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Jean-Luc Allouche (Traducteur)
EAN : 9782020959650
320 pages
Seuil (21/02/2008)
3.95/5   20 notes
Résumé :
Beaufort, citadelle construite par les croisés au Sud-Liban, est une enclave israélienne en territoire ennemi. Durant les deux années 1999 et 2000 de la " sale guerre " du Liban - commencée en 1982 pour s'achever en mai 2000 avec l'évacuation totale des troupes sous les bombardements du Hezbollah - Erez, officier loyal de 22 ans, commande une section d'une quinzaine de très jeunes recrues envoyées en première ligne.

Beaufort n'est pas le récit d'une g... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
C'est Liraz, surnommé Erez qui parle. Jeune officier israélien de 22 ans, coincé à la tête de son bataillon à Beaufort. Beaufort, avant-post israélien au sud du Liban durant les dix-huit ans d'occupation israélienne du pays. Un pan tragique de l'Histoire du Moyen-Orient, vu du côté israélien.
L'histoire est celle du bataillon de 13 soldats et deux officiers envoyés en 1999, “un groupe de mômes, absolument seuls, sans adultes pour les encadrer “, pris dans l'engrenage d'une guerre et de décisions absurdes, dans la dernière année de l'occupation. Une occupation attestée déjà comme une erreur par le premier ministre de l'époque Ehoud Barak même, qui en avait déjà aussi décidé du retrait, un retrait qui sera définitif le 24 mai 2000. Ces jeunes hommes y seront quand même envoyé pendant un an, à s'emmerder, se faire tuer et pour en finir avec la sale besogne....
Erez est seul, terriblement seul, avec comme unique soutient son adjudant Oshrie, à la tête de treize jeunes , treize spécimens mâles aux testostérones en pleine effervescence ( l'effervescence poussé souvent un peu loin ), qu'il doit ramener sains et saufs en Israel. Son ennemi n'est pas seulement le Hezbollah mais aussi son supérieur, l'agressif Furman et surtout pour une cause absurde, des conditions de vie à la limite du soutenable où même la religion y passe ( la majorité des soldats envoyés au front étant des ultra-orthodoxes, vu que ceux sont les plus enthousiastes à exterminer les Palestiniens). Il se doit d'être vigilant, intransigeant, inhumain, et rebelle à ses supérieurs à ses heures, pourtant au fond, il est terriblement humain et lucide.

Bien que lisant beaucoup de littérature israélienne, hormis les essais, c'est la première fois que je lis de la fiction sur la vie militaire , grâce à ma copine babeliote Pecosa que je remercie en passant. La sensualité est pour moi la grande caractéristique de cette littérature et ici elle n'en fait pas exception. Lu dans sa traduction anglaise, une prose remarquable, riche en argot et autres mots du même genre frôlant le vulgaire qui passent bien ici, colorée d'un humour qui atténue le morbide de la situation. Inspiré de vrais témoignages de nombreux officiers et soldats sur place, l'auteur, le journaliste Ron Lesham explique son attirance pour cette histoire par le simple fait qu'il n'ait jamais porté l'uniforme, son unique expérience de guerre se limitant à un poste dans une unité de renseignement du Ministère de la Défense. le résultat est un livre remarquable peuplé de personnages attendrissants, de par leurs jeunesses, leurs peurs, leurs désirs, leurs espoirs, leurs amitiés, dont Ziv et Oshrie, qui à eux seuls incarnent l'absurdité de l'occupation.


“‘Fuck everyone! Give me one good reason why he died. For what?'”
“Why the fuck are we in this hell-hole anyway ?”
(J'emmerde tout le monde ! Donne moi une seule bonne raison pourquoi il est mort. Dans quel but?
Qu'est-ce-qu'on fout dans ce trou d'enfer enfin ?)

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C'est sans lui donner aucune vue d'ensemble préalable que l'auteur jette son lecteur dans ce bunker, Beaufort, comme les soldats y sont eux-mêmes projetés des convois qui les amènent. Avec eux nous sommes coincés, à l'étroit, pouvant à peine respirer tant l'air y est vicié : pieds, saucissons, latrines et transpiration. le récit est pourtant si bien rythmé que les pages tournent toutes seules. Alors on continue, on emmagasine les informations sur ces militaires israéliens à la frontière du Liban, leurs us et coutumes. On commence à comprendre ce qu'ils vivent sur ce front, dans ce fortin situé sur la frontière qu'ils protègent, pour ne pas qu'elle soit infiltrée par le Hezbollah : Dans le « sous-marin », on ne prend pas de douche qui nous rendrait trop vulnérable sans gilet pare-balle, et on n'enlève pas ses chaussures ni sa tenue pour dormir, histoire d'être opérationnel en cas d'attaque. Bien-sûr, malgré les précautions, des opérations foirent et des drames se produisent que l'on commence à ressentir avec eux.


