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EAN : 9782828918989
304 pages
Favre (24/11/2020)
4.33/5   21 notes
Résumé :

Un roman tissé autour d'une robe qui traverse l'Histoire et les histoires de femmes et d'hommes. En traversant les époques, ce vêtement devient personnage principal et essentiel, bouleversant les vies et les destins. Un livre captivant fait d'intrigues et d'émotions.

Qu'est ce qu'une robe ? Un objet, un vêtement, mais pas seulement. Dans La robe, elle devient le témoin d'événements qui ont marqué l'Histoire et d'aventures pour des femmes et de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Ce roman n'est pas sans rappeler le chapeau de Mitterand où pareillement à Antoine Laurain, Catherine le Goff utilise un objet anodin, ici La robe pour nous présenter une panoplie de personnages qui vont tourner autour de cette robe.

Les premières pages s'ouvrent sur une jeune bergère début des années 1900. Jeanne au service de bourgeois petite fée du logis qui sera autant récompensée et valorisée par son patron que convoitée et jalousée par l'épouse de ce dernier. le destin de cette jeune fille se voit chamboulé lorsqu'elle dérobe une robe de haute couture à sa patronne.

J'ai trouvé le début de ce roman passionnant, beau, hypnotique. L'histoire de Jeanne puis de son fils Paul m'a beaucoup plu.
Après, j'ai trouvé qu'il y avait trop de personnages parfois sans lien avec les derniers mettant plus en avant les faits historiques (deuxième guerre, les droits de l'homme, le mur de Berlin,...) et ce, avec une robe de plus en plus dans l'ombre. Autant au début, cette robe avait une réelle fascination, un but à elle-seule, autant après, j'ai trouvé que ce côté magnétique se perdait de personnages en personnages.

J'aime dans mes livres m'attacher aux personnages, les suivre longtemps. Ici, ce n'est pas permis, c'est un format « nouvelles » qui m'a frustrée quand on quittait un personnage pour en retrouver un autre.

Les amateurs d'histoire avec un petit h ou un grand H devraient certainement s'y retrouver un peu mieux que moi.
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Une robe qui traverse un siècle

Catherine le Goff a construit son roman sur une idée originale, suivre une robe durant un siècle et nous raconter la vie de toutes celles qui l'ont portée. de Paris à New York, en passant par l'Allemagne nazie, laissez-vous entrainer par son frou-frou.

Jeanne vit à la ferme et s'occupe de ses chèvres. En 1900 –elle a alors quatorze ans – sa vie va basculer une première fois. Son père décide de la confier à un couple de bourgeois en villégiature qui recherche une cuisinière et dont les papilles vont se régaler des plats de la jeune fermière. de retour à Paris, il ne faudra pas longtemps aux Darmentière pour réclamer la bougnate. Si le maître de maison est ravi de son choix, son épouse y voit une rivale et décide de s'en débarrasser. Elle met le feu à ses livres de cuisine et finira par avoir gain de cause. Mais à la veille de son départ, Jeanne s'introduit dans la chambre de sa patronne et lui vole une robe. Un butin qui la fascine et qui va la pousser, deux ans plus tard, à suivre des cours de couture. Aidée par son ancien patron qui ne l'a pas oubliée et qui est conscient de son talent, elle va ouvrir sa propre boutique. Mais l'euphorie sera de courte durée. Elle se marie avec un homme qui va s'avérer violent et alcoolique, lui fera un fils avant de partir pour le front. Il mourra à Verdun en 1916. Dès lors, Jeanne va s'investir totalement dans son travail, secondée par un fils qui ne va pas tarder à connaître tous les secrets du métier.
Catherine le Goff va alors nous proposer une sorte de panorama du XXe siècle en suivant LA robe, personnage à part entière du roman. Elle aidera Paul, le fils de Jeanne, à se faire connaître dans le milieu de la mode. Quand il ne décide de s'en séparer, il choisit parmi ses clientes une chanteuse d'opéra, Ruth Bestein.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la cantatrice juive va disparaître, laissant sa robe sur les épaules de sa fille Sarah, raflée elle aussi. Ce qui va lui permettre d'avoir la vie sauve, car au camp de concentration, on la charge de travaux de couture pour un haut dignitaire nazi. Son épouse finira par récupérer la robe.
Quelques années plus tard, alors que Berlin se déchire en deux, Gerta confiera la robe à sa nièce Jana, une actrice. Sans le savoir, cette dernière transporte dans la ceinture confectionnée pour l'occasion, les secrets que son mari, espion pour le compte des Américains, fait passer d'Est en Ouest. Lorsque l'on vient lui annoncer la disparition de son mari – et ses véritables activités – Jana parviendra à fuir et trouver refuge aux États-Unis avec sa fille, sous une fausse identité.
Commence alors la carrière américaine de la robe, qui va à nouveau changer plusieurs fois de propriétaire, recroiser la route de Paul et Sarah, et subir quelques outrages. Mais durant près d'un siècle son odyssée sera fascinante.
Entre roman historique et roman d'espionnage, entre roman de moeurs et thriller, cette histoire qui dévoile le destin de quelques femmes exceptionnelles, se lit comme une valse à mille temps, de celle qui met en valeur les robes et nous font lever les yeux sur celles qui les portent. On se laisse volontiers entrainer et griser par la plume allègre de Catherine le Goff.

