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4,09

sur 1970 notes
« Vous avez des enfants ? » demande-t-on à son père.
« Non, j'ai deux filles », répond-il.
Ce dialogue résume à lui seul le sujet du roman dans sa banalité et son intensité.
Etre une fille, être une épouse, être une mère, être une femme sans avoir d'enfants…. Quelque soit la situation, elle s'établit toujours par rapport au masculin. Sur un mode inférieur. Toujours dans une relation de dépendance.
De son enfance à Rouen dans les années 1960 à son mariage puis à la naissance de sa fille, Laurence traverse sans relâche et avec courage les écueils d'une certaine construction du féminin.
En interrogeant les mots de fille, de gars, les mots du quotidien, Camille Laurens dans une prose brillantissime travaille l'intime et le politique en décrivant les mécanismes qu'il faut activer pour devenir enfin soi-même. Sans y toucher, elle dit les places auxquelles les filles et les femmes ont été et sont toujours assignées. Au travers de son héroïne, elle retrace également les victoires comme les défaites de toutes les femmes. Quand l'intime touche à l'universel, quand le passé rappelle sans cesse la fragilité du présent. C'est touchant et puissant.
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Comment raconter le plaisir que l'on éprouve durant la lecture du nouveau roman de Camille Laurens ? Comment dire et redire que cette auteure s'adresse d'abord à notre esprit de la façon la plus belle, celle de raconter une histoire qui ne peut qu'apporter quelque chose à ses lecteurs ?
Evidemment, on peut lire ici ou là, des critiques, certes excellentes, mais souvent parsemées de mots qui renvoient ce roman soit dans une énième autobiographie de femme, soit dans la catégorie des écrits féministes qui peuvent effrayer et faire lever les yeux au ciel de lassitude. Si "Fille", par la narration de la vie d'une certaine Laurence Barraqué, peut effectivement être perçue comme celle de Camille Laurens, en parcourant les pages, il s'agit bien d'un roman, en tous les cas il se lit comme tel ( même pour ses lecteurs assidus). Quant au terme " féministe", difficile de le récuser tant ici il imprègne chaque page, mais de la meilleure des façons, avec la douceur d'une déterminée qui sait parfaitement que rien ne vaut une bonne histoire pour faire passer un message.

Et quel message ! Simone de Beauvoir avait jeté un pavé dans la mare en clamant : "On ne naît pas femme, on le devient.". Camille Laurens va plus loin, renvoyant pour toujours la phrase célèbre dans un passé encore trop marqué par le patriarcat. Son livre pourrait se résumer par : " On naît fille et la société fait tout pour qu'on le reste." On le savait déjà bien sûr. Certains pensent encore que cela concerne surtout des pays moins évolués où on peut tuer des filles à la naissance ou les exciser ou les marier de force ou les voiler ( anagramme de violer) de la tête au pied, que chez nous, pays occidentaux riches, les femmes sont libres... Que nenni ! En racontant la vie de cette Laurence depuis l'enfance jusqu'à l'arrivée de sa fille à l'âge adulte, Camille Laurens, fait le grand inventaire de la vie de toutes les femmes piégées avant la naissance, en premier lieu par le vocabulaire, la grammaire, les mots. Par la suite s'ajouteront les regards d'une société évidemment patriarcale et dont les traditions, la religion, les règles sociétales, les enferment dans un rôle de subalternes, voire de moins que rien.

J'en devine certains ( certaines aussi ! ) lever les yeux au ciel, en soupirant un " On a déjà lu ça 100 fois !". Non, jamais de cette façon. Il faut lire la ( grande) première partie, consacrée à l'enfance, racontée un peu comme un petit Nicolas au féminin, avec une drôlerie ultra mordante, diablement efficace, qui s'avère une sorte de réquisitoire imparable. Il faut continuer avec les pages beaucoup plus âpres sur la vie d'adulte, jamais excluantes pour les hommes même si profitant d'un système à leur faveur se concluant avec une petite touche finale d'espoir.

Lire "Fille", c'est prendre un grand bol d'intelligence romanesque mais aussi sociologique.
La fin sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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Qui est Laurence qui n'est « Barraqué » que de nom, qui nait « fille » quand on a tant desiré un garçon, héritier du nom, passeur du passé familial, un p'tit gars qui en veut et qui en a, un balèze au futur baraqué (avec un seul r cette fois), bref un mâle.
Il aura fallu 200 pages à Camille Laurens pour accoucher de cette fille secrète, marrante et attachante, soumise aux diktats de l'Homme Libre (avec une grande H et deux petites L) dans toute sa virilité, sa lubricité, ses faiblesses inavouables et ses fautes impardonnables, cet homme qu'elle sait aussi aimer ( ou haïr) tel qu' il est, sans exiger qu'on le dénature.
Quel cadeau que ces quelques pages dédiées à une fille vraie, rieuse et frondeuse, dont d'aucuns préféreraient louer la statue à défaut de lui reconnaitre le statut qui lui revient de droit : l'exacte équation du masculin, l'autre version de « l'être » (neutre par définition), l'essentielle sans complément, « l'Atom heart Mother ».

