[1981 - 1988]
Où sont-elles, la communauté rêvée, la vie dissolue et indissoluble, la grande fiesta cosmique ? Le voile d'amitié universelle, de tendresse et de fleurs qui semblait avoir tout enveloppé à la fin des années soixante s'est déchiré. On ne rêve plus du grand tout, de la fraternité contaminante, de l'autorité morte. Le pouvoir des fleurs n'est plus ce qu'il était : désormais cultivées dans des serres aseptisées, elles n'ont plus de parfum. La planète valse dans sa robe rouge sang. Grandes valses des guerres et des coups d’État, des terreurs et des révoltes, du Kippour au Chili, de Bagdad à Buenos Aires ; valses amères des désillusions, de Lip à Manufrance, du Larzac à Creys-Malville ; valses joyeuses des triomphes provisoires de la loi Veil à Paris aux Iraniennes rejetant le tchador à Téhéran ; valses macabres des morts particulières, dansez Groucho Marx et Carrero Blanco, Mao et Gabin, Malraux et Golda Meir, dansez John Lennon et Paul VI, Jacques Brel et Aldo Moro, (…), vieilles valses des pouvoirs, le shah s'en va, Khomeiny arrive, Pol Pot s'enfuit, Sihanouk revient, Mao s'éteint, Deng ressuscite, valse déglinguée des noms nouveaux pour les amoureux de la mer, Torrey Canyon, Olympic Bravery, Amoco Cadiz...
Carte Blanche à Sciences Humaines
Intervenants: Vinciane DESPRET, philosophe, professeure à l'université de Liège, Jean-Marie LACLAVETINE, éditeur et écrivain, Héloïse LHÉRÉTÉ, directrice générale du magazine Sciences Humaines, Adèle VAN REETH,
directrice de France Inter
Les morts hantent les vivants. Ils leur parlent, les inspirent, s'installent en douceur dans leur vie intérieure et travaillent leur existence. Les trois auteurs que nous proposons de rassembler ont enquêté, chacun à leur manière, sur "la vie des morts". A mille lieues des théories du deuil, qui enjoignent à l'oubli et à la reconstruction, Jean-Marie Laclavetine (écrivain et éditeur), Adèle van Reth (journaliste, philosophe et écrivaine) et Vinciane Déprêt (anthropologue) racontent cette conversation secrète et quotidienne que beaucoup d'entre nous entretenons avec nos chers disparus. Ces hommes, femmes, enfants que nous avons aimés ne laissent pas seulement un manque. Ils sont aussi une présence, réelle, à la fois triste et réconfortante. Ils imprègnent en profondeur les vivants et guident leurs pas.
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