Je pousse un soupir de soulagement en refermant ce livre, enfin terminé ! Cette lecture à été une vraie torture pour moi, j'ai beaucoup traîné ce livre et j'ai longuement hésité à l'arrêter mais je suis finalement allée jusqu'au bout .
Presque rien ne m'a plu : il y avait une ambiance très étrange, un peu glauque, avec une prédominance de la présence du train et de la forêt (peut-être des métaphores que je n'ai pas su saisir), des personnages auxquels je n'ai pas réussi à m'attacher, Witeck étant trop présomptueux à mon goût et Alina trop fade, les autres personnages m'ont donné l'impression qu'ils étaient soit hagards soit fous ou perdus. je n'ai pas réussi à suivre certains de leurs dialogues. Et l'essentiel : je n'ai absolument pas compris parfois l'enchaînement des actions, surtout avec l'apparition de temps en temps de cet esprit. Idem, à quoi servent les entrefilets de faits divers qui s'insérent comme ça dans le récit ?
Et c'est dommage parce que les histoires d'amour tragiques sont généralement poignantes, elles nous font verser une petite larme. Celle qui nous est présentée dans le roman est trop enrobée par des détails inutiles, et j'aurais préféré des sentiments plus nets, plus vifs, plus intenses et plus en profondeur.
Bref, absolument pas concluant pour moi, mais je suis toute ouïe si quelqu'un n'est pas de mon avis et surtout s'il est prêt à m'expliquer les choses que je n'ai pas réussi à percevoir.
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C'était la petite ville natale de Witek. C'est là qu'il était né un jour dans une longue rue qui courait le long de la voie ferrée ; mais dans quelle maison, personne ne s'en souvenait plus, sa mère n'arrivait plus à se le rappeler. Il contemplait donc les petites maisons basses qui fuyaient à toute vitesse vers l'arrière, ces petites maisons de briques, parfois négligemment cimentées, chacune avec un petit perron sur lequel, les soirs d'été, on écoute les rossignols et on respire le parfum fort des giroflées, chacune au milieu de son petit jardin, de son verger aux rameaux à présent dénudée couverts des renflements à peine perceptibles des bourgeons en train de se nouer. Et cette bourgade, à proprement parler cette petite ville, ne représente en réalité rien pour Witek qui la regarde avec indifférence, car cette rue, prétendument natale, est déjà terminée ; car cette petite ville est sans expression, neutre, comme faite sans coeur, n'importe comment, peut-être par hasard, construite par les militaires et les cheminots de ce noeud ferroviaire, petit mais très important. Cette petite ville n'est absolument pas faite pour la mémoire, la nostalgie, les rêves saisissants. Et il devrait s'écouler bien des années, et il faudrait que Witek connaisse bien des malheurs, pour qu'une petite ville comme celle-là puisse devenir un jour un souvenir douloureux et renaître dans une beauté saisissante, et de cette beauté à jamais perdue serrer de toutes ses forces le coeur de Witek, quelque part en un très lointain voyage, en une profonde solitude, une impuissance désespérée.
- Grand-père, je suis tombé amoureux.
La puanteur des pommades rancies chatouilla le nez enflé de Witek.
- Je suis tombé amoureux, vous entendez grand-père ?
Le vieillard toussa à nouveau, comme s'il voulait cracher ses entrailles.
- Oui, j'entends, mais je ne me rappelle plus ce que c'est de tomber amoureux. Attends, il faut que j'essaie de me rappeler. Il y que quelque chose comme ça. Une sorte d'intoxication de folie, de totale extravagance. Je courais je ne sais où, je restais planté sous des fenêtres, je voulais me suicider. Je me souviens que j'avais le coeur qui battait terriblement, que je rougissais à tout moment, que quelque chose me faisait très mal, très très mal, mais en revanche j'avais une impression de douceur, une douceur terrible jusqu'au ciel, c'était certainement mon âme ou quelque chose comme ça qui me faisait mal. Maintenant je me rappelle, oui, je me rappelle, mais ça m'étonne, ça m'étonne tellement à présent que ça paraît inconcevable, absurde, comme si c'était dans l'existence de quelqu'un d'autre ; mais il y a eu quelque chose comme ça, je ne le nie pas, pourtant mon petit, je n'arrive pas à me le rappeler nettement.
- Vieux chat sage, matou expérimenté, je vois que tu sais tout sur moi. Dis-moi, qu'est-il donc en train de m'arriver et comment ça finira-t-il ? Ce n'est pas toi que le train a écrasé près de la gare, toi qui cherchais aujourd'hui l'école en dur et qui as promis de revenir après ta mort ? Dis-moi maintenant, ou plutôt tout à l'heure quand je me serai endormi, ce qui m'attend ; dis-moi pourquoi, si je tremble en ce moment, ce n'est ni de froid, ni de peur, mais seulement d'espoir pour demain, pour ce que je veux et ne veux pas, ce que je désire et ne désire pas, ce dont je rêve et ne rêve pas.
Il s'arrêta, se retourna, elle se figea dans une frayeur sans doute feinte. Elle retenait toute la lumière du soleil dans ses cheveux relevés comme une gerbe. Il regardait ses yeux assombris comme une rivière avant l'orage, regardait ses lèvres semblables à une branche de bruyère, regardait son cou doré à l'artère frémissante comme la plume d'un oiseau.
La lune se leva sur le champ pur de la vitre. Et c'était une lune magique que personne n'avait encore foulée ni souillée. Elle captivait ceux qui cherchait le sommeil par les contours de ses continents inconnus et de ses océans inexplorés.
Tadeusz Konwicki : Roman de gare contemporain
Olivier BARROT présente "Roman de gare contemporain" de
Tadeusz Konwicki ; mise en scène : cadavre de femme sous un drap.