Et ressentir, dans une lecture, c'est le début de quelque chose : On s'attache aux personnages, on apprend à les connaître au-delà de leur attitude provocatrice de guerriers, de leurs fanfaronnades de façade. On comprend leur besoin de rire, leur besoin d'amour, de s'occuper l'esprit ; leur besoin de se battre pour avancer, être utile, ne pas sombrer ; leur pétage de câble, leur distance avec tout ce qui les attache, les déconcentre, les affaiblit ; leur incompréhension des vies futiles de leurs concitoyens en même temps qu'ils les envient, et tentent de s'y projeter, de s'y intégrer même. Souvent en vain, à cause du décalage, ou car ils sont morts avant. de plus en plus, on entend leur peur, et leur colère aussi : quand la hiérarchie ne les soutient pas ; quand les médias disent n'importe quoi ; quand les leurs meurent dans l'indifférence ou bien, paradoxalement, lorsqu'on les empêche de se battre, d'aller au front chopper les terroristes qui ont abattu les leurs, lors du dernier convoi piégé, et de les ramener, morts ou vifs, pour venger les copains et protéger la population civile, là-bas, juste après la frontière où ils s'enterrent et veillent.


Oui, ils s'enterrent - vivants - avec en fond sonore les tirs ennemis et explosions, sentant leurs vibrations jusque dans leurs os. Ils s'enterrent dans ce fortin, d'où ils n'ont presque pas le droit de sortir car ils seraient des cibles faciles, surveillés qu'ils sont des collines alentours ; dans ce fortin d'où ils doivent, la plupart du temps, se contenter de surveiller les mouvements ennemis, et empêcher les terroristes d'approcher le camp pour miner les alentours et les voies d'accès - ou pire : prendre le fort par surprise et niquer tout le monde pendant leur sommeil. Alors pendant les tours de garde, interdit de fumer pour ne pas se faire repérer, interdit de poser les armes afin de pouvoir riposter immédiatement - et donc de fait, interdit de se branler, sûrement la pire interdiction de toutes. Interdit même de pisser. Parler, tu peux, tu dois même, lorsque les tiens meurent durant l'une des rares opérations commanditées hors du camp. C'est essentiel pour ne pas s'emmurer vivant dans son silence, sous tout ce béton ; autant dire pour ne pas devenir une tombe. A ton tour. Mais quoi dire pour meubler le vide que laissent les morts, qui ne soit pas tout aussi vide de sens ? Dire ce qu'il ne seront plus, ne feront plus. « Zitlawi ne se curera plus le nez au feu tricolore et ne passera pas au rouge, avec la police juste dans le dos (…), il ne sera pas père, ni grand-père, et il n'apprendra pas le saut en chute libre. Vous saviez que cet enfoiré voulait être para ? »


Une belle réflexion qui part de l'humain pour s'étendre une fois de plus au non-sens des guerres, à leurs conséquences autant sur les populations civiles que sur les soldats que nous y envoyons, aux conséquences physiques et psychologiques. L'un des intérêts de ce roman est, pour une fois, de nous montrer un monde militaire ni américain ni français. Ecrit comme un témoignage de l'un de ces officiers, avec ses mots bruts et crus masquant une grande sensibilité, ce roman délivre ses points de vue sur le monde et les gens qui l'entourent, rendant ce récit réaliste et poignant. La narration gagne en intensité jusqu'à littéralement l'explosion finale, nous empêchant de refermer ce livre avant de l'avoir fini. Je le referme, vivante, et je pourrais toujours le relire, ou lire autre chose, écouter le glouglou du café qui coule dans la cafetière, m'énerver contre mes voisins qui font du bruit, sentir la rosée sous mes pieds nus au petit matin, m'abandonner à la caresse du soleil sur la plage l'été… Grâce à d'autres hommes, d'autres soldats, qui se battent pour leurs pays, leurs concitoyens, jusqu'à leur offrir ce qu'ils ont de plus précieux : leur vie. Merci Booky pour le conseil de lecture.


