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EAN : 9782715228450
200 pages
Le Mercure de France (02/05/2008)
4.75/5   4 notes
Résumé :
«[...] Les obscurcis dit-on reviennent sur l'envers des chemins déplacent des objets familiers tirent des tables empilent des chaises secouent le contenu des miroirs puis traversent dans un cri les maisons qu'ils habitèrent et celles qui les habitent Peut-être que la lune est soleil nocturne répètent-ils nuit après nuit que l'ombre de l'érable est femme aux bras interminables peut-être sommes-nous arbres récalcitrants forêt crayeuse et ceux qui détiennent le jour so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a dans « les obscurcis » de Vénus Khoury-Ghata, une pesanteur qui n'est pas à prendre au sens d'une lourdeur de style, bien au contraire, mais au sens plus angoissant d'une pression qui petit à petit, monte et nous prend à la gorge. Il va se passer là - il s'est déjà passé là - quelque chose...
Le temps est comme suspendu, dans une attente, figé. Comme dans un rêve :
« C'était un temps sans horloges ni cadrans
les heures durcissaient dans les assiettes
on mesurait le jour avec un bâton
le même bâton faisait avancer le matin récalcitrant»

Nous évoluons, comme en léthargie, dans un lieu où la femme est omniprésente, et où elle semble à la fois (pré)dominante, comme détentrice d'une vérité qui lui aurait été révélée, mais soumise, résignée, comme si le destin se jouait d'elle, sans pour autant qu'elle en soit dupe.
Un lieu rempli de fantômes, où l'on ne sait s'ils veillent sur les vivants ou s'ils les surveillent... La figure de la femme-mère soutient à bout de bras cette réalité. Toujours debout, toujours présente, elle semble la seule vraiment lucide, si ce n'est vivante, la seule qui sait ce qui est en train de se jouer et qui malgré tout continue à avancer, à effectuer les gestes quotidiens, à préserver la parole et ce qui doit l'être.
« L'hiver venu
elle se tient droite dans son ombre
un caillou dans la bouche pour empêcher sa parole de geler
et sa voix de parler plus haut que le vent »

Les hommes sont présents essentiellement dans l'évocation : celle de la crainte, de l'angoisse et de la mort. Pas d'attente de retour ni d'étreinte joyeuse.
« l'homme qui rentre le soir marche sur des débris de silence
il n'attend rien de celle que les morts refusent de féconder »

Les enfants s'ils courent ou s'ils dansent, c'est dans le temps d'avant... La guerre est passée par là, sa menace est en tout. La maison et ses quatre murs sont le ciment qui maintient à la terre l'élan vital qui demeure. On ne sait si elle protège ou enferme. Sauve ou tue.
« 3 murs avait la maison
le quatrième viendra avec la naissance de l'enfant. »

Il n'y a pas un mot de trop, pas de surcharge ni d'effet de style qui englueraient le rythme, obsédant et incisif. Certaines figures sont récurrentes : la femme, la maison (ses murs qui tombent ou se déplacent), mais aussi les pierres (celles des chemins ou des cimetières), la lune, les abeilles, les sycomores... - toutes hautement symboliques -. Je les ai perçues comme les derniers remparts d'une réalité, les derniers repères à quoi se raccrocher... Ce qui reste d'immuable.
On a l'impression que l'auteure a gravé sur son passage les pierres, de signes et de paroles recueillis que nous glanons derrière elle, au fil des poèmes qui se succèdent.
Toutes ces pierres, toute cette réalité - soustraites ? - comme autant de vérités...

La dernière partie - les sept brins de chèvrefeuille de la sagesse - nous ramène aux vivants. le rythme est plus vif, ce qui déstabilise au premier abord, comme si la parole se libérait, enfin...
Tout s'anime à nouveau (le village et ses habitants) dans une énergie, un flot ininterrompu de mots, d'images, qui explosent en tout sens...
« On a besoin de plus mort que soi pour pavoiser »
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Dans ce recueil, des femmes passent, se mêlent aux éléments naturels. Les vivants côtoient les morts. Les mots se font pierres, loups, pluie, jardins. Dans un clair-obscur un peu mystérieux, presque magique, on se laisse porter par la plume délicate et sensible de Vénus Khoury-Ghata comme dans un rêve ou un conte.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
12 JUILLET 2006
(...) A Dominique de Villepin

Le pont incendié ce matin menait à la veuve
Le village abaissé ne le sait pas encore
les femmes seules c'est des montures dit le soldat adossé au fleuve
elles dorment debout comme le jonc
leurs doigts raidis par l'attente pétrissent leurs enfants telle pâte à modeler
jusqu'à voir des larmes noires tacher leur tabliers

