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EAN : 9782714308030
368 pages
José Corti (05/02/2003)
4.75/5   4 notes
Résumé :

Dans la Bithynie chrétienne du Ve siècle, vivait une jeune vierge nommée Marina. À l’âge de quinze ans, elle entra, à la suite de son père, dans un monastère d’hommes où, ayant réussi à dissimuler son identité sexuelle, elle mena une existence de contemplation et de pénitence. Après sa mort, l’Église la canonisa sous le nom masculin de Marinus. Traducteur et interprète de cette légende, le narrateur élabore le récit de son propre cheminement spirituel, à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ceci donne un roman assez "inactuel" où la mystique religieuse du sexe épouse la mystique religieuse avant de la relayer, et qui vient témoigner, dans son atemporalité, de la pérennité de fantasmes que chacun porte en lui, plus ou moins enfouis. Un roman d'où les préoccupations du monde semblent exclues, ou réduite à leur extrême vanité ; l'enceinte du monastère, la chambre, ou même le désert y occupant une place prépondérante.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Jusqu’au jour où elle avait suivi son père, répondant sans un mot, avec le seul mouvement de son corps, à la parole qui forçait son désir, Marina s’était contentée de rêver sur le Désert, mais, à vrai dire, elle en était dans l’ignorance. Ce n’était pour elle que l’au-delà des collines natales, un espace indéterminé qui offrait son lieu aux légendes et aux poèmes. Du Désert, il semblait que tout pouvait naître, les hordes de barbares aussi bien que la procession des saints, le magma des puissances sataniques comme le tourbillon des anges de lumière. Les récits qui disaient ces contrées étaient encore plus fabuleux que les histoires des navigateurs, en ce que l’anecdote s’y trouvait comme niée par l’immensité d’un espace toujours identique à lui-même et par la vacuité d’un temps qui défiait toutes les tentatives d’action. Aussi bien, ces récits présentaient-ils toujours l’avortement du désir et le tarissement des intentions. C’était comme s’il existait, dans le monde, un très vaste lieu dont la nature même était qu’il ne s’y passât rien – sinon des commencements sans fin, des aventures sans épilogue, des raisonnements sans conclusion, des illuminations sans retour. Et Marina avait écouté avec attention les légendes du sable et du vent. Elle y avait perçu, quelquefois, une note particulière qui les distinguait aussi bien des fantasmagories des marins que des anecdotes des voyageurs revenus de Byzance. Dans les récits des marins, l’action jouait toujours un rôle : il y avait toujours des hommes aux rames et au gouvernail – et les énigmes surgissaient de la tension des volontés et de la lutte contre les éléments ; les histoires de Byzance mettaient en jeu d’autres ressorts, infiniment plus compliqués et plus subtils, qui figuraient toutes les passions humaines jusqu’à cette passion des passions qui est culte du désir pour le désir, quel qu’il soit ; mais les récits du Désert véhiculaient le dérisoire et l’inutile et rendaient accablant le sentiment d’exister. Il semblait que le Désert fût à lui-même sa propre fin et qu’au-delà, il n’y eût rien. Alors que Byzance définissait la diversité, la multiplicité, l’équivoque et, finalement, la tentation du labyrinthe et tandis que la mer dessinait le cercle parfait où chaque point de départ est, en puissance, un point de retour, le Désert était un enfoncement infini par rapport auquel les chemins cessaient d’être des chemins et où les pas se perdaient et où les lendemains s’annulaient dans le même non-sens que les veilles. Et sans doute cette image de l’Absolu avait-elle exercé sur l’âme de Marina toute sa puissance de fascination bien avant qu’Eugène eût prononcé le nom de Maria Glykophilousa et donné le signal du départ. En suivant son père, elle avait simplement suivi l’une des voies ouvertes, depuis son enfance, au fond de ses rêves. Cela suffisait-il pour justifier son entrée dans la vie religieuse ?
