Qui est Laurence qui n'est « Barraqué » que de nom, qui nait «
fille » quand on a tant desiré un garçon, héritier du nom, passeur du passé familial, un p'tit gars qui en veut et qui en a, un balèze au futur baraqué (avec un seul r cette fois), bref un mâle.
Il aura fallu 200 pages à
Camille Laurens pour accoucher de cette
fille secrète, marrante et attachante, soumise aux diktats de l'Homme Libre (avec une grande H et deux petites L) dans toute sa virilité, sa lubricité, ses faiblesses inavouables et ses fautes impardonnables, cet homme qu'elle sait aussi aimer ( ou haïr) tel qu' il est, sans exiger qu'on le dénature.
Quel cadeau que ces quelques pages dédiées à une
fille vraie, rieuse et frondeuse, dont d'aucuns préféreraient louer la statue à défaut de lui reconnaitre le statut qui lui revient de droit : l'exacte équation du masculin, l'autre version de « l'être » (neutre par définition), l'essentielle sans complément, « l'Atom heart Mother ».
Témoin muet(te) d'une vie conjugale, parentale et familiale bâtie sur des compromissions, des non-dits, des mensonges, des cachotteries et les pires lâchetés, Laurence sera la «
fille » qu'on veut qu'elle soit, à la place désignée de cadette, entre Claude, l'aînée délurée, et Gaëlle, la plus qu'absente puisque morte prématurément.
Victime lucide de ses tyrans mais comptable de ses actes et de ses émotions, Laurence se raconte à tous les temps, de l ‘enfant violentée à l'adolescente muselée, de l'amoureuse qui s'amuse à l'épouse désabusée, de la jeune mère meurtrie à la maman épanouie.
Tristan sera son amour secret, Alice sa merveille.
Elle est une et nous « Toutes en elle », belles et rebelles, inconstantes et indulgentes, crâneuses et gracieuses, éperdues et perdues mais libres dans chaque fibre.
L'écriture est alerte, incisive, sans concession au romanesque :
Camille Laurens appuie là où ça fait mal, là où ça fait du bien.
Moi qui fut autrefois cette «
Fille », je remercie la vie de m'avoir comblée de ce double bonheur en pensant à ma magnifique «
Fille » et ma fabuleuse petite «
Fille ».
Et la dernière page tournée, je n'ai honte ni de mes rires, ni de mes larmes.