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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je ne connaissais pas du tout Marin Ledun, et je suis enchantée d'avoir lu ce livre dont il est l'auteur.

Un roman pas simple à lire, je dois avouer qu'entrer dans le récit ne m'a pas été facile : beaucoup de noms de personnages, de sociétés, d'ONG…, beaucoup d'action dès le départ et une action rapide qui m'a tout de même amenée au coeur du problème du Nigéria : un de ces pays où les gouvernements se montent inactifs face aux difficultés d'une énorme partie de la population, un de ces pays où l'extrême misère côtoie l'extrême richesse, même si les groupes ont leur territoire, un de ces pays où la corruption bat son plein, où rien ne s'obtient sans bakchich, ou les jeunes femmes, voire adolescentes sont considérées par les « malfaisants » comme de la marchandise à livrer, un de ces pays où les droits humains sont plus que bafoués.

C'est dans ce contexte qu'évoluent les protagonistes : Serena, journaliste qui vient à Lagos afin d'enquêter sur la prostitution, qui se rendra compte de la situation des femmes, et comprendra le travail de Free Queens, ONG active qui milite pour le droit des femmes, Oni Goge, peut-être le seul policier honnête du pays, et qui découvre peu à peu les agissements de ses collègues et de a société qui commercialise la bière First en employant un grand nombre de jeune femme qui se prostitue afin d'écouler la marchandise.

Roman bien documenté, travail énorme de l'auteur, qui nous emmène dans les coulisses d'une société mafieuse pour laquelle tous les actes répréhensibles sont permis. Un roman basé sur des fait réels.

Un roman saisissant , une lecture accaparante, on se retrouve dans la peau de Serena, l'intrépide française qui comprendra vite combien la protection par autrui s'avère nécessaire, on prend en pitié ces adolescentes confrontées à la violence des proxénètes, on hurlera de rage face aux découverte du policier, on louera le travail admirable de personnes capables de se dévouer pour défendre une cause.

Effroyable terre que celle dont on sort à la fin du roman, pays où la pauvreté génère des comportement inhumains.

