Argent noir

Parmi tous les personnages récurrents du polar, j'ai un faible pour Lew Archer, le privé de Ross MacDonald. Et dans Argent noir, le dernier opus de la série republié par Gallmeister et traduit par Jacques Mailhos, c'est probablement lui l'intérêt principal du livre.

Car côté histoire, c'est plutôt alambiqué et convenu cette enquête dans les faubourgs de L.A. sur les traces d'un escroc français de haut vol, séducteur de jeune fille en manque d'amour et d'aventure, qui secoue le microcosme bourgeois local au point de réveiller les vieux dossiers patiemment enfouis dans un oubli qui arrange – presque – tout le monde.

Ça se laisse lire sans souci et c'est même plutôt plaisant, mais ça ne révolutionne pas le genre et on aura connu MacDonald plus inspiré, comme dans La Côte barbare ou L'Affaire Galton.

Archer s'y montre en revanche plus touchant que jamais. Délaissant la castagne et les méthodes habituelles du genre, c'est par ses réelles qualités empathiques envers les différents protagonistes et dans sa finesse d'approche qu'il détricote patiemment la belle histoire que l'on veut lui raconter.

Il apparaît ainsi sous un jour différent, capable de s'adapter à cette moyenne bourgeoisie californienne qu'il faut faussement câliner plus que violenter. Et ça change. Et ça séduit. Et ça donne envie de se replonger dans le prochain.

Nouvelle traduction de Black Money, déjà paru en 1972 sous le titre Mon semblable mon frère. Ce qui est embêtant avec ces nouvelles éditions, c'est quand on se surprend à acheter un livre qu'on a déjà. Surtout que Gallmeister se garde bien de mentionner la précédente traduction.
Bref. On retrouve avec plaisir Lew Archer, son flegme et ses réparties. Macdonald s'est plongé dans la culture et la politique françaises pour bâtir un personnage d'imposteur crédible. L'action est très ramassée, il y a beaucoup de personnages et ils parlent d'abondance à notre détective. Mais finalement on s'étonne de n'accorder que peu d'intérêt à un dénouement qui suit une intrigue un peu paresseuse. Il faut dire que Lew Archer passe beaucoup de temps à recueillir les confidences de femmes au foyer désespérées et insatisfaites. Une hôtesse d'accueil deux fois divorcée. Une veuve fauchée et alcoolique. Une mère de famille mal mariée à un homme qu'elle appelle papa. Une manipulatrice cupide. Une femme de médecin vieillissante et jalouse. Une jeune beauté manipulée. Archer réussit à ne pas s'y perdre et parvient de justesse à préserver sa vertu. Quant au lecteur, il est un peu déçu, malgré tout, en refermant ce roman.