« Et moi, entre temps, j'ai déclaré la guerre à l'humour noir. Parce que l'humour cache aussi la détresse, et presque toute la section en était atteinte. »
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Ce Beaufort-là n'a rien à voir avec le fromage au lait cru. C'est le nom d'une forteresse, ancien château médiéval en ruine situé près du village d'Arnoun au Liban, que les Croisés appelaient  « Beau fort » . Cet éperon rocheux qui offre une vue sur le sud-Liban et le nord d'Israël a toujours représenté un enjeu stratégique.
Le fort est tenu par l'O.L.P. dès 1976. Tsahal s'en empare en 1982 et renforce la forteresse. Le Hezbollah y envoie régulièrement des tirs de missiles et de mortiers.

Dans Beaufort, Ron Leshem raconte les derniers jours d'une petite unité avant que l'armée israélienne n'évacue le Liban en mai 2000. Erez Lebrati, 22 ans, commande une dizaine de très jeunes soldats venus de tous les milieux, des laïques, des religieux, des yéménites, des ashkénazes, un éthiopien, un Argentin… enfermés 24 heures sur 24 dans cette boite à sardines.
Les soldats, qui suivent des directives plus que vaines, tombent les uns après les autres. Quand ils ne doivent pas effectuer de sorties, ils se gavent de sucreries, passent leur temps à parler de sexe, à regarder des films avec Bruce Willis, ou le Roi Lion, se fichent la trouille, se vantent de leurs conquêtes, et pensent aux planqués qui se la coulent douce à Tel-Aviv.

Le récit atteint son acmé lorsque l'ordre d'évacuation reçu, les derniers soldats doivent faire exploser le camp pour éviter que le Hezbollah ne le récupère.
J'ai rarement lu un récit militaire aussi fort, écrit à la première personne, exercice casse-gueule s'il en est. J'ai même pensé qu'il était autobiographique tant l'immersion dans la forteresse paraît entière. Or l'auteur est journaliste et ce roman est le produit d'une longue enquête réalisée auprès des jeunes vétérans de l'unité.
L'âge des appelés, l'absurdité de la tâche qu'on leur a confiée (occuper le terrain et rester en vie), le nombre de morts, m'a immédiatement fait penser à la guerre du Vietnam et à l'excellent Retour à Matterhorn de Karl Marlantes, dans lequel de très jeunes hommes venus de toute l'Amérique s'acharnaient à prendre une colline, à la fortifier, et à l'abandonner.

Beaufort c'est l'ennui d'une bande de gamins d'une vingtaine d'années livrés à eux-mêmes, sous les tirs de roquettes du Hezbollah, l'intimité saisie au plus près, la promiscuité, et un avenir hypothétique pour ceux qui s'en sortiraient vivants: « C'est qu'il va bien se terminer un jour, notre centre aéré de guérilleros. Sur le terrain, on est très proches les uns des autres, puis survient l'évocation du retour à la vie civile et de la vie tout court, et alors là, on découvre que nous sommes si différents les uns des autres que c'en est incroyable »
Le style percutant, pétri d'argot, est le miroir de ce qui se passe à l'intérieur. C'est le cinquième roman israélien que je lis dont l'action se déroule dans un lieu quasi-clos, à croire que les petits espaces offrent une belle caisse de résonance.
Beaufort reste l'un des meilleurs récits de garnison et de combats que j'ai lus jusqu'ici, et le fait que l'auteur n'y ait jamais mis les pieds m'impressionne beaucoup.
Je vais quand même faire une pause en ce qui concerne ma découverte de la littérature du Proche Orient, et me tourner plutôt vers la Principauté d'Andorre ou du Bhoutan, pour un retrouver un peu de sérénité.
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Beaufort de Ron Leshem décrit les dernières semaines que vivent les membres d'une grarnison de l'armée israélienne, dans la forteresse du même nom au sud du Liban.
Avec un réalisme assez cru, l'auteur nous fait partager le quotidien de ces soldats. Tout y passe: problèmes sanitaires et alimentaires, difficultés d'approvisionnement, dureté des entrainements...
Nous vivons également les doutes et les angoisses de la garnison: peur de la mort, peur de la blessure, peur du retour au pays et de l'écart qui se sera creusé avec leurs compatriotes qui eux n'auront pas vécu la guerre...