Un livre que je n'oublierai pas et que je conseille tout en me disant que le monde ne se porte pas si bien que cela, que je vis sans doute dans un cocon, et que la réalité est bien différente de ce que je perçois de la vie !
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Ca faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman noir. Pas un roman policier où l'enquête se déploie selon une logique immuable menant à l'élucidation d'un crime. Pas un thriller dont on tourne les pages avidement et dont on ne garde plus aucun souvenir sitôt la dernière ligne avalée. Un roman noir. de ceux qui vous démontent les vices d'une société, vous fichent le nez dans le nauséabonde et le scandale ordinaire des laissés pour compte. de ces romans qui, s'ils mettent bien le crime au coeur de leur dispositif, ne vous laisseront jamais croire que l'identification de son auteur restaurera la bonne marche du monde pour autant. Un vrai roman noir, grinçant, dérangeant.
Free queens excelle en la matière et j'ai tout aimé : le style de Marin Ledun, élégant, précis, à la bonne distance de son histoire, sans surplomb théorisant ou condescendant, sans cette fausse familiarité gouailleuse qu'aurait pu autoriser à certains le thème de la prostitution. Non, un style à la sobriété efficace, d'une facture discrètement classique. On est chez Gallimard ça se sent.
J'ai aimé l'intrigue aussi. Ici, il va s'agir de ne pas trop en dire. de ne rien raconter en fait. Ce qui rend difficile le commentaire… quelques mots pour poser le cadre : prostitution, Niger, trafic, Blancs, alcool, misère, journalisme, sororité… Car ce que j'ai aimé, c'est que tout ce que ce sujet aurait pu avoir de périlleux à être traité par un homme blanc sur le mode du roman policier ait été désamorcé. La question de l'enquête, de l'enquêteur, de la victime et du coupable, la question de la parole des femmes, des femmes noires dans un monde où l'argent est aux Blancs, la question d'un cas singulier qu'on érigerait en symbole permettant de s'exonérer de tous les autres, tout est revisité de manière subtile et parfaitement appropriée.
Je sors de cette lecture encore habitée par son rythme, j'ai dans les yeux les scènes qui s'y sont déroulées. Cette fois, la narration n'aura pas eu de fonction cathartique et rien n'aura été apaisé. Mais j'aurais eu, outre le plaisir de lire une très bonne histoire, l'impression d'appréhender un peu plus justement l'ampleur et la complexité du tableau. Et puis, malgré le caractère très sombre du constat, reste l'espoir de la révolte, le bienfondé d'une indignation pleine de grâce et d'énergie.
J'ai eu la chance de découvrir ce livre avant sa sortie. Voilà qui me donne le privilège de vous le recommander chaudement et de vous inviter à guetter sa parution fin mars. Quant à moi, après cette première incursion dans l'oeuvre de Marin Ledun, nul doute que j'y reviendrai. Si vous avez des recommandations en la matière, je suis preneuse !
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Marin Ledun est un de ces romanciers qui nous offrent des romans coup de poing.
Des regards acérés sur notre monde.
Qui choisissent un sujet sensible et nous bousculent dans nos certitudes et notre confort quotidien.
Cela reste du roman, mais ça fait réfléchir.
Free Queens est de ceux-là.
On peut fermer les yeux, se boucher les oreilles, se taire, ou, au contraire, prendre une gifle, assumer notre indifférence, s'éveiller à la colère des autres et soutenir leur combat.
Ici, Ledun, dans un roman noir addictif, nous entraîne dans les pas d'une journaliste.
Au milieu d'une nuit parisienne, Serena Monnier sauve une jeune adolescente des griffes d'un proxénète.
Jasmine est venue en France, pour réaliser son rêve. C'est un cauchemar qu'elle a vécu.
Pour dénoncer les faits, la journaliste va prendre tous les risques et aller à la source d'un trafic juteux et impitoyable.
C'est au Nigeria qu'elle va enquêter, aidée par des organisations telles que Free Queens.
La prostitution.
Véritable fléau qui fait des ravages parmi ces femmes (parfois jeunes filles) qui se laissent envoûter par de belles promesses.
C'est le plus bel avenir qu'on leur fait miroiter, c'est l'enfer qu'elles découvrent.
Derrière ça ?
Des hommes.
Parfois, des proches.
Des industriels aussi, qui sont prêts à tout, pour dominer les marchés et augmenter leurs bénéfices.
Peu importe qu'il y ait des victimes, seul le résultat compte.
Le commerce de la chair. Lucratif.
L'argent et le champagne coulent à flots, les corps sont livrés en pâture.
Tout s'achète, même le silence et sinon...on élimine.
Serena parviendra-t-elle à dénoncer l'impensable ?
Le combat est-il perdu d'avance ?
Et ce flic, que certaines méthodes révoltent, sera-t-il le grain de sable qui va enrayer la machine ?
Free Queens, un roman noir, terrifiant et bouleversant.
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Jasmine est une jeune prostituée originaire du Niger. En fuyant l'univers brutal de la prostitution, elle croise le chemin de Serena, journaliste française. Non seulement la jeune fille veut se sortir de cet enfer, mais elle rêve de vengeance.
« Jasmine Dooyum avait la rage chevillée au corps. Depuis son arrivée en France, elle ne s'était pas contentée d'attendre une occasion de s'enfuir, elle avait aussi réfléchi à ce qui se passerait après son évasion. »
Touchée par le témoignage de la jeune nigériane qu'elle décrit comme une guerrière, Serena prend la décision de partir à Lagos, ville de tous les dangers et des réseaux de prostitution. Aidée par une ONG qui lutte pour le droit des femmes, elle découvre l'ampleur de la traite des femmes, mineures pour certaines.
Entre le cynisme, la corruption et la bêtise, elle va remonter le fil et braver tous les dangers pour témoigner à son tour. Sa détermination va finir par irriter un gros magnat de la bière qui mêle business et traite des femmes tout en achetant le silence des édiles.
De nombreux personnages traversent ce roman noir, très noir, tous crédibles. L'histoire, bien documentée, montre les ressorts de cette économie parallèle. Face aux flics ripous, une poignée de femmes courageuses et déterminées à défendre leur liberté.

Avec talent, Marin Ledun nous entraîne dans un thriller haletant avec des personnages bien campés et des situations angoissantes. Bien ficelé avec une écriture incisive, ce roman se lit d'une traite