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J'ai eu la chance l'année dernière de découvrir son roman « La fille à ma place », une histoire que j'avais aimé mais j'avais surtout accroché à son style d'écriture, très raffiné, avec des mots justes et fluides. Son talent d'écriture et son métier de psychologue nous offre des romans magnifiques et délicats.
Dans ce nouveau roman « La robe : une odyssée », on va suivre le parcours d'une robe au fil du temps (jusqu'en 2010) et des personnes dans laquelle elle va passer de main en main. On commence le roman en 1900 où Jeanne 14 ans vit dans une ferme au coeur des volcans d'Auvergne. Son père lui trouve une place de cuisinière chez des bourgeois. Elle est très triste de quitter sa ferme, ses montagnes et ses chèvres mais elle n'a pas le choix. L'épouse chez qui elle travaille n'est pas facile avec elle, Monsieur pour calmer les humeurs de sa femme décide de faire venir de Paris un couturier pour renouveler sa garde robe. Pour Jeanne, qui assiste à cette visite, le spectacle est époustouflant, cette vision va influencer le reste de sa vie, va être une vraie révélation. A cause de Madame, Jeanne se fait renvoyer. Pour se venger elle décide de voler la robe réalisée par le couturier avant son départ et part travailler dans une autre famille recommandée par Monsieur où les choses vont se passer beaucoup mieux. Elle va être heureuse et va être encouragée à s'épanouir dans sa nouvelle passion la couture, elle va finir par ouvrir une boutique « A la jolie robe ». Je vous raconte juste le début mais dans ce roman, la robe va être volée, perdue, vendue, retrouvée… Elle va avoir un réel pouvoir et changer le cours des vies des personnes. Moi qui ne suis pas du tout attachée aux objets (de part mon parcours de vie) je ne pensais pas que j'allais être happée par cette histoire, cette robe, ce vêtement, ce bout de tissus qui finit par donner le sentiment d'être une personne avec une âme qui raconte une histoire, qui peut aussi bien piéger ou sauver. Ce livre m'a tenu en haleine jusqu'au bout. Un coup de coeur pour ce roman de cette rentrée littéraire.
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La robe : Une odyssée de Catherine le Goff, présentation
Jeanne habite une ferme en Auvergne. En 1900, elle a 14 ans.

Son père la place comme cuisinière. Elle est en colère car elle doit abandonner ses chèvres, son chien et sa montagne. Son père ne l'aime pas mais elle doit rapporter de l'argent.