Témoin muet(te) d'une vie conjugale, parentale et familiale bâtie sur des compromissions, des non-dits, des mensonges, des cachotteries et les pires lâchetés, Laurence sera la « fille » qu'on veut qu'elle soit, à la place désignée de cadette, entre Claude, l'aînée délurée, et Gaëlle, la plus qu'absente puisque morte prématurément.
Victime lucide de ses tyrans mais comptable de ses actes et de ses émotions, Laurence se raconte à tous les temps, de l ‘enfant violentée à l'adolescente muselée, de l'amoureuse qui s'amuse à l'épouse désabusée, de la jeune mère meurtrie à la maman épanouie.
Tristan sera son amour secret, Alice sa merveille.
Elle est une et nous « Toutes en elle », belles et rebelles, inconstantes et indulgentes, crâneuses et gracieuses, éperdues et perdues mais libres dans chaque fibre.
L'écriture est alerte, incisive, sans concession au romanesque : Camille Laurens appuie là où ça fait mal, là où ça fait du bien.
Moi qui fut autrefois cette « Fille », je remercie la vie de m'avoir comblée de ce double bonheur en pensant à ma magnifique « Fille » et ma fabuleuse petite « Fille ».
Et la dernière page tournée, je n'ai honte ni de mes rires, ni de mes larmes.



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Je suis née à cette époque décrite par Camille Laurens, j'ai vécu enfant dans un carcan d'interdits et de devoirs parce que fille. Toute petite, des injonctions ont jalonné mes apprentissages,puis ma future vie de femme. Si le patriarcat imposait ses lois à la maison, c'était parce que la lâcheté et la jalousie maternelle l'y autorisaient car qui se tait donne son accord. À l'époque le terme de sororité n'avait guère de réalité concrète. Ceci renforçant cela.
J'ai été touchée par la première partie du roman ( naissance,enfance,adolescence de l'auteure,) qui me racontait avec une autre voix ce que j'ai vécu simultanément.
C'est ,plus qu'un roman,un témoignage de la façon dont les filles étaient éduquées, dressées,il y a 60 ans, pour devenir de bonnes ménagères poulinières sans prendre en compte leurs aspirations propres.
Sans leur offrir la chance d'avoir des aspirations personnelles.
(On est en droit de se demander" et maintenant ?")
J'ai aimé comment l'auteure interroge la petite fille qu'elle a été ,lui donne enfin droit de s'exprimer pour faire remonter le passé .
J'ai aimé comment les histoires se tricotent les unes aux autres.
Et comment,ayant décrit douleurs injustices et mensonges, trahisons,ce livre se finit sur un avenir choisi,assumé et la joie de vivre d'Alice.



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It is beautiful, it is endless, it is full and yet seems empty. It hurts us.
Jackson Pearce, Fathomless (Fairytale Retellings, #3)


Je ne sais pas si c'est un coup de coeur. Mais c'est une évidence.
L'évidence à lire, souligner, soupirer. le livre qui caractérise tellement ce qui fait de nous, fille, notre place à nous sur cette planète, filles, notre regard au monde. le beau qu'on a besoin de voir et celui qu'on ne nous renvoie pas.
Les contraintes et contradictions. Les excuses, les silences, les actes manqués, les enfants perdus et ceux qu'on a gagné. Tout ça. Toute cette imperfection qu'on ne devrait jamais excuser.
Une lecture joyeuse, difficile, en demi teinte mais aussi optimiste. Un livre nécessaire.
Parce que quoique dise la société. C'est plus que bien, fille. C'est bien, surtout (et envers et contre tout).
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Laurence naît en 1959 à Rouen, et toute sa vie elle subira le poids banal d'être une fille. Appelée Laurence comme l'acteur Laurence Olivier car son père espérait un garçon - meme si « une fille c'est bien aussi »., victime comme toutes les filles de sa génération des discriminations - du « souffrir pour être belle » aux souffrances imposées de l'accouchement. Un roman dur, terriblement d'actualité dans un monde où l'homme est toujours celui qui décide et méprise le corps féminin.
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Ce roman nous parle de tout le sexisme et la misogynie qu'une femme rencontre quasi inévitablement dans sa vie, juste parce qu'elle est née fille. Il nous parle aussi d'un monde plein des normes qui ont été faites principalement pour les femmes. Pour les encadrer, les mettre dans une case, les ridiculiser.

Tu accuses? -Ne te donne pas en spectacle...
Tu cries ? Ne soit pas hystérique
Tu pleures? Arrête de faire ta victime.
Accepte ce qu'on te donne. Prend sur toi. Soit gentille . Soit responsable.