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On entame déjà la rentrée littéraire qui emporte tout sur son passage avec une déferlante d'ouvrages alléchants nous incitant à oublier toutes les nouveautés publiées depuis le début de l'année. Il en va ainsi de la littérature avec une offre foisonnante, quelque peu restreinte cette fois-ci avec la crise du papier, seul élément positif que l'on trouvera dans cette hausse prohibitive des prix touchant l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre. Mais avant d'aborder cette nouvelle période littéraire, il importe de revenir sur certains ouvrages marquant de l'année à l'instar de Free Queens de Marin Ledun qui a d'ailleurs fait l'objet d'une kyrielle de retours élogieux pour ce roman noir abordant le thème de l'exploitation des femmes au sein d'une grand groupe brassicole international qui s'en servent comme d'un outil promotionnel pour écouler leurs produits. Auteur d'une vingtaine de récits, Marin Ledun s'est intéressé aux dérives entrepreneuriales, après en avoir fait les frais au sein de France Telecom, dont il a évoqué les agissements et plus particulièrement les mécanismes de cette souffrance au travail, conduisant parfois au suicide, dans Les Visages Écrasés (Seuil 2011) où une médecin du travail d'une plate-forme téléphonique mettait à jour la stratégie malsaine d'une hiérarchie cherchant à évincer ses employés au gré d'injonctions paradoxales meurtrières. Dans un registre similaire, ce sont les pratiques amorales des fabricants de cigarettes que Marin Ledun a décortiqué dans le vertigineux Leur Âme Au Diable (Série Noire 2020) dénonçant un lobbyisme acharné aux allures mafieuses. S'inscrivant dans ce que l'on pourrait désormais considérer un triptyque des déliquescences du monde des grandes entreprises, Free Queens fait référence, sans d'ailleurs jamais la nommer, à la controverse qui a agité la multinationale Heineken ayant formé des milliers de prostituées afin de booster ses ventes au Nigeria et que le journaliste Olivier van Beemen a mis en évidence dans son ouvrage Heineken en Afrique (Rue de l'échiquier 2019).

Journaliste au quotidien le Monde, Serena Monnier est témoin des agissements violents de souteneurs s'en prenant à une jeune jeune prostituée nigériane dont elle recueille le témoignage avant de se rendre à Lagos pour enquêter sur la traite des femmes. Au sein de cette ville tentaculaire, elle est guidée par les militantes de Free Queens, une association luttant pour le droit des femmes. Elle va ainsi prendre conscience de l'ampleur des agissements criminels de réseaux prospérant grâce à la prostitution permettant notamment à des multinationales sans scrupule d'utiliser cette main-d'oeuvre à des fin commerciales.
A Kaduna, dans le nord du Nigeria, le sergent Oni Goje, affecté à la Fédéral Road Safety, sait bien que les autorités ne feront pas grand chose pour élucider le meurtre de deux jeunes femmes qu'il a découvert dans une décharge. Aussi reprend-il l'enquête à son compte pour tenter de rendre justice à deux victimes dont personne ne se soucie.
Deux enquêtes parallèles qui vont mener le policier et la journaliste dans le sillage de Peter Dicksen, directeur général marketing de MB Nigeria Inc, s'ingéniant à mettre en avant la bière First en pouvant notamment compter sur l'appui des flics corrompus de la Special Anti-Robbery Squad encadrant toute une cohorte d'hôtesses portant les couleurs rouge et or de la marque.

Serena Monnier, Favour Egbe, Jasmine Doom, Esther Lekwot, Treasure Jones sont indéniablement les reines de ce récit s'employant à dénoncer les affres de la prostitution au Nigéria ainsi que les ramification qui en découlent sous le regard "bienveillant" des autorités couvrant les activités des entreprises implantées dans le pays, profitant ainsi de ces femmes vulnérables qu'il exploitent afin de mettre en avant leurs produits et plus particulièrement la bière objet de grande consommation en Afrique. On salue ainsi le travail minutieux de Marin Ledun mettant en avant le travail de ces ONG à l'instar de Free Queens luttant pour défendre les droits des femmes au sein d'une contrée où l'on accepte que le mari puisse frapper son épouse tandis que la charge de la preuve repose sur la victime en cas de viol. Ce n'est ni plus ni moins que l'exploitation, la privatisation des corps pour un dessein purement commercial que l'auteur met en scène au travers du témoignage de ces militantes, mais également des victimes que son personnage central de journaliste compile afin de dénoncer une dérive insoutenable et d'une ampleur sans égal. Sans jamais avoir à la supporter, on devine l'impressionnante documentation que Marin Ledun a digéré pour restituer le foisonnement de détails nous permettant de nous immerger dans l'atmosphère âpre des villes de Lagos et de Kadura, tandis que le COVID s'abat sur ce pays déjà frappé par les épidémies du SIDA et du choléra. Il en résulte un climat oppressant ponctué des exactions de Peter Dicksen et de ses comparses de la Spécial Anti-Robbery Squad dont on découvre les agissements au travers de l'enquête du sergent Oni Goje mettant en exergue la violence institutionnalisée de cette unité policière qui a vraiment existé avant d'être démantelée suite au soulèvement d'une partie de la population nigérienne dénonçant ses exactions sous l'emblème #EndSARS. On le voit l'intrigue oscille brillamment entre réalisme et fiction en mettant en avant le courage de ces femmes unies prêtent à risquer leur vie pour défendre les droits et les intérêts des plus démunies d'entre elles. Et même si l'espoir est palpable, Marin Ledun nous ramène à la réalité cruelle des choses avec un épilogue sans ambiguïté où l'on retrouve les héroïnes de Free Queens rejoignant une manifestation #EndSARSnow au péage de Lekki, autre fait réel d'une fiction imprégnée en permanence d'un réalisme sans fard.