Avis La robe : Une odyssée de Catherine le Goff
C'est l'histoire d'une robe d'un très grand couturier. Au départ, Jeanne est une toute jeune fille qui vit dans le Puy de Dôme et qui s'occupe de ses chèvres. Elle est vendue par son père pour faire la cuisine pour des gens riches. Elle les suivra dans la région parisienne. Mais, cela se passe mal car la femme est extrêmement jalouse des attentions, du bonheur qu'éprouve le mari envers Jeanne. Elle sera mise à la porte mais elle ne partira pas sans rien. Jeanne dérobera une robe, qu'elle étudiera de fond en comble. Cela lui permettra une boutique où tout le monde se presse car elle a du talent. Elle sera aidée par son fils Paul.

Cette robe sera cédée, donnée à d'autres femmes. La robe traversera des pays. Elle sera sur le chemin de nombreuses jeunes femmes qui décèlent toutes le pouvoir de ce bout de tissu. Elles se sentent belles, elles séduisent avec, elles ont confiance en elles et une aura indéfinissable. Certaines vont également comprendre que même si elle semble avoir un pouvoir magique, la robe, même portée, doit être cachée, pour éviter qu'elle ne soit reconnue.

La robe sera étudiée par toutes les couturières rencontrée sur son chemin. Elle sera réparée quand elle en aura besoin. Elle suivra également le fil de la mode, mais sa coupe reste la même. Elle sera reconnue par toutes celles qui suivent la mode. Il leur suffit juste de palper le tissu, les coutures..

Au fil des ans qui passent, de la robe qui change de mains, ce sont des rappels des évènements importants de l'Histoire, les deux guerres, la chute du Mur de Berlin, les attentats aux Etats-Unis. On assiste à des trahisons, à des histoires d'amour qui font mal, à de beaux gestes également.

Ce que je peux en retenir est comment un objet, un vêtement puisse traverse aussi bien les années ? Comment cette robe est devenue un personnage à part entière. On la touche, on la cache, on lui parle comme à une vieille amie, elle fait partie de celle qui la porte, qui la garde. Cette robe a une âme. Elle est tombée sur de bonnes personnes qui ont pris soin d'elle. Cette robe entraîne également une obsession de la perfection.

Franchement, jusqu'à la moitié du livre, cela allait, je prenais plaisir à ma lecture, de connaître l'histoire de cette robe et des personnages. La seconde moitié, j'ai trouvé qu'il n'y avait pas de nouveauté, on passe simplement les années avec des rappels de personnages précédents qui ont vieilli, qui continuent leur vie avec son lot de souvenirs ou de tenter de se rappeler en revenant sur des lieux connus. Cela a gâché tout mon plaisir de lecture. La robe n'était plus réellement l'objet de ce roman. Elle faisait quelques incursions par ci, par là et a perdu toute son âme, même si elle faisait du bien à la personne qui la portait, qui se sentait protégée, avait confiance en elle.

J'ai au aussi du mal avec certaines tournures de phrases, que j'ai dû relire pour réellement les comprendre. Il ne faut pas se fier au nombre réel de pages de ce roman. C'est édité tellement serré que cela équivaut au double. D'où ce sentiment de ne pas tourner les pages assez vite car il n'y avait plus réellement d'actions. Il y a toutefois aux 3/4 un sacré rebondissement qui nous permet d'en savoir un peu plus sur Jeanne et ce qu'elle a vécu réellement, ce qui peut expliquer le pouvoir de la robe sur elle.
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Il y avait "Le chapeau de Mitterand" d'Antoine Laurain, il y a désormais "La robe" de Catherine le Goff. Je ne connaissais pas l'auteure et n'avais rien lu de la teneur de l'ouvrage… la découverte fut belle.

