Chao Khung se servit un grand verre de choum, regrettant le cognac. A Luang-Prabang, à la cour du bon roi Savang, il lui arrivait certains soirs d'en descendre une bouteille, à l'admiration du souverain qui, lui, ne marchait qu'au Pernod. Très peu coupé d'eau, il est vrai. « Reste fidèle aux français lui avait conseillé le roi. Ce sont les moins mauvais de tous les Blancs parcequ'ils veulent être aimés, qu'ils sont un très vieux peuple, qu'ils ont comme nous le goût des filles, des bons alcools et des longues siestes ». (p. 182)
De la Birmanie, je ne vous dirai rien que vous ne sachiez déjà, qu'elle mérite bien son surnom : le »pays du grand bond en arrière ». Au temps des Anglais, son revenu était le plus haut de tout le Sud-Est asiatique, aujourd'hui il est le plus bas de toute l'Asie, Inde comprise, malgré des ressources immenses et systématiquement inexploitées. (p. 17)
J'ai perdu Saigon, la ville que j'aimais, et mes amis qui l'habitaient. Je n'entendrai plus dans la nuit chaude la claquette des marchands de soupe ambulants. Je ne verrai plus, au Grand Marché, dans l'odeur des épices, se déhancher sous le balancier les vieilles aux dents laquées de noir qui crachaient leur chique rouge de bétel... (p. 108)
Jean Lartéguy, écrivain, soldat, patriote | Cercle Richelieu