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Marie Surgers (Traducteur)
EAN : 9782841723706
309 pages
L’Atalante (22/06/2007)
4.43/5   30 notes
Résumé :
Parmi les mondes appelés à rejoindre l'Ekumen, la ligue humaniste des civilisations de la diaspora, il y a Werel et Yeowe.Werel, où domine une oligarchie de propriétaires d'esclaves ; Yeowe, sa colonie, où quatre "corporations" pillent et saccagent la planète en écrasant sous leur joug une population d'esclaves. Mais où règne l'oppression gronde la révolte. La libération viendra.En ces temps lourds de nuages et de promesses, voici quatre récits, un roman fragmenté, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
DUR EST LE CHEMIN...

Critique (presque) indépassable, complète et fine de Laurent Leleu tiré du magazine Bifrost N° 48. Pour une fois, je me contente de reprendre :

La science-fiction aime créer des mondes étrangers. Elle aime décrire minutieusement des écosystèmes entiers et s'amuse à y mettre en scène, avec la rigueur de l'ethnologue, des humanités apparemment autres. Souvent, ces cadres somptueux n'offrent qu'un décor à des aventures exotiques et dépaysantes — mondes en kit pour planet opera distrayant. Il arrive aussi que ces mondes soient le lieu imaginaire d'expérimentations sociales ou environnementales ; encore que l'une et l'autre soient fréquemment liées. Parfois, l'auteur fait oeuvre de démiurge afin de faire jaillir de la différence des psychologies — de l'étrangeté apparente des êtres — la touchante sincérité et l'unicité des sentiments humains.

Quatre chemins de pardon appartient à cette dernière catégorie. Organisé à la façon d'une suite de nouvelles interconnectées les unes aux autres, ce livre se rattache à l'Ekumen, « cet univers pseudo-cohérent qui a des trous aux coudes », comme le dit Ursula le Guin elle-même. Ici l'auteur se focalise sur les planètes Werel et Yeowe. le lecteur le Guinophile connaît forcément Werel depuis qu'il a lu la nouvelle « Musique ancienne et les femmes esclaves », paru dans le recueil Horizons lointains (disponible chez J'ai Lu), puis plus récemment réédité dans le recueil L'Anniversaire du monde. En fait, cette nouvelle est postérieure à Quatre chemins de pardon et ne pas l'avoir lue ne constitue pas un handicap. Pour revenir à Werel et Yeowe, ces deux planètes sont inextricablement liées depuis que la première a colonisé et mis en exploitation la seconde. Quatre corporations capitalistes se sont partagées Yeowe qui a été littéralement pillée et saccagée. Naturellement, on a reproduit sur la planète coloniale le modèle social dominant de Werel ; une société esclavagiste où la ségrégation repose sur la couleur de peau. Malicieusement, Ursula le Guin a fait des mobiliers — les esclaves — les habitants à la peau claire, et des propriétaires, ceux à la peau sombre. Naturellement, elle ne ménage pas son imagination pour accoucher de deux mondes ethnologiquement et historiquement cohérents. L'ouvrage est, à ce propos, doté d'appendices très détaillés à destination des lecteurs que la multitude des références aux rites religieux, aux hiérarchies et rapports sociaux, au mode de fonctionnement de l'esclavage, aux relations géopolitiques qui émaillent les textes, n'a pas rassasié. Chaque nouvelle est racontée par un ou deux narrateurs/acteurs différents. le procédé est habituel chez l'auteur, pour qui apprendre à connaître l'autre n'est pas qu'une posture de circonstance. L'interaction des subjectivités suscite ainsi des échos qui se répondent harmonieusement et contribuent à l'humaine complexité des sentiments car ce sont bien les relations entre hommes et surtout entre hommes et femmes qui composent les oeuvres vives de cet ouvrage.