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Toutes sortes de signes révélaient alors à l’adolescence religieuse sa vocation à la vacance du moi. C’était dans l’air, dans l’eau et sur la terre et toujours au-delà de toute prise immédiate, dans l’infini des rapports et des distances : affaire de vents et de senteurs, de jeux de nuages, de profils de paysages et du mouvement de la mer sur la grève. De participer à cette expansion dissolvante du réel, l’individualité perdait le sens de ses limites – et le nom qu’elle traînait avec elle en vertu du système de toutes les habitudes, voici qu’il se vidait de son épaisseur et accédait, mystérieusement, à la transparence de l’aléatoire : les trois syllabes de MA-RI-NA n’avaient alors pas plus de signification ni plus de portée que la rumeur qui émane des choses, en permanence, aux heures les plus creuses du jour – ou encore et plus encore que ce bruit de mer, en l’inconscience du temps, dont il semblait que son nom exprimât l’essence musicale dépourvue d’intention.
Il y avait, naturellement, à songer que son nom, destiné à la reconnaissance par les autres, n’avait nul autre sens que l’évocation de l’incessante fluidité des grandes eaux qui baignent le monde, une sorte de rémission de l’existence et comme le retrait des tensions, utiles à la vie de chaque jour, au profit d’un temps qui ne vise à rien d’autre qu’à son propre mouvement de prise et de reprise, d’afflux et de reflux, rejetant l’histoire, excluant le drame et réalisant une instance proche de l’éternel par la simple continuité de son rythme. Bien des récits traduisaient d’ailleurs, à leur façon, la leçon finale de la mer. C’étaient des récits d’immersion, d’érosion, de décomposition par les eaux. Ils disaient ou laissaient entendre que la mer, qui avait précédé toute forme de matière, aurait raison, inéluctablement, de toute matière et, d’abord, de toute forme – et que ce qui avait commencé par les eaux finirait par les eaux, comme si la résistance des êtres et leur obstination à faire face à la destinée n’étaient que sursis de dissolution. Et ils disaient aussi que les choses les plus belles étaient les premières à réintégrer l’océan originel : les villes, par exemple, qui avaient disparu dans les flots étaient toujours celles que l’on avait célébrées pour leur magnificence et leur prospérité et c’étaient les terres les plus fécondes et les paysages les plus intenses qu’un effondrement soudain ou un raz de marée avait un jour ramenés au bercail fondamental. Quant aux femmes, un destin de noyade était promis à celles dont la beauté réalisait tellement la perfection de l’être que la vie, pour elles, avait cessé d’être nécessaire et que, vierges ou amantes, saintes ou pécheresses, elles avaient rompu avec la consistance des choses et, se laissant aller à elles-mêmes, se laissaient aller à couler. Leurs noms avaient dû être si étranges que la mémoire humaine en avait perdu le souvenir. Mais au temps où Marina processionnait avec les jeunes filles de son village, au bord extrême de la plage, il lui semblait qu’en son propre nom courait le rappel de noms plus anciens : ceux des grandes submergées dont le rêve aquatique s’était accompli jusqu’au bout – tout comme il lui semblait que les eaux profondes et douces qui les avaient reprises faisaient partie de son corps, en un lieu charnel hors d’atteinte, dans l’ombre duquel mûrissaient ses désirs. Et c’était comme si d’être, alors, Marina, l’essence de ce qui n’est que passage, rythme et mouvance, s’équilibrait, en elle, avec le plaisir d’exister dans la richesse de son ventre et de ses membres, de sa croupe et de ses seins. Être femme, de terre et d’eau, c’était le grand bonheur bithynien que ne semblait altérer nulle saison en cette paix des jours qui liait le temps à lui-même comme une étoffe infinie et jamais rompue.
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Tel avait été, une fois pour toutes, le règne de Marina – un accord, à travers l’enfance et l’adolescence, avec un même paysage, dans la proximité de quelques êtres inlassablement quêtés du regard et approchés en une parole rare et pleine et, plus encore peut-être, dans le silence du cœur qui enveloppait les mots : Irène, Eugène, Timothée, quelques jeunes filles au regard plus sombre que la nuit et dont la démarche faisait croire qu’elles étaient nées de la mer. Et comme limites à ce royaume : le Désert – et Byzance.
