La première partie du livre est un exposé très bien synthétisé et documenté des rites à mystères de la plus lointaine Antiquité, de celui d'Osiris jusqu'aux mystères d'Eleusis. L'auteur nous explique suivant le cours de l'Histoire, comment ces mystères et rites secrets ont pu se transmettre et évoluer selon leurs teintes propres à des époques spécifiques et dans des ères géographiques données. On constatera aisément à la lecture de l'ouvrage que dès les premiers temps de l'humanité, en parallèle aux cultes lumineux divulgué par Rama, "l'initié originel", sont très vite apparus des rites sulfureux entièrement dévoués aux forces des ténèbres. On passe donc ici selon l'auteur, d'une quête sincère du sacré très vite détournée et transformée en quête de pouvoir sur le monde de la matière et sur le commun des mortels.
Dominique Labarrière n'utilise pas explicitement le terme de "contre-initiation" si chère à Guénon, mais c'est tout comme. Ainsi de Pythagore et du Mithraïsme aux Bacchanales, il y a des cultes sacrés à caractère solaires qui s'opposent aux rituels chthoniens dévouées aux "puissances d'en-bas" où sévissent déviances sexuelles et sanglantes. Les descriptions qui sont faites de ces anciens rites ne sont pas sans liens avec de nombreux symboles qui forment la matrice des rites maçonniques. L'auteur s'attarde ensuite sur les religions gnostiques ( Cathares, Manichéens, secrets Templiers) qui font le lien dans
L Histoire entre les anciens rites à Mystères et les
Sociétés Secrètes qui subsistent de nos jours. Les Cathares ne sont pas présentés sous leur meilleur jour, l'hérésie albigeoise étant qualifiée de lubrique, l'auteur dans le sillage de
Jules Michelet allant jusqu'à affirmer que le Languedoc était "la Sodome de France". C'est un point de vue qui n'est toutefois pas à écarter car nos connaissances des rites cathares et gnostiques rejetés par l'Eglise sont très faibles et on a peut être trop vite tendance à les redorer. Il y a là aussi très bien pu avoir des déviations, la contre-initiation ayant une fâcheuse tendance à s'infiltrer au sein des mouvements spirituels qu'elle renverse au point de les vider de toute source traditionnelle ininterrompue pour les transformer à terme en "coquilles vides". On aborde ensuite la Rose Croix, Papus, Guénon, les Martinistes et les Illuminés de Bavière qui sont ici replacés dans leurs contextes historiques. A ce stade du livre, on a parfois trop l'impression de ne lire qu'une version simplifiée du livre Les Illuminatis du collectif
Geneviève Béduneau,
Bernard Fontaine,
Arnaud de l'Estoile et Richard D.Nolane qui aborde la question du mythe Illuminatis bien plus en profondeur. le chapitre consacré au Nazisme Occulte est rétrograde et nous renvoie à d'éventuels liens avec la Golden Dawn, révélations tronquées tirées du fameux Matin des Magiciens de Pauwels et Bergier et démontées par de nombreux chercheurs depuis plusieurs décennies déjà, c'est à de demander si l'auteur a vraiment creusé le sujet. La fin de l'ouvrage s'attarde sur les légendes maçonniques faisant remonter leur ordre jusqu' aux Templiers et même parfois à l'Egypte, en y exhumant tout le vernis mythique tiré des fabulations des constitutions d'Anderson ou du chevalier de Ramsay. En conclusion,
Sociétés Secrètes est un livre intéressant pour les profanes qui voudraient avoir sous les yeux un tableau récapitulatif de ces courants secrets ( et de leurs implications au sein de l'Histoire et des Sociétés qui s'y développent) mais qui n'apprendra pas grand chose de neuf aux autres, déjà initiés à ces mystères. Dans l'ensemble donc, l'analyse du phénomène des
Sociétés Secrètes cible généralement juste, à l'exception peut être du chapitre sur l'improbable occultisme des nazis alliés à la Golden Dawn, fantasme monté de toutes pièces il y a 50 ans par
Louis Pauwels et
Jacques Bergier lorsqu'ils publièrent le Matin des Magiciens dans le seul but de faire le "buzz".