« Trahisons », qui ouvre le livre, prend place sur Yeowe peu de temps après la révolution et la guerre de trente années qui a chassé de la planète les corporations et les propriétaires. le personnage narrateur est une vieille femme, Yoss, qui a fait le choix de se retirer dans les marais afin d'entrer dans le silence, comme elle le dit ; un silence propice à l'oubli ; oubli du départ de ses enfants vers un autre monde de l'Ekumen ; oubli des années de guerre de libération et des déchirements que n'a pas manqué de susciter l'indépendance. Son plus proche voisin, Abberkam, vit ce silence comme un purgatoire. Leader révolutionnaire puis chef du parti politique le plus influent de Yeowe, il a été déchu de tout son pouvoir après avoir trahi. Désormais, les remords l'empêchent de trouver la paix intérieure. Une longue maladie et des soins attentifs vont pourtant le rapprocher de Yoss et l'on va se rendre compte que la convalescence la plus longue n'est sans doute pas celle du corps. le deuxième texte, « Jour de pardon », met encore en scène un homme et une femme que tout contribue à séparer. Solly, une jeune femme mobile — comprendre, un agent de l'Ekumen non attachée à un monde — , réprouve l'esclavage qui lui apparaît comme une intolérable pratique barbare. Malgré cette réprobation et son inexpérience, elle est envoyée pour prendre contact avec le divin Royaume de Gatay, une des puissances secondaires de Werel. le gouvernement de Voe Deo, la puissance dominante de Werel, lui affecte pour l'accompagner, comme garde du corps, un individu rigide et peu loquace qu'elle a tôt fait de mépriser, le surnommant par dérision le major. Elle ne sait évidemment pas que celui-ci a une longue et dramatique histoire à raconter. Dans cette nouvelle, ce n'est pas la maladie qui provoque la confrontation, puis le rapprochement des deux personnages, mais une prise d'otage. A l'intrigue intimiste s'ajoute une machination de nature plus géopolitique. Cependant, c'est sans doute l'itinéraire personnel de Teyeo — le major — qui s'impose comme le plus bouleversant.

