Les chercheurs d'or Hommages «À la manière de», de Gérard le Goff, Ed. Stellamaris, 155 p., 4e trim. 2023,
ISBN 2-36868-828-1
Simple amusette ? Variations sur un thème, à l'instar de celles que pratiquent parfois les compositeurs ? le Goff demande d'emblée pardon au lecteur, aux grands lettrés qui pourraient se montrer sourcilleux face à sa démarche. C'est que son livre est pour le moins original : écriture « à la manière de » pour une bonne cinquantaine d'auteurs français ou francophones des XIXe et XXe siècle. Tous disparus car je ne souhaite pas déranger les vivants, sachant toutefois combien la parole des morts nous permet souvent d'exister. Prudence et fascination devant l'écrit, de la part de l'auteur ! Nous passons de
Charles Baudelaire à
Henri Michaux, d'
Arthur Rimbaud à
Andrée Chédid, de
Blaise Cendrars à
Georges Perros. le portrait de chacun est tout d'abord habilement dessiné par le Goff et flanqué d'une vraie citation.
Rassurons-nous : on sent en tous points l'amour de la littérature, l'admiration pour ces auteurs majeurs, le respect. Les textes originaux de le Goff, miment de gré à gré le style de ces seigneurs du Verbe. Affirmation enjouée mais discrète de la culture face à l'inculture rampante actuelle. Les formes sont diverses. Tour à tour un poème de
Maurice Fombeure plus vrai que nature, une soi-disant lettre d'
Antonin Artaud à son psychiatre, une pseudo-interview avec
Louis Aragon ou
René Char, une rencontre putative avec
Yves Bonnefoy, une missive que
Philippe Jaccottet ne recevra jamais.
Le ton est amusé, avec un zeste d'humour, la relation est amicale mais humble face aux éléphants. On admire l'éclectisme de l'auteur, son agilité d'esprit, sa faculté de changer de style pour mimer les grands écrivains. Un exemple pour l'incontournable et ombrageux
Victor Hugo :
L'orage accourt depuis l'horizon de l'autre monde,
Bouscule ses cohortes démentes, ses démons immondes
Qui prirent forme dans les amas de nuages gris (…)
On est effectivement dans le style du maître romantique…
Ou bien
Valéry Larbaud dans un Orient-Express plus vrai que nature :
Emmène-moi,
Avec pour seul titre de transport mon rêve,
Ô Compagnie Internationale des Wagons-Lits !
Je sais les plafonds en cuir de Cordoue,
Le velours italien tendu aux embrasures
Les luminaires et la pâte de verre bleutée de Lalique (…)
Et, devant les châteaux imprenables qui passent, imperturbables devant les fenêtres du train :
Ces forteresses aux serres de pierre
Crispées sur les crêtes, hérissées,
Qui semblent défier les nuages (…)
Nous reconnaissons
Gérard le Goff poète dans l'âme. le classement de cet ensemble de textes « à la » n'est ni chronologique, ni thématique et ne suit pas la logique alphabétique des patronymes. L'ensemble n'est ni une supercherie littéraire, ni une compilation présomptueuse. le Goff s'amuse et nous amuse. L'on sent que l'auteur a une réelle proximité avec ses aînés, les chercheurs d'or (joli concept en référence à l'épitaphe inscrite sur la tombe d'
André Breton), les chercheurs de mots et d'idées de la littérature française. À l'unisson, tous ont les mains dans la rivière, les pieds dans la glaise, à l'affût de pépites.
Et si
Gérard le Goff était, à l'instar de ses pères spirituels, lui-même un orpailleur ?
Claude Luezior