AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,09

sur 1970 notes
Fameux livre, qui m'a été quasiment insupportable du début jusqu'à la fin tant il sonne vrai. Il expose le laminage perpétuel d'être une fille dans ces années-là, c'est-à-dire : un être toujours marqué par l'incomplétude, le stigmate de n'être pas autre chose que ce qu'il est. C'est tellement subtil qu'on ne peut pas vraiment se révolter contre les allusions, les nuances, les timbres de voix affectueuses mais marquées de déception légère qui usent petit à petit la confiance du jeune enfant que vous êtes : on vous aime, c'est évident, mais... mais... mais il aurait mieux valu que... que quoi ? Ça rôde, c'est sournois, ça ne dit pas son nom, je t'aime ma fille, mais...
Et l'on cherche en quoi on a démérité, jusqu'au jour où l'on comprend enfin que le démérite est constitutif de soi.
Alors on peut rester une partie de sa vie dans le déni : non je n'ai pas vécu cela, ce n'est pas vrai, stop au dolorisme, au victimisme, il faut arrêter avec ça !

Et puis ça vous reprend traitreusement au détour d'une lecture.
Être une victime, n'est pas valorisant. Personne ne veut en être une : ce n'est pas un métier, un hobby, ça ne rapporte ni argent ni prestige. Une victime, c'est déprimé, ça revendique (la justice), ça souffre. Ça trouble le ronron, l'ordre établi. Pour un peu ça vous donnerait mauvaise conscience. La victime doit serrer les dents et supporter (en silence). On lui en saura gré. On pourra continuer à faire comme si de rien n'était. On évitera des remises en question et on pourra aller faire la sieste.

Nous avons un problème avec les victimes : au lieu de les considérer comme des héros (ce sont des survivants), on les méprise. Car nous aimons les forts, les gagnants, les chanceux. Nous voulons tous en être. Nous nous rêvons en "battants", c'est quand même plus glorieux et plus profitable à la grande déesse libéralisme dont nous avons tété les mamelles à peine nés.

Pourtant, ce n'est qu'après un état des lieux exhaustif qui établira clairement de quoi on a été victime et pourquoi, qu'on pourra sortir un jour de ce statut affligeant.

Il m'est arrivé de rencontrer des femmes "cocorico", des femmes qui nient, des femmes systématiquement du côté des forts, des rieurs. On les qualifie souvent de "solaires", de "royales" de "lionnes". Ce sont des femmes "viriles", qui savent que les hommes n'aiment pas les doléances et qui, pour mieux les séduire (les réduire), leur serve la soupe qu'ils aiment ou qu'elles croient qu'ils aiment : et elles ont raison, il ne faut pas trop titiller la mauvaise conscience de l'Homme, ça le rend fuyant. Un salon d'adulateurs se forme spontanément autour de leur fascinante personne, que ce soit à la machine à café du travail, dans les groupes de randonnées ou de voyages organisés, dans les vernissages, dans les soirées, partout où elles daignent apparaître. le mariage ne met pas fin à leur quête éperdue. Il leur faut essayer leurs armes, encore et toujours, souvent de façon platonique, ce n'en est que plus efficace. Ces femmes-là se sont transformées en guerrières de l'amour : blessées, elles pansent leurs plaies et retournent au combat. Leur terrain de chasse est le statu quo patriarcal. Elles se parfument à l'admiration qu'elles suscitent et se méfient des autres femmes, qu'elles qualifient de "pleureuses". Alors que ces dernières recherchent encore leur complétude, elles y ont définitivement renoncé. Leur seul objectif est le pouvoir : sur un homme ou sur les hommes. Plus important est le nombre tombé raide dingue sous leur charme, plus "elles en tiennent dans le creux de leur main", plus la pommade anesthésiante est opérante. Elles règnent ainsi sur un cheptel de chevaliers servants qu'elles tiennent en haleine, et sur lesquels elles ne se font en réalité aucune illusion : il faut les "tenir", pour ne pas être "tenue". Elles ont en fait créé un troisième sexe qui s'apparente aux amazones. Par un tropisme inconscient de survie, elles se tournent vers la revanche comme le tournesol vers le soleil.