Selon la société (ancienne et AUSSI actuelle), en tant que femme, tu dois rester dans ton carré . Ne dépasse pas la ligne. Sinon, on te regardera de travers.
Voici un roman qui nous interroge sur la condition féminine et qui nous donne un peu d'espoir sur son évolution, mais, il nous rappelle aussi que rien n'est acquis ni gagné. C'est un récit ambitieux et puissant qui prouve(encore une fois) l'importance des mots dans la construction d'une vie.
Laurence Barraqué est une fille qui grandit seule, sans amour, mais avec deux surnoms odieux :"Gras du bide", tendrement balancé par son père et "Groc" pour "gros cul" , gentiment donné par sa soeur. Elle évolue dans une famille ou le père, dominant, a peu de respect pour les femmes et la mère brille par sa frivolité et son absence . Et, même lorsqu'elle subit des attouchements, les femmes de sa famille lui disent "on lave toujours son linge sale en famille" .
Je retiens cette lecture surtout pour sa plume, déterminée et marquante. J'aime bien le style d'écriture de Camille Laurens qui maitrise a la perfection la langue française , preuve faisant ces différents tons dans le récit: parfois cassant, parfois léger, brusque ou humoristique; tantôt sombre, tantôt lumineuse, son écriture a su me séduire.
Quant à l'histoire en tant qu'intrigue, elle ne m'a pas bouleversée plus que ça. du sexisme à toutes les sauces, des parents qui ont oublié leur rôle, une famille qui cache la misère sous des couches de peinture brillante ,bref, j'ai eu une sensation de déjà vu et lu .
Cette lecture m'a donc laissée un peu sur ma faim, même si elle est, je dois reconnaître, très intelligente.
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Attention, spoiler :
« c'est merveilleux, une fille ».
C'est beau d'y parvenir. Cela fait mal qu'il y ait besoin de tout ce temps, de toutes ces douleurs, de toute cette maltraitance pour y arriver.
C'est de la belle ouvrage, Mme Camille Laurens !
L'écriture transporte et les émotions sont vives. L'autrice offre un roman réaliste, féministe et nécessaire.
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« Il y a quelques secondes, elle ou il, tout restait possible, la grammaire rêvassait toujours son paysage, à présent on t'a coupé les ailes (quoi d'autre ?), tu es plus seule que Robinson et pourtant, c'est fait, le sort en est jeté avec le placenta, Dieu, né garçon, dit-on, père d'un fils, croit-on, Dieu est un enfant qui joue aux dés : c'est une fille. »

Voilà le point de départ du dernier roman de Camille Laurens : le conditionnement lié à notre sexe de naissance. Et en tant que fille, le constat est affligeant dès le départ pour l'auteure. Née à une époque où il vaut mieux naître garçon, elle remonte le fils de ses réflexions jusqu'au point le plus ancien de sa biographie : sa propre naissance. Au fur et à mesure des pages, nous avançons dans l'Histoire du féminisme aux côtés de Laurence. En parallèle, elle lève le voile sur ces expressions qui pénalisent lourdement le sexe « faible » et avantage celui que l'on qualifie de « fort ». La règle de grammaire qui dit que « le masculin l'emporte sur le féminin » est ici on ne peut plus pointée du doigt !

J'attendais avec impatience ce roman car j'aime beaucoup l'écriture de Camille Laurens. le Covid 19 en a reporté la sortie et j'ai été ravie de pouvoir enfin le lire. Pourtant j'avoue que le début m'a un peu déçue : encore un livre à la sauce « bobo parisien » qui se regarde le nombril et se plaint. Et puis, Laurence est devenue adulte, et ses drames m'ont retourné les tripes…

Bref, encore une fois, Camille Laurens a su me prendre par les sentiments, me faire aimer ses mots, et me serrer le coeur. Etant maman d'un Tristan, les lecteurs et lectrices comprendront mon trouble. Des pages qu'il faut prendre le temps de savourer.

Merci à Babelio pour la Masse Critique Privilège et aux éditions Gallimard pour l'envoi du livre.
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"On ne naît pas femme, on le devient" a écrit Simone de Beauvoir. Camille Laurens ne partage pas ce point de vue. On naît fille et c'est la catastrophe. On est déterminée à le rester sans jamais pouvoir évoluer, sauf à devenir femme et c'est pas mieux, en portant tout le handicap de ne pas être un garçon.
Dans la première partie du roman, l'auteure s'adresse à la petite fille qu'elle a peut-être été en utilisant le pronom tu. Ensuite, elle parle à la première personne. Enfin, la femme qu'elle est devenue est en capacité d'écrire sa propre histoire, passant ainsi de généralités à une histoire plus touchante, plus réelle, jalonnée de faits dramatiques, illustrant un vécu. Certes, cette femme est toujours inférieure à l'homme, l'héroïne est née à la fin des années 50. Ce décalage dans le temps permet de mesurer les étapes qu'il a fallu franchir, le chemin parcouru grâce à des femmes, et des hommes, exceptionnels pour que les femmes de notre époque n'aient plus à s'excuser d'être nées filles.
Et quelle écriture ! Quel style ! chez Camille Laurens. Un magnifique moment de littérature.
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