. La rampe s'abaisse et MacArthur en descend, suivi de son entourage. Un journaliste qui les accompagne s’empresse de filmer la scène, qui fera le tour du monde : en tête du cortège, l’homme qui avance vers la plage avec de l’eau jusqu’aux genoux est aisément reconnaissable, avec ses Ray-Ban et sa casquette de maréchal usée. Une fois sur la terre ferme, il se retourne brièvement vers son entourage et dit simplement : « Je suis revenu ! »
C'est le 8 septembre 1945 que MacArthur traverse les 35 km de contrées dévastées qui séparent Yokohama de Tokyo, pour établir sa résidence à l'ambassade des États-Unis miraculeusement épargnée par les bombardements. Il installe son quartier général à peu de distance, au 6e étage de l'immeuble d'une ancienne compagnie d'assurances, le Dai Ichi Building. La tâche dévolue à ce commandant suprême de soixante cinq ans est écrasante : commander l'ensemble des forces américaines sur le théâtre Pacifique, superviser le désarmement de 3 millions de soldats dans l'archipel nippon, en rapatrier 6,6 millions d'autres, assurer le déminage de toutes les côtes depuis le Japon jusqu'aux Philippines, démanteler l’industrie de guerre et les grands cartels japonais, prélever des réparations, dissoudre la police secrète « Kempeï Taï », purger l'administration, faire juger les criminels de guerre, libérer les prisonniers politiques, assurer la survie de 80 millions de Japonais ruinés et affamés, introduire la démocratie dans le pays, réformer l'administration et renseignement, tout en donnant satisfaction aux Britanniques, aux Australiens, aux Soviétiques, aux Chinois, aux Néerlandais, aux Français et aux Philippins, qui exigent une occupation dure pour faire payer aux Japonais le prix de leur politique d'agression. Ils recommandent même à MacArthur de convoquer l'empereur Hirohito pour affirmer sa puissance...
Extrait de "Winston Churchill" de François Kersaudy lu par Vincent Schmitt.
Editions Audiolib. Parution le 13 février 2019.
Pour en savoir plus : https://www.audiolib.fr/livre-audio/winston-churchill-le-pouvoir-de-limagination-9782367628233