Pour être sincère, j'ai connu aussi une jeune fille (une seule, hélas, mais il doit y en avoir d'autres) naturellement solaire, une jeune fille puissante, exerçant sur le sexe opposé un attrait magique sans être pour autant dans la rivalité et le mépris du sien. Un être fluide et extraordinairement rayonnant, sûr de soi et attentionné, dont la présence, loin d'appauvrir son entourage l'enrichissait : mais elle appartenait à une génération bien postérieure à la mienne et avait été aimée, encouragée, guidée par des parents aussi peu briseurs de rêves qu'on peut l'être. Elle est devenue une femme égale à ses promesses.

C'est très encourageant car cela montre que c'est possible.

Pour finir, je citerai un dialogue extrait du film de Claude Miller "l'accompagnatrice", tiré du roman de Nina Berberova.

Un père à sa fille : Est-ce donc si difficile d'être une femme ?
La fille : très difficile, père, toutes s'en plaignent.
Le père, après un silence : Être un homme est impossible, aucun n'y parvient.

Difficile condition humaine !
Commenter  J’apprécie          251
Il arrive parfois qu'un livre réveille en vous quelque chose..... J'avais abandonné Ni toi ni moi de cette auteure il n'y a pas très longtemps (et je ne l'avais d'ailleurs pas chroniqué) et moyennement apprécié Celle que vous croyez et celui-ci je l'ai lu, voire dévoré, j'ai eu l'impression que Camille Laurens avait été témoin de nombreux épisodes de ma vie et je me suis sentie bien, en confiance, rassurée de ne pas me sentir seule et inquiète de savoir que nous avions été si nombreuses, enfin quelqu'un qui évoquait les maux en mots d'une enfance féminine.

Un enfant naît : il peut être source de joie, d'avenir, "C'est un garçon !" ou source de regrets, de résignation, "C'est encore une fille..." et même si elle ne manque pas d'affection, elle doit, malgré tout trouver et faire sa place, sa vraie place. Cela tient parfois à peu de choses : une phrase, une expression, un mot qui se gravent à jamais dans la mémoire ou alors une impression, un sentiment, une sensation qui vous imprègnent pour toujours.

Année 1950 - Famille Barraqué je demande le fils : mauvaise pioche, ici il n'y a que des filles au grand désespoir du père. Il y a Claude, l'aînée, mais déjà avec un prénom épicène (merci Amélie Nothomb d'avoir porté à notre connaissance ce terme), puis Laurence, comme Olivier, l'acteur anglais, mais là c'est une fille, la narratrice, qui portait pourtant tous les espoirs de la famille d'avoir enfin un fils.

Dans un milieu plutôt favorisé, père médecin, mère au foyer, Camille Laurens  retrace avec minutie et précision dans les mots l'itinéraire des filles, elle leur donne la parole, employant le "Tu", faisant de sa narration un texte universel, nous apostrophant parfois, nous lectrice, de ne pas voir l'importance de certaines attitudes, de certains mots ou faits, mêlant ses propres souvenirs et vécus avec le "Je". Il y a de la colère, de la révolte, de l'indignation dans des événements, des mots qui pourraient paraître des petits riens et qui au fil des pages on fait remonter en moi bien des souvenirs.

Un parcours d'enfance et de femme comme il en existe tant, tellement ancré dans les moeurs, dans les habitudes et traditions qu'il est bon de passer au crible les faits, les mots, les expressions utilisés sans compter les silences et avec le recul, on se rend compte de l'importance qu'ils ont eu sur ces femmes. Et cela, Camille Laurens le fait parfaitement s'attachant à analyser, décortiquer ce qu'était l'accueil et l'éducation d'une enfant de sexe féminin dans une société où le sexe masculin était porteur de longévité du nom, symbole de réussite et de fierté.