Je n'aime pas la violence dans les mots comme dans la vie, et je pense que c'est cela qui m'a rendu la lecture de ce livre assez difficile.
Il s'agit d'un témoignage de qualité, très réaliste, très détaillé et qui interpelle sur la stupidité de toute guerre et sur les conséquences désastreuses qu'elle peut avoir sur une vie, quand elle ne l'arrête pas tout simplement. Juste pour cela, le livre vaut le coup d'être lu.
En revanche je ne qualifierai pas cette lecture d'agréable...mais peut être est-ce un sujet qui peut en passionner d'autres.
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Ce roman hyperréaliste est à l'origine une histoire vraie dont l'auteur s'est inspiré à la suite de conversations menées avec des officiers de l'armée israélienne. C'est avant tout un réquisitoire contre une guerre aberrante qui envoie de jeunes soldats servir de « chair à canon ». Un récit âpre sur une guerre manquée qui finit en débâcle. Un récit cru et nerveux, illustrant le sacrifice d'une génération de jeunes militaires à l'absurdité de la guerre. Il faut d'ailleurs souligner la prouesse du traducteur Jean-Luc Allouche pour avoir traduit ce texte de l'hébreu en faisant ressortir avec brio le langage militaire et l'hébreu des rues. Un roman qui fait office de reportage en évoquant l'horreur de la guerre. Un récit poignant et saisissant.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Beaufort, c'est Ochri. Il rampe vers moi, se couche à mon côté, me mouline l'oreille avec ses chuchotements. C'est toujours comme ça, avant que l'obscurité s'évanouisse, qu'il faut qu'on se taille, et lui, sa crise le saisit : "Dis-moi Erez, bihyat, sur ta vie, comment j'ai fait pour me retrouver ici ? Qu'est-ce que je fous ici déguisé en buisson ? Pourquoi je me peinturlure la figure ? Je suis quoi ? Un gamin ? Qu'est-ce que je fous dans cette forteresse de croisés, dis-moi, espèce de trou du cul ? Dis-moi, je fais de la figuration dans la Bible ? Je suis un demeuré pour pisser dans une bouteille ? Qu'est-ce que je branle ici sous moins mille degrés, dans la neige, à attendre de descendre je ne sais quel Arabe qui aura fait l'erreur fatale de quitter son lit à 3 heures du matin ? Ca te paraît logique ? Ensuite, je dois retourner dans cette poubelle répugnante où je me couche, là-haut, dans le bunker, c'est logique ? T'as vu où je dors, dis-moi ? Je me sens mal ici, très mal. Des adultes ne doivent pas vivre comme ça, le nez dans cette boue noire et blanche, en pleine nuit. C'est bizarre, trop bizarre pour moi. Ouvre les yeux : ça fait mille ans que des gens meurent sur cette montagne, il ne serait pas temps de baisser le rideau ? Sur ma vie, ça n'est pas logique, j'arrive pas à réaliser qu'il existe un endroit comme celui-là, Beaufort. Je te le dis : un endroit comme celui-là, ça devrait pas exister. Et on est là, tout englués dans ce cauchemar, par erreur.
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Départ de tir. Départ de tir. Et la bande musicale du dessin animé Le Roi Lion, qu'on aime beaucoup , se disloque sur le petit écran télé qui crachote, enneigé de temps à autre, ainsi que les films bourakas, la tarte à la crême dont raffolent les Orientaux et même les autres, une infinité de films bourakas, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. (...) Et les scènes de terreur, et les vols de science-fiction vers la lune, et Bruce Willis qui défourazille les terroristes qui se sont emparés d'un bâtiment, et nous on connaît par coeur chaque réplique et on les répète de nouveau, chaque fois. Boum! Boum! Boum!
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Une fois, Lilakh m’a demandé : « C’est quoi au juste, ton Beaufort ? » Et moi, j’ai pensé qu’il est très difficile d’expliquer avec de simples mots. Il faut avoir été là-bas pour comprendre, et même ça, ça ne suffit pas. Parce que Beaufort, c’est une foule de choses. Comme toute forteresse militaire, Beaufort, c’est le jacquet, du café noir et des toasts : on joue au jacquet en pariant des toasts. Le perdant les prépare pour tout le monde, quelque chose de costaud avec du basilic. Quand on s’emmerde plus que d’habitude, on joue au poker pour des clopes. Beaufort, c’est vivre sans