Cet ouvrage aurait tout aussi bien pu s'appeler "La petite robe noire", si ce n'était déjà pris par un sublime parfum… car il s'agit bien d'une robe – noire – qui traverse la vie sur plus d'un siècle. Portée par de nombreuses femmes, toutes particulières, voire étonnantes pour certaines, elle offre à chacune un petit supplément d'âme, de confiance, de bonheur, de chance. J'ai beaucoup aimé ce roman qui tient à la fois du précis d'Histoire, du manuel de psychologie, du guide de voyage, du roman d'amourS et même de l'intrigue policière … il y a tout de même quelques meurtres et enquêtes.

"La robe" est un récit très riche et extrêmement fouillé. Ce fil rouge – ou plutôt noir – que constitue le vêtement permet à l'auteure de nous dresser le portrait de très beaux personnages, de revenir sur des événements historiques et politiques de grande envergure, de nous faire voyager. Elle nous parle avec beaucoup d'émotion de la déportation des populations juives lors de la seconde guerre mondiale, de la chute du mur de Berlin ou encore, plus près de nous, des attentats du 11 septembre. Tout est évoqué dans le moindre détail, observé, analysé. J'ai, de plus, particulièrement apprécié l'écriture qui évolue en fonction des années. de surannée, au début, en 1900, lorsque Jeanne travaille pour Madame Darmentière, cette pimbêche désagréable, première propriétaire de la robe, elle devient de plus en plus débridée au fil des années.

La construction est parfaitement maîtrisée qui mêle chronologie et retours en arrière. J'ai suivi avec facilité et grand plaisir la vie de cette magnifique tenue, ses transformations et ses péripéties. Elle est volée, perdue, retrouvée, achetée et elle continue sa vie raccourcie, raccommodée, accessoirisée. Elle se fait passeuse de microfilms, tenue de scène, objet de musée. Un véritable ballet, une valse à cent dix ans qui s'achève presque là où elle avait commencé par une fin en apothéose.

Roman addictif, véritable page turner, je n'ai quitté "La Robe" de Monsieur qu'à la toute dernière page. Elle m'est allée comme un gant.