Etre fille hier, et même parfois encore maintenant, n'est pas toujours chose facile et le chemin pour parvenir à être femme et surtout femme heureuse, épanouie, est parfois semé d'embûches et Camille Laurens enfonce le clou, là ou cela peut faire mal à travers un roman très vrai et documenté, très ancré dans une époque pas si éloignée de nous, où l'on a le sentiment que les choses n'évoluent guère.

C'est fort, puissant, vrai, c'est un roman mais cela pourrait être un essai tellement il fourmille de références, de vécus passés au crible. Alors certes l'écriture est sèche, faite de courtes phrases, écrites dans un élan, dans un souffle, mais elle sait également devenir émouvante quand elle s'imprègne d'événements, je pense, personnels à l'auteure. C'est un roman, oui,  mais c'est cela pourrait être également le témoignage de tellement de femmes.....

A lire pour comprendre pourquoi et comment les femmes ont été ou sont entravées parfois par une enfance ou par une éducation où le fait d'être fille est un handicap ou vous handicape pour vous construire, vous épanouir et à  mettre entre les mains des filles, des pères, des mères ou des femmes (et des hommes) pour en prendre conscience.

J'ai aimé le ton, même la violence sous-jacente, la richesse des détails qui relèvent d'un vécu personnel mais devient universel, retraçant une vie féminine dans un monde où le masculin l'emporte encore trop souvent sur le féminin mais surtout j'ai été époustouflée par la précision de l'écriture, de l'analyse parfois de chaque mot, pour ne rien laisser passer, pour être la plus précise possible, pour aller à l'essentiel, au vital et comment les préceptes ont imprégné le langage.

J'ai beaucoup aimé et j'en suis sortie à la fois plus forte, émue et admirative pour avoir su si bien parler de nous les Filles...
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
Commenter  J’apprécie          250
Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour l'envoi, lors d'une masse critique privilégiée, de Fille de Camille Laurens.
J'ai souhaité découvrir ce roman car je garde un bon souvenir de l'essai : La petite danseuse de quatorze ans, qui m'avait permis de découvrir cette romancière. Sa plume m'avait plu, d'où mon impatience à découvrir Fille.
Mais qu'est ce qu'une fille ?
Définition du dico :
FILLE, nom féminin
1. Personne de sexe féminin considérée par rapport à son père, à sa mère.
2. Enfant de sexe féminin.
3. (Vieilli.) Femme non mariée.
4. Prostituée.
Laurence Barraqué grandit avec sa soeur dans les années 1960 à Rouen. "Vous avez des enfants? demande-t-on à son père. – Non, j'ai deux filles", répond-il.
Naître garçon aurait sans doute facilité les choses. Un garçon, c'est toujours mieux qu'une garce.
Puis Laurence devient mère dans les années 1990.
Être une fille, avoir une fille : comment faire ? Que transmettre ?
Fille est un roman qui m'a moyennement convaincu car le rythme est assez lent, en y réfléchissant bien il ne s'y déroule pas grand chose.
C'est une réflexion sur le fait d'être née fille, ce que ça implique pour l'entourage par rapport à naître garçon.
Il y a de bonnes choses dans ce roman toutefois je ne me suis pas toujours senti en osmose avec Laurence.
Nous portons le même prénom mais je suis née après elle, en 1974 et je ne pense pas qu'être née fille ai été un problème avec mon père. Il était contentd'avoir une fille ! Je ne me suis jamais senti mal aimée et j'ai pu faire ce que je voulais de ma vie. Quand on lui demandait s'il avait des enfants il me montrait en disait fièrement Oui, j'ai une fille.
Logique donc que je me sente un peu en décalage avec Laurence car ses préoccupations, ses interrogations, ne furent jamais les miennes. Je ne me suis jamais demandé si les choses auraient été différente en naissant garçon.
Je suis moi même maman d'un garçon mais j'aurais adoré avoir une fille et j'aurais fait en sorte qu'elle ai les mêmes chances que les mecs !
Fille est un roman intéressant, toutefois je n'ai pas accroché plus que ça et je suis un peu déçue.
Je vous invite quand même à le lire car l'écriture n'est pas désagréable, loin de là. Et suivant votre vécu, vous pouvez plus accrocher que moi :)
Ma note : 3 étoiles.
Commenter  J’apprécie          220
Je partais avec, pour des raisons diverses (parmi lesquelles une lamentable affaire liée à un récent prix Goncourt) et puis petit à petit (très vite à vrai dire) j'ai été happé par ce livre superbe, particulièrement bien écrit (une autofiction plus ou moins, peut-être, mais avec un superbe style ironique et riche). Ce qui est raconté ici dit beaucoup de l'histoire des femmes, des représentations de genre, du poids des mots (le début qui compte une sorte d'anaphore du mot fille en témoigne bien). La partie qui se déroule durant l'enfance est très forte, mais j'ai également été très touché par ces beaux chapitres sur les relations mère-fille qui concluent ce très beau roman. de manière sidérante, j'ai enchaîné deux livres ( celui-ci et celui de Gisèle Halimi) commençant par une scène de déception devant la naissance d'une fille...
Dans un autre genre que ceux d''Annie Ernaux, un très beau roman à côté duquel j'étais complètement passé !
Un vrai coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          210
Camille Laurens nous parle ici de la question de l'identité féminine et de ce que signifie" naître fille". Laurence (Laurens?), la narratrice est née à la fin des années 50 au sein d'une famille (d'un père surtout) qui désire un, voire des garçon (s), situation qu'elle n'a sans doute pas été la seule à vivre à cette époque. Laurence emploie « tu », lorsqu'elle parle à l'enfant qu'elle a été. L'adulte en devenir quant à lui, (elle?) emploie la première personne. Dédoublement de personnalité ou recul nécessaire à ce qu'elle a vécu, Fille se fait porte parole des filles nées à cette époque et permet une prise de conscience des avancées qui ont été réalisées ces dernières années et du chemin qu'il reste à parcourir! Un très beau roman poignant.
Commenter  J’apprécie          210
Ce roman démontre les difficultés que sont d'être une femme (le sexe faible) dans notre société, notamment à cause des préjugés et des "normes" qui y sont ancrés et difficiles de "casser", malgré une indépendance acquise. Il démontre également à quel point nous sommes tous conditionnés dès la naissance, qu'on soit homme ou femme.