La guerre a couché la maison plus tôt que d'habitude
son toit arpente l'air à la recherche d'un mur où poser enfants et goélands
jadis ils jouaient à la guerre avant la guerre
les mères excédées arrêtaient les hostilités
l'odeur du riz à la cannelle signait les armistices
La guerre pour on ne sait quelles raisons a enjambé la haie
les bombes volent dans les yeux des enfants avec les premiers flocons
dans l'école restée sur l'autre pente
les élèves conjuguent le verbe mourir au présent
incompatible avec la neige l'imparfait est lourd de conséquences et non conforme à la géométrie de la saison et
ce n'est pas l'instituteur resté sous les décombres qui va le contredire
p27
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LES SEPT BRINS DE CHÈVREFEUILLE
DE LA SAGESSE

À Matta


Les chemins qui traversent les rêves d'autrui ne mènent nulle part
dit le sage Massouda en soufflant dans le tuyau de son narguilé
Ses spirales de fumée donnent le vertige au canari qui suspecte
la terre d'accélérer sa rotation pour atteindre plus tôt la nuit
qui fane sa maîtresse

Les cartes de Massada ne mentent jamais
Trois as suivis de trois valets annoncent une invasion de
sauterelles
Un changement de maire est inexorable lorsque trois rois
s'alignent sur la table
Les suggestions de Massouda sont écoutées par l'archevêque
auquel elle souffle la messe en faisant grincer son banc

Khalil qui fit fortune dans la vente du foin boutonne sa braguette
sur son balcon de marbre face à sa jument
Elle le reconnaît à l'odeur de sa sueur et à son fouet qui cingle
les nuages par temps de sécheresse pour les faire pleuvoir
sur le champ

p.177
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ELLE DIT


Quelqu'un parle entre les murs
mais personne n'est qualifié pour ramasser les sons
Les chambres du sud éventées ne retiennent que les phalènes
celle du nord fermées sur des roses nubiles préservent l'intimité
du linge

Les femmes insomniaques qui faisaient reluire les vitres avec leurs
jupes retroussées
avaient la fragilité de l'eau éparse
et la fiabilité du sang
l'anneau écarlate à leur ventre en faisait les maîtresses de la
douleur

Un temps étrange frappait aux portes
il apprenait aux plus jeunes à lire la nuit
et à traverser les larmes d'oreiller en oreiller

p.141
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ELLE DIT



Pour Richard Millet

Il neige sur son lit depuis que son miroir s'oppose à la fenêtre
Bouger les meubles nécessite l'accord de la lampe qui rétrécit
l'espace quand elle est mal lunée
la femme ne connaît pas le mode d'emploi des ténèbres
elle les refoule vers la rue qui les aligne sur un mur pour une
exécution hâtive
et faire croire aux étoiles que la nuit est morte faute d'obscurité

p.134
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LES SEPT BRINS DE CHÈVREFEUILLE DE LA SAGESSE

Le christ en guenilles qui fouillait la poubelle de Morcos le menuisier cherchait le cinquième clou qui perça sa hanche
L'homme qui marchait dans sa mort depuis deux mille ans fut pourchassé par les chiens et les cloches jusqu'à l'église où il s'agenouilla devant un cierge qui pleurait sa cire sur les pieds d'un crucifié

p185
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Videos de Vénus Khoury-Ghata (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Vénus Khoury-Ghata
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ? […] On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin. […] Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus. […]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Silvia Baron Supervielle 0:38 - Annie Salager 1:28 - Vénus Khoury-Ghata 2:13 - Colette Nys-Mazure 2:44 - Françoise Thieck 3:10 - Josée Lapeyrère 4:42 - Jeanine Baude 5:36 - Générique
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Références bibliographiques : Couleurs femmes, poèmes de 57 femmes, Paris, co-édition le Castor Astral/Le Nouvel Athanor, 2010. Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016.
Images d'illustration : Silvia Baron Supervielle : https://thalim.cnrs.fr/manifestations-culturelles/article/gestes-et-poesie-rencontre-avec-silvia-baron-supervielle Annie Salager : https://poussiere-virtuelle.com/wp-content/uploads/2017/04/Annie-Salager.jpg Vénus Khoury-Ghata : https://i0.wp.com/arablit.org/wp-content/uploads/2020/08/khoury-ghata-cat2.jpg?ssl=1 Colette Nys-Mazure : https://www.tga.fr/colette-nys-mazure-poete-chretienne-et-libre.html Josée Lapeyrère : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2c/Josée_Lapeyrère.jpg Jeanine Baude : http://editionsws.cluster011.ovh.net/wp-content/uploads/2015/05/DSCN5542.jpg
Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty Uncertainty by Arthur Vyncke is li
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