Marin Ledun : Free Queens. Éditions Gallimard/Série Noire 2023.

A lire en écoutant : Look and Laugh de Fela Kuti. Album : Teacher Don't Teach Me Nonsense. 2009 FAK Ltd under license tou Kalakuta Sunrise / Knitting Factory Records.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Marin Ledun est de ces auteurs qui adorent plonger dans la fange putride exhalée par le grand capitalisme. Après "Leur âme au diable" qui dénonçait l'emprise des lobbies cigarettiers, il aborde ici les horreurs du néocolonialisme, choisissant le Nigéria, pays le plus peuplé d'Afrique. 219 millions d'habitants dont 60% vivent avec moins de deux dollars par jours.
Pour les 40% autres, l'économie est plutôt florissante, toute entière orchestrée par des multinationales occidentales : les énergies fossiles, les métaux rares, et un nouvel Eldorado, la bière.
First, "the taste of love", la bière qui redonne goût à la vie, dope la virilité et redessine au passage les paysages de Lagos ou d'Abuja.
Quand la Master Brewers Nigeria Inc, dont le siège est aux Pays Bas, débarque avec son produit phare, c'est open bar. Un véritable boulevard de corruptions, d'opportunités, un marché gigantesque s'ouvre qui ne demande qu'à être cueilli. Et, quoi de mieux que le sexe pour moissonner ? de la brasserie aux bordels, il n'y a qu'un pas que les dirigeants de MB Inc. vont franchir allègrement.
C'est par cet angle que Marin Ledun affronte la pieuvre, s'inspirant du travail d'une journaliste française enquêtant sur les réseaux de prostitution qui tous, ramènent inéluctablement à l'entreprise philanthrope.
Parce qu'évidemment, c'est bien pour la prospérité et le développement du continent que ces valeureux hommes d'affaires d'affaires oeuvrent, dégainant pour preuve quelque fondation bienfaitrice pour couvrir l'ampleur du pillage tout en encaissant au passage les subsides versés aux ONG. Money is money...
Les femmes nigérianes, que le code criminel de 1990 oblige à assumer le fardeau de toute agression sexuelle, les acculant à fournir et financer les preuves des délits, et dont les maris peuvent user de sévices physiques tant qu'il épargnent la vue, l'audition, la parole et si possible la vie, n'ont souvent que leur corps comme moyen de subsistance . Quand elles ne s'exilent pas sur nos côtes, elles tombent dans les filets nationaux et sont enrôlées pour promouvoir le produit.
Free Queens est une association qui tente d'extirper du cloaque le maximum de jeunes femmes, et de stimuler une justice que la situation n'émeut guère.
L'histoire se déroule entre mars et avril 2020. Et l'on découvre effaré les effets des confinements africains. Lorsque seule l'économie parallèle nourrit les familles, l'enfermement tourne au crime organisé. Tandis que le pays comptait 96 cas de covid et 1 mort, la faim a jeter des millions de nigérians dans des situations dramatiques et violentes. En dépit des alarmes de Wole Soyinka, auteur nigérian prix Nobel de littérature, le président Buhari est resté inflexible, autorisant les forces de l'ordre à tirer à balles réelles. 18 morts en quinze jours...
Il est évident que Marin Ledun s'est inspiré d'une triste réalité. Quelques recherches rapides permettent de situer l'entreprise, non aux Pays Bas, mais du côté de la Belgique et corroborent les méthodes marketing employées.
Ce billet est long. Je suis en colère et dégoûtée. Mais dire mon dégoût et ma honte ne rendra aucune dignité aux nigérianes et à leurs soeurs de misère.
Il me permet juste de saluer le travail de cet auteur qui use des mots comme d'un révélateur.
Je clôture sur une petite méditation au crédit d'Aimé Césaire. " Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde."
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Free Queens de Marin Ledun est un roman qui dépasse et de loin le polar classique. Ici, on parle du Nigeria, pays le plus populeux d'Afrique avec 219 millions d'habitants. Boko Haram au nord et la corruption au sud, un pays où l'extrême richesse côtoie une pauvreté sans nom. Oni Goje est une sorte de Bruce Willis africain qui a démissionné de son poste d'inspecteur à cause de l'aveuglement volontaire de ses supérieurs, il est maintenant policier à la sécurité routière de Kaduna une sorte de Sin City, une ville rongée par la misère et gangrenée par la corruption. Au cours de son travail, il découvre les corps de deux jeunes femmes nues jetées sur le bord d'une route. Oni Goje veut rendre justice et découvrir leurs assassins, son enquête l'amène à découvrir les réseaux ou les proxénètes font la loi. Un réseau dirigé par Peter Dirksen un industriel de la bière qui vend le corps des femmes pour mieux écouler ses produits, va être dans la ligne de mire d'Oni Goje. En toile de fond, nous avons l'immense courage des femmes qui dirige une ONG à la défense des femmes Free Queens et de la journaliste Serena Monnier. le roman est plus complexe que les quelques lignes que j'ai écrites, mais j'espère qu'il suscitera la curiosité et l'envie de lire ce livre.
Moi qui ne connaissais du Nigeria que la musique de Sade, j'ai découvert au travers de ce roman une immense culture musical et un roman à lire prochainement La Prière des oiseaux de Chigozie Obioma.