Le parcours de Laurence se déroule en trois phases : son statut de fille, celui de femme et enfin celui de mère. Et à travers ces trois étapes, on fait face à trois évolutions fulgurantes : les femmes n'ont plus besoin de l'autorisation de leur mari pour aller travailler, l'avortement devient légal, le mariage pour tous est voté. Si j'ai trouvé que l'autrice partait quelquefois trop dans l'exagération quant à la victimisation de la femme, ce n'est certainement que pour mieux faire passer son message. Encore aujourd'hui, on regarde comment tu t'habilles, tu as peur de marcher toute seule dans la rue à partir d'une certaine heure, tu es jugée par rapport aux comportements de tes enfants, etc.

Le style d'écriture de l'autrice est assez particulier, plutôt décousu, saccadé, avec parfois de très grandes phrases. le récit est narré tantôt à la première personne, tantôt à la seconde, tantôt à la troisième. C'est donc sceptique que j'étais au début, pour finalement me rendre compte que ça se lisait très facilement. D'abord innocent et caustique, le ton de la narration se fait plus dérangeant, dramatique, voire choquant, au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture. Certains passages m'ont pris aux tripes, d'autres m'ont carrément mise mal à l'aise, ou tout simplement indignée. Et paradoxalement, j'ai souvent souri ou ri.

J'ai trouvé cette lecture assez spéciale, tant au niveau de la forme que du fond, plutôt déroutante mais, au final, j'ai plutôt bien aimé.

