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« L'idée du moignon, du vide, ne quitta plus ses fantasmes. » « — Si tu veux, je peux repeindre ta vaisselle blanche et la décorer de lapins. Ou te fabriquer des coquetiers vernis avec le carton des rouleaux de papier toilette. Tu veux ? Elle a failli dire : “lapins amputés”. Quelle poisse qu'il ait rencontré cette Paula. Interdit de faire des blagues sur son affreux fétichisme, désormais. » Un livre qui rappelle tout de suite « Crash ! » de Ballard par son propos à la limite. Un livre qui nous parle des moeurs toujours en évolution constante, un bouquin qui a du piquant tout en étant croustillant. « C'est plus qu'un fétiche, songe-t-il. C'est la conviction que la femme de ma vie sera unique et que cela sera inscrit dans son corps. » La magie de ce livre, c'est que c'est avant tout une formidable histoire d'amour improbable mais réaliste. Cela transcende bien des amourettes en peccadilles de lettres. « Elle ne dit pas tout ce qui lui passe par la tête, par exemple : “Les toboggans sont les grands oubliés de l'architecture, il n'y a que les constructeurs d'avion qui en ont compris l'utilité.“ » Il faut savoir que Paula n'a pas perdu ses jambes, elle ne les a pas eues dés la naissance. « En général, mon sujet n'intéresse que les initiés. Je fais des recherches sur les locutions verbales. Ce sont des groupes de mots qui comportent un verbe et un ou plusieurs autres mots, des noms, des adjectifs, des prépositions ou des adverbes, qui donnent au verbe un sens particulier qu'il n'a pas quand il est isolé. » L'auteur n'arrête pas de questionner la langue et sa structuration dans le livre et, par là même, elle continue son étude de l'articulation entre les êtres. Au début, j'ai trouvé l'écriture un peu hachée, pas simplement à cause des passages rapides entre protagonistes mais dans sa manière même. Mais on s'y habitue, elle devient une sorte de périphérique urbain aux embranchements subtils et rempli d'éclairages en idées étincelles. « Ici, toutes les filles sont belles-soeurs, d'une manière ou d'une autre, mais bizarrement, au lieu de les diviser, cela les rapproche. Ici, Leo maîtrise les codes et le jargon. » « “Les potes avant les putes”, lancine dans sa tête une voix de rappeur, (…) » « Il sort du bureau à reculons et laisse la porte entrouverte. Il ne ferme jamais complètement les portes, le professeur Svedgården. » Le bouquin est écrit par un lesbienne non seulement assumée mais aussi militante (non acharnée) et cela se ressent. En fait, on sent qu'elle a mis pas mal d'elle dans ce bouquin, c'est presque un bouquin personnel. En particulier, les milieux des profs en secondaire et des universitaires sont aussi bien décrits « Il a besoin qu'une voix extérieure lui rappelle de respirer, l'encourage, lui dise qu'on peut déplier sa vie même si elle est froissée comme une boulette de papier. » Franchement, on fait tout un foin avec une saga comme " Vernon Subutex " (je n'ai lu que le premier) mais voilà un livre méconnu qui, selon moi, la vaut autant dans sa peinture de société avec réalisme, diversité, humour et sans complaisance. En bref, ce roman n'a pas volé le prix du Swedish Book Championship. Tout ce roman est finalement un livre très moderne sur l'interconnexion entre les humains. Son plus grand mérite étant de soulever des questions essentielles dans le divertissement et sans faire aucune morale. N'attendez pas pour le lire si vous vous sentez appelés… c'est une claque terriblement efficace ;o) « La vie n'est rien de plus que ce qu'on en fait. » « Ma mère disait toujours qu'on ne pouvait pas juger les gens tant qu'on n'avait pas été dans le même bateau qu'eux, et je lui répondais qu'on ne pouvait pas les juger tant qu'on restait vissé dans son propre bateau. » + Lire la suite |