Lien : https://memo-emoi.fr
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critiques presse (1)
LaTribuneDeGeneve
18 janvier 2021
La sociologue française Catherine Le Goff publie un roman dont l?héroïne est une tenue de soirée griffée par un grand couturier. Original.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
L’univers de Jeanne était une ferme au cœur des volcans d’Auvergne, au lieu-dit Viallard. Sa vie allait lentement, la journée au milieu du troupeau de chèvres, la nuit endormie dans la paille des vaches. On était en 1900, elle avait quatorze ans quand son destin prit un nouveau tournant. Le père, comme tous les mardis, descendait sa cargaison de fromages au marché; ce jour-là, il se retourna et lui fît signe de monter. «Et mes chèvres?» Jeanne s’était hasardée à cette question, sachant qu’il ne répondrait pas. Les voilà partis à Volvic, le père bourru, pipe collée à la bouche et elle, partagée entre la peine de laisser son troupeau et l’excitation de la nouveauté. Elle aida le vieux à dresser les étals, observant çà et là les clientes qui venaient. De temps à autre, son regard filait en hauteur, sous les bras dressés de Notre-Dame de la Garde. Elle se demandait: Connaît-elle aussi bien que moi la montagne? Peut-elle, d’un coup de bâton, effrayer la vipère? Devine-t-elle l’orage avant qu’il gronde? Prise dans ses interrogations, elle ne vit pas s’approcher une fille coiffée d’une cotonnade blanche, les joues saisies par le froid. «Alors, la Rose, combien d’œufs?» fit le père. La fille tendit son panier, faisant signe avec les mains d’en mettre dix. Le père lui demanda si elle travaillait toujours chez le bourgeois. Celle-ci confirma et lui relata que sa patronne venait de renvoyer la Maxende, cuisinière à leur service depuis des années. Le Fernand flaira l’occasion de proposer les services de Jeanne qui savait cuisiner; il demanda à la Rose d’en parler dès son retour au bourgeois. Les deux se regardèrent comme si le marché était déjà conclu. «Et mes chèvres? Ma montagne?» Les cris sortirent de la gorge de Jeanne sans qu’elle pût les étouffer. Une volée fondit sur elle, faisant valdinguer au passage une dizaine de fromages. Le retour vers Viallard se passa comme à l’aller, en silence. Mais ce n’était plus un silence vide. Celui de Jeanne était le même que celui du chien Toby quand il avait mal fait son travail de chien et omis de prévenir de la perte d’un chevreau. Un silence fait de résignation. Jeanne avait vu son père et la Rose s’entendre. En quelques secondes, son horizon s’était vidé. Finis les montagnes dans ses quatre habits de saisons, le doux papillon qui se pose sur sa main, finis les siestes près du chien quand les bêtes sont au calme, le doux chant du rouge-gorge, et au loin, des clarines. Par la suite, il faudrait s’habituer à ne voir que des murs et son propre reflet dans les miroirs; c’est ce que sa sœur qui sert chez des notables de Riom lui avait raconté: «Ma petiote, ils voient que des murs toute la journée.» Jeanne avait alors demandé: «Mais quand ils ouvrent la fenêtre, ils la voient bien, la montagne?», ce à quoi sa sœur lui avait répondu: «Leur montagne, c’est pas la même montagne que la nôtre, c’est une qui est loin, une qui est si loin qu’elle ne sent plus rien, elle ne respire pas, on dirait qu’elle n’existe pas.» En se souvenant des mots de sa sœur, Jeanne sentit son cœur se déchirer. Elle scruta avec dégoût le dos voûté du père qui fredonnait en songeant à ce que la solde de sa fille allait lui rapporter. Quand il se tourna, elle lui vit les yeux luisants comme deux lampions; elle crut entendre sortir de sa cervelle embrumée de vin un tintement de pièces. Les conditions de vie à la ferme étaient difficiles et les revenus variaient fortement d’une année à l’autre. Le Fernand, comme les autres petits exploitants, peinait à survivre. L’arrivée d’un apport financier comme le salaire d’un enfant était bienvenue. Si l’école était devenue obligatoire, le père en avait retiré ses enfants dès douze ans pour tous les mettre au travail, une de ses filles était déjà domestique, deux fils secondaient un exploitant, quant à l’aîné, il avait été embauché à l’usine Michelin de Clermont-Ferrand.