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Souvenir de son village et désir de Byzance appartenaient à tout ce qui demeurait en lui d’obscur, d’humide, de végétatif, à cette sorte de ténèbre marine qui faisait partie de lui-même et dont ses désirs inquiets recherchaient l’image dans le puits près duquel il venait de préférence travailler. Au centre du monastère de Maria Glykophilousa, au centre du Désert, au centre de la Bithynie, ce puits unique et inépuisable formait une enclave de fraîcheur dans l’inhumanité du monde – et comme une réminiscence de nuit. Frère Marinus s’y sentait bien. Il s’y sentait chez lui. Par-delà tant de renoncements, c’était comme son domaine et, dans l’absence de tout autre miroir, comme une certaine image de lui-même – cependant que le règne du soleil s’étalait à l’infini et faisait crisser les pierres, dans la solitude de leur essence.
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Et maintenant, ce carrefour des directions de l’âme s’était modifié – ou plutôt déplacé. Frère Marinus occupait le Désert tout entier. À vrai dire, il ne régnait pas précisément sur l’immense étendue de pierre, de sable et de broussaille qui courait, de toutes parts, jusqu’à l’horizon. Il était plutôt comme un gravillon quelconque ou un galet ou une épine dans cette solitude – sans plus de sens ni de valeur (se disait-il). Mais si nul fût-il et si négligeable, il ne pouvait se désintéresser de ces deux mondes, hors de prise, qui, désormais, limitaient sa province : son village et Byzance. Et il comprenait bien que ces lieux, dont il ne connaissait réellement que le premier, entretenaient, dans sa mémoire et dans son imagination, un rapport essentiel avec sa féminité.
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Vidéo de Claude Louis-Combet
Otto Rank (1884-1939), la volonté créatrice : Une vie, une œuvre (1997 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 3 avril 1997. Par Bénédicte Niogret. Réalisation : Jean-Claude Loiseau. Avec Pierre Bitoun, Claude-Louis Combet, Alain de Mijolla, Aimé Agnel et Judith Dupont. Avec la voix d’Anaïs Nin. Textes dit par Jean-Luc Debattice. Otto Rank, né Otto Rosenfeld le 22 avril 1884 à Vienne et mort le 31 octobre 1939 à New York, est un psychologue et psychanalyste autrichien. D'abord membre du premier cercle freudien, secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et membre du « comité secret », l'évolution de ses recherches lui vaut d'être exclu de l'Association psychanalytique internationale en 1930. Il est considéré comme un dissident du mouvement international. Otto Rank est originaire de Vienne, issu d'une famille de la moyenne bourgeoisie juive. Fils de l’artisan d’art Simon Rosenfeld, il est contraint, dans un premier temps, de travailler lui-même comme artisan et de renoncer aux études supérieures. Il prend le nom de Rank à l'âge de dix-neuf ans, en référence au bon Dr Rank de la pièce d'Ibsen, "La Maison de poupée". Il lit à vingt ans "L'Interprétation des rêves" de Freud et écrit un essai que le psychanalyste Alfred Adler transmet à Freud. Il devient dès lors un psychanalyste du premier cercle et, en 1906, devient le premier secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et à ce titre, l'auteur des transcriptions des minutes de la société viennoise (conférences et d'échanges), de 1906 à 1918. En 1924, il publie "Le Traumatisme de la naissance", s'intéresse à ce qui se trouve avant le complexe d'Œdipe et propose une vision différente de celle de la psychanalyse d'orientation freudienne. Sigmund Freud l'analyse brièvement jusqu'à fin décembre 1924 puis le rejette ; Rank se trouve exclu des cercles psychanalytiques freudiens. En 1926, Rank s'installe à Paris, devenant l'analyste d'Henry Miller et d'Anaïs Nin, avec qui il a une courte liaison. Il voyage en Amérique, où il rencontre un certain succès. Il est invité notamment à la société de Rochester pour la Protection de l'enfance en danger où travaille alors Carl Rogers. Il est exclu de l'Association psychanalytique internationale le 10 mai 1930. En octobre 1939, il meurt à New York à l'âge de 55 ans, des suites d'une septicémie.
Sources : France Culture et Wikipédia
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