« Un homme du peuple » et « Libération d'une femme » sont les deux facettes d'un même récit et constituent le point culminant de Quatre chemins de pardon. Nous épousons d'abord le point de vue d'un Hainien, Havzhiva, qui a rompu tous les ponts avec sa communauté natale et ses traditions ancestrales. Formé à l'école de l'Ekumen, spécialisé en Histoire, Havzhiva apprend à jauger les diverses cultures avec le recul de l'historien. Au terme de sa formation, il choisit d'être affecté sur Yeowe, qui vient d'être libérée. Il y découvre la persistance du sexisme. Refusant de hiérarchiser les cultures, Ursula le Guin démontre à travers le trajet de Havzhiva que les savoirs traditionnels peuvent et doivent coexister avec le savoir universel auquel ils ne s'opposent pas nécessairement. Evidemment, l'éducation et L Histoire ont un rôle déterminant à jouer dans cette cohabitation, semant par la même occasion les germes de l'avenir car : « Tout savoir est local, toute vérité est partielle. Nulle vérité ne peut rendre fausse une autre vérité. Tout savoir est une partie du savoir global. Vraie ligne, vraie couleur. Quand on a vu le motif général, on ne peut plus prendre la partie pour l'ensemble. » Ce premier point de vue ouvre la voie à la nouvelle suivante, « Libération d'une femme », qui est le récit poignant et dur de Rakam, une femme-liée appartenant à un grand domaine de Werel. Grâce à son témoignage, nous pénétrons au coeur du système esclavagiste de ce monde, système dans lequel la femme — si elle n'a pas la chance d'être protégée par un maître — est considérée comme moins que rien. Ballottée entre des mains peu recommandables — Ursula le Guin ne nous épargne rien des viols successifs que subit l'ancienne esclave — , Rakam finit par faire reconnaître son affranchissement et migrer sur Yeowe, d'où personne ne revient jamais, chante-t-on, mais où les mobiliers viennent d'arracher leur liberté. Une nouvelle désillusion et un nouveau combat l'attendent car, lorsque l'on est un immigrant et de surcroît une femme, il n'est pas aisé d'être traité dignement. Dans cette nouvelle, Ursula le Guin n'énonce pas de jugement à l'emporte-pièce et n'assène pas de discours revanchard. C'est avec une grande retenue qu'elle laisse entendre qu'il ne sert finalement à rien de ressasser les outrages passés car « c'est dans nos corps que nous perdons ou découvrons la liberté. C'est dans nos corps que nous acceptons ou abolissons l'esclavage ».
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D'abord un mot sur la structure de ce texte :
Ce n'est pas un roman ... ce n'est pas un recueil de nouvelles ... moralité c'est autre chose ...
Quatre récits assez longs reliés entre eux par certains personnages .. par certains lieux ... et par une continuité historique très forte jointe à une solide cohérence de l'univers.
La cohérence des textes est renforcée par un appendice très fouillé qui est un lexique civilisationnel .
Ce lexique propose de précieuses informations sur les deux planètes en question ..sur leur biologie ( certains aspects ) .. sur les castes où se répartissent les habitants et sur leur caractéristiques culturelles et même raciales ...
L'auteur nous emmènes à nouveau dans l'ekumen .
Plus particulièrement : sur deux planètes à l'histoire douloureusement conflictuelle et imbriquée .
Amateur assidu de ce cycle dont les textes se lisent séparément .
j'ai eu le plaisir aussi de faire par ce récit un petit séjour sur Hain ( la planète centrale de l'ekumen ) et franchement : intéressant au bas mot , car bien des aspects du cycle s'éclairent et prennent de la consistance .
La thématique de ce recueil tourne autour de l'esclavage et de l'abolitionnisme .. selon une approche très connecté à des destins individuels ..
Quatre chemins de pardon possède de grandes qualités .
Les personnages sont intensément réels et les sociétés qui sont évoquées sont non seulement crédibles mais elles sont indéniablement le résultat d'un solide effort créatif .
On peut prendre un réel plaisir à rechercher les sources historiques d'inspiration de l'auteur .
Par exemple un seul et bref passage peut faire penser à une plantation du " sud " l'auteur le fait sciemment et cela avec une utilité certaine .
Un roman simple à sa façon , mais autant il est simple autant il n'est pas simpliste . Sur un sujet si conflictuel et ambiguë : cela en fait un bonheur de nuances et de subtilités .
C'est Un récit superbe .. vivant ... dramatique ... raisonnable .. dépaysant et haut en couleur .
Si on attache une importance au prix littéraires ....
Il est bon de savoir que ce texte ( à la couverture déplorable et risquée ) les collectionne des deux côtés de l'atlantique.
Un bon moment de SF et un bon moment dans cet univers celui de l'ekumen .
Sinon mon roman préféré dans ce cycle où tous les textes sont indépendants des autres : Planète d'exil
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Quatre chemins de pardon, quatre nouvelles qui explorent avec subtilité et une grande humanité les thèmes difficiles de la réconciliation et du pardon. Pardon intime, entre individus marqués par la vie, pardon entre deux planètes aux destins profondément imbriqués, Wenrel et Yeowe, déchirées par la guerre, la colonisation, l'esclavage puis la révolte...