Dès le lendemain, la Rose attendait devant la ferme aux aurores. Le père intima à Jeanne de faire son baluchon et la carriole prit le chemin du village. À l’arrière, Jeanne ne pouvait retenir ses larmes. Elle n’avait pu dire au revoir à son jeune frère Janot qu’elle aimait tant, caresser ses chèvres affublées de noms de fleurs, enfouir sa tête dans le cou du fidèle Toby. Elle n’avait pu faire un dernier tour dans les champs, histoire de sentir sur ses chevilles la rosée du matin et voir de ses yeux la couleur du jour qui se lève. Elle maudit la raison pour laquelle elle se tenait sur cette carriole à bestiaux qui l’arrachait à sa vie, un savoir-faire culinaire développé depuis ses cinq ans quand elle avait été mise à contribution pour préparer les repas familiaux.
Toute l’année, c’était soupes, pain, potées de pommes de terre, avec, lors des fêtes les tourtes, les civets; la liste de ses réussites était longue. Elle imagina tout oublier pendant les kilomètres qui la séparaient des Darmentière, si elle ne convenait pas, elle serait renvoyée; dans son esprit, s’érigea un plan de bataille, pour le premier repas, elle allait volontairement mal doser les ingrédients, proposant, ainsi, un plat indigeste. Le bourgeois filerait comme une flèche vers les commodités et renverrait l’auteure de ce dérangement. Une voix intérieure lui chuchotait qu’elle courrait à la catastrophe, le Fernand avait déjà fait ses comptes; peut-être même avait-il prévu, après l’avoir déposée, de pousser jusqu’à Riom pour acheter sa nouvelle carriole. Si elle était «remerciée», il lui tomberait dessus, peut-être même la tuerait-il? Ça s’était déjà vu dans la région, un père qui rossait tellement qu’il ne savait plus ce qu’il faisait.
Faisant vite taire ces supputations, Jeanne entra chez les Darmentière, sûre d’en sortir le lendemain. L’espace la frappa. Vaste, vide. La seule salle de réception devait faire la taille de la pièce unique de vie pour la famille à Viallard. Son nez aiguisé ayant appris dès le sein de la mère à emmagasiner des milliers d’odeurs chercha en vain un arôme familier. Il n’y avait aucun bruit non plus si ce n’était à l’étage des chuchotements, et le pas feutré d’une très jeune fille, un plateau à la main. Rose l’amena aux cuisines, où s’affairait une servante. Ça sentait le caramel, le lait chaud. Le cœur de Jeanne se réchauffa, il y avait des odeurs familières qui la replongeaient dans les petits déjeuners du matin lors de grandes tablées à la ferme, elle repensait aux bols de lait au miel. Rose lui prit des mains le baluchon et lui indiqua qu’elle dormirait en haut, sous les combles, elle retrouverait le soir ses affaires sur son lit. Dans l’immédiat, elle devait enfiler robe noire et tablier pour préparer le déjeuner. Jeanne montra de la tête la jeune fille. «Ah, c’est Gastienne, la fille du garde-chasse», fit Rose. La gamine observait la scène sans rien dire en touillant une espèce de mélasse; Jeanne alla se passer les mains sous le jet d’eau froide puis s’approcha d’elle, lui prit doucement la spatule des mains, la posa, et revint triturer à pleines mains le mélange pour évaluer le désastre. «On va mettre plus de farine, passes-y, petiote.» L’autre s’exécuta. Jeanne plongea sa main dans la farine, évalua intuitivement la quantité et la saupoudra sur le mélange. Elle pressa le tout avec ses doigts, étirant la pâte qui s’était épaissie. «Les pommes!» Gastienne avança le panier, prit un fruit et le pela, Jeanne l’imita; en quelques minutes, la pâte recouverte fut mise au four et dora. C’est lorsque Jeanne lui demanda comment elle avait atterri ici qu’elle comprit à son silence que Gastienne était muette. Elle songea, au vu du peu de débrouillardise de sa voisine, à la médiocre pitance que les bourgeois avaient dû engloutir avant son arrivée. Pendant que Gastienne nettoyait les ustensiles, Jeanne fit le tour des buffets. Elle ouvrit les placards, allant de surprise en surprise. C’était un royaume pour une cuisinière qui avait là un attirail complet n’ayant pratiquement pas servi. Elle en déduisit que Maxende avait dû se cantonner à quelques plats réclamant peu d’efforts culinaires; les palais des Darmentière avaient dû beaucoup s’ennuyer. Jeanne se sentit un élan, elle se mit en tête de mettre sur la table de ses maîtres un repas qui les épaterait. Envolé, le plan imaginé pour saper sa cuisine! Galvanisée, elle sortit ingrédients, plats, torchons, et disposa le tout sur la table. Au bout de deux heures, la cuisine sentait le civet de lapin, les patates bouillaient dans la marmite, et du four émanait un léger grésillement, la tourte