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Juin 2019. Serena Monnier, une journaliste du Monde acccompagne le bus d'une association caritative qui sillonne les rues de la capitale à la rencontre de prostituées. Elle y fait la connaissance de Jasmine Dooyum, une adolescente de 15 ans qui se réfugie auprès d'eux pour échapper à ses souteneurs. La jeune fille a quitté Lagos avec la promesse de devenir coiffeuse et ne s'attendait pas à se retrouver sur le trottoir. Serena décide de remonter la piste du réseau de proxénétisme et se rend au Nigéria où elle rejoint les membres de l'association Free Queens, qui lutte quotidiennement contre les violences faites aux femmes dans un pays où règne la corruption.

A Kaduna, fournaise nigériane, l'usine Master Brewers abreuve le pays en bières à grand renfort de campagnes publicitaires agressives et de techniques marketing douteuses : de jeunes hôtesses, prostituées, venant de tout horizons, ont la mission d'inciter le consommateur à dépenser toujours plus. Les corps de deux d'entre elles sont retrouvés sur une aire de repos par le sergent Oni Goje de la police de la route. L'homme comprend que les forces de l'ordre ne méneront pas d'enquête pour deux prostituées, il entreprend alors de retrouver le ou les coupables de leur assassinat.

Ce roman, – on pourrait presque parler de témoignage tant il semble réaliste -, dresse tout d'abord l'état des lieux d'un pays ravagé entre autres par la pauvreté, le sida et les exactions commises depuis 10 ans par la secte Boko Haram qui terrorise la population. L'industrie y est en berne, sauf une filière au potentiel gigantesque : celui de la bière. L'urbanisation et la démographie du Nigéria sont en effet galopantes: il est le pays le plus peuplé d'Afrique et plus de la moitié de ses 190 millions d'habitants ont moins de 30 ans. Les industriels spécialisés dans ce domaine ont donc de quoi se livrer à une « guerre de la bière » où tous les moyens sont bons pour faire le plus de bénéfices possibles. Dans un pays corrompu jusqu'aux plus hautes strates de la société, les multinationales ont recours sans même se cacher aux réseaux criminels qui régissent le milieu de la prostitution à des fins commerciales : vendre le corps des femmes pour mieux vendre leur bière, sans autre considération. Vu l'ampleur du réseau qui semble agir en toute légimité sans se soucier des forces de l'ordre préalablement achetées par les industriels, les enquêtes de Oni Goje et de Serena Monnier semblent presque dérisoires et leur guerre perdue d'avance pour une cause que les nigérians eux même ne semblent pas défendre. J'ai apprécié leurs caractères trempés, leur opiniâtreté. Oni Goje, père de famille et bon époux, simple officier appartenant à la police de la route, entend, par sa quête de retrouver les meurtriers de deux jeunes innocentes, défendre les générations à venir. Quant à Serena Monnier, la journaliste française qui découvre ce pays profondément gangrené, elle ne fuit pas le danger même si sa sécurité est menaçée à plusieurs reprises et que les locaux lui font comprendre qu'elle n'a pas son mot à dire. A l'instar des autres membres d'association, elle se bat pour la cause des femmes avec courage et conviction.