Ce recueil bardé de distinctions littéraires a marqué ma redécouverte d'Ursula le Guin, grande dame de la science-fiction que mes lectures avaient jusque-là honteusement réussi à contourner. Et quelle découverte, quelle intelligence dans l'écriture, quelle justesse dans le propos, dans la peinture de ces vies qui se croisent et s'influencent, permettent petit à petit au lecteur de comprendre la situation globale, les enjeux différents pour chacune ! Car plutôt que d'attaquer le sujet de front, chaque nouvelle se concentre le plus petit dénominateur, l'individu.
Une très belle lecture, qui m'a définitivement convaincue de me pencher sur le cycle de l'Ekumen, ce grand oeuvre dont Quatre chemins de pardon fait partie, et qui contient une multitude de romans individuels, mais partageant un même univers.
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Ursula le Guin parvient magistralement dans tous ces romans et nouvelles qui composent le cycle de l'Ekumen à créer des univers différents, abritant des sociétés à des stades d'évolution différente. Cela permet à l'écrivain d'aborder des thèmes difficiles à travers le spectre de la science-fiction. Dans ces 4 nouvelles qui se déroulent sur les planètes jumelles Werel et Yeowe, confrontées au problème de l'esclavage et des ses ramifications, chaque personnage devra réapprendre à vivre en femme et en homme libre, se confronter à l'autre dans sa différence et comprendre que toute tradition n'offre qu'une vue partielle de la vérité.
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Ce livre contient 4 nouvelles se déroulant dans l'univers de l'Ekumen créé par l'auteure. Ces nouvelles sont liées entre elles et se déroulent sur les planètes jumelles Werel et Yeowe, confrontées au problème de l'esclavage et des ses ramifications. Elles ont pour thème commun l'esclavage et l'abolitionnisme avec une approche liée à des destins individuels. Ces planètes sont marquées par des révolutions et des guerres, la vie est loin d'y être simple, surtout pour les femmes qui sont au coeur du livre.
Ces quatre nouvelles d'Ursula le Guin sont d'un très bon niveau, l'auteure place l'humain au coeur de ses récits et utilise un monde de science-fiction pour parler de problèmes humains tels que l'esclavage et en dénoncer les horreurs. Elle met également la femme au centre de ses histoires en mettant la liberté et les choix personnels en avant. L'auteure met en avant la liberté sous toute ses formes, dans ses choix de vie mais aussi au niveau sexuel, dénonçant les viols et parlant du sexe comme étant important pour l'épanouissement humain. Ces sujets étant toujours malheureusement d'actualité. Malgré sa couverture qui ne met pas du tout l'ouvrage en valeur (pourquoi pas une illustration des deux planètes avec un portrait en fond des femmes et hommes dont parlent les nouvelles), Ursula le Guin nous offre à nouveau une oeuvre profonde et attachante.
Lien : https://aupaysdescavetrolls...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Vous pouvez protester, dire que je ne parle que de ces choses-là, qu'il n'y a tout de même pas que le sexe dans la vie, même pour un esclave. C'est parfaitement vrai. Simplement, c'est peut-être dans notre sexualité que, hommes ou femmes, nous sommes le plus facilement asservis. C'est peut-être dans notre sexualité que, hommes libres et femmes libres, nous avons le plus de mal à rester libres. Les rapports physiques sont les racines mêmes du pouvoir.
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J'ai pu lire librement, tous les livres que je voulais, dans cette grande bibliothèque. Si j'avais voulu, j'aurais pu lire tous les livres. C'était ma joie, de lire. Le cœur de ma liberté.

[NB : la narratrice est une ancienne esclave qui a appris à lire seulement parvenue à l'âge adulte et qui "dévore" depuis]
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Mais avant cela, et après, les rois, les empires, les inventions étaient innombrables. Milliards de vies dans des millions de pays - monarchies, démocratie, oligarchies, anarchies. Ères de chaos et ères de discipline, et tant de panthéons, guerre paix guerre paix, sans fin, on découvre et on oublie, horreurs et triomphes, en permanence, tout est toujours nouveau, et la nouveauté se répète toujours.
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«C'est parce que tu es libre que tu peux être honnête», expliqua-t-il en s'escrimant à éplucher un pini, puis il lui en fit goûter une tranche. «Ne soit pas trop dure envers nous autres, qui ne sommes pas libres et ne pouvons pas être honnêtes. Croiser ta route, c'était un peu de liberté. Un peu, de loin...
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Que serait un monde sans guerre ? Il serait vrai. La paix, c'était la vérité, une vie pour travailler, apprendre, élever des enfants qui travaillent et apprennent. La guerre dévorait le travail, la sagesse, les enfants, niait la vérité.
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Vidéo de Ursula K. Le Guin
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Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
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