Et puis, c'est bien d'être une fille, aussi...
Commenter  J’apprécie          210
D'une écriture chantante, tantôt très joueuse avec les répétitions, les sonorités, les échos, tantôt beaucoup plus sobre en fonction des états d'âme de son héroïne-narratrice (qui dit "je" mais pas tout le temps), Camille Laurens signe le livre des femmes, à la fois le sien et celui de tout le deuxième sexe (plus d'infos : https://pamolico.wordpress.com/2020/10/21/fille-camille-laurens/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          210
Livre extraordinaire.
Magistral.
Ou comment on vit lorsqu'on est une fille.
Pas toujours marrant...
Son père médecin, voulait un petit gars, c'est Laurence qui est arrivée.
Et puis Laurence en a bien bavé, souvent, tout le temps.
Et puis elle va connaître les doigts qui fouillent, qui saccagent, qui agrippent...
Alors elle va rêver d'insectes grouillants, insecte, inceste...et puis elle bouchera tous les trous, dans ses cauchemars, tous les trous car sinon, ça pourrait recommencer...
Elle se masturbera avec fantasmes de salissures et d'humiliations.
La honte au ventre car c'est bien connu, elle a dû l'allumer le Félix, la brute de la famille. Et puis quand ils savent, bah on ne dit pas grand chose, c'est comme ça, c'est le lot des filles...
Et puis l'accouchement, avec l'aval du père qui choisit un obstétricien raté, débile, qui mettra des heures à arriver, alors forcément, c'est trop tard. Pourtant, c'était un garçon... lui au moins... Tristan comme tristesse, comme triste, comme artiste, comme attristée, comme anéantie.... Oh elle en fera bien un deuxième...
Elle ne sait pas comment se positionner Laurence, on leur en demande trop aux filles.
Et puis elle en fait une autre, de fille, pas de chance. Et puis la petite fille grandira et choisira une vie bien différente des autres filles. Mais chut, ne dévoilons pas la toute fin qui, pour ma part, m'a réjouis, pour des raisons toutes personnelles...
Mais attention ! Livre cocasse aussi !
On rit franchement, à certains moments, notamment quand le père explique la grossesse et les règles à ses deux filles avec force expressions que je ne connaissais pas et qui m'ont bien fait rire.
Oui, on rit, on pleure, et surtout, on lit un livre d'une beauté incroyable et d'un style époustouflant.
Merci Camille Laurens (tiens donc...) pour ce si bel hommage aux Filles.



Commenter  J’apprécie          212
Finalement, Fille c'était pas si mal.
Il faut passer les premières pages consacrées à la naissance de l'héroïne, qui sous prétexte de planter le décor, souffrent d'une certaine lourdeur.. On dirait un orchestre de jazz qui reprendrait sa phrase musicale fétiche ad libitum. À vous donner la nausée. J'en étais arrivée à me dire que la suite allait vraiment être longue si le reste du roman était du même acabit.

Fort heureusement la suite s'arrange et s'équilibre. Sans sombrer dans l'écueil du militantisme féministe à outrance. Ce qui était ma crainte
Un s'agit d'une juste exploration de la manière dont une fille devient fille (la phrase fonctionne aussi très bien avec « femme » grâce à Simone), par rapport aux garçons, mais surtout au regard de la société, de son époque, des copines et de la famille.
C'est fin, juste, sans chichi. On explore ainsi trois phases clés dans la vie d'une femme : devenir femme, devenir mère, quand sa fille devient adulte.
L'époque a toute son importance dans ce roman, puisque notre héroïne débarque dans ce flou artistique un peu déstabilisant, mais si foisonnant, des années 60/70. Eh oui, à ce moment-là les femmes ont enfin eu le droit de travailler sans en référer à leur mari, le droit d'avoir un chéquier, d'avoir un enfant ou pas.
Les salons des arts ménagers ont vite été relégués à une coutume d'époque antique, par les festivals de musique. Les écoles sont devenues mixtes. Tout à coup, les garçons et les filles, se sont retrouvés mélangés, sans mode d'emploi. Alors chacun a inventé ses codes, a tenté de décrypté l'autre, cet inconnu. Car en ces temps-là, on ne parlait pas de tout ce qu'il se passait sous les tricots de corps et encore moins sous la ceinture. Déjà les ragnagna, c'était tout une affaire de femme passée sous silence. Alors évoquer la sexualité…bouh. D'où la difficulté pour les filles de l'époque à trouver les informations fiables et à se construire d'après elles dans leur relation au garçon.
Et que je te fais des remarques sexistes, des blagues graveleuses, quelques gestes déplacés. C'est normal, non ? Si les femmes n'exhibaient pas leurs guiboles comme ça, il y aurait moins de problèmes.
Il y a aussi les mâles qui se protègent mutuellement des maux qu'on leur reproche. Ils se couvrent les uns les autres dans un esprit de confrérie anti-femme assez abject.
Voilà en résumé ce qui se passait à l'époque. Ce qui je l'espère, se passe moins à l'heure actuelle, encore que c'est jamais gagné ; ne serait-ce que quand on voit les USA et le droit à l'avortement qui prend l'eau. Attention aussi à ne pas sombrer dans l'excès inverse ; pour exemple mon fils de 13 ans qui me dit que les profs sont sexistes contre les garçons à force de vouloir protéger les filles.