aux pommes y frémissait. Le moment de faire monter les plats arriva. Marcelle, la domestique aperçue à son arrivée, chargea les plateaux et les monta un à un. Jeanne s’assit sur la chaise, et piqua sa fourchette dans un morceau de Saint-Nectaire. Son ventre se noua. Elle se prit à désirer très fort que les assiettes revinssent vides. Marcelle redescendit en toute hâte: «Monsieur en redemande.» Jeanne tendit le reste de civet qui fut transvasé dans une assiette, elle y ajouta deux pommes de terre. La Marcelle repartit aussitôt. L’appétit de Jeanne revint, elle remplit une assiette de saucisson, pain, fromage, et mangea goulûment. Marcelle passait de temps à autre pour remonter des fruits, de la tourte aux pommes. Jeanne ne craignait plus le fiasco, elle avait la preuve que son déjeuner plaisait. La tête de Marcelle passa dans l’embrasure: «Ils veulent te voir maintenant.» Jeanne se lava les mains, défit son tablier, vérifia la mise de sa coiffure et monta. De loin, elle les vit, si différents l’un de l’autre. Monsieur était gros, la chaise le contenait à peine, il parlait avec enthousiasme d’une affaire d’argent. Au bout de la table, Madame tenait sur une moitié de chaise, elle était grande et ne mangeait pas, son assiette contenait un petit bout de viande à peine attaqué.
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Les voix de ces quatre filles comportaient des accents différents racontant un voyage de la robe à travers le temps mais aussi l'espace géographique; ça piqua la curiosité de Lena. En les observant, elle trouvait ces femmes différentes d'elle et en même temps étrangement familières. Comme un fil invisible les reliait à travers cette histoire unique et secrète qu'elles avaient chacune eue avec la "Bonheur du Soir"
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Un vêtement a joué un rôle très important à deux moments de ma vie, ça m’a amenée à me poser des questions sur le sens de l’objet. Parfois, nous traversons notre existence et un objet nous accompagne avec sa propre histoire, il entre, il repart...Quand il revient vers nous, il est chargé d’un passé avec sa part de mystère. Pour un vêtement, c’est encore plus étrange, je trouve, il touche le corps.
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- Un vêtement à joué un rôle très important à deux moments de ma vie, ça m'a amenée à me poser des questions sur le sens de l'objet. Parfois, nous traversons notre existence et un objet nous accompagne avec sa propre histoire, il entre, il repart.... Quand il revient vers nous, il est chargé d'un passé avec sa part de mystère. Pour un vêtement, c'est encore plus étrange, je trouve, il touche les corps.
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En quelques secondes, son esprit éclipsa le motif de sa présence dans cette pièce, se venger de la Darmentière, de ses brimades et du fait que le lendemain à la même heure, une autre serait dans sa cuisine sans aucune raison, si ce n’est qu’elle avait trop bien fait son travail. Elle déplia le papier. Bruit magique d’un froissement d'ailes qui lui procura un léger frissonnement de tout son épiderme. Un carton blanc tomba sur lequel était écrit «Bonheur du Soir». Son cœur s’accéléra. Elle ne savait toujours pas ce qu’il y avait dans la boîte mais ce sentiment nouveau de recevoir un magnifique cadeau la galvanisait. Ces quelques secondes de plaisir assorti à l’interdit se gravèrent dans sa mémoire. Dès que le tissu d’une robe de couturier se détacha de la boîte, la Jeanne d’hier encore fillette se mua en femme. Elle percevait l’étoffe sous les nervures de ses doigts avec la conviction intime qu’elle ne s'en passerait plus. Le noir de l’habit entra dans ses prunelles, effaçant tout sur son passage, noir engouffrant tous les noirs de son monde, celui des corneilles sur la neige de l'Auvergne, les noirs grisés de la pierre des volcans, le noir de la nuit dans le lac Chambon, des yeux du père en colère. Elle déposa la robe sur le lit et fit un pas en arrière, ignorant si elle était en train de rêver ou vivait réellement l'instant. Hallucination. La robe se levait, se mettait à danser. En vérité, elle n'avait jamais vu pareil raffinement, c'était un vêtement à la fois simple et précieux. son plastron était ouvragé mais pas trop, juste pour qu'on remarquât qu'il s'agissait de l'œuvre d'un artiste. p. 27-28
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