Free Queens est un véritable roman noir qui décortique les vices d'une société malade où le profit est encore une fois à la base de toute déchéance. Un roman engagé qui permet d'approcher la réalité, donne des pistes pour comprendre et espérer un monde meilleur en dépit de toutes les horreurs qu'il nous présente. le style de l'auteur est sobre, s'attache à décrire les faits énoncés sans fioriture mais avec le souci de justesse, de précision. Les connaissances de l'auteur sur le sujet sont impressionnantes tant dans les considérations géopolitiques que dans le quotidien des personnages. le réalisme est profond, l'auteur évite les clichés, ne garde que le nécessaire à son intrigue et fait en sorte d'immerger le lecteur dans ce polar révoltant. le constat social semble désespéré, noir jusqu'au bout en dépit de quelques notes d'espoir qui émergent d'un dénouement particulièrement convaincant.

Je remercie chaleureusement Babelio ainsi que les Editions Gallimard pour ce roman offert dans le cadre d'une Masse Critique Mauvais Genre.


Lien : https://loeilnoir.wordpress...
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Préparez-vous à vous prendre un uppercut d'une extrême intelligence. Marin LEDUN aborde le proxénétisme en le liant à la commercialisation d'une marque de bière. Cela permet d'aborder la thématique de la prostitution, de nous révolter de ces pratiques, sans jamais tomber dans le sordide. Deux prostituées sont retrouvées assassinées sur le bord de la route. Goje décide de se révolter et de redonner un nom à ces deux femmes pour pouvoir leur offrir une sépulture décente par leur famille respective. Il va alors mettre le nez dans le fonctionnement de la prostitution nigériane, liée de très près avec une marque de bière au pratique révoltante. Cette industrie considère les femmes uniquement comme un morceau de chair destiné à favoriser la commercialisation de leur bières.
Parallèlement Serena une journaliste décide d'investiguer sur le milieu de la prostitution, aidée en cela par Esther, une fondatrice d'une association qui aide les prostituées ; et va elle aussi se pencher sur les liens prostitution / industrie de la bière.
C'est extrêmement bien écrit, avec une intelligence qui évite tous les clichés sur cette thématique compliquée à aborder. J'ai adoré tous ces personnages féminins, que ce soit la journaliste, la militante, toutes les prostituées qui se débattent pour sortir de cet enfer. Elles sont vraiment les reines de ce polar. Et je dirai qu'enfin, ce que j'ai le plus apprécié c'est la volonté de Marin LEDUN de nous faire réagir à la prostitution. Même si celle-ci semble présenter un visage plus acceptable, il ne faut pas oublier qu'il y a des personnes et des familles derrière.
Quant au final et jusqu'à la dernière ligne, il m'a laissé complètement sonné. Une oeuvre poignante qui doit nous pousser à nous révolter contre la prostitution sous toutes ses formes !! A ne pas rater.
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Jasmine Dooyum, adolescente prostituée nigériane, se réfugie dans un bus d'une association caritative en plein Paris. Elle y croise Serena Monnier, journaliste, elle lui raconte son parcours, exilée, esclave sexuelle sous la coupe d'un réseau de proxénètes... Serena décide de remonter le fil et part au Nigéria.

A Kaduna, nord du Nigéria, le sergent Oni Goje découvre 2 cadavres de jeunes prostituées. Lui aussi veut comprendre, agir, mettre un coup de pied dans la police corrompue, dans le capitalisme esclavagiste... 2 enquêtes parallèles commencent.

Marin Ledun propose un récit magistralement immersif. Il s'est inspiré d'une réalité documentée pour infiltrer les milieux de la bière qui pour s'implanter au Nigeria ont mis en place un véritable système mafieux et proxénète pour vendre leurs produits.

C'est puissant, noir voire abyssal et au milieu émergent deux personnages : Serena la journaliste et Oni le flic. On suit leur quête un peu désespérée avec un intérêt grandissant en même temps qu'une pression narrative qui monte graduellement.

Free Queens est un roman addictif d'une force progressive, qui s'installe irrémédiablement et laisse le souffle coupé une fois la dernière ligne lue. A ne pas manquer !
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