Bref, c'est pas facile, mais déjà, quand on communique plus franchement, qu'on évite les tabous et les non-dits, un grand pas est fait pour aller vers l'autre.

Alors, faut-il le lire ? Oui. C'est de la belle ouvrage. Même si Je ne suis pas dithyrambique au point de l'élire meilleur livre de l'année.
En parallèle, il me semblerait intéressant d'écrire le livre « Garçon » en miroir…
Commenter  J’apprécie          200
Laurence Barraqué naît en 1959, et elle est une fille. La deuxième, plus exactement, après sa soeur Claude. Et ce n'est pas pour plaire à leur père, qui n'a, encore une fois, pas le bonheur d'avoir un garçon. Un garçon, celui qui aurait été le fils, celui qui a le droit à deux termes pour différencier son genre de son statut familial, alors qu'une fille, elle, n'en a pas le droit. Première dissection lexicale du roman qui fonctionnera comme un fil rouge, s'intéressant à l'étymologie de certains mots, ou encore à leur polysémie, leur synonymie… afin de mettre en évidence, toujours avec beaucoup de réussite, parfois avec un humour plus ou moins ironique, la différenciation ontologique qui se joue entre fille et garçon, depuis la naissance jusqu'à la fin de l'existence. C'est en effet dans cette optique que nous sont contés les commencements de l'histoire de Laurence, d'abord via une narratrice qui prend en charge le récit de celle-ci jusqu'à ce qu'elle soit en âge de s'exprimer par elle-même, et nous la suivons jusqu'à la naissance, et le passage à l'âge adulte, de sa propre fille.

Par l'intermédiaire de Laurence, nous découvrons quatre générations de femmes : celle de sa grand-mère ; celle de sa mère ; la sienne ; celle de sa fille. Ainsi, au fil du récit, l'expérience personnelle devient collective, et elle est toujours presque la même, ponctuée de brimades, d'humiliations, de rabaissements, de violences, de nécessité d'en faire, encore et toujours plus, pour se faire voir et entendre… expérience bien connue de chaque femme qui évolue dans une société patriarcale, narrativement assez commune et rebattue, qui, à mon sens, tranche avec l'originalité première des réflexions lexicales essaimant le roman, beaucoup plus intéressantes et porteuses de sens.

Une lecture qui démarrait sous de bons auspices, finalement en demi-teinte, autant parce que Fille n'apporte rien de nouveau, stylistiquement parlant surtout, que parce que la version audio, lue par Elsa Lepoivre ne m'a pas convaincue, du fait d'un ton que j'ai trouvé parfois trop monocorde.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
Commenter  J’apprécie          200




Lecteurs (4139) Voir plus



Quiz Voir plus

Famille je vous [h]aime

Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

chien
père
papy
bébé

10 questions
1429 lecteurs ont répondu
Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

{* *}