un millième de seconde d’intimité des semaines entières avec sa section, lits emmêlés, et être capable d’identifier, en plein sommeil, l’odeur des rangers de chacun d’eux. Yeux fermés, réussir à tout moment à savoir qui a lâché un pet, en se repérant à l’odeur. C’est à ça qu’on mesure la véritable amitié. Beaufort, c’est mentir à sa mère au téléphone afin de ne pas l’inquiéter. Tu diras toujours : « Tout est super, je viens de prendre ma douche et j’allais me mettre au lit », alors que tu ne t’es pas douché depuis vingt et un jours, qu’il n’y a plus d’eau dans les citernes et que, dans une minute exactement, tu dois prendre ton tour de garde. Et ce n’est pas un tour de garde de routine : tu dois grimper vers la position la plus effrayante de la forteresse. Quand elle te demande la date de ton retour à la maison, tu lui réponds en code : « Maman, tu te rappelles le nom du chien des voisins ? Alors, enlève la valeur deux de la première lettre, et, ce jour-là précisément, je m’en vais d’ici. » L’essentiel est que le Hezbollah n’écoute pas et n’en profite pas pour faire exploser ton convoi.
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Fourman a donné ses instructions et les sections ont commencé à dérouler les mèches blanches entre les mines. Une telle mèche contient du TNT et du plomb, elle est enveloppée dans du jute et gainée de plastique blanc. Sa longueur est de cent-vingt-cinq mètres seulement, ce qui signifie qu’il faut en relier des dizaines de ce genre l’une à l’autre par des nœuds doubles si on veut en recouvrir tout un fortin. Ça prend au moins quatre heures de rang : passer d’une mine à l’autre, extraire la bande d’introduction, enfiler la mèche à l’intérieur du trou, charger l’explosif et, pour éviter les courts-jus, ajouter des branchements supplémentaires et des sécurités. Et à partir de ce moment-là, on le savait, il y avait le risque d’être tous pulvérisés. Risque difficile à évaluer en pourcentages, risque qu’on ne pouvait pas ne pas prendre, saisir que, peut-être, on disparaîtrait tous, car une mèche comme celle-là, si elle prend un coup, elle explose et emporte tout avec elle. Parce qu’une mèche qui se consumer à trois mille mètres à la seconde, aucune chance d’en réchapper.
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Mais moi, je me souviens des lumières de Kyriat-Chmona s’éloignant à l’horizon, cette nuit-là, les battements de cœur de toute la section, je te le jure, je les entends, la première fois qu’on gravit la crête. Le froid ne fait que se durcir. Et, à part nous, pas âme qui vive, et presque pas de village dans le secteur. Le convoi s’étire, l’épais brouillard l’avale, et l’on n’y voit pas à cent mètres. Les tanks se déploient pour nous couvrir. Pendant notre trajet, j’essaie de nous repérer à travers l’étroit sabord, détaille dans un murmure la carte des menaces, balance notre doctrine de combat en version abrégée. Je marmonne : « Interdit de parler. » D’où le coup va-t-il venir ? J’ai envie de crier au commandant qu’on s’éloigne trop de notre axe, mais je me mords les lèvres et me tais. À partir de ce moment, plus personne ne pourra me dire : « Tu n’as aucune idée de ce que c’est, le Liban. Attends d’y mettre un pied. » J’y suis, enfin, c’est l’essentiel. Une colonne interminable, une progression à pas de tortue – le Safari des vivres, le Safari des combattants, le Safari des essences, derrière eux le camion des munitions avec une grosse grue, un Abir avec le médecin et l’infirmier, encore deux Safari de combattants, le Hummer du commandant, le Hummer de l’adjoint, le Hummer des transmissions électroniques. Ochri me demande si j’ai apporté mes dessous fétiches. Ils sont sur moi, je lui fais signe, parce que notre sort dépend de mes caleçons, même si ça signifie trente-deux jours de crasse.
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Vidéo de Ron Leshem
Un écrivain israélien écrit sur l'Iran 1/3 .Auteur du très beau "Beaufort" en 2007, roman qui fut adapté au cinéma, l'Israélien Ron Leshem revient avec "Niloufar" (Le Seuil), un roman où il se met dans la peau de la jeunesse... de Téhéran ! Bientôt sur : http://www.rue89.com.
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